11 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/02142
Pôle 5 – Chambre 6
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 11 JANVIER 2023
(n° ,12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02142 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBLI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 17/10385
APPELANT
Monsieur [Z] [C]
né le [Date naissance 2]/1964 à [Localité 6], de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L00209, avocat postulant
Ayant pour avocat plaidant : Me Ruth GABBAY,avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE
immatriculée au RCS de ORLEANS sous le numéro 306 487 331
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Laurent MEILLET de l’AARPI TALON MEILLET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0428
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY,Président de chambre, et M. Vincent BRAUD, Président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre, chargé du rapport
M. Vincent BRAUD, Président,
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
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Par acte du 17 juillet 2003, la Caisse Régionale de Crédit Mutuel du Centre a consenti à la SCEA [O] un prêt d’un montant de 115 000 € remboursable en 240 mensualités au taux de 4,20%, visant à financer le compte courant d’associés. Monsieur [Z] [C] s’est porté caution personnelle et solidaire dudit prêt dans la limite de 46 000 €.
Par acte du 18 juillet 2003, le Crédit Mutuel a consenti à la société civile CDI un prêt d’un montant de 465 000 € remboursable en 240 mensualités au taux de 4,20%, visant à acquérir des parts de la SCEA [O]. Monsieur [C] s’est porté caution personnelle et solidaire dudit prêt dans la limite de 186 000 €.
La SCEA [O] et la société CDI se sont acquittés partiellement du remboursement des échéances de prêt.
Par jugement du 14 février 2014, le tribunal de grande instance de Blois a prononcé le redressement judiciaire de la SCEA [O], procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement dudit tribunal du 16 octobre 2015 confirmé par arrêt de la cour d’appel d’Orléans du 25 février 2016.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 mars 2014, le Crédit Mutuel a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire désigné par le jugement d’ouverture. Par ordonnance du juge-commissaire notifiée le 13 juin 2016, ladite créance a été définitivement admise à hauteur de 63 250 € correspondant au capital restant dû au 1er mars 2013.
Par jugement du 10 avril 2014, le tribunal de grande instance de Blois a prononcé le redressement judiciaire de la société CDI, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement dudit tribunal du 27 octobre 2015.
Par lettres recommandée avec avis de réception du 16 juillet 2014, le Crédit Mutuel a régulièrement déclaré sa créance, admise sans contestation à hauteur de 270 099,90 € à titre privilégié et à hauteur de 24 120,58 € à titre chirographaire.
Par lettre du 2 novembre 2015, le Crédit Mutuel a mis en demeure Monsieur [C] d’avoir à régler le solde du prêt consenti à la SCEA [O] en sa qualité de caution solidaire, en vain.
Par lettre du 16 mars 2016, le Crédit Mutuel a mis en demeure Monsieur [C] d’avoir à régler le solde du prêt consenti à la société CDI en sa qualité de caution solidaire, en vain.
Par acte d’huissier du 7 juillet 2017, le Crédit Mutuel a assigné Monsieur [C] en paiement.
Par jugement contradictoire en date 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
-Condamne Monsieur [C] à verser au Crédit Mutuel, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement et capitalisation par année écoulée, la somme de :
46 000 € en sa qualité de caution solidaire du remboursement du contrat de prêt Modulagri souscrit par la société SCEA [O]
186 000 € en sa qualité de caution solidaire du remboursement du contrat de prêt Modulagri souscrit par la société CDI
-Dit que Monsieur [C] pourra se libérer de sa dette par des versements mensuels de 5 000 € à partir du mois suivant la signification du présent jugement et ce pendant une durée de 24 mois ; le total du reliquat de la dette sera versé le 24ème mois
-Dit qu’à défaut de versement d’une seule mensualité, la totalité de la dette sera immédiatement exigible
-Condamne Monsieur [C] à verser au Crédit Mutuel la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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Par déclaration en date 1er février 2021, Monsieur [C] a interjeté appel dudit jugement à l’encontre du Crédit Mutuel.
