Comptes courants d’associés : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/07100

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Comptes courants d’associés : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/07100

15 février 2023
Cour d’appel de Paris
RG
21/07100

Pôle 5 – Chambre 6

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 15 FEVRIER 2023

(n° ,12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07100 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDPPH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2021 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2019015745

APPELANT

Monsieur [Z], [P] [D]

né le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 6] (Côte d’Ivoire), de nationalité française

[Adresse 4]

[Adresse 4] / France

Représenté par Me Adrien GOUMET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0063

INTIMES

S.C.O.P. S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 382 900 942,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Michèle SOLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0133

Monsieur [J] [K]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 9] (50), de nationalité française,

[Localité 5]

Représenté par Me Audrey GUSDORF, avocat au barreau de PARIS, toque : C0882

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Marc BAILLY, Président de chambre, et M.Vincent BRAUD,Président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M.Marc BAILLY, Président de chambre,chargé du rapport

M.Vincent BRAUD,Président,

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M.Marc BAILLY, Président de chambre,et par Anaïs DECEBAL,Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

Au mois de décembre 2016, Monsieur [J] [K] et Monsieur [Z] [D] ont constitué la Sas La Tournée. Respectivement président et directeur général, ils détiennent alors chacun la moitié du capital social.

Le 16 août 2017, la Sa Caisse d’Épargne et de Prévoyance Ile-de-France a consenti à la société La Tournée deux prêts d’un montant respectif de 44 100 € (destiné à financer des travaux) et 63 800€ (destiné à financer du matériel), au taux de 1,80% l’an et remboursables en 84 mensualités.

Par actes sous seing privés du même jour, Monsieur [K] et Monsieur [D] se sont chacun portés caution solidaire de la société La Tournée afin de garantir le remboursement desdits prêts, pour chacun des prêts, dans la limite de 57 330 € et de

82 940€.

Une première échéance impayée est intervenue le 15 mai 2018.

Par jugement du 12 septembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société La Tournée, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 6 février 2019.

Par lettre du 25 octobre 2018, la Caisse d’Épargne a déclaré sa créance au titre des deux prêts à hauteur respective de 45 810,72 € et 66 258,60 € et mis chaque caution en demeure d’avoir à lui régler la somme de 112 069,32 €, en vain.

Le 10 février 2019, après autorisation du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris, la Caisse d’Épargne a fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire au service de la publicité foncière de Bobigny sur un bien appartenant à Monsieur [K] sis à [Localité 7].

Le 25 février 2019, après autorisation du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nanterre, la Caisse d’Épargne a fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire au service de la publicité foncière de [Localité 10] sur un bien appartenant à Monsieur [D] sis à [Localité 8].

Par actes d’huissier en date des 27 et 28 février 2019, la Caisse d’Épargne a respectivement assigné Monsieur [K] et Monsieur [D] en paiement.

Par jugement contradictoire en date du 10 mars 2021, le tribunal de commerce de Paris a ainsi statué :

-déboute la Caisse d’Épargne de l’intégralité de ses demandes formulées à l’encontre de Monsieur [J] [K],

-condamne Monsieur [D] à payer à la Caisse d’Épargne au titre des prêts :

– 104 646,96 € avec intérêts calculés au taux légal plus 3 points du 25 octobre 2018 jusqu’à parfait paiement et anatocisme

– 7 267,15 € avec intérêts au taux légal calculés du 25 octobre 2018 jusqu’à parfait paiement et anatocisme, le tout dans la limite de 140 270 €

-condamne Monsieur [D] à supporter les entiers dépens de la présente instance à l’exception de ceux relatifs à la mise en cause de Monsieur [K], qui seront supportés par la Caisse d’Épargne, dont ceux à recouvrer par le greffe

-condamne Monsieur [D] à payer 6 000 € à la Caisse d’Épargne en application de l’article 700 du code de procédure civile

-condamne la Caisse d’Épargne à payer 3 000 € à Monsieur [K] en application de l’article 700 du code de procédure civile

-ordonne l’exécution provisoire du présent jugement, sans constitution de garantie

-déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

***

Par déclaration en date du 13 avril 2021, Monsieur [D] a interjeté appel dudit jugement à l’encontre de la Caisse d’Épargne et de Monsieur [K].

