23 février 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/02950
Ch. civile et commerciale
N° RG 21/02950 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I2WE
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ORDONNANCE DU 23 FEVRIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
20/00004
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’EVREUX du 01 Juin 2021
DEMANDEUR A L’INCIDENT :
M et Mme [E] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentés et assistés de Me Jean-marc VIRELIZIER, avocat au barreau de ROUEN
DEFENDEUR A L’INCIDENT :
S.C.I. BELLE ETOILE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée et assistée de Me Frédéric CANTON de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN
Nous, M. URBANO, Conseiller de la mise en état, à la Chambre civile et commerciale, assisté de Mme DEVELET, Greffière
Après avoir entendu les parties en leurs observations lors de l’audience du 18 janvier 2023, l’affaire a été mise en délibéré, pour décision être rendue ce jour.
Exposé du litige
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [V] [I] [H] a été marié avec Mme [S] [B] et de leur union sont nés MM. [Y] et [O] et Mmes [W] et [K] [B] [H].
Le 27 mai 1997, Mme [S] [B] a fait donation à M. [V] [I] [H] pour le cas où il lui survivrait, de la quotité disponible soit en pleine propriété, soit en usufruit, les époux étant mariés selon un régime de communauté universelle.
La SCI Belle Etoile, constituée courant 2000, a pour objet la vente et la gestion de tous immeubles et le capital social est composé de 50 parts réparties égalitairement entre le père et ses quatre enfants.
Elle constitue l’une des sociétés familiales dans lesquelles les parties sont associées.
Mme [S] [B] est décédée le [Date décès 2] 2005.
Initialement, M. [V] [I] [H] a été le gérant de la SCI Belle Etoile puis a été remplacé par deux de ses enfants à la suite d’une assemblée générale extraordinaire du 5 novembre 2018.
M. [V] [I] [H] et ses quatre enfants sont en litige quant au règlement de la succession de Mme [S] [B] étant précisé que les 10 parts sociales détenues par le père ont été acquises en cours de mariage et sont des biens communs.
Par acte du 11 octobre 2018, M. [V] [I] [H] et ses quatre enfants ont signé un protocole d’accord transactionnel établissant un règlement portant sur toutes les sociétés familiales concernées.
Par courrier du 29 septembre 2019, le conseil de M. [V] [I] [H] a mis en demeure la SCI Belle Etoile de lui rembourser la somme de 81 000 euros correspondant à son compte courant d’associé dans la SCI Belle Etoile tel que constaté lors d’une assemblée générale tenue en 2018.
Les parties étant en litige sur le caractère commun ou propre des sommes figurant sur ce compte courant, M. [V] [I] [H] a fait assigner la SCI Belle Etoile ainsi que MM. [Y] et [O] et Mmes [W] et [K] [B] [H] en leur qualité d’associés de la société en paiement.
Par jugement en date du 1er juin 2021, le tribunal judiciaire d’Évreux a :
-déclaré irrecevable l’exception de nullité de l’assignation,
-déclaré irrecevable M. [V] [I] [H] en sa demande en paiement du solde du compte courant d’associé dirigée contre M. [Y] [B] [H], Mme [W] [B] [H], M. [O] [B] [H] et Mme [K] [B] [H],
-reçu M. [V] [I] [H] en sa demande en paiement du solde du compte courant d’associé dirigée contre la société Belle Étoile,
-condamné la société Belle Étoile à payer à M. [V] [I] [H] la somme de 79.015,23 euros, correspondant au solde du compte courant d’associé,
-débouté la société Belle Étoile, M. [Y] [B] [H], Mme [W] [B] [H], M. [O] [B] [H] et Mme Dina [B] [H] de leur demande tendant au placement sous séquestre de cette somme sur un compte CARPA,
-débouté M. [V] [I] [H] de sa demande d’indemnisation formée au titre de la résistance abusive,
-condamné la société Belle Étoile, M. [Y] [B] [H], Mme [W] [B] [H], M. [O] [B] [H] et Mme [K] [B] [H] aux entiers dépens de l’instance,
-condamné la société Belle Étoile, M. [Y] [B] [H], Mme [W] [B] [H], M. [O] [B] [H] et Mme [K] [B] [H] à payer in solidum à M. [V] [I] [H] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la présente décision,
-rejeté toute demande plus ample ou contraire.
La société Belle Étoile a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 17 juillet 2021 et a fait intimer M. [V] [I] [H].
Le 19 décembre 2017, M. [V] [I] [H] a établi un mandat de protection future en faveur de Mme [E] [T], son épouse et ce mandat a pris effet le 31 janvier 2022.
Moyens
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2023, M. [V] [I] [H] a soulevé l’irrecevabilité de l’appel interjeté par la SCI Belle Etoile au motif que cette dernière ayant soutenu devant les premiers juges que les parts sociales étaient indivises entre M. [V] [I] [H] et ses enfants et que telle était également la nature des sommes figurant sur le compte courant d’associé, elle aurait dû faire intimer les autres co-indivisaires sur le fondement de l’article 815-3 du code civil.
Il demande le paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 31-2 du code de procédure civile outre 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2023, la SCI Belle Etoile soulève l’irrecevabilité de l’incident et s’y s’oppose en soutenant que M. [V] [I] [H] indique un fondement juridique inapplicable à sa demande alors que seule la société Bel Air a été condamnée en première instance et que M. [V] [I] [H] a fait assigner ses enfants devant les premiers juges non en leur qualité de co-indivisaires mais d’associés de la SCI Belle Etoile.
Elle réclame 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Motivation
MOTIVATION DE LA DECISION :
Si la SCI Belle Etoile soulève l’irrecevabilité de l’incident formé par M. [V] [I] [H], elle n’articule aucun moyen à l’appui de sa contestation.
L’incident soulevé par M. [V] [I] [H] sera déclaré recevable.
M. [V] [I] [H] fonde sa demande sur les dispositions de l’article 815-3 du code civil selon lequel : « Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
1° Effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis ;
2° Donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration ;
3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision ;
4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Ils sont tenus d’en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux. »
Ce texte est sans application s’agissant d’un litige entre une société et un associé. Il se déduit toutefois de l’argumentation développée par M. [V] [I] [H] que la fin de non-recevoir qu’il soulève est fondée sur le prétendu caractère indivisible du litige entre M. [V] [I] [H], la SCI Belle Etoile et les enfants de M. [V] [I] [H] également associés de la SCI Belle Etoile et co-indivisaires avec leur père des biens provenant de la succession de leur mère.
Par application de l’article 553 du code de procédure civile, en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l’instance ; l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance.
L’indivisibilité du litige n’est caractérisée que lorsqu’il est impossible d’exécuter simultanément deux décisions concernant les parties au litige (Cass, Civ 2ème, 17 novembre 2022, n° 20-19.782).
Le litige dont la cour est saisie ne concerne que la demande formée par M. [V] [I] [H], associé de la SCI Belle Etoile, contre ladite société à qui il réclame le remboursement de son compte courant d’associé et il y a lieu de constater qu’il n’existe aucune indivision entre la SCI Belle Etoile et les enfants de M. [V] [I] [H].
Par ailleurs, l’existence d’une éventuelle décision judiciaire réglant le litige successoral opposant M. [V] [I] [H] à ses enfants ne serait pas de nature à rendre impossible l’exécution de la décision que rendra la cour sur la seule demande de remboursement du compte courant d’associé de M. [V] [I] [H].
Il n’existe dès lors aucune indivisibilité du litige et la fin de non-recevoir soulevée par M. [V] [I] [H] sera rejetée.
La demande fondée par M. [V] [I] [H] sur le fondement de l’article 31-2 du code de procédure civile en ce qu’elle porte sur une demande d’amende civile, demande qui ne peut être formée par aucune partie dans une instance et qui ne relève que du pouvoir de la juridiction qui la prononce, sera rejetée.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
Le conseiller de la mise en état statuant par ordonnance contradictoire susceptible de déféré ;
Déclare recevable l’incident formée par M. [V] [I] [H] ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [V] [I] [H] ;
Déclare recevable l’appel interjeté par la SCI Belle Etoile ;
Déboute M. [V] [I] [H] de sa demande d’amende civile ;
Condamne M. [V] [I] [H] aux dépens du présent incident ;
Condamne M. [V] [I] [H] à payer à la SCI Belle Etoile la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière Le conseiller