9 février 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/03844
Pôle 1 – Chambre 10
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 09 FÉVRIER 2023
(n° , 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/03844 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFJ7Z
Décision déférée à la cour :
Jugement du 06 janvier 2022-Juge de l’exécution de Paris-RG n° 21/81955
APPELANTES
S.N.C. BOATS & CARS
[Adresse 4]
[Localité 6]
S.A.R.L. IMMODOP
[Adresse 1]
[Localité 2]
S.A.R.L. ESTATE COMMUNICATION
[Adresse 3]
LUXEMBOURG
représentées par Me Adrien LE DORÉ de la SELARL IROISE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0490
INTIMÉE
S.C.I. CHILD & FAMILY
[Adresse 5]
[Localité 7]
n’a pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 12 janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-défaut
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé du litige
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Se prévalant d’un arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 mai 2019, les sociétés Boats & Cars, Immodop et Estate Communication ont chacune fait pratiquer, selon trois procès-verbaux du 10 mars 2021, une saisie-attribution à l’encontre de M. [L] [Z] entre les mains de la SCI Child & Family, pour avoir paiement de la somme de 73.256,12 euros s’agissant de la SNC Boats & Cars et 12.549,16 euros s’agissant des Sarl Immodop et Estate Communication. Les saisies ont été dénoncées au débiteur par actes d’huissier du 12 mars 2021.
Par acte d’huissier en date du 11 octobre 2021, les sociétés Boats & Cars, Immodop et Estate Communication ont fait assigner la SCI Child & Family devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de condamnation à paiement sur le fondement de l’article R.211-5 du code des procédures civiles d’exécution.
Par jugement contradictoire en date du 6 janvier 2022, le juge de l’exécution a :
– dit n’y avoir lieu d’annuler les trois saisies-attributions du 10 mars 2021,
– rejeté les demandes des sociétés Boats & Cars, Immodop et Estate Communication fondées sur les dispositions de l’article R.211-5 du code des procédures civiles d’exécution,
– condamné la SCI Child & Family à verser aux sociétés Boats & Cars, Immodop et Estate Communication la somme globale de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Pour statuer ainsi, le juge a retenu d’une part que les saisies-attributions n’encouraient pas la nullité du fait de leur caractère infructueux, d’autre part que M. [Z] en qualité de gérant de la société Child & Family avait répondu à l’huissier instrumentaire que la société n’avait plus d’existence depuis plusieurs années et n’était plus immatriculée, ce qui s’était avéré erroné, mais que le tiers saisi ne s’était pas abstenu de toute réponse, et que les créancières n’apportaient pas la preuve qui leur incombe de l’existence, au jour des saisies, d’une créance de M. [P] sur la société Child & Family.
Par déclaration du 15 février 2022, les sociétés Boats & Cars, Immodop et Estate Communication ont formé appel de ce jugement, en ce qu’il a rejeté leur demande de condamnation de la SCI Child & Family.
Moyens
Par conclusions en date du 11 avril 2022, elles demandent à la cour d’appel de :
– infirmer le jugement déféré,
– juger que la SCI Child & Family a méconnu son obligation légale de renseignement,
– condamner la SCI Child & Family à leur payer les sommes dues par M. [Z], à savoir :
la somme de 65.600 euros à la société Boats & Cars en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2019,
la somme de 10.000 euros à chacune des sociétés Immodop et Estate Communication en réparation de leurs préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2019,
– condamner la SCI Child & Family à leur payer à chacune la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
En premier lieu, elles critiquent la décision du juge de l’exécution en ce que celui-ci a considéré que les renseignements délivrés par la SCI Child & Family, bien qu’erronés, étaient relatifs à l’étendue de ses obligations et qu’elle ne s’était donc pas abstenue de toute réponse à l’huissier, alors que les renseignements erronés, voire mensongers, donnés à l’huissier concernent en réalité l’existence de la société. Elles concluent que la SCI a méconnu l’obligation de renseignement sur l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur que lui impose l’article L.211-3 du code des procédures civiles d’exécution.
En second lieu, sur la preuve de l’existence d’une créance de M. [P], elles expliquent que la société Child & Family est détenue à 90% par M. [Z] et à 10% par la société Hakuna Matata, détenue à 100% par ce dernier ; qu’elle détient 352 parts de la SCA [Adresse 8], ce qui donnent droit à l’attribution d’un appartement situé [Adresse 8] à [Localité 9] ; qu’étant propriétaire, via la SCA, d’un bien immobilier, les revenus locatifs reviennent d’une façon ou d’une autre à M. [P], soit par le versement de dividendes, soit par le versement d’intérêts au titre du compte courant d’associé, soit par le versement d’une rémunération de gérant de la SCI.
La SCI Child & Family a reçu signification de la déclaration d’appel le 19 mars 2022 selon procès-verbal de recherches infructueuses dressé en application de l’article 659 du code de procédure civile et signification des conclusions d’appelantes le 31 mai 2022 à étude. Elle n’a pas constitué avocat.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande en paiement
Aux termes de l’article L.211-3 du code des procédures civiles d’exécution, ‘le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.’
L’article R.211-5 du même code dispose :
« Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur.
Il peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère. »
En l’espèce, il résulte des trois procès-verbaux de saisie-attribution que la réponse du tiers saisi à l’huissier instrumentaire est la suivante : « La société n’a plus d’existence depuis plusieurs années. Elle n’est plus immatriculée. ».
Il est constant que cette déclaration est inexacte, puisqu’il ressort de l’extrait kbis de la SCI Child & Family que si celle-ci a été radiée d’office du registre du commerce et des sociétés, elle n’a pas pour autant fait l’objet d’une décision de dissolution ni d’une procédure de liquidation judiciaire.
La feuille de signification des procès-verbaux de saisie-attribution mentionne par ailleurs que l’huissier a signifié les actes à personne morale, en ayant rencontré M. [L] [Z], gérant ayant déclaré être habilité à recevoir la copie. Cette qualité de gérant est confirmé par les mentions de l’extrait kbis de la SCI Child & Family.
Ainsi, il apparaît le gérant du tiers saisi, qui est également le débiteur saisi, a effectué, pour les trois saisies-attributions, une déclaration mensongère sur l’inexistence de la société, ce qui lui a permis de se dérober à l’obligation d’information sur l’étendue des obligations de la société à son égard.
Dans ces conditions, c’est à juste titre que le premier juge a retenu que le tiers saisi ne s’était pas abstenu de toute réponse à l’huissier instrumentaire et que la sanction de la condamnation aux causes de la saisie prévue par l’article R.211-5 alinéa 1er n’était pas encourue.
En revanche, la société Child & Family ne pouvant être condamnée qu’à des dommages-intérêts, il n’y a pas lieu d’exiger du créancier de rapporter la preuve que cette dernière était bien débitrice de M. [L] [Z] au jour de la saisie.
En tout état de cause, les appelantes apportent la preuve que la SCI Child & Family perçoit des loyers (pièce 7), et qu’elle est détenue à 90% par M. [Z] et à 10% par société Hakuna Matata, détenue à 100% par ce dernier, de sorte que le débiteur détient directement ou indirectement la totalité de la société Child & Family, laquelle est dirigée par lui-même. M. [Z], débiteur, perçoit donc nécessairement, sous une forme ou une autre, des sommes de la SCI Child & Family provenant des loyers.
Le préjudice résultant de la déclaration mensongère est égal au montant de la créance résultant du titre exécutoire, qui n’a pas pu être recouvrée par suite de cette déclaration mensongère.
En conséquence, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté les appelantes de leurs demandes fondées sur l’article R.211-5 du code des procédures civiles d’exécution, et de condamner, sur ce fondement, la SCI Child & Family à payer les dommages-intérêts demandés, soit :
– 65.600 euros à la société Boats & Cars, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2019,
– 10.000 euros à chacune des sociétés Immodop et Estate Communication, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2019.
Sur les demandes accessoires
Au vu de la présente décision, il convient de condamner la SCI Child & Family aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.000 euros à chacune des appelantes en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a rejeté les demandes des sociétés Boats & Cars, Immodop et Estate Communication fondées sur les dispositions de l’article R.211-5 du code des procédures civiles d’exécution,
Statuant à nouveau sur ce seul chef,
CONDAMNE la SCI Child & Family à payer les sommes suivantes, à titre de dommages-intérêts :
– 65.600 euros à la SNC Boats & Cars, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2019,
-10.000 euros à chacune des Sarl Immodop et Estate Communication, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2019,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SCI Child & Family à payer à chacune des sociétés Boats & Cars, Immodop et Estate Communication la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SCI Child & Family aux dépens d’appel.
Le greffier, Le président,