Dans ses conclusions en date du 29 septembre 2022, Monsieur [D] demande à la cour de :

«-Re’former le jugement entrepris en ce qu’il a :

– condamne’ M.[Z] [D] a’ payer a’ la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE, au titre des prêts n°9994927 et 9994928 :

-104.646,96 € avec inte’rêts calcule’s au taux le’gal plus 3 points du 25 octobre 2018 jusqu’a’ parfait paiement et anatocisme,

-7.267,15€ avec inte’rêts au taux le’gal calcule’s du 25octobre2018jusqu’a’ parfait paiement et anatocisme, ‘

Le tout dans la limite de 140.270,00 € ;

– condamne’ M. [Z] [D] a’ supporter les entiers de’pens de la pre’sente instance a’ l’exception de ceux relatifs a’ la mise en cause de M. [J] [K], qui seront supporte’s par la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE, dont ceux a’ recouvrer par le greffe, liquide’s a’ la somme de 95,13 € dont 15,64€ de TVA ;

Exposé du litige

– condamne’ M. [Z] [D] a’ payer 6.000 € a’ la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE en application de l’article 700 du code de proce’dure civile ;

– ordonne’ l’exe’cution provisoire du jugement, sans constitution de garantie ; et
– de’boute’ M. [Z] [D] de ses demandes autres, plus amples ou contraires;

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– De’boute’ la SA CAISSE D’EPARGNE ET DEPREVOYANCE ILE-DE-France de l’inte’gralite’ de ses demandes formule’es a’ l’encontre de M. [J] [K] ;
– Condamne’ la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE- France a’ payer 3.000,00 € a’ M. [J] [K] en application de l’article 700 du code de proce »dure civile ;

– De’boute’ les autres parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

Statuant a’ nouveau :

A titre principal :

-De’clarer nul et de nul effet l’acte de cautionnement solidaire en date du 16 août 2017 souscrit par Monsieur [D] pour vice du consentement ;

-De’bouter la Caisse d’Epargne de toutes ses demandes, fins et pre’tentions ;

A titre subsidiaire dans l’hypothe’se ou’ le cautionnement souscrit le 16 août 2017 par Monsieur [D] serait de’clare’ valable :

-Condamner la Caisse d’Epargne a’` payer a’ Monsieur [D] des dommages et inte’rêts dont la somme correspond aux sommes re’clame’es par la Caisse d’Epargne au titre de l’engagement de caution pour manquement a’ ses obligations d’information, de loyaute’ et de conseil, engageant sa responsabilite’ ;

-Ordonner la compensation entre les sommes auxquelles Monsieur [D] serait condamne’ au titre de l’engagement de caution et les dommages et inte’rêts dus par la Caisse d’Epargne a’ Monsieur [D] au titre des fautes commises ;

-Ordonner la de’che’ance de la Caisse d’Epargne du paiement des inte’rêts e’chus depuis la conclusion des contrats de prêts le 16 août 2017 a’ raison du non-respect des obligations e’dicte’es par l’article L.313-22 du Code mone’taire et financier ;

– Ordonner la de’che’ance de la Caisse d’Epargne du paiement des inte’rêts de retard et-pe’nalite’s depuis la conclusion des contrats de prêts le 16 aou’t 2017 a’ raison du non- respect des obligations e’dicte’es par les articles L.333-1 et L.333-2 du Code de la consommation ;

– A de’faut, ordonner la re’duction des inte’rêts de retard majore’s s’analysant en une clause pe’nale au titre du pouvoir du Tribunal confe’re’ par l’article 1231-5 du Code civil ;

– Et, ordonner que la date de de’part des inte’rêts de retard sera fixe’e au 6 fe’vrier 2019, date du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire simplifie’e ;

En tout e’tat de cause :

