9 février 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/04237
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET
N° 170
S.A.R.L. [5]
C/
Organisme URSSAF NORD PAS DE CALAIS
COUR D’APPEL D’AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 09 FEVRIER 2023
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N° RG 21/04237 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IGLQ – N° registre 1ère instance : 16/00151
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ ARRAS (Pôle Social) EN DATE DU 29 juillet 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
La société [5] (SARL), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexis FATOUX, avocat au barreau d’ARRAS substituant Me Tal LETKO BURIAN de la SELARL LAMORIL-WILLEMETZ-LETKO-BURIAN, avocat au barreau d’ARRAS, vestiaire : 44
ET :
INTIMEE
L’URSSAF NORD PAS DE CALAIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU DEMONT HARENG DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE
DEBATS :
A l’audience publique du 13 Octobre 2022 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 09 Février 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Exposé du litige
Mme Mélanie MAUCLERE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 09 Février 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement rendu le 29 juillet 2021 par lequel le pôle social du tribunal judiciare d’Arras, statuant dans le litige opposant la SARL [5] à l’URSSAF du Nord Pas de Calais, a :
– validé le redressement opéré,
– condamné la société [5] à payer à l’URSSAF du Nord Pas de Calais la somme de 58970 euros au titre de la mise en demeure du 30 juillet 2015,
débouté la société [5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société [5] aux dépens,
Vu l’appel du jugement relevé le 9 août 2021 par la SARL [5] ,
Moyens
Vu les conclusions visées le 13 octobre 2022, soutenues oralement à l’audience, par lesquelles la société [5] prie la cour de:
à titre principal
– déclarer la société [5] recevable et fondée en son appel,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a validé le redressement opéré,
– juger que la procédure de contrôle est nulle,
– annuler purement et simplement avec toutes conséquences de droit la lettre d’observations délivrée par l’URSSAF Nord -Pas de Calais en date du 10 avril 2015 et le redressement y afférent
– annuler la mise en demeure émise par l’URSSAF Nord -Pas de Calais en date du 30 juillet 2015,
le cas échéant,
– juger le chef de redressement intitulé «’salaires non déclarés’» mal fondé et l’annuler,
– juger le chef de redressement intitulé «’ comptes courants débiteurs’» mal fondé et l’annuler,
– juger le chef de redressement intitulé «’ réduction Fillon:Incidences du point précédent’» mal fondé et l’annuler
en tout état de cause,
– juger l’URSSAF irrecevable et mal fondée en ses demandes,
– débouter l’URSSAF de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner l’URSSAF à payer à la société [5] la somme de 3000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les frais et dépens,
Vu les conclusions visées le 13 octobre 2022, soutenues oralement à l’audience, par lesquelles l’URSSAF Nord Pas de Calais prie la cour de :
– confirmer le jugement déféré,
– débouter la société [5] de ses demandes,
– condamner la société [5] à payer à l’URSSAF Nord Pas de Calais la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la société [5] aux dépens,
Motivation
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SUR CE LA COUR,
La société [5] a fait l’objet d’un contrôle opéré par l ‘URSSAF Nord Pas de Calais relatif à l’application de la législation de la sécurité sociale se rapportant à la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, à la suite duquel une lettre d’observations en date du 10 avril 2015 lui a été adressée, lui notifiant un redressement en cotisations et contributions d’un montant total de 51983,00 euros.
Une mise en demeure lui a par la suite été adressée par l’URSSAF Nord Pas de Calais en date du 30 juillet 2015, aux fins de paiement de la somme totale de 58970,00 euros, majorations comprises.
Contestant ce redressement , la société [5] a saisi la commission de recours amiable, puis la juridiction de sécurité sociale.
Par jugement dont appel, le pôle social du tribunal judiciaire d’Arras a statué comme indiqué précédemment.
La société [5] conclut à l’infirmation du jugement déféré et à titre principal à la nullité de la procédure de contrôle , de la lettre d’observations et de la mise en demeure, avec toutes conséquences de droit.
Elle fait valoir que la lettre d’observations a été signée par un seul inspecteur du recouvrement, Monsieur [O] [K], alors que Madame [R] [V] a également participé au contrôle, et que lorsque plusieurs inspecteurs effectuent le contrôle ou sont présents sur les lieux du contrôle , la lettre d’observations doit comporter la signature de chacun d’entre eux, qu’à défaut, la lettre doit être déclarée nulle.
Elle soutient qu’il s’agit d’un seul et même contrôle, Madame [V] ayant effectué le contrôle sur pièces, et Monsieur [K] ayant effectué des investigations complémentaires indissocaibles.
Elle conteste avoir été informée d’une clôture du contrôle sur pièces au profit du contrôle sur place.
