3 janvier 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/04305
3ème Chambre Commerciale
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°2
N° RG 20/04305 – N° Portalis DBVL-V-B7E-Q43Q
M. [U] [S] [O] [H]
S.A.R.L. AEQUATIO
C/
M. [B] [D]
M. [G] [I]
M. [J] [F]
S.A.R.L. ASIA BOATS BV
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me LE COULS BOUVET
Me DESCHAMPS
Me YVON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur,
GREFFIER :
Madame Julie FERTIL, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 18 Octobre 2022
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 03 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [U] [H]
né le [Date naissance 7] 1960 à [Localité 15]
[Adresse 17]
[Localité 11]
S.A.R.L. AEQUATIO, inscrite au RCS de Nantes sous le N° 401 274 303 agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 9]
[Localité 10]
Représentés par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentés par Me Marie-Emmanuelle LEFEUVRE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
Monsieur [B] [D]
né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 18]
[Adresse 4]
[Localité 5]/FRANCE
Représenté par Me Olivier DESCHAMPS de la SELARL DESCHAMPS OLIVIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [G] [I]
né le [Date naissance 6] 1964 à [Localité 16] (Belgique)
[Adresse 8]
[Localité 12]
Monsieur [J] [F]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 21] (BELGIQUE)
[Adresse 14]
[Localité 3]
Représentés par Me Jean-Michel YVON de la SELARL JEAN MICHEL YVON AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT
S.A.R.L. ASIA BOATS BV prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 19]
[Localité 13] – PAYS-BAS
N’ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assignée par acte en date du 22.12.2020
Monsieur [B] [D] a fait l’acquisition au mois d’octobre 2016, de la totalité des 4.030 parts sociales composant le capital de la société AB YACHTING, présentée par les cédants, exploitant à [Localité 20] un fonds de commerce de chantier naval (Hivernage, réparation et entretien de bateaux) ainsi que de distribution de bateaux de la marque BRIG.
Cette acquisition a été faite auprès de la société ASIA BOATS BV ainsi que de Messieurs [G] [I] et [J] [F], seuls associés, et formalisées, après des négociations précontractuelles qui ont débuté dans le courant de l’année 2016, par les actes sous signatures privées suivant :
– Un protocole d’accord en date du 4 août 2016
– Un acte de cession de parts sociales en date du 5 octobre 2016
– Un acte de garantie contractuelle d’actif et de passif en date du 5 octobre 2016.
L’ensemble des actes sous signatures privées ont été rédigés par le cabinet AEQUATIO représenté par Monsieur [U] [H], qui était l’expert-comptable de la société AB YACHTING.
Le prix des parts sociales a été fixé à 110.000 euros se décomposant en un paiement de 110.000 euros outre le remboursement de son compte courant d’associé à M. [I] pour 128.530,56 euros et le remboursement de son compte courant d’associé à M. [F] pour 38.267,60 euros.
A la suite de cette cession, les cédants ont restitué à M. [D] une somme de 40.000 euros ainsi que 10.000 euros à la société AB YACHTING ;
Considérant que l’état financier délicat de la société AB YACHTING lui avait été caché, la société AB YACHTING a assigné la société ASIA BOATS BV, M. [I], M. [F] pour demander l’annulation de la cession pour dol, tandis que M. [D] a assigné la SARL AEQUATIO et M. [H] en paiement de dommages et intérêts pour manquement à leur devoir de conseil.
Exposé du litige
Les procédures ont été jointes.
Par jugement du 10 août 2020, le tribunal de commerce de Lorient a :
– déclaré recevable l’intervention volontaire de M. [D],
– constaté le désistement d’instance de la société AB YACHTING,
– dit que les preuves d’un accord transactionnel portant sur la cession des titres de la société AB YACHTING ne sont pas rapportées,
– débouté en conséquence la société ASIA BOATS BV, Messieurs [I] et [F] de leur fin de non recevoir,
– dit que les pièces versées aux débats par M. [D] n’attestent pas d’une intention dolosive des cédants,
– débouté en conséquence M. [D] de sa demande d’annulation de la cession pour dol et des demandes subséquentes de restitution et dommages et intérêts,
– dit que la société AEQUATIO et M. [H] ont manqué à leur devoir de conseil dans l’accompagnement de la cession de parts sociales,
– condamné en conséquence la société AEQUATIO et M. [H] à payer à M. [D] la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– condamné solidairement la société AEQUATIO et M. [H] à payer à M. [D] la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société ASIA BOATS BV, Messieurs [I] et [F] de leur demande de frais irrépétibles,
– débouté la société AEQUATIO et M. [H] de leur demande de frais irrépétibles,
– condamné solidairement la société AEQUATIO et M. [H] aux dépens,
– rejeté le solde des demandes.