-Ordonner a’ la Caisse d’Epargne de rembourser les sommes saisies a’ Monsieur [D] en principal et accessoire (y compris tous les frais de saisie) et y ajouter des inte’rêts au taux le’gal applicable a’ un cre’ancier particulier a’ compter du 14 de’cembre 2021, date de la saisie;

-Condamner la Caisse d’Epargne a’ verser la somme de 9.000 euros en application de l’article 700 du Code de proce’dure civile a’ Monsieur [D] ;

-Condamner Monsieur [K] a’ verser la somme de 500 euros en application de l’article 700 du Code de proce’dure civile a’ Monsieur [D], ainsi qu’au de’pens relatifs a’ la signification de la de’claration d’appel et a’ la signification des conclusions d’appelant, soit 114,96 euros, dont distraction au be’ne’fice de Maître Adrien Goumet en application de l’article 699 du Code de proce’dure civile ;

– Condamner la Caisse d’Epargne aux entiers frais et de’pens d’appel dont distraction au be’ne’fice de Maître Adrien Goumet en application de l’article 699 du Code de proce’dure civile ».

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

S’agissant de la nullité de l’engagement de caution solidaire. Tout d’abord, à la vue des contrats de prêt, Monsieur [D] avait l’assurance qu’il ne serait pas seul à supporter la garantie octroyée à la société La Tournée et donc les risques de mise en jeu de la caution. Il avait l’assurance de pouvoir se retourner contre son cofidéjusseur, Monsieur [K]. On comprend alors difficilement le jugement du tribunal lui reprochant de ne pas établir « l’affirmation (‘) selon laquelle il n’aurait à supporter in fine que la moitié des sommes réclamées ». Cette erreur est la conséquence directe des fautes commises par la Caisse d’Épargne car en manquant à son obligation de vérification de la situation financière de Monsieur [K], elle est à l’origine de la nullité de sa caution et donc par ricochet de son erreur. Or, ladite erreur existait déjà lors de la signature de l’acte.

Ensuite, la notion d’engagement financier définitif à partager avec Monsieur [K] était un élément déterminant du consentement de Monsieur [D] à l’acte de caution. De plus, en renonçant au bénéfice de division, le seul recours de Monsieur [D] était de se retourner contre son cofidéjusseur.

L’erreur de Monsieur [D], caractérisée par le fait qu’il était seul à s’être valablement engagé en qualité de caution alors que les documents signés font bien état de l’existence de plusieurs cofidéjusseurs, porte sur une condition essentielle du cautionnement, à savoir le montant supporté au final. S’il avait su cet état de fait, il n’aurait à l’évidence pas contracté. En effet, la nullité de la caution de Monsieur [K] pour disproportion modifie les conditions sur lesquelles Monsieur [D] s’était basé pour octroyer son consentement. Par ailleurs, Monsieur [D] ne remet pas en cause le montant de son cautionnement, le fait qu’il ait accepté de renoncer au bénéfice de division ou le fait que Monsieur [K] soit solvable ; mais soulève l’erreur sur la solidarité du cautionnement et donc sur le montant total supporté in fine.

Moyens

S’agissant de la responsabilité de la Caisse d’Épargne. Le tribunal a rejeté les demandes de Monsieur [D] visant à faire condamner la Caisse d’Épargne en raison de ses manquements à son devoir d’information et de loyauté d’une part et à son devoir de conseil d’autre part. Si par extraordinaire, il n’est pas fait droit à la demande de Monsieur [D] concernant la nullité de son cautionnement, il est demandé à la cour d’infirmer le jugement en décidant que la banque s’est rendue responsable de ces manquements.

En effet, la disproportion manifeste du cautionnement de Monsieur [K] résultant d’une faute de la Caisse d’Épargne, faute ayant eu pour conséquence directe la nullité du cautionnement de ce dernier et donc de faire perdre à Monsieur [D] le bénéfice de la solidarité, il en résulte pour Monsieur [D] un préjudice qui lui fait perdre la possibilité de se retourner contre Monsieur [K].