La société [5] fait par ailleurs grief à la procédure de contrôle d’avoir eu une durée déraisonnable au regard des circonstances de l’espèce, la lettre d’observations lui ayant été adressée près de 14 mois après le courrier de l’inspecteur du recouvrement l’informant du déclenchement du contrôle.
A titre subsidiaire, la société [5] conteste le bien fondé des chefs de redressements intitulés:’«’salaires non déclarés’», « comptes courants débiteurs’»,’«’réduction Fillon:Incidences du point précédent’».
L’URSSAF Nord Pas de Calais conclut à la confirmation du jugement déféré et au rejet des demandes de la société [5].
S’agissant de la régularite du contrôle , l’ URSSAF Nord Pas de Calais oppose que seul un inspecteur, Monsieur [O] [K], a réalisé un contrôle sur place de la société, qu’avant ce contrôle, un contrôle sur pièces avait été confié à Madame [V], laquelle a notifié le 31 mars 2014 à la société la clôture du contrôle sur pièces et l’imminence d’un contrôle sur place, et qu’il s’agit ainsi de deux contrôles distincts.
S’agissant de la durée du contrôle, elle conteste que celle-ci ait été excessive, observant en outre que le contrôle en cause n’était alors encadré par aucun délai, la loi du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015 s’appliquant aux contrôles initiés à compter du 1 er janvier 2015.
Elle ajoute qu’en toute hypothèse, l’inspecteur a constaté une situation de travail dissimulé, de sorte qu’aucune limitation de la durée du contrôle n’est applicable.
L’URSSAF Nord Pas de Calais conclut par ailleurs au bien fondé des chefs de redressement contestés.
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* Sur la régularité du contrôle :
Aux termes de l’article R 243-59 alinéa 5 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, à l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant, un document daté et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle.
L’article R 243-59-3 du même code , dans sa version applicable, dispose que des opérations de contrôle des obligations déclararatives et de paiement des employeurs et des travailleurs indépendants occupant neuf salariés au plus au 31 décembre de l’année qui précède celle de l’avis de contrôle peuvent être réalisées sous les garanties prévues à l’article R 243-59 dans les locaux de l’organisme de recouvrement à partir des éléments dont dispose l’organisme et ceux demandés pour le contrôle.
Ce contrôle peut être réalisé soit par des inspecteurs du recouvrement, soit par des contrôleurs du recouvrement répondant aux conditions énumérées à l’article L 243-7.
En cas de non-transmission des éléments demandés ou lorsque l’examen des pièces nécessite d’autres investigations, la procédure est clôturée par un document se substituant à celui mentionné au cinquième alinéa de l’article R 243-59, informant l’employeur ou le travailleur indépendant qu’un contrôle va être engagé dans les conditions fixées à l’article R 243-59.
En l’espèce, il est établi qu’un premier contrôle sur pièces a été effectué par Madame [R] [V], contrôleur du recouvrement en vertu de l’article R 243-59-3 du code de la sécurité sociale.
Cette procédure a été clôturée en raison de la nécessité de poursuivre d’autres investigations, ce dont la société a été informée par courrier en date du 31 mars 2014.
En vertu du même courrier, la société cotisante a été informée de ce qu’un contrôle sur place serait prochainement engagé et de ce qu’un avis de contrôle lui serait adressé dans ce cadre.
Par courrier en date du 4 juillet 2014, l’URSSAF Nord Pas de Calais a informé la société de ce qu’un contrôle sur place aurait effectivement lieu dans les locaux de l’entreprise le 1 er septembre 2014.
Ainsi et contrairement à ce que prétend la société cotisante, ce sont bien deux contrôles distincts et dissociables qui ont été opérés, le contrôle sur place ayant été réalisé par un seul inspecteur du recouvrement, à savoir M [K].
Ce dernier était donc seul tenu de signer la lettre d’observations en date du 10 avril 2015.
Le moyen développé de ce chef par l’appelante est inopérant et sera écarté.
S’agissant par ailleurs de la durée du contrôle opéré, les premiers juges ont à juste raison relevé que les deux procédures cumulées avaient duré 14 mois, que la seule procédure de contrôle sur place avait duré un peu plus de neuf mois et qu’il ne pouvait être considéré que la durée du contrôle ait été excessive.
Le moyen développé de ce chef est également inopérant, étant observé qu’il est indiscuté que le contrôle opéré n’était pas enfermé dans un délai légal.
La décision déférée sera par voie de conséquence confirmée en ec qu’elle a rejeté les demandes d’annulation formées par la société s’agissant de la procédure de contrôle, de la lettre d’observations et de la mise en demeure.
* Sur le bien fondé du redressement :
– sur le chef de redressement n’°2 de la lettre d’observations: salaires non déclarés:
Aux termes de l’article L 311-2 du code de la sécurité sociale, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général toutes les personnes salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.