Moyens
Appelants de ce jugement, la société AEQUATIO et M. [H], par conclusions du 19 septembre 2022, ont demandé que la Cour:
– infirme le jugement déféré dans ses dispositions les concernant,
– juge qu’ils n’ont pas failli à leur devoir de conseil et de rédacteur d’acte à l’égard de M. [D],
– déboute M. [D] de ses prétentions dirigées contre eux,
– le condamne à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamne aux dépens avec droit de distraction pour ceux dont il a été fait l’avance.
Par conclusions du 20 janvier 2022, M. [D] a demandé que la Cour:
– dise que les cédants des parts sociales de la SARL AB YACHTING ont manqué à l’obligation de bonne foi qui leur incombait tant au stade de la négociation que de la formation du contrat de cession.
– dise que le consentement de Monsieur [B] [D] à l’acquisition des parts sociales de la SARL AB YACHTING a été surpris par le dol des cédants.
– dise nulle et de nul effet la cession du 5 octobre 2016 des 4 030 parts sociales de la société AB YACHTING par Messieurs [G] [I] et [J] [F] et la société ASIA BOATS BV au profit de M. [B] [D] moyennant le prix total payé comptant de la somme de 110 000 Euros ainsi que les conventions qui en sont la conséquence.
– dise en conséquence que les cédants sont rétroactivement propriétaires des 4 030 parts sociales de la SARL AB YACHTING à compter du 5 octobre 2016.
– condamne solidairement Messieurs [I], [F] et la société ASIA BOATS BV à la somme de 110 000 Euros pour restitution du prix de cession des parts sociales de la société AB YACHTING ou subsidiairement chacun d’entre eux pour la part du prix qui leur a été réglée;
– condamne solidairement Messieurs [G] [I] et [J] [F] à la somme de 166 530,16 Euros pour restitution du prix de cession des créances de compte courant avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2016 ou subsidiairement chacun d’entre eux pour la part du prix qui leur a été réglée.
– condamne in solidum Messieurs [G] [I], [J] [F] et la société ASIA BOATS BV à la somme de 50 000 Euros de dommages et intérêts pour réparation des préjudices subis par Monsieur [B] [D].
– dise que la SARL AEQUATIO et Monsieur [U] [H] ont manqué à leur devoir de conseil dans leur relation avec le cessionnaire des parts sociales, en n’attirant pas son attention sur la sous-capitalisation et l’état de cessation des paiements de la société.
– dise que la SARL AEQUATIO et Monsieur [U] [H] ont manqué à leur devoir de conseil dans leur relation avec le cessionnaire des parts sociales en rédigeant des actes de cession de titres sous signatures privées inefficaces et inadaptés à la situation juridique et financière de la société.
– dise que la SARL AEQUATIO et Monsieur [U] [H] ont en conséquence commis des fautes contractuelles en relation causale avec les préjudices financiers subis par Monsieur [B] [D].
– condamne in solidum la SARL AEQUATIO et Monsieur [U] [H] à indemniser Monsieur [B] [D] de tous préjudices subis par celui-ci et à le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre celui-ci.
– condamne in solidum la SARL AEQUATIO et Monsieur [U] [H] à régler à Monsieur [B] [D] la somme de 300 000,00 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis.
– condamne in solidum les appelants et intimés à la somme de 10 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par le Selarl Olivier DESCHAMPS par application des dispositions de l’article 699 du CPC.
Par conclusions du 27 septembre 2022, M. [I] et M. [F] ont demandé que la Cour:
– infirme le jugement déféré en ce qu’il a refusé de constater l’existence d’un accord pour solde de tout compte exécuté entre les parties,
– dise irrecevables les prétentions de M. [D],
– subsidiairement confirme le jugement déféré,
– condamne M. [D] à payer à chacun d’eux la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Motivation
MOTIFS DE LA DECISION:
Sur le dol des vendeurs:
Les vendeurs opposent à l’acquéreur l’irrecevabilité de son action en raison d’une transaction intervenue entre eux postérieurement à la vente.
En vertu des dispositions de l’article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel des parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.
Au mois de Novembre 2016, soit quelques semaines après la vente, sont intervenues des réclamations de M. [D] auprès de Messieurs [I] et [F], relatives majoritairement à des dettes qui lui auraient été cachées lors de la cession.
Ces réclamations ont conduit M. [F] à proposer le 24 novembre 2016 une offre de 30.000 euros ‘liée à un accord de solde de tout compte’.
Il a été finalement décidé que M. [F] verserait 20.000 euros et M. [I] 30.000 euros.
Le 28 novembre 2016, M. [D] a écrit à M. [F] ‘ok pour le solde de tout compte que je te remettrai signé mercredi (…) Porte moi les chèques correspondant à cette somme avec les dates d’encaissement inscrites au dos que je respecterai’.
Le 30 novembre 2016, M. [D] a écrit reconnaître ‘avoir reçu ce jour un chèque de 20.000 euros, en acompte sur le litige entre AB YACHTING et les anciens associés. Accord sur une somme totale de 50.000 euros’.
Le 21 décembre 2016, M. [I] a demandé sur quels comptes verser les 30.000 euros et il lui a été répondu par M. [D] de verser 20.000 euros sur son compte personnel et 10.000 euros sur le compte de la société AB YACHTING.
Le 05 janvier 2017, M. [F] a réclamé que lui soit remis l’écrit certifiant que les virements avaient été faits ‘pour solde de tout compte concernant la vente AB YACHTING’ et M. [D] a répondu ‘je relance le comptable afin qu’il fasse enfin le nécessaire pour que l’on puisse clore cette affaire’.
Il n’est pas contesté que les 50.000 euros ont été versés et encaissés.
Pour autant, aucune convention de transaction n’a jamais été rédigée.
Dès lors, les paiements effectués ne peuvent avoir un effet transactionnel et l’action de M. [D] est recevable.
M. [D] demande l’annulation de la vente pour dol ce qui implique qu’il doit démontrer des manoeuvres imputables à Messieurs [F] et [I] pour lui cacher la situation réelle de la société.
M. [D], le 04 août 2016, soit le jour de la signature du protocole de cession de parts (ayant les effets d’un compromis de vente) avait eu entre les mains les comptes arrêtés au 30 septembre 2015 et les comptes antérieurs.
Il lui avait été expliqué par courriel du mois de juin 2016 que dans l’année 2013, le bailleur avait dû consentir un abandon de créance de loyer à la société AB YACHTING sous réserve d’un retour à meilleure fortune.
Il est inexact de prétendre que postérieurement à 2013, les loyers n’auraient pas été payés, cette preuve n’étant pas apportée (alors même que cette preuve pouvait aisément être fournie, par l’absence éventuelle de mouvements des comptes bancaires de la société AB YACHTING vers le compte bancaire du bailleur).
Enfin, il n’existait pas de litige antérieur à la vente avec le bailleur et le jugement rendu le 15 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Lorient a au contraire débouté la société AB YACHTING de toutes ses prétentions formées contre lui.
Les comptes arrêtés au 30 juin 2015 faisaient état d’une situation fragile: certes le résultat de l’exercice était passé de (-)58.988 euros à (+)81.796 euros mais le report à nouveau était à (-) 493.064 euros, témoignant d’une activité précédemment déficitaire.
Le montant important des comptes courants d’associés avait été signalé dès le début des négociations, il était précisément repris dans le protocole du 04 août 2016, avec la possibilité de pouvoir augmenter encore au jour de la cession.
A la date de la cession, les comptes courants d’associés avaient effectivement augmenté mais il ne peut être soutenu que cette information ait fait l’objet d’une rétention dolosive des vendeurs, apparaissant bien au contraire clairement des documents lui ayant été remis.
Contrairement à ce que M. [D] prétend, il ne lui a jamais été caché qu’une importante partie du chiffre d’affaires était constituée des ventes de bateaux neufs plutôt que des chantiers de réparations, puisque cela lui a été signalé par courriel de juin 2016 dès l’entrée en négociations, quand M. [I], répondant aux questions de Mme [N] [W], compagne de l’acquéreur, présentait la société en répondant à ses questions. Il était même précisé que l’activité vente croissait par rapport à l’activité réparation.
Il est constant qu’il a existé un contentieux sur des dettes non soldées mais celles-ci ne s’élevaient pas à plus de 29.389,52 euros selon le décompte établi par le comptable de M. [D].