Concernant la violation de l’obligation d’information et de loyauté, le préjudice de Monsieur [D] est de l’intégralité des condamnations qui sont ou pourront être portées à son encontre au titre des cautions qu’il a donné à la Caisse d’Épargne car il n’aurait jamais dû donner son accord sur ces cautions. La faute devra donc être réparée en condamnant la Caisse d’Épargne à devoir à Monsieur [D] des dommages et intérêts correspondant aux sommes réclamées par la banque au titre de l’engagement de caution, les deux se compensant. A tout le moins, si l’on retient que Monsieur [D] se serait tout de même engagé comme caution, la faute de la banque a entrainé un préjudice pour Monsieur [D] correspondant à la part de Monsieur [K], soit la moitié des condamnations qui sont ou pourront être portées à son encontre au titre des cautions.

Concernant la violation de l’obligation de conseil et de mise en garde, la caisse d’Épargne devra réparer le préjudice subi par Monsieur [D] sous la forme de dommages et intérêts correspondant aux sommes réclamées par la banque au titre de l’engagement de caution, les deux se compensant.

S’agissant de la suppression des intérêts, pénalités et intérêts de retard. La Caisse d’Épargne n’ayant jamais réalisé l’information de la défaillance du débiteur principal et l’information annuelle des sommes restant dues ‘ comme l’a lui-même relevé le tribunal ‘ elle perd nécessairement tout droit à percevoir les pénalités et intérêts réclamés. Accessoirement, il est demandé à la cour d’infirmer la décision du tribunal en ce qu’il ne considère pas les intérêts de retard appliqués comme étant manifestement excessifs alors qu’ils représentaient presque deux fois le taux d’intérêt de la banque. En tout état de cause, les intérêts de retard n’étant dus qu’à compter du 6 février 2019, date de prononcé du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire.

S’agissant du remboursement des sommes saisies. Le 14 décembre 2021, la Caisse d’Épargne a fait saisir les sommes détenues par le notaire de Monsieur [D] à la suite de la cession par ce dernier de l’immeuble grevé d’une hypothèque provisoire illégale. Monsieur [D] demande à la cour d’ordonner le remboursement de ces sommes, soit 114 909,63 € somme assortie d’intérêts au taux légal applicable à un créancier particulier à compter de la date de la saisie.

S’agissant des demandes de Monsieur [K]. Monsieur [D] a été contraint de maintenir Monsieur [K] dans la cause pour des raisons procédurales. Aucune demande n’a été formulée à son encontre, la seule demande provenant de la Caisse d’Épargne, demande à laquelle il répond uniquement dans ses conclusions. Dès lors, on ne comprend pas pourquoi Monsieur [K] demande une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile uniquement à son encontre de Monsieur [D]. En effet, les demandes de Monsieur [D] ne lui imposaient en rien à se constituer avocat.

Dans ses conclusions en date du 27 septembre 2022, Monsieur [K] demande à la cour de :

-«  Dire que la Cour n’est pas saisie d’une demande de réformation du jugement du 10 mars 2021 en ce qu’il a débouté la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ÎLE-DE-FRANCE de sa demande de condamnation à l’encontre de Monsieur [K] ;

– Dire en conséquence que le jugement du 10 mars 2021 est définitif à l’égard de Monsieur [K] ;

– Débouter la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ÎLE-DE- FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de Monsieur [K] ;

– Débouter la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ÎLE-DE- FRANCE de sa demande au titre des dépens à l’encontre de Monsieur [K] ;

– Déclarer Monsieur [D] irrecevable en sa demande au titre à l’encontre de Monsieur [K] de l’article 700 du code de procédure civile et, en tout état de cause, l’en débouter ;

– Déclarer Monsieur [D] irrecevable en sa demande au titre à l’encontre de Monsieur [K] des dépens et, en tout état de cause, l’en débouter ;

– Condamner solidairement Monsieur [D] et la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ÎLE-DE-FRANCE à verser la somme de 3500 € à Monsieur [K] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner solidairement Monsieur [D] et la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ÎLE-DE-FRANCE au paiement des dépens, en application de l’article 696 du Code de procédure civile ».

