Comptes courants d’associés : 12 décembre 2022 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 21/00961

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Comptes courants d’associés : 12 décembre 2022 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 21/00961

12 décembre 2022
Cour d’appel de Basse-Terre
RG
21/00961

2ème Chambre

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRET N° 628 DU 12 DECEMBRE 2022

N° RG 21/00961

N° Portalis DBV7-V-B7F-DLNY

Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en date du 28 juillet 2021, enregistré sous le n° 2020J00004.

APPELANT :

Monsieur [U] [W]

[Adresse 7]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Pascal Bichara-Jabour, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy (avocat postulant et Me Guillaume Brunschwig, avocat au barreau de Paris (avocat plaidant)

INTIMES :

Monsieur [S] [Z]

[Y]

[Localité 9]

Monsieur [F] [A]

[I]

[Localité 9]

S.A.S. Architectonique

Chez [S] [Z]

[Y]

[Localité 9]

S.A.R.L. Architectonik

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Ayant tous pour avocat Me Marc Grisoli de la SELARL NFL Avocats -Foulleul Grisoli Associés , avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy (avocat postulant) et Me Benoît PRUVOST, avocat au barreau de Paris (avocat plaidant)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Frank Robail, président de chambre,

Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller,

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 12 décembre 2022.

GREFFIER :

Lors des débats : Mme Armélida Rayapin, greffière,

Lors du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.

ARRÊT :

– contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Frank Robail, Président de chambre, et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

FAITS ET PROCEDURE

[O] [W], associé de la Sarl Architectonique et de la Sarl Architectonik avec MM. [S] [Z] et [F] [A], est décédé le [Date décès 1] 2018, laissant pour lui succéder son fils [U] [W].

Le 29 novembre 2018, à l’occasion d’assemblées générales extraordinaires tenues dans chacune des deux sociétés, MM. [S] [Z] et [F] [A] ont décidé, après avoir fait état du refus d’agrément de M. [U] [W] en qualité d’associé, de procéder à des réductions de capital social par rachat de parts sociales et de modifier en conséquence les statuts.

Par courriers du 18 février 2019, M. [F] [A] en qualité de gérant de la Sarl Architectonique et M. [S] [Z] en qualité de gérant de la Sarl Architectonik ont informé M. [U] [W] du refus d’agrément, du rachat par les sociétés des parts appartenant à son père et de leur annulation, ainsi que de la diminution corrélative du capital de chaque société.

La société Architectonique a alors versé à M. [U] [W] la somme de 76.581,89 euros en règlement du solde de compte courant d’associé de [O] [W] et celle de 27.060 euros en règlement du prix de rachat de ses parts sociales.

La société Architectonik lui a versé aux mêmes titres les sommes de 134.700 euros et 98.460,07 euros.

Par acte du 21 janvier 2020, M. [U] [W] a assigné M. [S] [Z], M. [F] [A], la Sarl Architectonique et la Sarl Architectonik devant le tribunal mixte de commerce de Basse-Terre afin d’obtenir :

– l’annulation des assemblées générales extraordinaires du 29 novembre 2018 des deux sociétés,

– l’acquisition de l’agrément en qualité d’associé à la date du 27 janvier 2019,

– la condamnation de MM. [S] [Z] et [F] [A] à lui payer :

– la somme de 297.000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice lié à la perte de son droit à dividendes pour les exercices 2017 et 2018,

– la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral,

– la publication de la décision à intervenir aux frais de MM. [S] [Z] et [F] [A].

Il demandait également qu’il lui soit donné acte de son engagement à rembourser les sommes de 134.700 euros et 27.060 euros perçues au titre du rachat des parts sociales de son père.

Par jugement contradictoire du 28 juillet 2021, le tribunal a :

– déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l’action engagée par M. [U] [W] en nullité des procès-verbaux d’assemblée générale des sociétés Architectonique et Architectonik en date du 29 novembre 2018 et en reconnaissance de sa qualité d’associé à compter du 27 janvier 2019,

– déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l’action ut singuli engagée par M. [U] [W] dans l’intérêt des sociétés Architectonique et Architectonik,

– déclaré recevable l’action de M. [U] [W] à l’encontre de MM. [S] [Z] et [F] [A] au titre de la responsabilité du gérant sur le fondement de l’article L.223-22 alinéa 1er du code de commerce,

– débouté M. [U] [W] de ses demandes de réparation du préjudice moral, de versement d’une provision au titre du préjudice résultant de la perte du droit aux dividendes des exercices 2017 et 2018 et de publication du jugement,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [U] [W] aux entiers dépens.

M. [U] [W] a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 08 septembre 2021, en indiquant expressément que son appel portait sur chacun des chefs de jugement, à l’exception de la recevabilité de son action en responsabilité à l’encontre de MM. [S] [Z] et [F] [A] et de la condamnation aux dépens.

MM. [S] [Z] et [F] [A] et les sociétés Architectonique et Architectonik ont remis au greffe leur constitution d’intimés par voie électronique le 27 septembre 2021.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 juin 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 10 octobre 2022, date à laquelle elle a été plaidée. La décision a ensuite été mise en délibéré au 12 décembre 2022.

Moyens

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ M. [U] [W], appelant :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 08 juin 2022 par lesquelles l’appelant demande à la cour :

– d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– de débouter les intimés de leurs demandes, fins et prétentions,

– de déclarer recevable et bien fondée l’action en reconnaissance de l’agrément d’associé réputé acquis à compter du 27 janvier 2019,

– de déclarer recevable la demande en nullité des assemblées générales extraordinaires du 29 novembre 2018 des sociétés Architectonique et Architectonik,

– de déclarer nulles et non avenues les assemblées générales extraordinaires du 29 novembre 2018 des sociétés Architectonique et Architectonik,

– subsidiairement, de dire qu’elles lui seront inopposables,

– de condamner solidairement MM. [S] [Z] et [F] [A] à lui payer à titre de provision sur la réparation du préjudice subi par la perte de son droit à dividende la somme de 743.220 euros (5x 148.644 euros) pour les exercices 2017 à 2021 inclus,

– de condamner in solidum MM. [S] [Z] et [F] [A] à lui payer la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral,

– au titre de l’action ut singuli, en conséquence de la nullité de la procédure de refus d’agrément et de rachat des parts sociales, de lui donner acte de son engagement à rembourser les sommes de 27.060 euros à la société Architectonique et 134.700 euros à la société Architectonik et de le condamner en tant que de besoin à restituer ces sommes,

– de condamner in solidum MM. [S] [Z] et [F] [A] à faire publier à leurs frais auprès du registre du commerce et des sociétés le dispositif du jugement concernant l’annulation des parts sociales et le rétablissement du capital social antérieur,

– en toute hypothèse, de condamner in solidum MM. [S] [Z] et [F] [A] à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

2/ MM. [S] [Z] et [F] [A], les sociétés Architectonique et Architectonik, intimés :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 07 mars 2022 par lesquelles les intimés demandent à la cour :

– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions , sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuant à nouveau,

– in limine litis :

– de déclarer M. [U] [W] irrecevable en sa demande de nullité des assemblées générales extraordinaires du 29 novembre 2018 des sociétés Architectonique et Architectonik,

– de déclarer M. [U] [W] irrecevable à exercer l’action ut singuli,

– en conséquence, de déclarer M. [U] [W] irrecevable en sa demande de nullité des assemblées générales extraordinaires du 29 novembre 2018 des sociétés Architectonique et Architectonik au titre de l’action ut singuli ainsi qu’en sa demande de publication du jugement à intervenir,

– à titre principal, de débouter M. [U] [W] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– en tout état de cause :

– de condamner M. [U] [W] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à payer à chacun des quatre intimés la somme de 5.000 euros au titre de la procédure de première instance et celle de 5.000 euros au titre de la procédure d’appel,

– de condamner M. [U] [W] aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

Motivation

MOTIFS DE L’ARRET

A titre liminaire, les intimés concluent, comme en première instance, à l’irrecevabilité de l’action de M. [U] [W] tendant à voir annuler les assemblées générales extraordinaires des sociétés Architectonique et Architectonik du 29 novembre 2018 lors desquelles les associés ont décidé de procéder à des réductions de capital social par rachat des parts sociales de son père décédé et de modifier en conséquence les statuts, ainsi qu’à l’irrecevabilité de l’action sociale ut singuli dans le cadre de laquelle il entend également obtenir l’annulation de ces assemblées générales.

Dans les deux cas, les intimés entendent se prévaloir du fait que M. [U] [W] n’a jamais eu la qualité d’associé des sociétés Architectonique et Architectonik.

Dès lors, avant d’apprécier la recevabilité des demandes de l’appelant, il convient de déterminer s’il a bénéficié de la qualité d’associé des sociétés en cause.

Sur la reconnaissance de la qualité d’associé des sociétés Architectonique et Architectonik :

Sur la recevabilité de la demande :

En première instance, M. [U] [W] a demandé au tribunal mixte de commerce d’annuler les assemblées générales extraordinaires du 29 novembre 2018 des sociétés Architectonique et Architectonik, mais également de constater l’acquisition de son agrément en qualité d’associé de ces sociétés à la date du 27 janvier 2019.

Les premiers juges ont cependant déclaré toutes ces demandes irrecevables pour défaut de qualité pour agir après avoir considéré que M. [U] [W] n’avait pas la qualité d’associé à la date des assemblées générales, qu’il ne la revendiquait en tout état de cause qu’à compter du 27 janvier 2019, et qu’en conséquence il n’avait pas qualité pour solliciter l’annulation des assemblées générales.

Cependant, en statuant ainsi, les premiers juges n’ont pas indiqué en quoi l’irrecevabilité de la demande d’annulation des assemblées générales pouvait priver M. [W] de la qualité pour exercer une action tendant à voir constater l’existence d’un agrément à la date du 27 janvier 2019, et donc se voir reconnaître la qualité d’associé à compter de cette date, alors qu’en sa qualité d’héritier d’un associé décédé il était soumis à une procédure d’agrément dont il pouvait parfaitement contester la régularité au regard notamment des articles L.223-13 et L.223-14 du code de commerce.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a déclaré cette demande irrecevable.

Sur le bien fondé de la demande :

Conformément aux dispositions de l’article L.223-13 du code de commerce, ‘les parts sociales des sociétés à responsabilité limitée sont librement transmissibles par voie de succession ou en cas de liquidation de communauté de biens entre époux et librement cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants.

Toutefois, les statuts peuvent stipuler que le conjoint, un héritier, un ascendant ou un descendant ne peut devenir associé qu’après avoir été agréé dans les conditions prévues à l’article L. 223-14. A peine de nullité de la clause, les délais accordés à la société pour statuer sur l’agrément ne peuvent être plus longs que ceux prévus à l’article L. 223-14, et la majorité exigée ne peut être plus forte que celle prévue audit article. En cas de refus d’agrément, il est fait application des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 223-14. Si aucune des solutions prévues à ces alinéas n’intervient dans les délais impartis, l’agrément est réputé acquis.

Les statuts peuvent stipuler qu’en cas de décès de l’un des associés la société continuera avec son héritier ou seulement avec les associés survivants. Lorsque la société continue avec les seuls associés survivants, ou lorsque l’agrément a été refusé à l’héritier, celui-ci a droit à la valeur des droits sociaux de son auteur.

Dans les cas prévus au présent article, la valeur des droits sociaux est déterminée au jour du décès conformément à l’article 1843-4 du code civil’.

L’article L.223-14 dispose quant à lui que ‘les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte.

Lorsque la société comporte plus d’un associé, le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n’a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications prévues au présent alinéa, le consentement à la cession est réputé acquis.

Si la société a refusé de consentir à la cession, les associés sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de ce refus, d’acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil, sauf si le cédant renonce à la cession de ses parts. Les frais d’expertise sont à la charge de la société. A la demande du gérant, ce délai peut être prolongé par décision de justice, sans que cette prolongation puisse excéder six mois.

La société peut également, avec le consentement de l’associé cédant, décider, dans le même délai, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ces parts au prix déterminé dans les conditions prévues ci-dessus. Un délai de paiement qui ne saurait excéder deux ans peut, sur justification, être accordé à la société par décision de justice. Les sommes dues portent intérêt au taux légal en matière commerciale.

Si, à l’expiration du délai imparti, aucune des solutions prévues aux troisième et quatrième alinéas ci-dessus n’est intervenue, l’associé peut réaliser la cession initialement prévue.

Sauf en cas de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux, ou de donation au profit d’un conjoint, ascendant ou descendant, l’associé cédant ne peut se prévaloir des dispositions des troisième et cinquième alinéas ci-dessus s’il ne détient ses parts depuis au moins deux ans.

Toute clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite’.

En l’espèce, les statuts des sociétés Architectonique et Architectonik prévoyaient le recours à une procédure d’agrément en cas de décès de l’un des associés.

L’article 14.1 de la société Architectonique est ainsi libellé :

‘En cas de décès d’un associé, la société continue entre les associés survivants et les héritiers ou ayants-droit de l’associé décédé, et éventuellement son conjoint survivant, sous réserve de l’agrément des intéressés par la majorité fixée pour l’agrément des cessions entre vifs au profit des tiers.

Les héritiers, ayants-droit et conjoint doivent justifier de leur qualité héréditaire dans les trois mois du décès par la production de l’expédition d’un acte de notoriété ou d’un extrait d’intitulé d’inventaire, sans préjudice du droit par la gérance de requérir de tout notaire la délivrance d’expéditions ou d’extraits de tous actes établissant lesdites qualités.

Dans les huit jours suivants la production ou la délivrance des pièces précitées, la gérance adresse à chacun des associés survivants une lettre recommandée avec demande d’avis de réception lui faisant part du décès, mentionnant les qualités des héritiers, ayants-droit ou conjoint survivant de l’associé décédé et le nombre de parts concernées, et lui demandant de se prononcer sur l’agrément desdits héritiers, ayants-droit ou conjoint survivant. Ces dispositions sont également applicables au partenaire pacsé survivant.

La gérance peut également consulter les associés lors d’une assemblée générale extraordinaire qui devra être convoquée dans le même délai de huit jours que celui prévu à l’alinéa précédent.

La décision prise par les associés, qui n’a pas à être motivée, est notifiée aux héritiers et ayants-droit dans le délai de trois mois à compter de la production ou de la délivrance des pièces héréditaires.

A défaut de notification dans ledit délai, le consentement à la transmission de parts est acquis.

En cas de non agrément des héritiers, ayants-droit, conjoint survivant ou partenaire pacsé survivant, les associés survivants sont tenus de racheter ou de faire racheter leurs parts dans les conditions prévues ci-dessus pour les transmissions entre vifs’.

L’article 14.2.1 des statuts de la société Architectonik prévoit quant à lui :

‘En cas de décès d’un associé, la société continue entre les associés survivants et les héritiers directs, ainsi que le conjoint survivant de l’associé décédé et tous ayants-droit d’une manière générale, sous réserve qu’ils soient agréés dans les conditions de l’article 14.1

Pour l’application du présent article, lesdits héritiers et ayants-droit, s’ils ne sont pas héritiers directs ou conjoint, doivent justifier lors de la notification décrite au premier paragraphe de l’article 14.1.3 de leur qualité héréditaire par la production de l’expédition d’un acte de notoriété ou d’un extrait d’intitulé d’inventaire, sans préjudice du droit, pour la gérance, de requérir de tout notaire la délivrance d’expéditions ou d’extraits de tous actes établissant lesdites qualités’.

L’article 14.1.3 relatif à la procédure d’agrément dispose que :

‘Dans le cas où l’agrément des associés est requis et lorsque la société comprend plus d’un associé, le projet de cession est notifié par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à la société et à chacun des associés ou courrier remis en main propre contre décharge.

Dans les huit jours à compter de la notification qui lui a été faite en application de l’alinéa précédent, la gérance doit convoquer l’assemblée des associés pour qu’elle délibère sur le projet ou consulter les associés par écrit sur ce projet.

La décision de la société est notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou courrier remis en main propre contre décharge.

Si la société n’a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière notification prévue au deuxième alinéa ci-dessus, le consentement à la cession est réputé acquis’.

En l’espèce, [O] [W] est décédé le [Date décès 1] 2018, laissant pour lui succéder un seul héritier, son fils [U].

Après deux rappels adressés par l’avocat des sociétés Architectonique et Architectonik à Maître [B], notaire à [Localité 8], le 18 septembre 2018 et le 23 octobre 2018, l’acte de notoriété après décès a finalement été dressé par ce notaire le 27 octobre 2018. Les intimés indiquent que les sociétés en ont été destinataires à cette date. En conséquence, le délai de trois mois imparti aux sociétés pour statuer sur l’agrément de M. [W] expirait le 27 janvier 2019.

Par courriers datés du 5 novembre 2018, qualifiés de ‘courriers en la forme recommandée remise en mains propres’, M. [A] en sa qualité de gérant de la Sarl Architectonique a demandé à M. [Z], en sa qualité d’associé survivant, de se prononcer sur l’agrément de M. [U] [W], en faisant part de sa propre opposition en qualité d’associé. De son côté, M. [Z] en sa qualité de gérant de la Sarl Architectonik a demandé à [A], en sa qualité d’associé survivant, de se prononcer sur la même question, en faisant également part de sa propre opposition en qualité d’associé.

Par courriers du 08 novembre 2018, qualifiés de recommandés remis en main propre, dûment réceptionnés par les gérants des sociétés Architectonique et Architectonik ainsi qu’en attestent les signatures apposées sur ces documents, les associés des deux sociétés ont fait part de leur refus d’agrément de M. [W] et ont sollicité la convocation d’assemblées générales extraordinaires afin de régulariser la situation de ces sociétés.

M. [W] conteste la régularité de cette procédure en indiquant, d’une part, que les statuts de la société Architectonique prévoyaient une consultation par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et, d’autre part, que la clause des statuts de la société Architectonik qui ne prévoyait pas le recours à un courrier recommandé pour procéder à cette consultation était contraire aux dispositions de l’article R.223-12 du code de commerce.

Cependant, l’article R.223-12 du code de commerce dispose que ‘dans le délai de huit jours à compter de la notification du projet de cession, le gérant convoque l’assemblée générale des associés pour qu’elle délibère sur le projet de cession de parts sociales ou, si les statuts le permettent, consulte les associés par écrit sur ce projet.

La décision de la société est notifiée au cédant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception’.

Contrairement à ce que soutient l’appelant, la référence à l’envoi d’un courrier recommandé avec demande d’avis de réception ne concerne donc pas la consultation des associés mais la notification de la décision de la société.

Le fait que les statuts de la société Architectonik n’aient pas imposé le recours à une lettre recommandée avec demande d’avis de réception n’est donc pas contraire au texte susvisé, qui ne fait état que d’une consultation par écrit.

Par ailleurs, le fait que les statuts de la société Architectonique aient prévu une consultation par courrier recommandé avec accusé de réception ne permet pas au candidat à l’agrément, en cas de non respect de cette formalité, de se prévaloir du non respect d’une disposition qui n’a pas été introduite dans son intérêt et qui en tout état de cause ne revêt qu’un caractère probatoire, puisqu’elle n’a pas été expressément prévue à peine de nullité.

Or, en l’espèce, les courriers datés du 05 novembre 2018 et les réponses réceptionnées le 08 novembre 2018 permettent de s’assurer que la consultation des associés a bien eu lieu par écrit dans les huit jours de la transmission de l’acte de notoriété de M. [W], ce délai, qui devait expirer le dimanche 4 novembre, ayant été reporté au lundi 5 novembre.

Ce refus d’agrément a été repris dans les rapports des gérants en vue des assemblées générales extraordinaires qui se sont tenues dans les deux sociétés le 29 novembre 2018. Dans le cadre de ces rapports datés du 12 novembre 2018, qui sont produits par M. [W] en pièce 8 de son dossier, les gérants rappelaient le refus d’agrément exprimé par les associés et proposaient le rachat par les sociétés des parts sociales détenues par [O] [W] en vue de leur annulation sur la base d’une valorisation au 31 octobre 2018, propositions qui ont été validées lors des assemblées générales du 29 novembre 2018 dont M. [U] [W] sollicite l’annulation. Les procès-verbaux de ces assemblées générales ont été déposés au greffe du tribunal de Basse-Terre le 30 novembre 2018, ainsi qu’en attestent les tampons apposés sur les pièces produites en côte 8 du dossier de l’appelant, ce qui permet d’écarter tout doute concernant l’existence, la date ou le contenu des documents antérieurs.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le refus d’agrément a bien été exprimé par les associés des deux sociétés dès le 08 novembre 2018 et aucune irrégularité ne peut donc être retenue de ce chef.

En ce qui concerne la notification du refus d’agrément, l’article L.223-14 du code de commerce, qui est d’ordre public, dispose que la notification doit intervenir dans le délai de trois mois à compter de la notification du projet de cession. L’article R.223-12, qui lui n’est pas d’ordre public et peut donner lieu à des aménagements statutaires, prévoit une notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

En conformité avec ces dispositions, les statuts de la société Architectonique prévoient une notification aux héritiers et ayants-droit dans le délai de trois mois à compter de la production ou de la délivrance des pièces héréditaires, sans prévoir de forme particulière, et les statuts de la société Architectonik prévoient que la décision de la société est notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou courrier remis en main propre contre décharge.

Cependant, la formalité de la lettre recommandée a été stipulée dans le texte réglementaire de l’article R.223-12 à titre simplement probatoire et non comme condition de validité du refus d’agrément, la seule condition de validité de ce refus étant qu’il soit notifié dans le délai de trois mois conformément à l’article L.223-14, ce qu’il appartient à la société de prouver en cas de contestation.

En l’espèce, il n’est pas contestable qu’aucune notification d’un refus d’agrément n’a été adressée à M. [W] par courrier recommandé avec demande d’avis de réception ou courrier remis en main propre contre décharge avant le 27 janvier 2019.

En effet, les seuls courriers recommandés qui lui ont été adressés et dans lesquels étaient évoqués ces refus d’agrément sont datés du 18 février 2019.

Néanmoins, par courrier électronique du 23 novembre 2018, soit postérieurement à la consultation des associés et à leur réponse du 08 novembre, M. [Z] a écrit à M. [W] : ‘Comme notre avocat [P] [E] l’a écrit le 18 septembre à ta notaire (après que je te l’ai dit personnellement), nous avons décidé avec [F] de ne pas te maintenir en qualité d’associé des sociétés Architectonique et Architectonik conformément aux statuts des deux sociétés qui ont été modifiés à la demande de ton papa précisément sur ce point, en ajoutant une clause d’agrément car il ne voulait pas se retrouver associé des enfants de [F] dans la même situation. Tu ne peux donc pas dire que tu es notre associé dans ces 2 sociétés’. Dans le reste du courrier, M. [Z] confirmait à M. [W] que des virements allaient lui être adressés à titre de ‘provision à valoir sur la valorisation des participations de ton père au capital des sociétés Architectonique et Architectonik’.

Par courrier électronique du 27 novembre 2018, M. [U] [W] a répondu au courrier de M. [Z] précédemment cité en indiquant ‘Bonjour [S], J’ai eu mon comptable, je dois m’entretenir avec lui ce jeudi. Bonne journée’.

La chaîne des messages électroniques permet de s’assurer que la réponse du 27 novembre faisait bien suite au message du 23 novembre 2018 et donc de prouver que M. [W] a bien été destinataire de la notification du refus d’agrément dans les deux sociétés à la date du 23 novembre 2018, soit avant l’expiration du délai de trois mois prévu par l’article L.223-14.

Outre cette notification formelle à la date du 23 novembre 2018, la lecture des échanges intervenus entre les parties permet de constater que M. [W] avait déjà été informé que les associés des sociétés Architectonique et Architectonik ne lui accorderaient pas d’agrément.

En effet, cette question a été abordée de vive voix entre les parties lors d’entrevues survenues au cours de l’été 2018 puisque, dans un courrier adressé le 18 septembre 2018 à la notaire de M. [W], l’avocat des sociétés et de MM. [Z] et [A] indiquait : ‘mes clients l’ont informé de ne pas le maintenir en qualité d’associé’. Par ailleurs, dans un courrier électronique du 16 novembre 2018, M. [Z] écrivait à M. [W] que les sociétés allaient devoir ‘annuler’ les actions de son père.

Il convient de constater que M. [W] n’a jamais expressément manifesté son souhait de bénéficier de l’agrément et qu’il n’a pas non plus fait part de la moindre contestation après avoir été informé de ce refus d’agrément, ni après avoir reçu le courriel du 23 novembre 2018, ni après avoir reçu les courriers recommandés du 18 février 2019 puisque, dans le courrier en réponse adressé par son avocat aux deux sociétés le 21 mars 2019, il n’a contesté que la valeur de rachat de ses parts sociales.

Dans ces conditions, il est établi que M. [W] a bien été informé du refus d’agrément dans le délai de trois mois suivant l’envoi de son acte de notoriété.

Conformément aux dispositions des articles L.223-13 et L.223-14 précités, lorsque la société a refusé de consentir à l’agrément d’un héritier, les associés sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de ce refus, d’acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil, y compris par le biais d’une réduction de capital. Si aucune de ces solutions n’intervient dans les délais impartis, l’agrément est réputé acquis.

Par courriers du 18 février 2019, M. [F] [A] en qualité de gérant de la Sarl Architectonique et M. [S] [Z] en qualité de gérant de la Sarl Architectonik ont informé M. [U] [W] que, suite au refus d’agrément, les sociétés allaient procéder au rachat des parts appartenant à son père et à leur annulation.

La société Architectonique a fixé la valeur de rachat des parts à 27.060 euros et la société Architectonik à 134.700 euros et toutes les deux ont immédiatement procédé au virement de la somme correspondante, après déduction des acomptes déjà versés à M. [W].

M. [W] conteste la régularité de cette procédure de rachat en indiquant que la valorisation des titres sociaux aurait dû être faite selon la procédure prévue par l’article 1843-4 du code civil et non de manière unilatérale par les deux sociétés.

L’article 1843-4 prévoit que ‘dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible. L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.’

Conformément à ce texte, le recours à la procédure d’expertise n’est donc prévu qu’en cas de contestation et il est constant que ce terme suppose que l’une des parties manifeste son désaccord sur la valeur de rachat des droits sociaux telle qu’elle est proposée.

Or, en l’espèce, M. [W] n’a jamais exprimé le moindre désaccord jusqu’à la réception des courriers du 18 février 2019, alors qu’il était en possession de ‘l’avant-projet de note de travail relatif au rapport d’analyse sur la valorisation des parts sociales des sociétés Architectonique et Architectonik’ établi le 03 août 2018 par le groupe AACE, qui a été repris par les sociétés pour fixer le prix de rachat des parts payé le 18 février 2019.

Par courrier du 28 octobre 2018, M. [W] a ainsi confirmé avoir pris connaissance de ce document et a simplement précisé : ‘En ce qui concerne la valorisation évoquée plus haut, je m’engage à revenir vers les associés dans les semaines à venir avec une nouvelle expertise’.

Par la suite, M. [Z] n’a eu de cesse de lui demander de transmettre ses observations sur le projet de valorisation des parts sociales afin que la situation puisse être réglée rapidement. Il le lui a ainsi demandé par courriers électroniques des 15 novembre 2018, 16 novembre 2018, 23  novembre 2018 et 03 décembre 2018. A chaque fois, M. [W] a répondu qu’il allait relancer son expert comptable, mais il n’a jamais fait le moindre retour sur la valorisation, ni indiqué que la proposition qui lui avait été faite ne lui convenait pas.

Par courrier électronique du 28 janvier 2019, M. [W] a simplement écrit à M. [Z] : ‘Suite à l’entretien avec mon comptable, il me signifie qu’afin de permettre la régularisation de la déclaration de succession de mon père, conformément aux articles 86 et suivants du code des contributions de [Localité 9], il faudrait que vous me fassiez parvenir les projets des comptes et bilans de l’exercice 2018 des sociétés afin de porter dans ma déclaration la valeur vénale complète des droits sociaux détenus par ce dernier (alinéa 3 de l’article 88 du code des contributions).’

Néanmoins, cette demande de production de documents comptables n’était destinée qu’à régler des problèmes liés aux droits de succession et elle ne saurait en aucun cas être considérée comme la contestation d’un projet de valorisation que M. [W] n’évoque même pas dans ce courrier.

Manifestement, M. [W] n’a jamais pris conscience qu’il se trouvait dans le cadre d’une procédure de rachat forcé de ses actions consécutif au refus d’agrément, ce qu’il reconnaît d’ailleurs en page 35 de ses conclusions en indiquant qu’il ‘estimait, à juste titre, qu’il se situait dans la cadre de négociations de gré à gré de ses droits sociaux’.

Dès lors, en l’absence de contestation, les sociétés Archictonique et Architectonik n’étaient pas tenues de recourir à la procédure d’expertise prévue par l’article 1843-4 du code civil et elles ont régulièrement procédé au rachat des parts sociales dans les trois mois de la notification du refus d’agrément faite le 23 novembre 2018, soit le 18 février 2019.

M. [W] conteste également la régularité de la procédure d’annulation des parts sociales, considérant qu’en vertu des dispositions d’ordre public de l’article L.223-14 du code de commerce, il aurait dû autoriser cette annulation.

En effet, l’alinéa 4 de l’article L.223-14, applicable en cas de refus d’agrément en vertu de l’article L.223-13, dispose que ‘la société peut également, avec le consentement de l’associé cédant, décider, dans le même délai, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ces parts au prix déterminé dans les conditions prévues ci-dessus’.

Cependant, il est parfaitement constant que l’héritier d’un associé n’obtient lui-même la qualité d’associé que lorsqu’il bénéficie de l’agrément, lorsque les statuts prévoient le recours à cette procédure. En cas de refus de cet agrément, l’héritier ne devient jamais associé.

En conséquence, la société peut parfaitement procéder à la réduction de son capital et au rachat des parts de l’héritier sans avoir à obtenir d’autre autorisation que celle de ses associés, ce qui a été le cas en l’espèce puisque les réductions de capital ont été autorisées lors des assemblées générales extraordinaires du 29 novembre 2018.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il est établi que M. [U] [W] n’est pas en mesure de se prévaloir d’un agrément tacite, que la procédure de rachat des parts était régulière et qu’il n’a en conséquence jamais acquis la qualité d’associé des sociétés Architectonique et Architectonik à la date du 27 janvier 2019.

Sa demande à ce titre sera donc rejetée.

Sur la recevabilité des actions tendant à l’annulation des assemblées générales extraordinaires du 29 novembre 2018 :

Sur l’action en nullité des assemblées générales :

En se fondant sur les dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, relatif aux fins de non recevoir, et des articles 1179, 1180 et 1181 du code civil, relatifs aux nullités, les premiers juges ont retenu que M. [W] ne disposait pas de la qualité d’associé des sociétés Architectonique et Architectonik à la date à laquelle se sont tenues les assemblées générales extraordinaires contestées, et qu’en conséquence, les nullités relatives ne pouvant être soulevées que par les personnes que la loi entend protéger, en l’occurrence les associés, il n’avait pas qualité pour en solliciter l’annulation.

M. [W] relève à juste titre que dès lors qu’aucun texte n’impose que le demandeur à l’action soit actionnaire de la société à la date de la délibération dont il poursuit l’annulation, son action en annulation ne pouvait être déclarée irrecevable au seul motif qu’il n’était pas associé à cette date (Com., 4 juillet 1995, pourvoi n° 93-17.969).

En revanche, il est tout aussi constant, que l’héritier non agréé n’a pas à être convoqué aux assemblées et n’a donc pas qualité pour agir en nullité d’assemblées générales (Com., 27 mars 2019, pourvoi n° 17-23.886).

En conséquence, seul l’héritier qui a obtenu un agrément est recevable à solliciter l’annulation d’assemblées générales, même si elles ont été tenues avant qu’il ne devienne associé.

Cette règle, protectrice des droits des héritiers dont la qualité d’associé pourrait être obtenue au terme d’une procédure d’agrément ou reconnue au terme d’une contestation de cette même procédure, n’est pas de nature à constituer une violation du droit au procès équitable prévu par l’article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ou du droit au respect des biens prévu par l’article 1er du protocole n°1 de cette convention.

Dès lors, la cour ayant précédemment constaté que M. [W] n’avait jamais été agréé, il est établi qu’il n’avait pas qualité pour solliciter l’annulation des assemblées générales du 29 novembre 2018.

Pour contourner cette difficulté, M. [W] soutient que la nullité en cause serait une nullité d’ordre public puisque sa demande d’annulation des assemblées générales sur le fondement de l’article L.235-1 du code de commerce est justifiée par la violation des dispositions d’ordre public de l’article L.223-14 du même code et sur ‘une fraude affectant non seulement ses droits, mais également le capital social et les statuts des sociétés en cause, portant atteinte à l’intérêt général en plus de ses intérêts particuliers’ (page 37 de ses conclusions).

Cependant, la cour de cassation a rappelé que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général, tandis que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde d’un intérêt privé. Lorsque les nullités ont pour objet la protection d’intérêts particuliers, elles ne peuvent être invoquées que par la personne ou le groupe de personnes dont la loi assure la protection. Dès lors, seuls les associés sont recevables à contester la régularité d’une assemblée générale (Com., 27 mars 2019, pourvoi n° 17-23.886).

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a considéré que la nullité des assemblées générales était une nullité relative et il convient d’en déduire que M. [W], qui n’a jamais été associé, n’est pas recevable à exercer d’action en nullité sur le fondement de l’article L.235-1 du code de commerce.

Sur l’action sociale ut singuli :

Ainsi que cela a été initialement rappelé, M. [W] entend également solliciter l’annulation des assemblées générales dans le cadre de l’exercice de l’action sociale ut singuli prévue par l’article 223-22, qui dispose que ‘les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants’.

Il soutient en effet qu’en raison des agissements de leurs gérants, qualifiés d’abus de biens sociaux, les sociétés ont subi une réduction injustifiée de leurs réserves puisqu’elles ont été contraintes de procéder au règlement du montant de ses parts sociales, et que ce préjudice doit être réparé par l’annulation des assemblées générales litigieuses.

Cependant, il suffit pour écarter la recevabilité d’une telle action de rappeler que son exercice est réservé aux seuls associés.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a déclaré M. [W] irrecevable en sa demande d’annulation des assemblées générales des sociétés Architectonique et Architectonik du 29 novembre 2018 et en ce qu’il l’a déclaré irrecevable à agir dans le cadre de l’action ut singuli dans l’intérêt de ces sociétés.

Sur l’inopposabilité des assemblées générales du 29 novembre 2018:

M. [W] demande pour la première fois à la cour en cause d’appel, si elle devait considérer que l’annulation des assemblées générales est impossible, de les lui déclarer inopposables.

A titre liminaire, les intimés concluent à l’irrecevabilité de cette demande sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile qui dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Cependant, ainsi que le soutient M. [W], la demande tendant à voir déclarer les assemblées générales inopposables tend en ce qui le concerne aux mêmes fins que la demande d’annulation de ces assemblées générales, l’objectif étant que l’annulation des parts sociales détenues initialement par son père ne puisse pas lui être opposée.

En conséquence, cette demande doit être déclarée recevable sur le fondement de l’article 565 du code de procédure civile qui dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En revanche, sur le fond, il convient de rappeler que conformément à l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Or, en l’espèce, M. [W] ne développe aucun moyen au soutien de sa demande d’inopposabilité.

Par ailleurs, cette demande apparaît dépourvue d’objet dans la mesure où la cour a estimé qu’il n’avait jamais été associé des sociétés Architectonique et Architectonik et que la procédure de rachat de ses parts était régulière.

Dans ces conditions, M. [W] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur l’action en responsabilité formée par M. [W] à l’encontre des gérants au titre des fautes de gestion :

Conformément aux dispositions de l’article L.223-22 du code de commerce, les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Aux termes d’un chef de jugement qui n’a pas été déféré à la cour, les premiers juges ont déclaré l’action formée à ce titre par M. [W] recevable, cette action étant ouverte à toute personne qui se prévaut d’un préjudice découlant d’une faute de gestion ou d’une violation des statuts.

Sur le fond, M. [W] soutient que les gérants se sont rendus coupables de fautes de gestion en commettant des faits susceptibles d’être qualifiés de faux et d’usage de faux afin de l’évincer du capital social en le spoliant d’une partie de son héritage.

A ce titre, il indique que les procès-verbaux d’assemblée générale constituent des faux au sens pénal dès lors :

– qu’ils font état ‘d’un refus d’agrément déjà affecté d’une cause de nullité (absence de lettre recommandée avec avis de réception pour la consultation sur l’agrément)’, alors que le délai de trois mois n’était pas encore écoulé,

– que la valeur de rachat de chaque part sociale est évoquée alors qu’il avait émis un désaccord sur ces prix,

– que les gérants ont délibérément violé les statuts et les règles applicables,

– que ces falsifications lui ont causé un préjudice puisqu’elles ont abouti à la perte de ses droits sociaux, au rachat de ses parts sociales à un prix arbitraire et à la perte de son droit à dividendes pour les exercices 2017 à 2021.

Il reproche en outre aux gérants d’avoir fait usage de ces faux en les publiant au registre du commerce et des sociétés.

Cependant, il ressort des éléments précédemment développés que les gérants des sociétés Architectonique et Architectonik ont régulièrement consulté les associés survivants sur la question de l’agrément de M. [U] [W] et que tous ont fait part de leur refus de l’agréer dès le 08 novembre 2018, avant l’expiration du délai de trois mois. Les procès-verbaux d’assemblée générale ne contiennent donc aucune allégation fausse à ce titre.

En ce qui concerne la réduction du capital social, les procès-verbaux sont rédigés de la façon suivante : ‘L’assemblée générale, connaissance prise du rapport de la gérance, décide sous la condition suspensive de l’absence d’opposition formée par des créanciers sociaux, de réduire le capital social de trois mille euros [trois mille trois cents euros pour Architectonique] pour le ramener à deux mille euros [mille sept cents euros pour Architectonique] par voie de rachat de 100 parts sociales de 10 euros chacune [33 parts sociales de 100 euros chacune pour Architectonique], moyennant un prix de mille trois cent quarante sept euros pour chaque part [huit cent vingt euros pour Architectonique]. La différence entre la valeur nominale des parts rachetées et le prix de rachat sera imputée sur les réserves et, pour le cas où celles-ci seraient insuffisantes, sur l’acompte sur dividendes’.

Il ressort des termes de ces procès-verbaux que la valeur retenue pour la valorisation des parts sociales correspond à celle retenue lors de la finalisation de l’opération de rachats des parts sociales de M. [W] le 18 février 2019, dont la validité n’a pas été remise en cause au terme du présent arrêt.

En conséquence, M. [W] échoue à démontrer la fausseté des mentions contenues dans ces procès-verbaux et donc à rapporter la preuve des fautes de gestion alléguées.

Dans ces conditions, il ne peut se prévaloir d’aucun préjudice moral susceptible d’être indemnisé et d’aucune perte de droit à dividende suite au décès de son père, dès lors qu’il n’a jamais eu la qualité d’associé.

S’agissant de la période antérieure au décès de son père, soit les exercices 2017 et 2018, M. [U] [W] n’est pas fondé à se prévaloir d’une perte de dividendes à titre personnel, ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges.

Par ailleurs, il ne peut pas non plus valablement soutenir qu’il exercerait une action successorale pour cette période alors que le préjudice tiré de la perte de droits à dividendes serait antérieur à la faute de gestion, qui n’aurait été commise que postérieurement au décès de son auteur.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de réparation au titre du préjudice moral et de la perte du droit aux dividendes pour les exercices 2017 et 2018. Y ajoutant, la cour déboutera M. [W] de ses demandes au titre de la perte du droit aux dividendes pour la période de 2019 à 2021.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

M. [U] [W], qui succombe à l’instance, sera condamné aux entiers dépens.

L’équité commande d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de condamner M. [W] à payer aux intimés, pris ensemble, la somme globale de 3.000 euros sur ce fondement au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions contestées, sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l’action engagée par M. [U] [W] en reconnaissance de sa qualité d’associé à compter du 27 janvier 2019 et en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Déclare recevable l’action engagée par M. [U] [W] en reconnaissance de sa qualité d’associé à compter du 27 janvier 2019,

Déboute M. [U] [W] de sa demande à ce titre,

Condamne M. [U] [W] à payer à M. [S] [Z], à M. [F] [A], à la Sarl Architectonique et à la Sarl Architectonik, pris ensemble, la somme globale de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande de M. [U] [W] tendant à se voir déclarer inopposables les assemblées générales extraordinaires de la Sarl Architectonique et de la Sarl Architectonik du 29 novembre 2018,

Déboute M. [U] [W] de cette demande,

Déboute M. [U] [W] de sa demande au titre de la réparation de la perte de droit à dividende pour la période de 2019 à 2021,

Condamne M. [U] [W] à payer à M. [S] [Z], à M. [F] [A], à la Sarl Architectonique et à la Sarl Architectonik, pris ensemble, la somme globale de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’instance d’appel,

Déboute M. [U] [W] de sa propre demande à ce titre,

Condamne M. [U] [W] aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Et ont signé,

La greffière Le président

 

 


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