Comptes courants d’associés : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04299

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Comptes courants d’associés : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04299

15 décembre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG
21/04299

16e chambre

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 DECEMBRE 2022

N° RG 21/04299 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UT2N

AFFAIRE :

S.C.I. DU [Adresse 3]

C

S.A.S. SOCIETE DES CINEMAS DE L’OUEST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Juin 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 20/00953

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 15.12.2022

à :

Me Charlotte ABATI de la SELARL AYRTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Me Marc OLIVIER-MARTIN de l’AARPI ROOM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.C.I. DU [Adresse 3]

N° Siret : 328 921192 (RCS Versailles)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Charlotte ABATI de la SELARL AYRTON AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1289, substituée par Me Christian COURSAGET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1289

APPELANTE

****************

S.A.S. SOCIETE DES CINEMAS DE L’OUEST

N° Siret : 823 795 372 (RCS Nanterre)

[Adresse 1]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Marc OLIVIER-MARTIN de l’AARPI ROOM AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J152, substitué par Me Alexandra STARITZKY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J152

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne PAGES, Président et Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

Exposé du litige

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique en date des 11 et 23 octobre 1984, la SCI du [Adresse 3] a consenti à la société Roxane un bail à construction portant sur un local commercial sis [Adresse 3] à [Localité 4] ( 78) devant permettre l’exploitation d’un cinéma.

Par acte du 2 novembre 2016, les parties ont conclu pour ce même bien un bail commercial, pour une durée de 9 années.

Par acte du 13 décembre 2016, effectif le 22 décembre 2016, faisant suite à la conclusion d’une lettre d’intention le 21 avril 2016, M. [E], gérant de la SCI du [Adresse 3], dans le cadre d’une cession plus large, impliquant également son épouse et leurs enfants, des parts de ses sociétés, lesquelles détenaient 3 cinémas dont le cinéma Roxane, a cédé à la Société des Cinémas de l’Ouest l’intégralité des parts sociales de la société Roxane.

Aux termes de cet acte, les parties ont convenu de la vente par la SCI du [Adresse 3] de l’immeuble sis [Adresse 3] à Versailles ( 78), donné à bail à la société Roxane, plutôt que de la cession des parts sociales de la SCI initialement prévue.

La cession de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4] ( 78) donné à bail à la société Roxane a été réalisée par acte authentique du 14 avril 2017.

A la suite de la cession de 100% de ses parts à la Société des Cinémas de l’Ouest, la société Roxane a été absorbée par cette dernière, par transmission universelle du patrimoine, le 12 décembre 2017.

Soutenant que la société Roxane était demeurée redevable envers son bailleur, la SCI du [Adresse 3], de loyers et de taxes foncières restés impayés, la SCI du [Adresse 3] a réclamé à la société des Cinémas de l’Ouest, selon courrier en date du 26 décembre 2017, le paiement à ce titre d’une somme totale de 299 243,20 euros TTC, soit 134 703,08 euros TTC au titre des loyers et 164 540,12 euros TTC au titre de l’impôt foncier, selon factures annuelles des 30 janvier 2010 ( pour l’année 2010) au 30 janvier 2017 ( pour l’année 2016).

La Société des Cinémas de l’Ouest ayant refusé de régler cette somme, qu’elle contestait lui devoir, l’a assignée en paiement, par acte du 29 janvier 2020.

Par jugement contradictoire rendu le 10 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

débouté la SCI du [Adresse 3] de l’intégralité de ses demandes formulées à l’encontre de la Société des Cinémas de l’Ouest,

condamné la SCI du [Adresse 3] à régler à la Société des Cinémas de l’Ouest la somme de 103 091,30 euros ;

condamné la SCI du [Adresse 3] aux dépens ;

condamné la SCI du [Adresse 3] à régler à la Société des Cinémas de l’Ouest la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Le 6 juillet 2021, la Société Civile Immobilière du [Adresse 3] a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 4 octobre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 16 novembre 2022.