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

S’agissant de l’effet dévolutif de l’appel. Le tribunal de commerce a débouté la Caisse d’Épargne de ses demandes à son encontre. Monsieur [D] n’avait formé aucune demande contre Monsieur [K] devant le tribunal, n’a visé dans son appel que les chefs de jugement l’opposant à la Caisse d’Épargne et a interjeté appel contre Monsieur [K] sans former aucune demande à son encontre. De plus, la Caisse d’Épargne n’a pas formé appel incident et sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions. Ainsi, les chefs du jugement concernant Monsieur [K] ne peuvent pas être remis en cause devant la cour.

S’agissant de la demande de la Caisse d’Épargne au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens. Monsieur [K] n’a formé aucune demande contre la Caisse d’Épargne qui ne demande pas la réformation du jugement l’ayant déboutée de ses demandes contre lui. Par conséquent, Monsieur [K] est totalement étranger au présent litige et la Caisse d’Épargne sera déboutée de ces demandes.

S’agissant de la demande de Monsieur [D] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens. N’ayant formé aucune demande en première instance à l’encontre de Monsieur [K], Monsieur [D] est irrecevable en son appel à l’encontre de Monsieur [K] et doit en supporter les frais. Sa demande au titre desdits frais se heurte en tout état de cause aux dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile et est irrecevable.

S’agissant de la demande de Monsieur [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens. Les frais engagés par Monsieur [K] seront mis à la charge de Monsieur [D] et de la Caisse d’Épargne.

Dans ses conclusions en date du 21 septembre 2022, la Caisse d’Épargne demande à la cour de :

 

« – Confirmer le jugement rendu le 19 mars 2021 par le Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions.

– Débouter monsieur [Z] [D] de ses demandes.

– Condamner solidairement monsieur [J] [K] et monsieur [Z] [D] à payer à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Les condamner aux entiers dépens et autoriser maître [N] [M] à les recouvrer dans les termes de l’article 699 du Code de procédure civile ».

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

S’agissant de la validité des cautionnements. Du propre aveu de Monsieur [D], il s’est associé à parts égales avec Monsieur [K] afin de créer la société La Tournée afin de réaliser « un investissement dans un projet dans lequel il croyait, et en vue d’un rendement financier à terme », il a été nommé président et a fait un apport en compte courant d’associé d’un montant avoisinant les 150 000 €. Ainsi, Monsieur [D] connaissait parfaitement la situation financière de la société et de son associé. La Caisse d’Épargne n’a pas été consultée lors de la création de la société ni lors de l’élaboration de l’opération mais uniquement postérieurement afin de financer les travaux et du matériel. Monsieur [D] ne prouve ni que la concluante aurait disposé d’informations qu’il aurait ignorées concernant la solvabilité de Monsieur [K] ni qu’il aurait commis une erreur déterminante provoquée par la banque.

Bien au contraire, il résulte des cautionnements que la solvabilité de Monsieur [K] n’était aucunement un élément déterminant du consentement de Monsieur [D], en témoigne notamment le fait qu’il a renoncé expressément à se prévaloir du bénéfice de discussion et de division. Il savait donc qu’il était un codébiteur solidaire. De plus, les mentions manuscrites apposées par Monsieur [D] sur ses actes de cautionnements sont valables, ce qu’il ne conteste pas davantage, ce qui démontre encore qu’il avait parfaitement connaissance de la nature de la portée de ses cautionnements.

S’agissant de l’absence de manquement à un devoir d’information et de loyauté précontractuelle. Outre les éléments énoncés ci-dessus, la banque n’était nullement tenue à un devoir d’information sur le contenu exact des revenus et patrimoine de l’autre caution et aucune faute ne peut donc lui être reprochée à ce titre.