Saisi par le Crédit Mutuel, le conseiller de la mise en état, par ordonnance en date du 5 avril 2022, a déclaré recevables les demandes d’annulation des actes de prêt des 17 et 18 juillet et de caution formées par M. [Z] [C] dans ses conclusions d’appelants N°2 notifiées le 3 novembre 2021.
Exposé du litige
Dans ses conclusions en date du 17 octobre 2022, Monsieur [C] demande à la cour de :
« – DIRE et JUGER Monsieur [Z] [C] recevable et bien fondé en son appel ;
– INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris le 5 janvier 2021,
Y statuant à nouveau,
Sur la recevabilité des demandes
A titre principal,
– JUGER que les demandes formulées de la manière suivante : « Annuler les actes de prêts du 17 et 18 juillet 2003 », « Annuler les engagements de caution de Monsieur [C] », « Débouter la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE de ses demandes de paiement au titre des engagements de caution contractés par Monsieur [Z] [C]», et « En tout état de cause, Débouter la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE de l’ensemble de ses demandes » , ne constituent pas de nouvelles demandes ;
– DECLARER recevables les demandes de Monsieur [Z] [C];
– DEBOUTER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE de sa demande d’irrecevabilité des prétentions de Monsieur [C]
A titre subsidiaire,
– JUGER que les demandes litigieuses ont vocation à faire écarter les prétentions adverses;
En conséquence,
– DECLARER Monsieur [C] recevable en ses demandes d’« Annuler les actes de prêts du 17 et 18 juillet 2003 », d’« Annuler » les engagements de caution de Monsieur [C] », « Débouter la CAISSE REGIONAL DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE de ses demandes de paiement au titre des engagements de caution contractés par Monsieur [Z] [C] », et « En tout état de cause, Débouter la CAISSE REGIONAL DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE de l’ensemble de ses demandes » ;
– DEBOUTER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE de sa demande d’irrecevabilité des prétentions de Monsieur [C]
Au fond
A titre principal,
– CONSTATER l’absence de consentement des sociétés SCEA [O] et CDI lors de la conclusion des contrats de prêts ;
– CONSTATER le défaut de pouvoir des personnes signataires des contrats de prêts ;
Par conséquent,
– ANNULER les contrats de prêts du 17 et 18 juillet 2003;
– ANNULER les engagements de caution de Monsieur [Z] [C] ;
A titre subsidiaire,
– CONSTATER l’absence de la durée des engagements de caution ;
– CONSTATER l’absence de renoncement au bénéfice de discussion ;
– CONSTATER que les garanties relatives aux engagements de caution ne sont pas claires;
En conséquence ;
– ANNULER les engagements de caution de Monsieur [C];
A titre infiniment subsidiaire,
‘ CONSTATER que les engagements de caution souscrits par Monsieur [Z] [C] sont disproportionnés par rapport à sa situation financière au moment de leur signature ;
‘ CONSTATER que la situation financière actuelle de Monsieur [Z] [C] ne lui permet pas de faire face à la mise en jeu des engagements de caution ;
En conséquence,
– JUGER que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE ne peut se prévaloir des engagements de caution contractés par Monsieur [Z] [C],
‘ DEBOUTER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE de ses demandes de paiement au titre des engagements de caution contractés par Monsieur [Z] [C].
A titre très infiniment subsidiaire,
‘ CONSTATER que Monsieur [Z] [C] rencontre des difficultés financières sérieuses ne lui permettant pas d’exécuter immédiatement auprès de CAISSE REGIONAL DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE les engagements de caution contractés ;
En conséquence,
– ACCORDER à Monsieur [Z] [C] un échelonnement mensuel de la somme dues sur une période de deux ans à compter du jour de la signification de la décision à intervenir,
En tout état de cause,
– DEBOUTER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE de son appel
incident et de l’ensemble de ses demandes ;
– CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE au paiement de la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ».