Par ailleurs et aux termes de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale, ‘pour le calcul des cotisations et contributions sociales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire.’»
En l’espèce, l’inspecteur du recouvrement a constaté lors des opérations de contrôle l’inscription au débit du compte courant d’associé de M [M] [I] de huit versements réguliers de sommes de 1500 euros, sous le libelle’» AP SALAIRE’», «’SALAIRE AP’», ou encore «’ ASSOCI2 COMPTE COURANT A PETIT’».
L’inspecteur a relevé que ces écritures étaient rattachées au journal de banque et matérialisaient le versement chaque mois à M [M] [I], associé minoritaire de la société, de sommes forfaitaires dont certaines qualifiées de salaire.
L’inspecteur a constaté au débit du même compte courant la prise en charge par la société du loyer d’un logement en région parisienne à raison de 1580 euros mensuels.
Les quittances de loyer et le bail n’ont pas été communiqués par la société;
L’inspecteur a en outre relevé qu’en 2012, M [M] [I] n’apparaissait pas sur la DADS, et qu’il n’avait pas fait l’objet d’une déclaration préalable à l’embauche, et qu’il apparaissait comme salarié sur la DADS au 1 er janvier 2013.
La société interrogée sur la nature des montants enregistrés au compte courant en 2012 a indiqué que M [M] [I] n’était pas salarié de l’entreprise.
Considérant que le recoupement des différents constats révélait la perception régulière en 2012 de plusieurs sommes de 1500 euros assimilables à des rémunérations, l’inspecteur du recouvrement a procédé à une régularisation de ce chef.
La société cotisante, pour contester ce chef de redressement, prétend que le libelé «’AP Salaire’» concernant les sommes de 1500 euros relevées en comptabilité résulte d’une erreur du comptable de la société, et que les sommes portées au débit du compte courant de M [M] [I] correspondent à des remboursements de la société [5].
Toutefois, et ainsi que relevé par les premiers juges, la société ne produit pas de document suffisamment probant de nature à démontrer la nature des sommes en cause et à remettre en cause le constat effectué par l’organisme.
La décision déférée sera par voie de conséquence confirmée en ce qu’elle a validé ce chef de redressement.
– Sur le chef de redressement n°3 de la lettre d’observations: comptes courants débiteurs
En vertu de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations.
Il en est ainsi des sommes mises à disposition d’un associé salarié ou dirigeant de société par inscription au compte courant d’associé.
En l’espèce, lors des opérations de contrôle, l’inspecteur du recouvrement a constaté que la vérification de la comptabilité de la société [5] avait mis en évidence les positions débitrices des comptes courants de Messieurs [T] et [M] [I], tous deux associés salariés.
L’inspecteur a précisé que les réponses apportées aux demandes de justification des soldes débiteurs des comptes courants n’étaient pas étayées par la société , que l’erreur bancaire alléguée notamment n’était pas démontrée.
Une régularisation a été opérée de ce chef, l’inspecteur considérant que ces soldes débiteurs constituaient des avantages soumis à cotisations.
La société oppose que les informations exploitées par l’inspecteur du recouvrement ne sont pas le reflet de la réalité, et que des inexactitudes affectent les comptes clos au cours de la période 2011 à2014, en raison de plusieurs changements d’experts comptables.
Toutefois, la société ne produit aucun élément de nature à remettre en cause utilement les constats effectués par l’inspecteur du recouvrement.
La décision déférée sera par voie de conséquence confirmée en ce qu’elle a validé ce chef de redressement.
– Sur le chef de redressement n°4 de la lettre d’observations: incidences du point précédent:
Compte tenu de la régularisations opérée au chef précédent, l’inspecteur du recouvrement a reclaculé la réduction dite Fillon.
Ce poste de redressement étant la conséquence du chef précédent sera validé, par confirmation de la décision déférée.
* Sur les dépens :
Le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 (article 11) ayant abrogé l’article R.144-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale qui disposait que la procédure était gratuite et sans frais, il y a lieu de mettre les dépens de la procédure d’appel à la charge de la partie perdante, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
* Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Les premiers juges ont fait une juste appréciation de l’équité.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’URSSAF Nord Pas de Calais l’ensemble des frais irrépétibles exposés .
La société [5] sera condamnée à lui verser une somme de 1000 euros euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le surplus des demandes faites sur ce fondement sera rejeté.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME la décision déférée dans toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
DEBOUTE la société [5] de ses demandes contraires au présent arrêt ,
CONDAMNE la société [5] aux dépens ,
CONDAMNE la société [5] à payer à l’URSSAF Nord Pas de Calais une somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
DEBOUTE la société [5] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, s’agissant des frais irrépétibles d’appel
Le Greffier, Le Président,