S’agissant de l’absence de manquement à un devoir de conseil et de mise en garde. Monsieur [K] était le président de la société La Tournée et était par ailleurs chef d’entreprise. Il était parfaitement avisé de la nature et de la portée de ses engagements de caution et les opérations financées étaient simples et dépourvues du moindre caractère spéculatif puisque visant à financer des travaux et du matériel. Par conséquent, Monsieur [D] était une caution avertie de sorte que la Caisse d’Épargne n’était tenue à aucun devoir de mise en garde ni de conseil à son égard. En tout état de cause, il ressort des actes de cautionnements qu’ils ont expressément reconnu avoir été mis en garde par la Caisse d’Épargne quant aux conséquences financières et patrimoniales de leurs engagements. De plus, Monsieur [D] ne démontre aucunement la réalité ni le quantum du préjudice prétendu, qui ne saurait en tout état de cause correspondre à la créance globale de la Caisse d’Épargne s’agissant des prêts susvisés.

S’agissant de l’absence de disproportion des cautionnements. Devant les premiers juges, Monsieur [D] reconnaissait expressément que ses engagements de caution étaient proportionnés à son patrimoine. Il ressort de la fiche de patrimoine établie par Monsieur [D] lui-même que son actif était dix fois supérieur aux cautionnements. Le 29 mai 2020, il a vendu son bien immobilier situé à [Localité 8] et a à cette occasion, fait séquestrer la somme de 112 000 € en règlement de la créance garantie par la banque. Par acte d’huissier il a fait citer la concluante afin que le juge prononce la caducité de l’hypothèque ou une substitution de garantie. Le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Nanterre a considéré que Monsieur [D] dispose d’un patrimoine lui permettant de faire face au paiement de sa créance dans sa totalité si la Caisse d’Épargne dispose d’un titre exécutoire et partant, cette dernière échoue ainsi à démontrer l’existence de menaces sur le recouvrement de sa créance. La concluante a interjeté appel mais la cour d’appel de Versailles a confirmé ledit jugement aux motifs qu’il « n’est pas produit par la banque d’éléments concernant la vente du bien grevé d’hypothèque dont elle fait état dans ses écritures ».

Contrairement à ce que prétend Monsieur [D], la mainlevée de la garantie a ainsi été ordonnée en raison de l’importance du patrimoine de Monsieur [D] et non en raison de « l’illégalité de la constitution de la garantie ».

La Caisse d’Épargne a ensuite fait procéder à une saisie-attribution du prix de vente de la maison entre les mains du notaire et ainsi, le 29 mars 2022, elle a perçu une somme de 109705,65 € en règlement partiel des condamnations mises à la charge de Monsieur [D] par le jugement déféré.

Par ailleurs, Monsieur [D] indique être titulaire de parts d’une Sci IMFOR d’une valeur de 120 000 €. Ainsi, son patrimoine actuel lui permet également d’honorer ses dettes envers la concluante.

S’agissant de l’absence de déchéance des intérêts. Concernant l’information annuelle, par courriers recommandés du 25 octobre 2018, la Caisse d’Épargne a mis en demeure les deux cautions d’avoir à lui payer le montant de ses créances après quoi les cautions ont été avisées des sommes dues en principal et intérêts aux termes de l’assignation. Dès lors, la Caisse d’Épargne ne saurait être déchue de son droit aux intérêts.

Concernant les intérêts majorés, le contrat de prêt prévoit la majoration du taux d’intérêt de trois points en cas de retard de paiement. La clause n’a pas pour objet d’assurer l’exécution des obligations de l’emprunteur ou de la caution mais correspond au coût du retard du règlement du prêt. Il ne s’agit donc pas d’une clause pénale. En tout état de cause, Monsieur [D] s’abstient de démontrer que cette indemnité serait manifestement excessive ainsi que l’ont relevé les premiers juges. A supposer que ladite clause soit qualifiée de clause pénale, la pénalité prévue est relativement faible car elle n’est que de trois points et reste ainsi dans la limite acceptée par le code de la consommation.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2022.

Motivation

MOTIFS

M. [D], qui n’a dévolu à la cour aucun chef du jugement concernant M. [K], aux termes de sa déclaration d’appel, ne sollicite logiquement pas la réformation du jugement relativement à celui-ci et la Caisse d’Epargne ne sollicite pas plus la réformation des dispositions du jugement relatives à M. [K] par appel incident, de sorte que la cour n’est pas saisie de demandes à son égard, étant observé que M. [D] n’était contraint par aucune règle à intimer M. [K] devant la cour pour former ses demandes à l’égard de la banque.

Le contrat unique de prêt de deux sommes à la société La Tournée prévoit notamment comme garantie le cautionnement d’une part, de M. [K] et, d’autre part, de M. [D], sans qu’aucune solidarité entre cofidéjusseurs ne soit stipulée.

Mme [D] a souscrit les deux cautionnements solidaires des obligations de la société La Tournée litigieux en y apposant la mention manuscrite requise par la loi avec renonciation au bénéfice de discussion.

Le succès des prétentions de M. [D] quant à la nullité de ses cautionnements pour erreur causée par la disproportion du cautionnement de son cofidéjusseur est subordonné, en vertu de l’article 1110 ancien du code civil, à la démonstration de ce que l’engagement de ce dernier était une condition déterminante du sien.

Or cette preuve n’est pas rapportée, M. [D], qui a reçu toutes les informations nécessaires quant à la nature et à l’étendue de ses engagements comme il sera vu ci-après, n’ayant pu se méprendre sur leur portée, notamment après l’accomplissement de la formalité de la mention manuscrite prescrite par les articles devenus L 331-1 et L331-2 du code de la consommation, consistant à devoir supporter, en cas de défaillance de la société débitrice, le paiement des causes des prêts envers la banque dans la limite de son engagement, et ce, sans le bénéfice ni de division ni de discussion.

La circonstance qu’il a investi dans la société cautionnée, dont il détenait la moitié des parts, une importante somme par apport en compte courant de près de 150 000 euros, relevée à juste titre par le tribunal de commerce, le confirme.

En tout état de cause et tout au contraire, chacun des engagements de caution qu’il a signé et paraphé en toutes leurs pages stipule expressément qu’il reconnaît ‘que le présent engagement de caution n’affectera en aucune manière la nature de tous autres engagements ou garanties réels ou personnels contractés par moi ou des tiers, auxquels, le cas échéant il s’ajoutera. En cas de pluralité de caution, l’engagement de chaque caution lui est propre et ne peut donc avoir d’incidence au regard des autres cautions’.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté M. [D] de sa demande tendant à voir déclarer nuls ses engagements de caution pour ‘vice du consentement’, étant observé que le dol n’est plus expressément allégué en cause d’appel tant on peine à comprendre au terme de quel raisonnement la banque aurait, sciemment, fait souscrire à M. [K] un engagement de caution disproportionné – se privant ainsi délibérément d’une garantie – aux fins de recueillir celui de M. [D] alors qu’il ne ressort d’aucune pièce que la banque aurait pu ne pas exiger cette garantie comme condition d’octroi des prêts.

Contrairement à ce que soutient M. [D], la banque n’est tenue par aucune disposition légale de vérifier la capacité prévisible des cautions à satisfaire à leurs obligations, s’exposant seulement, si elle ne recueille pas de renseignement à visée probatoire, à leur impécuniosité ou au moyen tiré de la disproportion manifeste de l’engagement, et elle n’est tenue, par ailleurs, en vertu de l’article 1112-1 du code civil, à d’aucune obligation d’information à l’égard d’une caution sur la situation patrimoniale et financière d’un cofidéjusseur.

Sauf stipulation expresse, inexistante en l’espèce, ou offre spontanée de sa part, la banque dispensatrice de crédit n’est pas non plus tenue d’une obligation de conseil à l’égard de la caution d’une obligation de ses débiteurs.

En revanche, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

L’inadaptation du cautionnement aux capacités financières de M. [D] n’est pas soutenue étant observé qu’il ressort des explications des parties que les mesures d’exécution ont permis l’essentiel du paiement.

Ainsi que l’a retenu le tribunal, M. [D] était chef d’entreprise, que si c’est M. [K] qui a été désigné président de la société par action simplifiée La Tournée exerçant l’activité de traiteur, M. [D] était associé à hauteur de près de la moitié des parts, que les prêts garantis litigieux constituaient des opérations simples s’agissant de financer l’acquisition de matériel et de travaux au moyen de crédits classiquement amortissables à taux fixe de 1,80 % en 7 ans.

Il en résulte que M. [D] a la qualité de caution avertie et en tout état de cause, il ne démontre pas, notamment par la communication de pièces comptables ou toute autre pièce utile, que les prêts souscrits créaient un risque d’endettement excessif pour la société, ce qui ne peut se déduire de la seule survenance de la procédure collective dont elle a fait l’objet ultérieurement alors que le jugement de placement en redressement judiciaire du 12 septembre 2018 n’est pas communiqué.

L’article L 333-2 du code de la consommation, alors applicable puisqu’entré en vigueur le 1er juillet 2016, prévoit, lorsque le créancier professionnel ne fait pas connaître, à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement, qu’il ne saurait réclamer à la caution le paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

En l’espèce, la banque ne justifie pas de l’envoi des lettres d’information annuelles de sorte qu’elle doit être déchue, dans les conditions prévues, des intérêts et pénalités étant observé que la lettre d’information sur la défaillance de la société La Tournée du 25 octobre 2018, reçue par M. [D] le 7 décembre suivant ne satisfait pas à ces exigences.

En conséquence et au regard des éléments non contestés figurant dans la déclaration de créance du 25 octobre 2018 et des ‘plans de remboursement’ constitués de tableaux d’amortissement il y a lieu de fixer comme suit les créances :

– au titre du cautionnement du prêt d’un montant de 44 100 euros : la seule part de capital des échéances échues impayées du 10 mai au 10 septembre 2018 soit (515,53 + 516,30 + 517,08 + 517,85 + 518,63) = 2 585,19 euros auquel s’ajoute le capital restant dû de 33 175,60 euros soit la somme de 35 760,79 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 octobre 2018.

– au titre du cautionnement du prêt d’un montant de 63 800 euros : la seule part de capital des échéances échues impayées du 10 mai au 10 septembre 2018 soit (759,35 + 760,49 + 761,63 + 762,78 + 763,92) = 3 808,17 euros auquel s’ajoute le capital restant dû de 47 230,60 euros soit la somme de 51 038,77 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 octobre 2018.

La dette s’élève ainsi, au total, à la somme de 86 799,56 avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2018 alors que la Caisse d’Epargne expose avoir reçu une somme de 109 705,65 euros le 22 mars 2022, de sorte qu’il y a lieu de condamné la banque à restituer le surplus avec intérêts au taux légal à compter de cette date.

La demande de mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire est devenue sans objet, la banque ayant été payée par prélèvement sur le prix de vente.

Il y a lieu de condamner M. [Z] [D], qui succombe en l’essentiel de ses demandes, aux dépens ainsi qu’à payer à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Ile-de-France la somme de 4 000 euros et à M. [J] [K] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et l’équité commande de ne pas prononcer d’autre condamnation de ce chef.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l’appel entre M. [Z] [D] et la Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Ile-de-France ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf sur le quantum des condamnations et, statuant à nouveau de ce chef ;

DIT que la Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Ile-de-France est déchue de son droit aux intérêts et pénalités à l’égard de M. [Z] [D] ;

En conséquence,

CONDAMNE M. [Z] [D] à payer à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Ile-de-France la somme totale de 86 799,56 avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2018 ;

ORDONNE la compensation avec le paiement de la somme de 109 705,65 euros reçue par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Ile-de-France le 22 mars 2022 ;

CONDAMNE la Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Ile-de-France à restituer la différence entre ces deux sommes avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2022 ;

CONDAMNE M. [Z] [D] à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 euros à M. [J] [K] et celle de 4 000 euros à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Ile-de-France ;

DIT n’y avoir lieu au prononcé d’autres condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [Z] [D] aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Maître Michèle Sola, comme il est disposé à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

 


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