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :
S’agissant de la recevabilité des demandes. Dans ses dernières écritures, le Crédit Mutuel soutient que Monsieur [C] forme de nouvelles demandes lors de ses dernières conclusions d’appelant en demandant à la cour d’annuler les prêts du 17 et 18 juillet 2003 et les actes de cautionnement dont se prévaut la banque pour fonder ses demandes, alors qu’il avait en première instance demandé de dire et juger que les actes de prêts et les cautionnements sont nuls. Au-delà du fait que la notion de « dire et juger » qu’un acte est nul revient à « annuler » l’acte, force est de constater qu’en l’espèce la finalité est la même à savoir débouter la banque de ses demandes de paiement, ce que Monsieur [C] a constamment demandé tant en première instance qu’en appel. En outre, le corps de la discussion des conclusions reste inchangé et la nullité des prêts et actes de cautionnement était soulevée en première instance et en appel. Ainsi, les demandes de Monsieur [C] dans ses écritures d’appelant tendant à voir annuler les contrats de prêts et actes de cautionnement ne constituent pas des demandes nouvelles. Si par extraordinaire, la cour venait à considérer qu’il s’agit de demandes nouvelles, il sera démontré que les demandes ont vocation à faire écarter les prétentions adverses.
S’agissant des demandes litigieuses ayant pour vocation de faire écarter les prétentions adverses. Pour son action en paiement, le Crédit Mutuel se fonde sur les actes de cautionnements que lui aurait consenti Monsieur [C] et la sollicite sa condamnation au paiement desdites sommes. La nullité des engagements de caution invoquée par Monsieur [C] tout comme la nullité des prêts ont donc pour vocation de faire écarter les prétentions du Crédit Mutuel. Contrairement à ce que prétend la banque, Monsieur [C] a bien sollicité du tribunal puis de la cour que le Crédit Mutuel soit débouté de l’ensemble de ses demandes. Par conséquent, Monsieur [C] est recevable en ses demandes.
S’agissant de la nullité des actes de prêt bancaire. Concernant le prêt conclu avec la SCEA [O], il indique que cette dernière est représentée par Messieurs [T] [F] et [Z] [C] agissant en qualité de co-gérants. Or, le 17 juillet 2003, ils n’étaient pas gérants de l’emprunteur ni même actionnaires et n’étaient donc pas habilités à engager la société. Quant à Monsieur [G] [O], gérant de la SCEA [O], il n’a pas donné son consentement pour le prêt et n’a pas non plus délégué ses pouvoirs à Messieurs [F] et [C]. Par conséquent, l’acte de prêt est nul, emportant la nullité de l’engagement de cautionnement.
Concernant le prêt conclu avec la société CDI, il indique que cette dernière est représentée par Monsieur [T] [F] et Madame [L] [C] agissant en qualité de co-gérants. Or, Monsieur [F] n’était plus gérant de la société au moment de la signature du prêt, ce dernier ayant démissionné de ses fonctions. Ainsi, le prêt n’a été signé ni par le gérant ni par aucun des associés. Par conséquent, l’acte de prêt est nul, emportant la nullité de l’engagement.
Par ailleurs, contrairement aux conditions générales du prêt, la banque n’a pas pris la peine de demander les documents permettant de justifier que les signataires étaient habilités à signer de tels actes. De plus, Monsieur [C] n’avait pas été informé des déclarations de créance de la Banque car il n’avait ni la qualité de gérant ni même celle d’associé desdites sociétés à ces dates.
Par conséquent, la cour annulera les actes de prêts.
S’agissant de la nullité de l’acte de cautionnement. Tout d’abord, le code de la consommation s’applique auxdits cautionnements. En effet, le premier prêt n’était pas destiné à financer les besoins d’une activité professionnelle et l’engagement de caution afférent n’y était pas non plus destiné, Monsieur [C] n’étant pas gérant de la société et n’ayant aucune fonction de direction en son sein. Autrement dit, le cautionnement avait vocation à développer son activité patrimoniale.
De même pour le second prêt, la société CDI étant une société civile et Monsieur [C] n’étant pas gérant de la société et n’ayant aucune fonction de direction en son sein.
Ensuite, l’indication de la durée dans la mention manuscrite de la caution faisant défaut, l’engagement de caution est nul.
Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la banque, les mentions manuscrites de Monsieur [C] ne comportent pas de renoncement au bénéfice de discussion, emportant également la nullité de l’engagement de caution.
Enfin, l’acte de prêt de la société CDI est illisible, de même pour les clauses relatives à l’engagement de caution dans les deux contrats.
S’agissement de la disproportion des engagements de caution par rapport aux biens et revenus de la caution. Les cautionnements n’ayant aucune finalité commerciale, il s’agit d’engagements de caution personne physique envers un créancier professionnel, de sorte que le code de la consommation est applicable. Les engagements de caution étaient disproportionnés lors de leur signature. En effet, Monsieur [C] s’est porté caution à hauteur d’un montant global de 232 000 € au profit du Crédit Mutuel alors qu’à cette date son revenu fiscal de référence était de 106 784 € et qu’il était déjà lourdement endetté à hauteur de 2 044, 934 € en raison d’autres engagements de caution et d’un remboursement d’un prêt immobilier.
Le patrimoine actuel de Monsieur [C] ne lui permet pas de faire face à la mise en jeu du cautionnement (46 000 € et 186 000 €). En effet, ce dernier a engagé toutes ses économies dans l’exécution du plan de redressement du groupe Agreenoval, a fait l’objet de plusieurs avis à tiers détenteurs et s’il dispose d’un revenu mensuel net d’impôt de 12 410,79 € au 31 janvier 2021, il verse 3 000 € par mois au Crédit Agricole dans l’autre affaire étant enfin précisé qu’il ne possède aucun bien.
S’agissant des délais de paiement. Eu égard aux revenus actuels de Monsieur [C] et à son absence de bien, sans la mise en place d’un échéancier, ce dernier encourt un risque important de faillite personnelle. Ainsi, si la cour venait à le condamner, elle prononcera un échelonnement mensuel des sommes dues sur une période de deux ans.
S’agissant de l’appel incident formulé par l’intimé. Le Crédit Mutuel sollicite à titre incident l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il n’a pas fait droit à sa demande d’anatocisme. Or, le code de la consommation a vocation à s’appliquer et en tout état de cause, la capitalisation des intérêts de retard au taux légal ne ferait qu’aggraver la situation financière de Monsieur [C]. Aussi, la cour déboutera la banque de son appel incident..
Dans ses conclusions en date du 14 octobre 2022, le Crédit Mutuel demande à la cour de :
Vu les présentes conclusions et les pièces versées aux débats, Vu la saisine de la Cour d’appel de Céans limitée à :
« ACCORDER à Monsieur [Z] [C] un échelonnement mensuel de la somme dues sur une période de deux ans à compter du jour de la signification de la décision à intervenir, »
Il est demandé à la Cour d’appel de Paris de :
DECLARER irrecevables car soulevées pour la première fois à hauteur d’appel les
Moyens
prétentions nouvelles de Monsieur [Z] [C] suivantes :
A titre principal,
« – ANNULER les contrats de prêts du 17 et 18 juillet 2003 ;
– ANNULER les engagements de caution de Monsieur [Z] [C] ; »
A titre subsidiaire,
« ANNULER que les engagements de caution de Monsieur [C] »
A titre infiniment subsidiaire,
« DEBOUTER la CAISSE REGIONAL DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE de ses demandes de paiement au titre des engagements de caution contractés par Monsieur [Z] [C] »
En tout état de cause,
« DEBOUTER la CAISSE REGIONAL DE CREDIT MUTUEL DU CENTRE de ses demandes de l’ensemble de ses demandes ».
CONFIMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de capitalisation des intérêts de retard,
Et y ajoutant,
ORDONNER la capitalisation des intérêts de retard au taux légal dus à compter du jugement rendu le 5 janvier 2021 jusqu’à parfait paiement,
CONDAMNER Monsieur [Z] [C] à verser la somme de 4.500 euros à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT MUTUEL DU CENTRE au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER enfin Monsieur [Z] [C] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Laurent MEILLET, avocat constitué aux offres de droit qui le requiert, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile ».
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :
S’agissant de l’irrecevabilité des demandes nouvelles de Monsieur [C]. Le tribunal judiciaire n’a pas considéré que la demande de Monsieur [C] tendant à « déclarer nuls les contrats de prêt et les engagements de caution » constituait une prétention, raison pour laquelle il n’a pas rejeté la demande. Partant, Monsieur [C] n’a formulé aucune prétention auprès dudit tribunal tendant à la nullité des contrats de prêt et engagements de caution. Dès lors, Monsieur [C] doit être déclaré irrecevable en sa demande tendant à annuler lesdits contrats et engagements car il s’agit de demandes nouvelles soulevées pour la première fois en cause d’appel. Par ailleurs, Monsieur [C] a bien modifié ses prétentions entre son premier et second jeu de conclusions d’appel et le juge de la mise en état n’a pas tranché cette question car cela relève de la compétence de la formation collégiale de la cour d’appel de Paris.
S’agissant de la validité des prêts. Monsieur [C] soulève la prétendue nullité de l’acte de prêt consenti à la SCEA [O] au motif qu’à cette date, il n’était pas encore associé de la société (qualité acquise dès le lendemain) et que n’ayant pas la qualité de cogérant, il ne pouvait représenter et engager la société. Or, Monsieur [C] n’en fait pas la demande au terme du dispositif de ses conclusions d’appelant et en tout état de cause, les prétentions sont mal fondées notamment car la SCEA [O] s’est acquittée du paiement des échéances du prêt de 2003 à 2014 et le prêt a été admis au passif par ordonnance du juge-commissaire. En tout état de cause, le prêt n’est pas nul dès lors qu’il a été signé par Monsieur [F], co-gérant de la société.
Monsieur [C] poursuit un raisonnement similaire pour l’acte de prêt consenti à la société CDI au motif que ce prêt a été signé par l’ancien gérant de la société et non par l’appelant, cessionnaire de ses parts dans le mois suivant la signature de l’emprunt litigieux. Or, Monsieur [C] n’en fait pas la demande au terme du dispositif de ses conclusions d’appelant et en tout état de cause, les prétentions sont mal fondées notamment car la société CDI s’est acquittée du paiement de certaines échéances et le prêt a été admis au passif par ordonnance du juge-commissaire. En tout état de cause, même si Monsieur [F] n’était plus gérant de la société au moment du contrat de prêt, la société CDI l’a validé en l’exécutant et en remboursant au moins partiellement les sommes empruntées.
S’agissant de la prétendue nullité des cautionnements. Monsieur [C] prétend que les cautionnements seraient nuls en application des dispositions du code de la consommation faute d’indication de leur durée. Or, Monsieur [C] ne reprend pas ses demandes de nullité dans le dispositif de ses conclusions et en outre, l’article L311-3 dudit code, dans sa version en vigueur lors de la signature du contrat de cautionnement exclut expressément de son champ d’application les prêts, contrats et opérations de crédit destinés à financer les besoins d’une activité professionnelle. En effet, les emprunts litigieux étaient destinés à la reprise de l’activité des exploitations agricoles de Breton et Lucas et sont donc exclus du champ d’application du code de la consommation. Conformément au droit commun, l’absence d’indication de durée de l’engagement de cautionnement s’analyse en un engagement à durée indéterminée lequel est jugé parfaitement licite. Le Crédit Mutuel rappelle que les engagements de cautionnement ont été souscrits pour la durée des prêts.
Concernant le renoncement au bénéfice de discussion, l’omission de la formule relative à la solidarité ne rend pas nul l’engagement souscrit par Monsieur [C]. Monsieur [C] soutient que les prêts ne seraient pas destinés à financer les besoins d’une activité pour revendiquer le bénéfice des dispositions du code de la consommation. Or, le prêt consenti à la SCEA [O] lui permettait effectivement de poursuivre son activité professionnelle et le prêt consenti à la société CDI était destiné à l’acquisition des parts de la société SCEA [O], activité entrant ainsi dans son objet social. Ainsi, les prêts et engagements de cautionnement sont exclus du champ du code de la consommation. En tout état de cause, les sociétés étant liquidées, le bénéfice de discussion, si Monsieur [C] n’y a pas renoncé, ne lui permettrait pas de remettre en cause les poursuites engagées à son encontre.
S’agissant du caractère prétendument disproportionné des engagements de cautionnement. Le revenu fiscal de référence de Monsieur [C] en 2003 était de 106 784 € nonobstant son patrimoine immobilier dont il ne fait pas état. Par ailleurs, Monsieur [C] ne justifie pas de son patrimoine au moment où il est appelé, étant précisé qu’il exerce aujourd’hui des fonctions de directeur stratégie au sein d’une importante société et dispose d’un revenu mensuel de l’ordre de 25 000 € en 2015 et de l’ordre de 43 000 € en 2017 et 2018 et d’un revenu fiscal de 561 343 € pour l’année 2018.
S’agissant de l’appel incident. Le Crédit Mutuel sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il n’a pas fait droit à sa demande d’anatocisme et sollicite de la cour la capitalisation des intérêts de retard dans les termes du dispositif.
Motivation
MOTIFS
M. [Z] [C], ingénieur agronome, expose qu’avec son épouse et les consorts [F] ils ont décidé d’investir dans des exploitations agricoles en créant le groupe Agrinoval et notamment la société CDI qui était la holding du pôle agricole.
Ils ont, pour ce faite notamment racheté les parts d’une Scea [O], le prêt à cette dernière du Crédit Mutuel du 17 juillet 2003 étant destiné à financer la reprise du compte courant d’associé et le prêt à la société CDI du lendemain 18 juillet 2003 destiné à financer l’acquisition des parts dans la Scea elle-même.
M. [C] s’est porté caution dans les actes de prêts dans les limites respectives de 46 000 et 186 000 euros.
Sur la procédure
Le Crédit Mutuel fait valoir que les demandes de M. [C], principalement, tendant à voir déclarer nuls les prêts et les engagements de caution, subsidiairement, tendant à la nullité des engagements de caution, infniment subsidiairement et en tout état de cause tendant au débouté de ses demandes soit déclarées irrecevables au motif, d’une part qu’elles sont nouvelles en cause d’appel au sens de l’article 564 du code de procédure civile et, d’autre part, que M. [C] n’a pas demandé au tribunal qu’il soit débouté de ses prétentions.
S’agissant des demandes de nullité des prêts et des cautionnements, c’est de manière erronée que la banque expose que le conseiller de la mise en état, dans son ordonnance du 5 avril 2022, n’a pas statué sur leur recevabilité au regard de l’article 564 du code de procédure civile puisqu’il résulte de sa simple lecture qu’il a tranché cette question en jugeant dans le corps de la décision, expressément au regard des articles 564 à 567 du code de procédure civile, que ‘les demandes formées par M. [Z] [C] dans ses écritures d’appelant tendant à voir annuler ces mêmes contrats ne sont donc pas nouvelles au sens de l’article 564 du code de procédure civile’ et en déclarant, en conséquence, recevables les conclusions de M. [C].
Toutefois, la fin de non recevoir relative à l’interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel relève de l’appel et non de la procédure d’appel et, en conséquence en tant que telle, de l’appréciation de la cour d’appel et non du conseiller de la mise en état.
Il en résulte que l’ordonnance, non déférée à la cour d’appel en vertu de l’article 916 du code de procédure civile, n’est pas pour autant revêtue de l’autorité de la chose jugée conférée à certaines décisions du conseiller de la mise en état par l’article 914 dernier alinéa puisqu’elle ne statue pas sur ‘l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910 et 930-1 du code de procédure civile’ comme le prévoit cette disposition.
En revanche, les demandes de nullité des prêts et engagements de caution ne sont pas nouvelles puisqu’il résulte de la simple lecture du jugement entrepris lui-même que M. [C] demandait au tribunal de ‘déclarer nuls les contrats de prêt et les engagements de caution’, prétentions qu’il ne fait que réitérer devant la cour sous forme d’une demande ‘d’annulation’ de ces actes juridiques, la formulation étant indifférente dès lors qu’il n’est pas sérieusement contestable que la chose sollicitée est exactement la même.
Le Crédit Mutuel ne soutient au demeurant plus, devant la cour au contraire de ce qu’il a fait devant le conseiller de la mise en état, l’irrecevabilité des conclusions de M. [C] sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile au motif singulier que ‘demander l’annulation’ et ‘dire et juger nuls’ des actes juridiques constitueraient des prétentions différentes.
La circonstance que le tribunal n’a pas statué, dans le dispositif du jugement – au contraire de ses motifs – , sur cette demande de nullité n’empêche pas qu’elle était dûment formulée, étant observé que la déclaration d’appel de M. [C] mentionne que l’objet de son appel tend notamment à la réformation du jugement en ce qu’il l’a débouté ‘de sa demande tendant à voir déclarer nuls les contrats de prêts et engagements de caution’, de sorte que cette question est dévolue à la cour d’appel.
Le Crédit Mutuel ne produit pas les conclusions de M. [C] en première instance, de sorte qu’il ne peut utilement faire valoir que ce dernier ne sollicitait pas le débouté de ses prétentions, étant observé que M. [C], quant à lui, produit ses conclusions n° 5 devant le tribunal qui, après avoir demandé la nullité des actes sur plusieurs fondements juridiques distincts, fait valoir la disproportion manifeste des cautionnements et demande au tribunal, en conséquence, de juger que la banque ne peut s’en prévaloir, ce qui ne peut que s’analyser en une demande de rejet des demandes de la banque.
Il résulte de ce qui précède que le Crédit Mutuel doit être débouté de ses fins de non recevoir opposées aux prétentions de M. [Z] [C].
Sur la nullité des actes de prêt
Outre que M. [Z] [C], en sa qualité de caution, n’est pas recevable à contester la validité des actes de prêts au motif que les emprunteurs, personnes morales n’étaient pas régulièrement représentées puisque selon l’article 2313 du code civil, dans sa rédaction applicable, la caution n’est pas recevable à se prévaloir d’une nullité relative tirée du défaut de pouvoir du représentant du débiteur principal personne morale, qui constitue une exception purement personnelle destinée à protéger le débiteur principal seulement, c’est à juste titre que la banque expose que l’autorité de la chose jugée qui s’attache à l’admission des créances – tant à la procédure que connaît la SCEA [O] que celle que connaît la société CDI-, opposable à M. [C] qui pouvait la contester en sa qualité de caution, le prive de la faculté de soulever la nullité des prêts qu’il a cautionnés.
C’est toutefois également à juste titre que le tribunal a retenu, en tout état de cause et en vertu de l’article 1182 du code civil alors applicable compte tenu de la date des engagements, que la réception des sommes prêtées et le paiements des échéances sans protestation par les débiteurs pendant plus de dix années valaient confirmation du contrat, les griefs tenant à la représentation, d’une part, de la SCEA [O] et, d’autre part, de la Société CDI étant connus de ces derniers, comme de M. [C], le 18 juillet 2013 pour le prêt de la veille à la SCEA [O] dès lors que M. [F] est alors devenu co-gérant et M. [C] associé, lequel était également gérant de la société CDI depuis la modification des statuts du 11 juin 2003.
Sur la nullité des cautionnements
Les engagements de caution ayant été souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi dite Dutreil du 1er août 2003, les articles L 341-2 et 341-3, devenus 331-1 et L 343-2 et L 331-2 et L 343-3 du code de la consommation, lesquelles subordonnent la protection de la caution aux seules circonstances qu’il s’agisse d’une personne physique s’engageant envers un créancier professionnel ne s’appliquent pas.
Antérieurement et comme l’expose M. [C], l’article L 313-7 du code de la consommation prévoyant la mention manuscrite n’était applicable qu’aux cautionnements de l’une des opérations relevant des chapitres Ier ou II du titre soit les crédits à la consommation et les prêts immobiliers à l’exclusion des prêts destinés à financer les besoins d’une activité professionnelle.
Contrairement à ce que soutient M. [C], ce n’est pas le motif de son cautionnement mais la nature de l’obligation cautionnée qui commande l’application de l’article L 311-7 ancien du code de la consommation ancien issu de la loi dite Neiertz.
Or, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que le prêt consenti à la SCEA [O] avait pour finalité le rachat d’un compte courant d’associé du cédant des parts et que celui consenti à la société CDI avait pour objet l’acquisition des dites parts dans la SCEA de sorte qu’ils avaient tous deux pour finalité le financement de besoins professionnels et que la disposition invoquée n’est dès lors pas applicable.
Dès lors que M. [Z] [C] ne conteste pas être l’auteur de la mention manuscrite et de la signature de l’engagement, il est indifférent que son nom ne soit ps rappelé en fin de l’acte de cautionnement de la société CDI et le défaut de mention de la durée de l’engagement n’est pas sanctionné, la cautionnement à durée indéterminé n’étant prohibé ni par les articles 2288 et suivants du code civil, ni, au demeurant, par les articles L 341-2 et suivants ultérieurement adoptés.
Comme l’a retenu le tribunal, la conséquence du défaut de mention de la renonciation au bénéfice de discussion n’est pas la nullité des engagements, cette mention n’étant pas exigée, à peine de nullité, mais la faculté pour la caution poursuivie de contraindre le créancier à discuter le débiteur principal dans ses biens, indifférente ne l’espèce puisque les deux sociétés cautionnées ont été placées en liquidation judiciaire.
La communication des deux contrats de prêt et des garanties prévues permet de s’assurer qu’ils ne sont pas’illisibles’ et c’est vainement que M. [C] invoque l’illisibilité des formules de mention manuscrites qu’il a dûment recopiées.
En conséquence, il y a lieu de rejeter les exceptions de nullité des actes de cautionnement soulevées par M. [Z] [C].
Sur la disproportion manifeste des cautionnements
La sanction de la disproportion manifeste prévue par l’article L 313-10 ancien du code de la consommation dans sa version applicable issue de la loi du 27 juillet 1993 ne concernait que les ‘opérations de crédit relevant des chapitre Ier et II du présent titre’ c’est à dire le crédit à la consommation et le crédit immobilier, ce qui n’est pas le cas des prêts litigieux.
Pour les mêmes raisons qu’exposé précédemment relative au champ d’application des dispositions invoquées, M. [Z] [C] ne peut soutenir utilement la disproportion manifeste de ses engagements, la nouvelle n’étant pas applicable aux engagements souscrit antérieurement.
M. [Z] [C] ayant été mis en demeure de payer, respectivement aux mois de novembre 2015 et mars 2016, soit il y plus de 6 ans, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de délais de paiement, le jugement devant être réformé de ce chef.
Il résulte de tout ce qui précède, qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris pour le surplus en réparant l’omission de statuer dans le dispositif sur le rejet des demandes de nullité des actes de prêt et des engagements de caution, de condamné M. [Z] [C] aux dépens ainsi qu’à payer à la société Crédit Mutuel la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
REJETTE les fins de non recevoir opposées en cause d’appel par la société Caisse Régionale du Crédit Mutuel du Centre aux demandes de M. [Z] [C] ;
Complétant le jugement,
DÉBOUTE M. [Z] [C] de ses demandes tendant au prononcé de la nullité des actes de prêts ;
DÉBOUTE M. [Z] [C] de ses demandes tendant au prononcé de la nullité des engagements de cautions ;
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf du chef des délais de paiement octroyés ;
Et statuant à nouveau de ce chef,
DÉBOUTE M. [Z] [C] de sa demande de délais de paiement ;
Ajoutant au jugement,
CONDAMNE M. [Z] [C] à payer à la société Caisse Régionale du Crédit Mutuel du Centre la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE M. [Z] [C] aux dépens d’appel qui seront recouvrés par Maître Laurent Meillet en application de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT