Comptes courants d’associés : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08867

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Comptes courants d’associés : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08867

12 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG
22/08867

Pôle 5 – Chambre 9

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 12 JANVIER 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08867 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYSH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Avril 2022 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021044004

APPELANT

Monsieur [I] [D]

né le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 14] (35)

[Adresse 6]

[Localité 11]

présent et assisté de Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, substitué par Me Dominique MUNIZAGA, avocat postulant et plaidant

Aide juridictionnelle totale n° 2022/23012 du 13/09/2022

INTIMES

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 5]

[Localité 10]

S.E.L.A.R.L. AXYME, en la personne de Me Didier COURTOUX

en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS BELGRAND IMMOBILIER

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par Me Edouard TRICAUD de l’AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 804 et suivants du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Déborah CORICON, Conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de: Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière.

Exposé du litige

************

Exposé des faits et de la procédure

La SAS Belgrand Immobilier anciennement 3L Partners a été créée en avril 2006 et exerçait une activité d’administration de biens ou d’immeubles et principalement de syndic de copropriété.

Son gérant était Monsieur [I] [D].

Par jugement en date du 11.10.2018, sur assignation du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins d’Arcadie, le tribunal de commerce de PARIS a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné la SELARL Axyme en qualité de liquidateur.

La date de cessation des paiements a été fixée au 24.07.2017.

Par requête en date du 3.09.2021 le ministère public a saisi le tribunal de commerce pour voir prononcer une sanction à l’encontre de Monsieur [D] en sa qualité de gérant de droit au titre des fautes commises par lui dans le cadre de sa gestion.

Par requête en date du 28.09.2021 le ministère public a saisi le tribunal de commerce pour voir dire que Mme [A] [G] épouse de Monsieur [D] était dirigeante de fait de la SAS Belgrand Immobilier et pour la voir également condamnée à une sanction personnelle.

Par jugement du 6.12.2021 le tribunal correctionnel de Paris, 11èeme chambre, a condamné Monsieur [D], en qualité de gérant de droit, et Madame [A] [G] épouse [D], après avoir caractérisé sa qualité de gérante de fait, sous la prévention de :

– Escroquerie,

– Soustraction frauduleuse à l’établissement ou au paiement de l’ impôt: dissimulation de sommes et fraude fiscale,

– Blanchiment : concours à une opération de placement, dissimulation, ou conversion du produit d’un délit puni d’une peine n’excédant pas 5 ans,

– Abus des biens ou du crédit d’une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles,

– Abus de confiance par personne recouvrant des fonds ou des valeurs pour le compte de tiers,

– Faux : Altération frauduleuse de la vérité dans un écrit,

– Banqueroute : tenue d’une comptabilité incomplète ou irrégulière,

– Usage de faux en écriture,

chacun à une peine de 4 ans dont deux ans assorti du sursis probatoire pendant une durée d’épreuve de 3 ans avec exécution provisoire et une interdiction définitive d’exercer la fonction de syndic et d’exercer toute profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société.

Le tribunal a également prononcé la confiscation de plusieurs biens mobiliers et immobiliers appartenant aux époux.

Par jugement en date du 5.04.2022 le tribunal de commerce a prononcé la faillite personnelle de Monsieur [I] [D] et a fixé la durée de cette mesure à 15 ans,.

Le tribunal a retenu un montant d’insuffisance d’actif de 1.499.752 euros hors garantie financière d’AXA, hors créances des syndicats de copropriété non fixées définitivement et hors créances contestées.

Le tribunal a retenu au titre des griefs:

– une production incomplète de la comptabilité, une absence de comptabilité pour l’exercice 2017/2018 et une comptabilité irrégulière au regard du redressement fiscal opéré,

– un détournement d’actif et une augmentation frauduleuse du passif s’agissant d’avances injustifiées sur les comptes d’associés au nom de Monsieur [D], d’abus de biens sociaux sur les exercices 2016 à 2018 s’agissant de différents prélèvements sur les comptes courants, d’un redressement fiscal en matière de TVA, de virements d’un montant de 101.726 euros au profit de la société AB SYNDIC ET GESTION sans justificatif.

Le grief d’absence de déclaration de cessation des paiements, qui était établi, n’a pas été retenu car ne pouvant donner lieu qu’au prononcé d’une interdiction de gérer.

Monsieur [D] a formé appel.

En outre par jugement en date du 5.04.2022 le tribunal de commerce a retenu que Mme [D] était dirigeante de fait de la société et a prononcé à son encontre une faillite personnelle d’une durée de 15 ans. Madame [D] a formé appel dans le cadre d’une procédure séparée.

Moyens

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 19.10.2022, Monsieur [D] demande à la Cour de:

Déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par Monsieur [I] [D].

Y faisant droit,

Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau,

Dire n’y avoir lieu de prononcer une sanction à l’encontre de Monsieur [D].

Débouter le Ministère public et la SELARL Axyme prise en la personne de Maître Didier

[P], ès qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société BELGRAND

IMMOBILIER, de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Condamner le Trésor public à payer à Monsieur [D] la somme de 3.000 € sur le

fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condanmer le Trésor public aux dépens.

Dans son avis signifié le 7.07.2022 le ministère public invite la cour à confirmer la décision du 5.04.2022 concernant Monsieur [D].

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 26.07.2022, la SELARL Axyme demande à la cour de:

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5.04.2022 par le tribunal de commerce de PARIS

– en conséquence de condamner Monsieur [D] à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la comptabilité

Monsieur [D] conteste le grief retenu exposant les comptes de l’exercice 2016-2017 ont été déposées dans les délais, que l’établissement des comptes postérieurs à 2017 étaient en cours au jour de l’ouverture de la liquidation judiciaire le 11.10.2018 puisque la clôture de l’exercice est au 30.06.2018 et que le dirigeant dispose de 6 mois pour déposer ses comptes, que les documents comptables (journaux, grands livres, bilans, comptes de résultat et annexes) ont été communiqués pour l’exercice 2017/2018, qu’il a coopéré avec le liquidateur, que celui ci a eu accès aux fichiers comptable et fiscaux.

Il indique s’agissant de la vérification fiscale que les fichiers transmis ont été considérés comme satisfaisants et que le vérificateur ne s’est pas plaint de la comptabilité.

Il précise que la société Belgrand Immobilier fait partie d’une activité réglementée, auditée chaque année par son garant financier la compagnie AXA, que l’audit réalisé sur les comptes de la société par la société KPMG n’a pas constaté de défaillance, ce qui a amené le renouvellement de l’agrément par le garant financier.

Il expose qu’il a contesté la rectification fiscale opérée devant la juridiction administrative.

La Selarl Axyme expose qu’en dépit des demandes adressées par le liquidateur judiciaire de la SAS Belgrand Immobilier au dirigeant de droit, les documents comptables prévus à l’article L. 123-12 et suivants du Code de Commerce, à savoir : les journaux, grands livres bilans, comptes de résultat et annexes, n’ont pas été communiqués pour l’exercice 2017/2018, que par ailleurs, l’expert-comptable a répondu à la SELARL Axyme es qualité qui l’interrogeait sur l’état de la comptabilité et sur les pièces et documents comptables en sa possession que les comptes postérieurs à l’exercice 2017 n’avaient pas été établis faute d’éléments, que d’autre part, la comptabilité de la société a fait l’objet d’une vérification par l’Administration fiscale pour la période comprise entre le 01/07/2014 au 30/06/2017 qui a abouti à une proposition de rectification en date du 29/11/2018 démontrant le caractère irrégulier de la comptabilité.

Elle précise en outre qu’au cours de l’enquête pénale Monsieur [E] l’ancien commissaire aux comptes précisait avoir audité les comptes de la SA Belgrand Immobilier pendant plusieurs années avant de démissionner en mars 2018, qu’il avait refusé de certifier les comptes à partir de 2015 et avait effectué des signalements au procureur de la république en 2015,2017 et 2018 lors de sa démission, et qu’il avait été établi que les comptes de l’exercice clos le 30.06.2016 avaient été modifiés par Monsieur [D] avant leur dépôt et que le rapport du commissaire aux comptes avait été également falsifié pour l’exercice clos le 30.06.2015.

Le ministère public expose concernant les époux [D] qu’en dépit des demandes adressées, ils n’ont pas remis au liquidateur l’intégralité des documents prévus par l’article L- 123-12 et suivant du code de commerce à savoir : les joumaux , grands livres, bilans, comptes de résultat et annexes pour l’exercice 2017/2018, qu’interrogé l’expert comptable a indiqué que les comptes postérieurs à l’exercice 2017 n’avaient pas été établis faute d’éléments, qu’il y a donc lieu de considérer que la comptabilité est incomplète, que d’autre part, la comptabilité de la société a fait l’objet d’une vérification par l’administration fiscale pour la période comprise entre le 01/07/2014 et le 30/06/2017 qui a abouti à une proposition de rectification fiscale en date du 29/ ll/2018, que les vérifications opérées par l’inspecteur des impôts ont mis en évidence :

– une minoration de TVA collectée de 163.155€

– des frais kilométriques de M. [D] non justifiés passés en charges `

– un compte courant créditeur de M. [D] non justifié .

– des encaissements de fonds provenant de la copropriété [Adresse 3] pour un montant de 110.919 € non déclarés en produits,

qu’ainsi concernant ces exercices les dirigeants n’ont pu justifier d’une comptabilité régulière et à jour, qu’enfin ils ont été condamnés le 6 décembre 2021 notamment pour fraude fiscale et banqueroute par tenue d’une comptabilité incomplète ou irrégulière à 4 ans d’emprisonnement dont deux avec sursis probatoire.

Sur ce

L’article L 653-5 dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L 653-1 contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-après:

6° Avoir fait disparaitre des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

La liquidation judiciaire a été prononcée le 11.10.2018 et l’exercice ayant été clôturé le 30.06.2018 les documents comptables pour l’exercice 2017-2018 n’étaient pas encore établis. Il ne peut donc être reproché à Monsieur [D] de ne pas avoir remis le compte de résultat et le bilan pour l’exercice 2017-2018. Cependant la comptabilité se tenant quotidiennement par la passation des écritures, les grands livres et journaux de l’exercice auraient du être tenus et remis au mandataire judiciaire, alors qu’ils ne l’ont pas été. Monsieur [D] qui soutient avoir remis les grands livres et journaux au mandataire judiciaire n’en rapporte pas la preuve.

Cette absence de remise caractèrise le grief d’absence de tenue de comptabilité.

Pour les exercices précédents la comptabilité a été établie pour chaque exercice et remise au liquidateur.

Elle a été également remise à l’administration fiscale lors des opérations de vérification.

Cependant les opérations de vérification réalisées par l’administration fiscale ont démontré que la comptabilité pour les exercices clos le 30.06.2016 et le 30.06.2017 était irrégulière au sens de la jurisprudence qui retient, comme démontrant le caractère irrégulier de la comptabilité, l’absence de pièces justificatives de dépenses ou l’enregistrement d’opérations non justifiées.

En effet de nombreuses irrégularités ont été constatées par l’administration fiscale qui ont amené l’envoi d’une proposition de rectification fiscale s’agissant en particulier:

– de charges non engagées dans l’intérêt de l’entreprise s’agissant de remboursements kilométriques injustifiées au regard de l’activité de la société. L’administration fiscale a ainsi retenu que:

*pour l’exercice clos le 30.06.2016 10 déplacements sur 163 concernaient la province et correspondaient à 90% du montant des remboursements de frais de déplacements alors que la société ne gérait pas de bien dans les villes dans lesquelles des déplacements avaient eu lieu. Il était constaté que le tableau de remboursement kilométrique d’une part ne mentionnait pas de date, ce qui ne permettait pas de vérifier la réalité des déplacements et d’autre part indiquait une ligne ‘divers’ avec 26.200 kms et 21.012 euros ce qui était incohérent avec les autres mentions du tableau.

* pour l’exercice clos au 30.06.2017 12 des 91 déplacements concernaient la province et correspondaient à 63% du remboursement total inclus dans les comptes pour l’exercice 2016-2017 alors que la société ne gérait pas de patrimoine dans les villes.

Les éléments réclamés par l’administration fiscale s’agissant des cartes grises des véhicules autre que le véhicule Kia immatriculé le 9.11.2016 et le véhicule Nissan immatriculé le 12.06.2017 et donc utilisé du 20.06.2016 au 9.11.2016, les factures d’entretien, les tickets de péage et les mandats de gestion pour les biens concernés situés dans les villes de province n’ont pas été communiqués.

– des crédits injustifiées au crédit de compte courant de Monsieur [D]:

pour l’exercice clos le 30.06.2016 le compte courant de Monsieur [D] présente 18 montants au crédit sans que la société ne soit en mesure de produire des justificatifs c’est à dire la preuve que Monsieur [D] aurait versé des sommes à la société ou payé des dépenses pour le compte de celle ci expliquant les écritures passées au crédit de son compte courant associé.

– des encaissements de fonds provenant de la copropriété du [Adresse 3] pour un montant de 110.919 euros qui n’ont pas été déclarés en produits.

Il ressort donc des constatations de l’administration fiscale que la comptabilité de la société Belgrand Immobilier n’était pas régulière pour les exercices clos les 30.06.2015, 30.06.2016 et 30.06.2017.

Le grief est donc retenu.

sur le fait d’avoir fait du bien ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement

Monsieur [D] expose qu’il a contesté la rectification fiscale, et en particulier qu’il a contesté la prétendue minoration de la TVA, que son compte courant créditeur est justifié, qu’il n’y a eu aucun frais kilomètrique non justifié et aucun compte courant non justifié

Il fait valoir que la société Belgrand Immobilier est détenue à 100% par une holding la société 3L Partners Holding devenue Erds Immobilier et qu’il existe une convention régissant les relations entre la holding et sa filiale signée le 26.04.2011 qui prévoit qu’en contrepartie des prestations réalisées par la holding la société 3L Partners versera une rémunération de 210.000 euros, convention produite aux débats.

Il indique que le fonctionnement de ses comptes courants au sein de 3L Partners est parfaitement transparent et légal et qu’il n’y a jamais eu de prélèvement constituant des abus de biens sociaux étant précisé que ces comptes courant ont fait l’objet d’une vérification par le trésor public et qu’il n’y a eu aucun redressement fiscal.

Le ministère public expose qu’à l’occasion de la vérification de comptabilité diligentée en 2018 sur les comptes de la SAS 3L Partners l’administration fiscale a relevé des avances injustifiées enregistrées en comptes courant d’associé ,n°45510000 de Monsieur [D] dont des remboursements de frais kilométriques injustifés, qu’un autre compte courant d’associé n°45500000 était ouvert au nom de [I] [D] au sein de la SAS sur lequel apparaissaient également des opérations douteuses au crédit et que sur la période de 2015 à 2018 des opérations ont été portées au crédit de ces deux comptes sans être manifestement justifiées, apparaissant pour certaines comme de simples écritures comptables (créances fictives) pour d’autres comme des créances indues (telles que les indemnités kilométriques perçues sans justification), que ces comptes étaient mouvementés par des prélèvements conséquents sur cette période (retraits d’espèces, virement ou règlements de frais personnels par la société 3L Partners); qu’en déduisant de ces prélèvements les seules opérations de crédits qui apparaissaient justifiées , ces comptes courants apparaissent débiteurs pour l’un à hauteur de 178.388 euros et pour le second de 204.120,13 euros, que par ailleurs, un compte courant d’associé au nom de 3L Partners Holding a été ouvert en 2017 au sein de la société 3L Partners lequel présentait un solde débiteur de 18.948,89 € sans qu’il soit démontré une convention de trésorerie à jour ou une politique de groupe entre la société 3L Partners et 3L Partners Holding susceptible de justifier les prélèvements effectués.

Il conclut que le montant des différents prélèvements sur ces comptes courants, susceptibles de constituer des abus de biens sociaux sur les exercices 2016 à 2018 s’élève à 401.457,02 euros.

Il expose qu’en outre les investigations ont permis d’établir qu’entre le 15 septembre 2018 et le 4 octobre 2018 des virements d’un montant de 101.726 euros étaient effectués au profit de AB Syndic et Gestion sans justificatif et manifestement sans intervenir dans l’intérêt social de SAS Belgrand Immobilier.

Il conclut que les époux [D] ont sciemment fait du bien ou du crédit de la société Belgrand Immobilier un usage contraire à l’intérêt de celle ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale, la société AB Syndic et Gestion, dans laquelle ils étaient directement intéressés, que ces faits ont été mis en lumière dans le cadre de l’enquête pénale et partiellement reconnus par les intéressés qui en ont été déclarés coupables par jugement du tribunal judiciaire de Paris lleme chambre correctionnelle du 6 décembre 2021.

Axyme indique:

-que l’analyse d’éléments récupérés auprès des services fiscaux de la comptabilité de la société 3L Partners, Belgrand Immobilier, et des comptes bancaires des époux [D] et de la société ont permis de mettre en lumière des mouvements constitutifs d’abus de biens sociaux sur les comptes courants d’associés ouverts au nom de Monsieur [I] [D] au sein de sa société s’agissant d’avances non justifiées en compte courant ou des remboursement de frais kilométriques non justifiés, pour un montant au total de 401.457,02 euros,

– que par ailleurs des virements pour un montant de 101.726 euros étaient effectués au profit de la société AB Syndic et Gestion dirigée par [A] [D] sans justificatif et manifestement sans intervenir dans l’intérêt social de la SAS Belgrand Immobilier

– qu’enfin Monsieur [R] entrepreneur qui est intervenu pour réaliser des travaux au domicile des époux [D] a corroboré des actes de détournement d’actifs puisqu’il indiquait aux enquêteurs avoir encaissé deux chèques de 15.000 euros chacun émis par la société 3L Partners devenue Belgrand Immobilier en règlement d’une partie des travaux réalisés dans la maison des époux [D].

Sur ce

L’article L 653-4 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après:

3°) avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

La vérification fiscale opérée par l’administration fiscale a démontré l’existence dans la comptabilité de l’exercice clos le 30.06.2016 d’un compte courant au nom de Monsieur [I] [D] président de la société avec 18 montant au crédit du compte sans que la société n’ait pu produire les justificatifs des paiements opérés pour son compte par son dirigeant expliquant les crédits comptabilisés pour un montant de 172.561 euros. L’administration fiscale a constaté au cours de ses opérations qu’à la clôture de la période vérifiée le solde du compte courant associé était créditeur d’un montant de 28.628 euros et que la quasi-totalité du montant de 172.561 euros avait donc été perçue par Monsieur [D].

Monsieur [D] qui indique avoir contesté la rectification opérée par l’administration fiscale devant le tribunal administratif ne verse aux débats aucun élément rapportant la preuve que les sommes inscrites sur son compte courant associé correspondent à des paiements qu’il a effectué personnellement pour le compte de la société. Il échoue à critiquer utilement les constatations effectuées par l’administration fiscale.

Monsieur [D] en percevant la plus grande partie de la somme inscrite sur son compte courant associé, alors qu’il n’existe aucune opération de paiement effectuée par lui pour le compte de la société justifiant la comptabilisation en crédit de ces écritures, a utilisé les biens de la société dans son intérêt personnel.

En outre il a été établi dans le cadre de l’enquête pénale diligentée que quelques jours avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la société Belgrand Immobilier plusieurs transferts de fond ont eu lieu de la société liquidée vers la société AB Syndic et Gestion, nouvellement créée au mois de septembre 2018 par Madame [A] [G] [M] épouse [D], pour un montant de 101.726 euros entre le 15.09 et le 1.10.2018 (page 27 du jugement faisant référence au feuillet 542 bis de l’enquête).

Monsieur [D] ne rapporte pas la preuve du bien fondé de ces virements de fonds entre les deux sociétés en pleine période dite suspecte au détriment de la société liquidée et au bénéfice d’une société dont son épouse était gérante.

Par ailleurs dans le cadre de l’enquête pénale réalisée Monsieur [R] entrepreneur a indiqué avoir réalisé des travaux d’agrandissement du pavillon des époux [D] d’octobre 2016 à juin 2017 et avoir été payé par chèque émis par la société 3L Partners et par des chèques de copropriétés en deux fois 26.000 euros puis 15.000 euros (jugement correctionnel page 27 faisant référence au feuillet 177 de l’enquête).

Ces déclarations de Monsieur [R] rapportent la preuve que les dirigeants de droit et de fait de la société Belgrand Immobilier ont fait un usage personnel des fonds de de la société.

Il s’ensuit que le grief est retenu.

Sur le fait d’avoir détourné tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale

Monsieur [D] fait valoir les mêmes arguments que pour l’usage des biens de la société à des fins personnelles. Il expose ainsi qu’il a contesté la rectification fiscale, et en particulier qu’il a contesté la prétendue minoration de la TVA, que son compte courant créditeur est justifié, qu’il n’y a eu aucun frais kilomètrique non justifié et aucun compte courant non justifié

Il fait valoir que la société Belgrand Immobilier est détenue à 100% par une holding la société 3L Partners Holding devenue Erds Immobilier et qu’il existe une convention régissant les relations entre la holding et sa filiale signée le 26.04.2011 qui prévoit qu’en contrepartie des prestations réalisées par la holding la société 3L Partners versera une rémunération de 210.000 euros, convention produite aux débats.

Il indique que le fonctionnement de ses comptes courants au sein de 3L Partners est parfaitement transparent et légal et qu’il n’y a jamais eu de prélèvement constituant des abus de biens sociaux étant précisé que ces comptes courant ont fait l’objet d’une vérification par le trésor public et qu’il n’y a eu aucun redressement fiscal.

Le ministère public expose qu’à la suite du contrôle fiscal la société a fait l’objet d’un redressement en matière de TVA pour la somme de 165.155 euros en droits et 66.062 euros au titre des pénalités, que dans la mesure où dans le cadre d’un précédent contrôle, la société Belgrand Immobilier avait déjà été reconnue redevable de pénalités pour un montant de 39.632 euros le trésor public a appliqué de très forte pénalités entraînant une augmentation frauduleuse du passif à hauteur de 105.694 euros, qu’en outre l’enquête pénale a mis en évidence des détournements de fonds dans le cadre de la gestion de trois copropriétés pour un montant estimé au minimum de 313.725,92 euros, que les syndicats ont déclaré les sommes détournées et qu’il en résulte une augmentation frauduleuse du passif au minimum de 313.725,92 €, sous réserve d’éventuels détournements de fonds dans d’autres copropriétés qui revendiquent des sommes très importantes sans que les faits soient établis avec certitude à ce jour.

La société Axyme conclut dans le même sens que le ministère public

sur ce

L’article L 653-4 5° dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après:

5°avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Il ressort de la procédure de vérification fiscale et de la lettre de rectification adressée par l’administration fiscale que la société Belgrand Immobilier a été redressée au titre de la TVA déclarée qui avait été volontairement minorée par les dirigeants de droit et de fait puisque Madame [D] a reconnu devant l’expert comptable, Monsieur [O], avoir modifié les télédéclarations faites par l’expert comptable pour les minorer.

A ce titre l’administration fiscale a opéré un redressement de TVA d’un montant total sur trois années de 165.155 euros et a appliqué la majoration pour manquement délibéré en visant le fait que l’infraction de défaut de déclaration de la totalité des produits imposables avaient été répétées sur trois exercices vérifiés, que la minoration correspondait à plus de 31% du chiffre d’affaire pour l’exercice clos le 30.06.2015, à plus de 30% pour l’exercice clos le 30.06.2016 et à 11% pour l’exercice clos le 30.06.2017, que la TVA collectée représente une partie très importante de la TVA nette à payer par la société: 46% du chiffre d’affaire pour l’exercice clos au 30.06.2015, 44% pour l’exercice clos au 30.06.2016, et 12,5% pour l’exercice clos au 30.06.2017, qu’enfin la société avait fait l’objet, antérieurement, de deux vérifications de comptabilité qui avaient donné lieu à une proposition de rectification pour les mêmes infractions et qu’elle était donc parfaitement informée de ses obligations à ce titre, démontrant le caractère volontaire de la rétention de TVA collectée.

Quand bien même la modification des télédéclarations aurait été effectuée par Mme [D], il y a lieu de retenir également la responsabilité de Monsieur [D] en sa qualité de gérant de droit de la société.

En minorant volontairement les déclarations de TVA, en toute connaissance de cause de l’infraction fiscale ainsi constituée, les gérants de droit et de fait de la société ont augmenté le passif de la société des pénalités appliquées par l’administration fiscale.

Par ailleurs l’enquête pénale a révélé des détournements de fonds commis par la société Belgrand Immobilier au détriment des copropriétés dont elle assurait la gestion en qualité de syndic. Les fonds ainsi détournés ont été déclarés au passif de la société, étant précisé que le tribunal correctionnel a statué sur leur principe et leur montant:

par les copropriétés victimes qui sont:

– la copropriété du [Adresse 1] au [Localité 13] pour 365.821,64 euros

– la copropriété du [Adresse 2] à [Localité 12] pour la somme de 65.928,94 euros

– la copropriété du [Adresse 7] à [Localité 12] pour la somme de 41.681,39 euros

et par les copropriétaires victimes qui sont:

– Monsieur [W] pour 20.000 euros

– Monsieur [B] pour 3700 euros

– Monsieur [K] pour 800 euros

– Monsieur [X] [Z] pour 826,11 euros.

Le grief est donc caractérisé.

Sur la nature et la durée de la sanction

La nature de la sanction, une faillite personnelle, et la durée, 15 ans, sont proportionnées à l’importance des fautes commises par Monsieur [D] et à leur conséquence sur le passif de la société de telle sorte qu’il convient de confirmer la décision entreprise.

Sur les autres demandes

Il est inéquitable de laisser la société Axyme, es qualités, supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et Monsieur [D] est condamné à lui payer la somme de 3000 euros à ce titre.

Les dépens sont laissés à la charge de l’appelante.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 5 avril 2022

Et y ajoutant

Condamne Monsieur [I] [D] à payer à la Selarl Axyme es-qualités de liquidateur de la société Belgrand Immobilier la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne Monsieur [D] aux dépens.

La greffière La présidente

 

 


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