Moyens

Aux termes de ses premières et dernières conclusions remises au greffe le 5 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la Société Civile Immobilière du [Adresse 3], appelante, demande à la cour de :

infirmer le jugement du tribunal judiciaire en toutes ses dispositions,

condamner la Société des Cinémas de l’Ouest, venant aux droits de la société Roxane, au paiement de 117 678,81 euros au titre des loyers et taxes foncières non payées,

rejeter tous les arguments et demandes de la Société des Cinémas de l’Ouest,

Sur la demande reconventionnelle :

À titre principal :

juger prescrite la créance de la Société des Cinémas de l’Ouest à hauteur de 79 112,30 euros,

par compensation, condamner Société des Cinémas de l’Ouest, venant aux droits de la société Roxane, au paiement de 93 696,81 euros,

À titre subsidiaire :

par compensation, condamner la Société des Cinémas de l’Ouest, venant aux droits de la société Roxane, au paiement de 215 191,89 euros,

En tout état de cause :

assortir cette condamnation des intérêts de retard,

condamner la Société des Cinémas de l’Ouest, venant aux droits de la société Roxane, à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la Société des Cinémas de l’Ouest, enfin, aux entiers dépens de la présente procédure.

Aux termes de ses premières et dernières conclusions remises au greffe le 3 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la Société des Cinémas de l’Ouest, intimée, demande à la cour de :

À titre principal :

confirmer le jugement du 10 juin 2021 en toutes ses dispositions ;

débouter la SCI du [Adresse 3] de toutes ses demandes au titre de son appel;

Y ajoutant :

condamner la SCI du [Adresse 3] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SCI du [Adresse 3] aux entiers dépens ;

À titre subsidiaire :

condamner la SCI du [Adresse 3] à lui payer la somme 103 091,30 euros ;

juger que la demande au titre de la facture du 30 janvier 2015 pour un montant de 18 336,78 euros TTC est prescrite ;

juger que la somme à elle réclamée par la SCI du [Adresse 3] au titre des loyers est limitée à 39 830,03 euros ;

juger que les demandes au titre des factures afférentes à la taxe foncière 2014 et 2015 sont prescrites ;

juger que la somme à elle réclamée par la SCI du [Adresse 3] au titre de la taxe foncière est limitée à 32 677,40 euros ;

ordonner la compensation entre les sommes dues par elle à la SCI du [Adresse 3] et la somme de 103 091,30 euros à elle due par la SCI du [Adresse 3] ;

condamner la SCI du [Adresse 3] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SCI du [Adresse 3] aux entiers dépens.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 15 décembre 2022.

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, sur l’étendue de la saisine de la cour 

La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu’elle ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Elle rappelle également que les « dire et juger » et les « constater » qui sont des rappels des moyens invoqués à l’appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions.

Sur la demande au titre des loyers et taxes 

La Société Civile Immobilière du [Adresse 3], qui précise avoir circonscrit sa demande au paiement des seules factures qui n’étaient pas prescrites, sollicite le règlement des sommes suivantes :

– 18 336,78 euros TTC, au titre du loyer de l’année 2014 ( facture du 30 janvier 2015),

– 18 478,20 euros TTC, au titre du loyer de l’année 2015 ( facture du 30 janvier 2016),

– 21 351,83 euros TTC, au titre du loyer de l’année 2016 ( facture du 30 janvier 2017),

– 26 832 euros TTC, au titre de la taxe de l’année 2014 ( facture du 30 janvier 2015)

– 27 284,40 euros TTC, au titre de la taxe de l’année 2015 ( facture du 30 janvier 2016)

– 5 393 euros TTC ( 32 358 – 26 965), au titre du solde de la taxe de l’année 2016 (facture du 30 janvier 2017).

Elle fait valoir :

que contrairement à ce qu’a prétendu la Société des Cinémas de l’Ouest, et à ce qu’a retenu le tribunal, qui au surplus a inversé la charge de la preuve, elle n’a jamais renoncé à cette créance ; que cette renonciation ne pouvait qu’être expresse, et que la Société des Cinémas de l’Ouest n’en rapporte pas la preuve,

que si sa créance n’est pas mentionnée dans l’acte de cession des cinémas, intervenu le 13 décembre 2016, elle était inscrite dans les comptes de la société Roxane, dont les actions étaient acquises en vertu de cet acte, et qui ont été longuement partagés avec la société intimée ; qu’en outre, la SCI n’intervenait que pour la vente d’un immeuble au profit de la Société des Cinémas de l’Ouest,

qu’elle a été prise en compte dans la détermination du prix de cession, qui a été fixé en fonction des capitaux propres des sociétés cédées, lesquels dépendent, entre autres, des dettes de la société cédée ; que la Société des Cinémas de l’Ouest, qui a fixé son prix d’achat en fonction, notamment, de cette dette, ne peut prétendre l’avoir ignorée,

que l’acte de cession d’immeuble du 14 avril 2017 n’avait pas non plus à mentionner cette dette, la SCI n’ayant aucune raison de solliciter, à cette date, le paiement par la Société des Cinémas de l’Ouest des créances qu’elle détenait sur la société Roxane,

que l’absence de mention de cette dette dans le contrat de bail du 2 novembre 2016 ne justifie en aucune manière que M. [E] y aurait renoncé; qu’à cette date, il était l’associé principal tant de la SCI que de la société Roxane, que le bail a été signé entre lui-même et sa propre fille, gérante de la société Roxane, et qu’il s’agissait alors d’une formalité nécessaire pour pouvoir, par la suite, céder les cinémas avec un droit au bail.

Poursuivant la confirmation du jugement, l’intimée fait valoir :

que la somme exorbitante demandée par la SCI du [Adresse 3] n’a jamais été mentionnée lors de la négociation et de la signature de l’acte de cession du 13 décembre 2016,

que la SCI y a bien renoncé expressément, l’acte d’acquisition de l’immeuble qui était sa propriété ne faisant état d’aucune dette de loyers et charges afférents au dit immeuble, mais mentionnant au contraire qu’il n’y a aucun litige en cours entre le vendeur et le locataire, et les parties ayant expressément mentionné que la taxe foncière ne ferait pas l’objet d’un remboursement par l’acquéreur de l’immeuble,

que ni l’acte de cession ni l’avenant de cession ne font mention de la prétendue créance de la SCI, qui y a renoncé lors de la négociation et de la signature de l’acte de cession du 13 décembre 2016) ; que le dit acte mentionne à plusieurs reprises que les sociétés cédées, dont la société Roxane, sont gérées ‘en bon père de famille’, ce qui est totalement contradictoire avec le fait de ne pas régler ses loyers pendant plusieurs années,

que le bail commercial conclu le 2 novembre 2016 entre la société Roxane et la SCI ne mentionnait aucun arriéré de charges ou de loyers ;

que la prétendue créance de la SCI est inexistante, puisque celle-ci y avait renoncé,

que, subsidiairement, elle est en partie prescrite.

Comme l’a exactement relevé le premier juge, la Société des Cinémas de l’Ouest est recherchée non pas en sa qualité de propriétaire de l’immeuble dont elle a fait l’acquisition, mais en raison de la transmission universelle de patrimoine ayant accompagné l’absorption de la société Roxane, locataire de la SCI.

La cour, à la différence du premier juge, dispose du contrat de cession conclu le 13 décembre 2016 entre, notamment, M. [E] et la société intimée.

Comme relevé par la société intimée, aucune mention d’une dette locative de la société Roxane ne figure dans cet acte de cession.

Et ce alors que sont expressément mentionnés les détails des baux dont a bénéficié ou bénéficie la société Roxane, en ces termes : ‘La SCI [Adresse 3] est propriétaire des murs de l’immeuble dans lequel est exploité par Roxane le fonds de commerce de cinémas sis [Adresse 3] à [Localité 4] (…). Il est ici rappelé que par acte authentique en date des 11 et 23 octobre 1984, la SCI [Adresse 3] avait consenti à Roxane un bail à construction d’une durée de 32 années, arrivé à échéance le 31 juillet 2016, lequel figure en annexe 9.6.6 (…). Aux termes d’un bail commercial en date du 2 novembre 2016, la SCI [Adresse 3] a donné à bail à Roxane l’immeuble [en cause] pour une durée de 9 années entières et consécutives à compter rétroactivement du 1er août 2016 pour se terminer le 31 juillet 2025″.

S’il ressort de la lecture de l’acte de cession (cf article 9), que les comptes étaient nécessairement à la disposition des acquéreurs, puisqu’ils figuraient, en copie, en annexe de l’acte, l’appelante, qui omet de produire cette annexe 9.3.1, dont l’absence ne saurait être palliée par la production de deux simples extraits de comptes ( cf ses pièces 7 et 8), n’apporte pas la preuve que l’acquéreur a été effectivement informé, par l’analyse des comptes à défaut de mention spécifique d’une créance de cette importance dans un acte de cession de 42 pages, de l’existence d’une dette locative à la charge de la société Roxane. Aux termes de l’acte de cession, il était certifié à l’acquéreur que les comptes étaient réguliers, et qu’ils donnaient une image fidèle de la situation financière de la société, et qu’il n’existait, à la date de ces comptes, aucun autre passif réel, échu ou probable en raison d’événements en cours, chiffré ou chiffrable, qui devrait être inscrit, comptabilisé ou provisionné que ceux inscrits, comptabilisés ou provisionnés dans les comptes ou figurant dans les engagements hors bilan.

Au surplus, les cédants ont également garanti à l’acquéreur, aux termes de l’acte de cession, que la société Roxane avait respecté les obligations à sa charge, résultant des contrats en vigueur, et des contrats passés.

Ils ont aussi garanti à l’acquéreur que, à l’exception de litiges prud’homaux visés à l’article 9.8.2 a), il n’existait pas de litige, procédure ou autre action impliquant les sociétés ou l’un de leurs dirigeants à l’exception des litiges figurant en annexe 9.12, et qu’à l’exception de la notification formant annexe 9.9.2, aucune réclamation n’avait été formulée pouvant conduire à un tel litige, procédure ou action et, qu’à la connaissance des cédants, il n’existait aucun événement ou circonstance susceptible d’entraîner un tel litige, procédure ou action.

Là encore, la SCI appelante, faute de produire les annexes visées dans l’acte, n’établit pas qu’un litige, ou même une simple possibilité de litige, relatif à une dette locative impayée de la société Roxane aurait été portée à la connaissance de l’acquéreur.

Enfin, il était également mentionné que : ‘Il n’existe aucun fait non révélé dans les présentes qui pourrait substantiellement et défavorablement affecter la situation financière, les actifs, les passifs et l’exploitation des sociétés’.

Il est rappelé que la dette alléguée est de 6 années de loyers et charges impayés, ce qui ne peut constituer un fait négligeable qui serait insusceptible d’affecter substantiellement et défavorablement la situation financière de la société Roxane.

S’agissant de la fixation du prix, qui aurait tenu compte de l’importante dette de la société Roxane, il ressort certes de l’avenant n°1, conclu le même jour que l’acte de cession, que le prix de cession des titres des sociétés a été calculé sur la base des capitaux propres tels que ressortant des comptes des dites sociétés au 30 juin 2016, mais le calcul du prix de cession des titres fait l’objet d’une annexe A1, qui là encore n’est pas produite, de sorte que l’appelante échoue à démontrer que le prix de cession des titres Roxane a été déterminé au regard de l’existence d’une dette locative.

Il en découle qu’aucune dette locative, même en germe, n’a été cédée en même temps que la société Roxane, ou, à tout le moins, que le bailleur a renoncé à sa créance à l’égard de la dite société, à laquelle il ne prouve pas avoir effectivement réclamé un quelconque loyer ou remboursement de taxe pendant les 6 années qui ont précédé la cession de la société, au point d’ailleurs qu’il a laissé prescrire sa créance.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté la SCI de sa demande en paiement.

Sur la demande reconventionnelle au titre du compte courant

En première instance, la SCI du [Adresse 3] a été condamnée à régler à la Société des Cinémas de l’Ouest une somme de 103 091,30 euros, au titre d’une créance de la société Roxane résultant d’avances faites à la SCI, depuis l’année 2011, pour le paiement des charges de cette dernière, notamment de la taxe foncière, le tribunal considérant que les sommes litigieuses représentaient un compte courant d’associé.

La Société Civile Immobilière du [Adresse 3] fait valoir, à titre principal, que la créance de 103 091,30 euros alléguée par la Société des Cinémas de l’Ouest est prescrite à hauteur de 79 112,30 euros. En effet, 76 716,30 euros sont antérieurs au 1er janvier 2015, et donc nécessairement prescrits puisque l’assignation a été délivrée le 29 janvier 2020, et 2 396 euros sont antérieurs au 11 juin 2015, et donc également prescrits puisque la première demande de la Société des Cinémas de l’Ouest à ce titre date de ses premières conclusions en défense communiquées le 11 juin 2020. A titre subsidiaire, si la prescription n’était pas retenue par la cour, elle considère que ce compte, qui s’explique par des avances que lui a faites la société Roxane pour le paiement des charges de cette dernière, notamment la taxe foncière, doit venir en compensation avec les 318 283,19 euros dus par celle-ci, estimant que les deux comptes doivent subir le même régime juridique, à savoir soit celui de créances partiellement prescrites, soit celui de créances totalement dues.

La Société des Cinémas de l’Ouest, se prévalant des mentions du grand livre 2016 de la société Roxane, et de la reconnaissance par l’appelante de l’existence de la créance de compte courant qu’elle allègue, conteste toute prescription, faisant valoir, d’une part, que la créance de la société Roxane était toujours inscrite dans le livre comptable 2016, manifestant ainsi la volonté de M. [E], qui dirigeait les deux sociétés, qu’elle soit remboursée, et d’autre part, que la SCI ne justifie pas de la date d’exigibilité de la créance, de sorte qu’en l’absence de terme fixé, sa fixation revient au juge, conformément à l’article 1900 du code civil, à une date postérieure à celle de la demande en justice.

Ceci étant exposé, la cour jugeant que la SCI du [Adresse 3] ne détient pas de créance à l’égard de la société Roxane, désormais absorbée par la Société des Cinémas de l’Ouest, aucune compensation ne peut être opérée, que ce soit avec des créances prescrites ou avec des créances non prescrites.

La seule question qui se pose à la cour, dès lors que la SCI appelante ne fait valoir aucun autre moyen pour contester la condamnation dont elle a fait l’objet en première instance, ni l’analyse qu’en a fait le premier juge, est celle de la prescription, qui n’a pas été utilement soutenue en première instance.

Les dispositions de l’article 1900 du code civil, qui offrent au juge la possibilité de fixer un terme pour la restitution d’un prêt, ne sont pas applicables au compte courant d’associé, dont la caractéristique essentielle, en l’absence de convention particulière ou statutaire le régissant, est d’être remboursable à tout moment.

La qualification retenue par le premier juge n’étant pas utilement critiquée par les parties, ce texte ne peut trouver application.

Il ressort en revanche de l’attestation établie par le directeur général de la Société des Cinémas de l’Ouest, portant sur le contenu du grand livre de la société Roxane, non utilement critiquée par l’appelante, que la créance de celle-ci y figure à la date du 1er janvier 2016, et à la date du 4 mars 2016. Cette reconnaissance, par le débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrivait, intervenue dans les 5 ans de la naissance de la dette, a interrompu la prescription, conformément à l’article 2245 du code civil, et fait courir un nouveau délai de 5 ans, qui prenait fin le 1er janvier 2021, et qui a lui-même été interrompu avant cette date par la demande faite en justice par la Société des Cinémas de l’Ouest.

En conséquence, le moyen tiré de la prescription ne peut prospérer, et en l’absence d’autre contestation, il y a lieu de confirmer la condamnation prononcée en première instance.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La SCI du [Adresse 3], partie perdante, est condamnée aux dépens.

Elle devra également régler à la Société des Cinémas de l’Ouest une somme que l’équité commande de fixer à 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en cause d’appel, qui s’ajoute à la condamnation de première instance.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 10 juin 2021 ;

Y ajoutant,

Déboute la Société Civile Immobilière du [Adresse 3] de toutes ses demandes en cause d’appel, y compris sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Société Civile Immobilière du [Adresse 3] aux dépens, et à régler à la Société des Cinémas de l’Ouest une somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 

 


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