13 décembre 2022
Cour d’appel de Besançon
RG n°
21/00199
1ère Chambre
ARRÊT N°
DR/LZ
COUR D’APPEL DE BESANÇON
– 172 501 116 00013 –
ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2022
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 11 octobre 2022
N° RG 21/00199 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EKVQ
S/appel d’une décision du tribunal de commerce de VESOUL en date du 29 décembre 2020 [RG N° 2019000542]
Code affaire : 35Z Autres demandes relatives au fonctionnement du groupement
[N] [W] C/ [J] [M]
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [N] [W]
né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 5] ([Localité 5])
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD
Représenté par Me Karine SARCE, avocat au barreau de DIJON
APPELANT
ET :
Monsieur [J] [M]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 6] ([Localité 6])
Demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉ
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Monsieur Jean-François LEVEQUE, Conseiller et Monsieur Dominique RUBEY, vice-président placé
GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Monsieur Jean-François LEVEQUE, Conseiller et Monsieur Dominique RUBEY, vice-président placé
L’affaire, plaidée à l’audience du 11 octobre 2022 a été mise en délibéré au 13 décembre 2022. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
Exposé du litige
**************
Faits, procédure et prétentions des parties
M. [N] [W] et M. [J] [M] ont été associés à parts égales dans la SAS Simon Gauthiot D’Ancier (société SGA) au capital de 20 000 euros, exploitant un restaurant La Prévôté à [Localité 5] (70), à compter de 2016, M. [J] [M] étant désigné président de la SAS.
Au vu de dissensions importantes entre lesdits associés, Maître Christophe Gelis de la Selarl [G]-Gelis a été désigné mandataire ad hoc pour une durée de 4 mois, par ordonnance de référé en date du 9 mars 2018, rendue par le président du tribunal de commerce de Vesoul, aux fins de trouver une solution amiable matérialisée par un protocole en date du 29 juin 2018. M. [J] [M] a cédé l’intégralité de ses actions à M. [N] [W] devenant actionnaire unique, M. [J] [M] ayant démissionné de ses fonctions de président.
M. [N] [W] a saisi le président du tribunal de commerce de Nanterre, afin d’obtenir la saisie conservatoire de la créance à hauteur du séquestre de 30 000 euros détenu en Carpa, dont les fonds devaient être versés à M. [J] [M] au 31 décembre 2018, après vérification du passif de la société SGA. La saisie a été effectuée le 2 janvier 2019 et contestée par M. [J] [M] selon exploit d’huissier du 19 février 2019.
Par jugement du 3 octobre 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a dit n’y avoir lieu à mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée en exécution de l’ordonnance du président du tribunal de commerce en date du 28 décembre 2013 et dénoncée à M. [J] [M] le 3 janvier 2019.
M. [J] [M] a interjeté appel de cette décision devant la cour d’appel de Versailles qui par arrêt du 21 octobre 2021 a confirmé ce dernier en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Nanterre.
Par exploit d’huissier en date du 31 janvier 2019, M. [N] [W] a assigné M. [J] [M] devant le tribunal de commerce de Vesoul, aux fins de constat de man’uvres dolosives de la part de M. [J] [M], condamnation à des dommages et intérêts eu égard à l’acquisition des parts de la société SGA pour un montant de 85 000 euros, outre la conversion de la saisie conservatoire, réalisée le 2 janvier 2019 sur le compte Carpa de Me Karine Sarcé, en saisie attribution.
Par décision du 29 décembre 2020 le tribunal de commerce de Vesoul a :
– débouté M. [N] [W] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné M. [N] [W] à payer à M. [J] [M], la somme de 30 000 euros au titre du solde du prix de cession, en deniers ou quittances,
– débouté M. [J] [M] de sa demande d’indemnité globale et forfaitaire de 500 euros par jour, en exécution du protocole de cession d’actions,
– rejeté tous autres demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires des parties,
– dit qu’il n’y a pas lieu à l’exécution provisoire du présent jugement,
– condamné M. [N] [W] à payer à M. [J] [M], la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [N] [W] aux entiers dépens de l’instance, qui comprendront les frais de greffe, liquidés en-tête du présent.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré que :
– M. [N] [W] avait cédé ses actions à M. [J] [M] aux termes d’un protocole d’accord en date du 29 juin 2018, dont les parties avaient validé les termes après avoir eu en leurs possession tout justificatif, outre le bilan au 31 décembre 2017 et appui de leurs conseils respectifs ;
– que la société d’expertise comptable AFM Expertise avait indiqué, en son attestation jointe au bilan, ne pas avoir relevé d’éléments remettant en cause la cohérence et la vraisemblance des comptes annuels, pris dans leur ensemble ;
– qu’il apparaissait, à l’article 9 du protocole de cession, que le cessionnaire déclarait garantir avoir disposé d’une parfaite connaissance des comptes de la société pour l’exercice clos au 3l décembre 2017, tels que certifiés par le cabinet d’expertise comptable et qu’il s’engageait à ne former aucune contestation relative à la régularité, la sincérité ou la fidélité du compte courant du cédant tel qu’il existait au jour de la cession,
– que M. [N] [W] n’avait pas mis en ‘uvre la garantie de passif, tel que prévu au protocole et ce, au plus tard avant le 31 décembre 2018,
– que si M. [N] [W] ne s’estimait pas suffisamment informé ou avait besoin de davantage de temps pour étudier les pièces avant signature du protocole de cession, il était suffisamment encadré de conseils et à même de solliciter un différé de signature, le temps pour lui d’étudier ce que bon lui semblait, la mission du mandataire ad hoc ayant été déjà prolongée une première fois,
– eu égard au compte courant, il devait être observé que M. [N] [W] s’était également engagé à ne former aucune contestation relative à la régularité, la sincérité ou la fidélité du compte courant d’associé, tel qu’il existait au jour de la cession,
– que concernant la teneur du passif de la société SGA M. [N] [W] ne démontrait pas en quoi les éléments relevés revêtaient un caractére intentionnel et déterrninant de telle sorte qu’il n’aurait pas accepté ladite cession d’actions, aucune manoeuvre dolosive ne pouvant être retenue en l’espèce.
Par déclaration parvenue au greffe le 2 février 2021, M. [N] [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a :
– débouté M. [N] [W] de l’ensemble de ses demandes tendant à voir M. [J] [M] :
– condamné à lui verser la somme de 55 000 euros en réparation de son préjudice,
– débouté M. [N] [W] de sa demande de conversion de la saisie conservatoire, réalisée le 2 janvier 2019 sur le compte Carpa de maître Karine Sarcé, en saisie attribution,
– condamné M. [N] [W] à payer à M. [J] [M], la somme de 30 000 euros au titre du solde du prix de cession, en deniers ou quittances,
– condamné M. [N] [W] à payer à M. [J] [M] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [N] [W] aux entiers dépens comprenant les frais de greffe liquidés en tête du présent jugement,
Moyens
et, selon ses dernières conclusions transmises le 19 septembre 2022, il conclut à son infirmation et demande à la cour, statuant à nouveau, y ajoutant, de la réformer en toutes ses dispositions,
A titre liminaire,
– écarter la pièce 34 obtenue frauduleusement et produite aux débats par M. [J] [M] ;
– réformer le jugement du tribunal de commerce de Vesoul en date du 29 décembre 2020 ;
Vu les articles 1137 et 1138 du code civil,
– dire que M. [J] [M] s’est rendu coupable de man’uvres dolosives pour forcer M. [N] [W] à acquérir l’intégralité des parts sociales de la société SGA pour un prix global de 85 000 euros ;
Subsidiairement,
Vu l’article 1112-1 du code civil,
– dire que M. [J] [M] a manqué à son obligation d’information à l’égard de son cocontractant ayant entrainé l’acquisition des parts sociales de la société SGA, pour un prix global de 85 000 euros par M. [N] [W] ;
En conséquence,
– condamner ce dernier à verser à M. [N] [W] la somme de 46 760 euros, en réparation de son préjudice ;
– convertir la saisie conservatoire, réalisée le 2 janvier 2019 sur le compte Carpa de Maître Karine Sarcé, en saisie attribution ;
– débouter M. [J] [M] de sa demande formée au titre de l’appel incident tendant à voir condamner M. [N] [W] à lui verser la somme de 500 euros par jour de retard à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’à règlement de la somme de 30 000 euros ;
– condamner M. [J] [M] à verser à M. [N] [W] la somme de 5 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner le même aux dépens lesquels comprendront les frais de saisie conservatoire ;
M. [J] [M] a formé appel incident et a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 19 septembre 2022 en sollicitant la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Vesoul du 29 décembre 2020, sauf en ce qu’il a débouté M. [J] [M] de sa demande d’indemnité de 500 euros par jour, son infirmation pour le surplus et statuant à nouveau de :
– condamner M. [N] [W] à payer à M. [J] [M] une indemnité globale et forfaitaire de 500 euros par jour à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’à complet règlement de la somme de 30 000 euros, en exécution du protocole de cession d’actions du 29 juin 2018,
– condamner M. [N] [W] à payer à M. [J] [M] la somme de 30 000 euros au titre du solde du prix de cession,
– condamner M. [N] [W] à payer à M. [J] [M] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022 et l’affaire, appelée à l’audience du 11 octobre 2022 suivant, a été mise en délibéré au 13 décembre 2022.
Pour l’exposé complet des moyens tant de l’appelant que de l’intimé, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
En application de l’article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
A l’audience, M. [N] [W] a déposé des conclusions aux fins que soit ordonnée la révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 20 septembre 2022 et que soit écartées les pièces 35 et 36 obtenues frauduleusement et produites aux débats par M. [J] [M], pour ressortir d’échanges confidentiels et d’accès frauduleux à une messagerie personnelle.
Par décision rendue sur le siège le jour de l’audience, la cour a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture faute de motif grave survenu depuis le prononcé de celle-ci, et a écarté des débats les pièces n° 35 et 36 produites par M. [J] [M], au motif qu’elles méconnaissaient le principe du contradictoire pour avoir été produites la veille de l’ordonnance de clôture.
Motivation
Motifs de la décision
– Sur la demande visant écarter la pièce 34 produite par M. [J] [M],
Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
M. [N] [W] fait valoir qu’une pièce, en l’espèce une note manuscrite, obtenue frauduleusement doit nécessairement être écartée des débats. Il soutient que ladite note ne peut qu’avoir été dérobée par M. [J] [M] dont la malhonnêteté va jusqu’à fouiller dans les affaires personnelles de son ex-associé. Il indique par ailleurs que ladite note n’est pas datée.
En réponse, M. [J] [M] expose que cette note manuscrite lui a été remise spontanément par M. [N] [W] à l’issue de l’assemblée générale de la société SGA le 7 juin 2018, en présence de Me Gélis et des conseils des parties, des orte qu’il n’y a pas lieu de l’écarter des débats. Il expose encore que cette note confirme que M. [N] [W] avait pleinement pris connaissance en détail des écritures comptables, notamment du compte courant d’associé, en vue de l’assemblée générale du 7 juin 2018.
En l’espèce, M. [N] [W], ayant la charge de la preuve, se borne à affirmer que la note manuscrite a été obtenue frauduleusement par M. [J] [M] et ne verse aucun élément propice à démontrer le caractère frauduleux de ladite obtention.
En conséquence, la demande visant à écarter des débats la pièce n° 34, produite par M. [J] [M], sera rejetée.
– Sur la demande de dommages et intérêts au titre des man’uvres dolosives, subsidiairement au titre du manquement à l’obligation d’information à l’égard du cocontractant,
Aux termes de l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Aux termes de l’article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
M. [N] [W] fait valoir :
– que le cessionnaire a le choix entre agir sur le fondement de la garantie de passif conventionnelle ou sur le fondement du vice du consentement, et que l’une n’est pas exclusive de l’autre ; que le dol peut utilement être invoqué, alors même qu’il ne porte pas sur les éléments couverts par une garantie de passif ;
– que les man’uvres dolosives de M. [J] [M] sont matérialisées par le fait d’imputer des dettes de la société à son égard en compte courant d’associé, de dissimuler une partie du passif de la société, aux fins de tronquer le bilan d’exercice 2017 et le solde de compte bancaire de la société en ne réglant pas les factures à terme échu ;
-que la clause du protocole de cession interdisant un recours ultérieur n’a pas vocation à s’appliquer puisque c’est bien sur le fondement du dol et du défaut d’information que M. [N] [W] développe ses contestations et fonde sa demande de dommages ses intérêts ;
– que le dol a été déterminant du consentement de M. [N] [W], en ce que la valorisation de la société a été faite à partir du bilan comptable 2016-2017 de la société, lequel bilan était nécessairement biaisé ; que M. [W] a donc le choix entre solliciter la nullité de la cession ou solliciter des dommages-intérêts, afin de ne pas remettre en cause la cession dans sa globalité ;
– que le préjudice est supérieur à la somme de 30 000 euros séquestrée pour s’élever à celle de 46 760 euros, laquelle aurait dû venir en déduction du prix comprenant le solde du compte courant d’associé de M. [J] [M] ;
– que si la cour estimait le dol non caractérisé, force eétai de constater que le défaut d’information dont l’importance était déterminante était caractérisé de telle sorte que la demande d’indemnisation, formée par M. [N] [W], sera accueillie sur le fondement l’article 1112-1 du code civil.
En réponse, M. [J] [M] expose :
– que l’acquéreur M. [N] [W] était lui-même tenu de s’informer, mais n’a formulé aucune demande spécifique au moment de la cession et n’a diligenté aucun audit de la société SGA, ce qu’il ne peut dorénavant reprocher à M. [J] [M] ;
– que M. [N] [W] a reçu toute information utile, préalablement à la signature du protocole de cession d’actions et l’a signé, en ce compris ses annexes avec la mention lu et approuvé et ce, en toute connaissance de cause, avec l’assistance de son conseil ; que les griefs de M. [N] [W] sont visés par la clause interdisant tout recours ultérieur ;
– que le tribunal de commerce de Dijon a rendu un jugement en date du 24 mars 2022, rejetant les accusations dirigées par M. [N] [W] et la société SGA à l’encontre de la société d’expertise comptable AFM Expertise, ceci démontrant qu’elle n’a opéré aucune rétention de documents comptables ;
– que le compte courant est exempt de toute malversation pour avoir été vérifié par le cabinet d’expertise comptable, que les subventions ont été correctement affectées, ainsi qu’en attestent les pièces comptables, qu’aucune facture n’est indument prise en charge, à l’instar des charges sociales ou des charges courantes de sorte que l’argumentation visant l’obligation d’information contractuelle réciproque des cocontractants est inopérante.
En l’espèce, il est constant que M. [N] [W], en suite de la signature du protocole de cession en date du 29 juin 2018 et selon les termes mêmes dudit protocole avait jusqu’au 31 décembre 2018 pour agir en garantie du passif et qu’il ne l’avait pas fait. Paradoxalement, M. [N] [W] a adressé un courriel à son conseil en date du 30 juillet 2018, considérant que le paiement de factures était volontairement différé par M. [J] [M]. A cette date, M. [N] [W] bénéficiait encore de cinq mois pour agir en garantie du passif. Le retard éventuel dans les paiement de factures ne peut être assimilé à des man’uvres dolosives pour ressortir, le cas échéant, de la garantie du passif.
Considérant qu’il n’est pas en possession de l’ensemble des éléments comptables au jour de la signature du protocole de cession, M. [N] [W] invoque des man’uvres dolosives et subsidiairement un manquement à l’obligation d’information à l’égard du cocontractant de la part de M. [J] [M].
L’analyse de la chronologie menant à la signature du protocole de cession, ainsi que les circonstances de cette signature, démontrent qu’en premier lieu, Maître Christophe Gelis de la Selarl [G]-Gelis a été désigné mandataire ad hoc pour une durée de 4 mois, par ordonnance de référé en date du 9 mars 2018, rendue par le président du tribunal de commerce de Vesoul, aux fins de trouver une solution amiable. Cette dernière s’est traduite par le protocole du 29 juin 2018 par lequel M. [J] [M] cède l’intégralité de ses actions à M. [N] [W], faisant de lui l’actionnaire unique et démissionne de ses fonctions de président.
Antérieurement à cette cession, le cabinet d’expertise comptable AFM Expertise atteste en date du 5 mai 2018 de la présentation des comptes annuels de la société SGA pour l’exercice comptable courant du 12 janvier 2016 au 31 décembre 2017. Par ce document, ce même cabinet atteste que ses diligences ont été réalisées conformément à la norme professionnelle du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables applicable à la mission de présentation de comptes annuels qui ne constitue ni un audit ni un examen limité. Sur la base de ses travaux, ledit cabinet atteste ne pas relever d’éléments remettant en cause la cohérence et la vraisemblance des comptes annuels pris dans leur ensemble tels qu’ils sont joints à l’attestation.
En tout état de cause, en son article 9, le protocole de cession rappelle les déclarations du cessionnaire, soit M. [N] [W] lui-même, attestant qu’il dispose de tous les documents y afférents, qu’il dispose d’une parfaite connaissance des comptes de la société pour l’exercice clos au 31 décembre 2017, tels que certifiés par le cabinet d’expertise comptable AFM Expertise, et qu’il s’engage à ne former aucune contestation relative à la régularité, la sincérité ou la fidélité du compte courant d’associé du cédant tel qu’il existe au jour de la cession, qu’il a pleine connaissance de l’absence de bail commercial et qu’il a pleine connaissance du fait que le montant des capitaux propres de la société est inférieur à la moitié du capital social.
En son article 11, ledit protocole vise la garantie du passif et les déclarations du garant tenant notamment à la situation financière et comptable, outre le fait que pour la période antérieure à la clôture du dernier exercice au 31 décembre 2017, l’ensemble des éléments composant le passif de la société ont été mentionnés au bilan et son donc connus du cessionnaire.
Par ailleurs, concernant la période postérieure à ladite clôture, il est rappelé qu’au jour de la signature du protocole un état détaillé du passif est adressé au cessionnaire avec l’ensemble des justificatifs afférents en une annexe 2, outre que ces derniers éléments sur l’état du passif sont exclus du champ de la garantie du passif puisque connus du cessionnaire au moment de la cession. In fine, il est enfin rappelé que les sommes affectées au compte courant d’associé du cédant figurant au bilan pour l’exercice clos au 31 décembre 2017, dont la cession interviendra en exécution du protocole sont exclues de la situation financière et comptable de la garantie du passif.
Il est notable que la mention visant ces mêmes sommes affectées pour la période allant du 1er janvier 2018 au 29 juin 2018 est rayée et l’annotation contresignée en marge par le cédant et le cessionnaire. Cette dernière remarque démontre le degré d’attention et de vigilance de chacun des signataires dudit protocole au moment de sa signature, intervenue en présence des conseils de chacun des signataires, de sorte qu’il est particulièrement malaisé pour M. [N] [W] de prétendre à l’existence de man’uvres dolosives, ni même d’un défaut d’information.
Dès lors, l’ensemble de ces critiques ressortent fort logiquement de la mésentente entre associés conduisant M. [N] [W] et M. [J] [M] à la signature d’un protocole de cession, mésentente d’ailleurs évoquée par ledit protocole. Force est de constater que M. [N] [W] ne démontre aucune man’uvre dolosive de la part de M. [J] [M] et qu’un éventuel défaut d’information entre associés se heurte, avec une particulière acuité, au mandat ad hoc précédant la cession, aux analyses comptables réalisées par le cabinet d’expertise comptable AFM Expertise et aux termes même dudit protocole de cession.
In fine, concernant la pièce 34, produite par M. [J] [M], dont-il n’est pas contesté qu’elle émane de la main de M. [N] [W], son analyse amène plusieurs observations. En sa présentation et son en-tête, il s’agit manifestement des notes prises lors de l’assemblée générale du 7 juin 2018 par M. [N] [W]. Ce dernier note en haut de page AG du 7 juin 2018, 15h. En suite de quoi, M. [N] [W] après mention du rappel des points de la mission du mandataire ad hoc note point par point les explications de M. [J] [M] eu égard à son compte courant et ce, en reprenant un à un les postes de dépenses. Dès lors, cette pièce atteste que contrairement à ce que prétend M. [N] [W], celui-ci disposait bien, en amont de la signature du protocole de cession d’actions en date du 29 juin 2018, l’ensemble des informations comptables lui permettant de prendre toute décision en étant au fait de la situation comptable et financière de la société SGA, voire, le cas échéant, de solliciter tout délai supplémentaire ou audit qu’il jugerait utile.
En conséquence, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [N] [W] de ses demandes de voir M. [J] [M] condamné à lui verser la somme de 46 760 euros en réparation de son préjudice et de voir convertir la saisie conservatoire, réalisée le 2 janvier 2019 sur le compte Carpa de Maître Karine Sarcé, en saisie attribution.
– Sur la demande de condamnation à une indemnité globale et forfaitaire,
Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
M. [J] [M] expose que l’indemnité contractuelle est parfaitement applicable et que rien ne s’oppose à ce qu’il y soit fait droit.
En réponse, M. [N] [W] considère qu’au vu de la saisie conservatoire de la somme séquestrée, validée par le tribunal de commerce de Nanterre, l’application de l’article 5.2 du protocole de cession est exclue, la séquestration n’étant aucunement abusive mais consécutive à une décision de justice. En tant que de besoin, il ajoute vque cette clause s’analyse en une clause pénale et doit être réduite.
En l’espèce, M. [J] [M] forme une demande de condamnation à une indemnité globale et forfaitaire de 500 euros par jour à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’à complet règlement de la somme de 30 000 euros, en exécution du protocole de cession d’actions du 29 juin 2018. Cette demande, formée sur le champs strictement contractuel, apparaît essentiellement motivée au vu de ses écritures par ce qu’il considère être la résistance abusive de M. [N] [W] aux fins de retarder, voire empêcher, le paiement de la somme de 30 000 euros, séquestrée en Carpa, correspondant à 10 000 euros pour le prix de cession des actions et à 20 000 euros pour le prix de cession du compte courant d’associé. En tout état de cause, une saisie conservatoire étant opérée par décision de justice, M. [J] [M] ne démontre, ni ne justifie de la possible application de ladite indemnité globale et forfaitaire.
En conséquence, le jugement critiqué sera également confirmé en ce qu’il a débouté M. [J] [M] de sa demande de condamnation à une indemnité globale et forfaitaire de 500 euros par jour à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’à complet règlement de la somme de 30 000 euros, en exécution du protocole de cession d’actions du 29 juin 2018. In fine, en exécution de ce même protocole et au vu des éléments produits, il y aura lieu de confirmer également ledit jugement en ce qu’il a condamné M. [N] [W] à payer à M. [J] [M], la somme de 30 000 euros au titre du solde du prix de cession, en deniers ou quittances,
Dispositif
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement , après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Rejette la demande visant à écarter des débats la pièce n° 34, produite par M. [J] [M] ;
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu entre les parties le 29 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Vesoul.
Y ajoutant,
Condamne M. [N] [W] aux dépens d’appel.
Et, vu l’article 700 du code de procédure civile, déboute M. [N] [W] de sa demande et le condamne à payer 5 000 euros à M. [J] [M].
Ledit arrêt a été signé par Monsieur Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et par Madame Leila Zait, greffier.
Le Greffier Le président