Outre le fait qu’elles ont fait l’objet des paiements du mois de Novembre de Messieurs [I] et [F], elles étaient au demeurant insuffisantes, pour être caractéristiques d’une rentabilité dégradée de la société qui aurait été cachée à M. [D].
En effet, la dégradation de la rentabilité ressortait suffisamment des apports en compte courant ayant dû être réalisés durant l’été par les vendeurs et des tableaux de bord réalisés par la société AEQUATIO, lesquels ont été remis au cessionnaire préalablement à l’acte de cession définitif.
A cet égard, l’attestation rédigée par le nouveau comptable de la société AB YACHTING, selon laquelle la société aurait été en état de cessation des paiements au moment de la vente ne repose que sur la soustraction intervenue entre ses dettes échues et sa situation de trésorerie à la date de la vente, dont il résultait un déficit d’environ 13.000 euros.
Une situation de cessation de paiements aurait nécessité la démonstration de l’impossibilité de financer ce déficit de 13.000 euros, démonstration d’autant moins apportée que la société n’a déposé le bilan que deux années plus tard.
Enfin, il est justifié d’une opération douteuse sur un jet-ski (rachat du jet-ski à un prix dérisoire à la société AB YACHTING par M. [I] pour le revendre ensuite personnellement avec une marge), mais non d’autres opérations similaires; le montant de l’opération, soit 8.000 euros, n’était pas de nature à modifier la vision de la société, dont le chiffre d’affaires était supérieur au million d’euros.
En conséquence, si les vendeurs ont pu faire preuve d’une légèreté certaine, il n’est pas établi pour autant qu’ils aient délibérément caché à M. [D] des informations de nature à vicier son consentement en le trompant sur les qualités intrinsèques de l’entreprise qu’il acquérait.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. [D] de ses prétentions visant à voir annuler la cession pour dol et des prétentions subséquentes.
Sur le devoir de conseil de la société AEQUATIO et de M. [H]:
A titre liminaire, la Cour constate que contrairement à ce qui est affirmé dans les conclusions des appelants, la page 9 du protocole ne contient aucune décharge de responsabilité émise par le cédant et le cessionnaire à leur bénéfice.
La société AEQUATIO et M. [H] étaient l’expert comptable de la société AB YACHTING et ont rédigé les actes de cession, ceci en vertu d’une lettre de mission émanant des deux parties.
A cet égard, la lettre de mission versée aux débats n’est pas signée mais ne fait l’objet d’aucune contestation quant à son contenu et son acceptation dans les conclusions des parties cédantes et cessionnaire.
Il en résulte en premier lieu que cette mission ne comprenait pas la fixation du prix, ce dont il se déduit qu’il ne peut être reproché à la société AEQUATIO et à M. [H] de ne pas avoir attiré l’attention de M. [D] sur un prix qui prétendument n’aurait pas représenté la valeur réelle de la société, ou sur une prétendue surévaluation des parts sociales.
En revanche, en leur qualité de rédacteur d’actes, la société AEQUATIO et M. [H] devaient rendre cet acte efficace en prévoyant les clauses nécessaires à en assurer l’efficacité.
Ils étaient tenus d’un devoir de conseil envers les deux parties, cédante comme cessionnaire et il leur appartient de démontrer qu’ils l’ont prodigué, la charge de la preuve reposant sur eux.
Ils ne peuvent être exonérés de ce devoir en raison de la compétence de l’une des parties ou au motif qu’elle était assistée.
Le devoir de conseil porte sur les informations qui sont portées à la connaissance du professionnel mais que ne connaît pas son client; en revanche, il n’y a pas lieu à devoir de conseil à propos d’informations connues de tous.
M. [D] leur reproche plusieurs omissions:
– avoir rédigé un protocole permettant aux comptes courant d’associés de continuer à augmenter durant la période de transition courant jusqu’à la signature de l’acte de cession définitif, les apports en compte courant, qu’il lui a fallu ensuite rembourser, ayant masqué la dégradation de la rentabilité de la société,
– avoir rédigé une garantie d’actif et de passif très limitée puisque ne prenant en charge que les suites données à un litige précis ainsi que les conséquences d’un éventuel contrôle fiscal ou social,
– s’être abstenus de prévoir une clause de variation de prix alors même que le bilan de référence datait d’une année à la date de cession définitive, en se bornant à fournir des ‘tableaux de bord’ dénués de toute précision, élaborés pour partie sur la base de tendances antérieures.
Sur ces points, M. [D] invoque les règles déontologiques de la profession d’expert-comptable, qui exigeraient notamment la rédaction d’une clause de variation de prix dans le cas d’une cession de parts sociales, mais ne les verse pas aux débats à l’appui de ses allégations.
Il est toutefois constant que sont d’usage des clauses:
– prévoyant un maintien des comptes courants d’associés au niveau atteint le jour de la signature du protocole (ou promesse synallagmatique), puisqu’il s’agit de dettes de la société dont les parts sociales vont être acquises, de surcroît immédiatement exigibles,
– intégrant toutes dettes non mentionnées dans la garantie de passif, avec un seuil de déclenchement,
– prévoyant une clause de variation de prix lors du bilan arrêté au jour de la vente, indexée sur le montant des fonds propres.
Il est possible de s’en exonérer mais encore faut-il que l’acte rappelle que les différentes options ont été discutées avec le cédant et le cessionnaire et que leur omission résulte bien d’un consentement éclairé de leur part, ce qu’ils reconnaissent.
A la lecture des actes, aucune mention de ce type n’apparaît.
Pour autant, M. [D] avait accepté dans le protocole que les comptes courants d’associés puissent augmenter, pendant la période de transition, puisque cette possibilité était expréssement mentionnée, avec une limite maximale lui permettant donc de savoir à quoi il s’engageait.
S’agissant du caractère limité de la garantie d’actif et de passif, le préjudice en étant résulté tient aux dettes découvertes au mois de Novembre 2016, qui ont conduit les cédants à faire des virements au bénéfice du cessionnaire pour les compenser, de la même façon que si la garantie avait existé pour ces dettes.
Aucun préjudice n’est donc résulté du caractère étroit de la garantie.
S’agissant de l’absence de clause de variation de prix, il en est résulté un préjudice incontestable pour M. [D].
Le bilan arrêté au 30 septembre 2016 (la vente a eu lieu le 05 octobre 2016), fait état d’une perte de 69.689 euros (le résultat de 2015 était positif pour plus de 81.000 euros) et de capitaux propres négatifs à hauteur de 64.002 euros.
Ce bilan a été établi bien après la vente.
S’il est exact que les ‘tableaux de bord’ des trois derniers mois ne faisaient pas état de perspectives favorables, seules les données des états comptables arrêtés au 30 septembre 2016 permettaient à l’acquéreur d’avoir une vision globale et utile des conséquences de l’activité dégradée des mois ayant précédé la vente.
8
Sur ce point, il est sans incidence que M.[D] ait commencé à travailler dans la société dans les deux mois ayant précédé la vente, seuls les états comptables offrant une vision réellement utile de la société.
Cette absence de clause de variation de prix a conduit au paiement d’un prix excessif au regard de la situation véritable de la société à la date de la cession.
La société AEQUATIO et M. [H] auraient donc dû proposer aux parties d’insérer une clause de variation de prix dans l’acte de cession et leur indiquer qu’elle en était l’utilité.
En s’en abstenant, ils ont fait perdre à M. [D] une chance d’obtenir l’insertion de cette clause à l’acte et consécutivement, une réduction substantielle du prix de son achat compte tenu des résultats révélés par les états comptables arrêtés postérieurement.
L’examen de l’acte et des discussions intervenues entre les parties démontre que ces dernières n’ont pas contesté la rédaction qui leur était proposée et le risque qu’elles aient refusé l’insertion d’une telle clause peut être qualifié de faible.
Le prix a été de 110.000 euros et l’apparition de capitaux propres négatifs l’aurait fait fortement diminué.
La société AEQUATIO et M. [H] sont condamnés à payer la somme de 70.000 euros de dommages et intérêts à M. [D].
Sur les frais irrépétibles et les dépens:
La société AEQUATIO et M. [H], qui succombent, supporteront la charge des dépens d’appel et paieront à M. [D] la somme de 6.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.
Les autres demandes sont rejetées.
Dispositif
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Infirme le jugement déféré quant au quantum des dommages et intérêts auxquels ont été condamnés solidairement la société AEQUATIO et M. [H].
Confirme le jugement pour le surplus.
Statuant à nouveau:
Condamne solidairement la société AEQUATIO et M. [H] à payer à M. [D] la somme de 70.000 euros de dommages et intérêts.
Condamne solidairement la société AEQUATIO et M. [H] aux dépens d’appel.
Condamne solidairement la société AEQUATIO et M. [H] à payer à M. [D] la somme de 6.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.
Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT