Comptes courants d’associés : 1 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 19/02378

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Comptes courants d’associés : 1 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 19/02378

1 mars 2023
Cour d’appel de Riom
RG
19/02378

Chambre Commerciale

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 01 Mars 2023

N° RG 19/02378 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FK2T

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Arrêt rendu le Premier Mars deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une décision rendue le 07 novembre 2019 par le Tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND (RG n° 2018/6281)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CENTRE FRANCE

Société coopérative à capital et personnel variables immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le n° 445 200 488 00010

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : la SCP BASSET, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

M. [K] [B]

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentant : Me Marion LIBERT de la SCP GOUNEL-LIBERT-PUJO, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/000609 du 12/06/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

INTIME

La société EOS FRANCE

SAS à associé unique immatriculée au RCS de Paris sous le n°488 825 217 00026

[Adresse 5]

[Localité 6]

agissant en vertu d’un contrat de mandat en date du 26 février 2020, en qualité de représentant recouvreur du fonds commun de titrisation CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 2, représenté par la société EUROTITRISATION, SA immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° 352 458 368 00052 ayant son siège social [Adresse 1] venant aux droits de la Caisse Régionale de CREDIT AGRICOLEMUTUEL CENTRE FRANCE, suivant acte de cession de créances en date du 26 février 2020.

Représentant : la SCP BASSET, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTERVENANTE VOLONTAIRE

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 05 Janvier 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 01 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Faits et procédure

La société à responsabilité limitée (SARL) Boucherie [B] ayant pour gérant M. [K] [B] a, pour les besoins de son activité et l’acquisition d’un immeuble souscrit divers prêts auprès de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France :

* le 15 mars 2011, au sein d’un même acte :

-un prêt professionnel n° 00000482979 d’un montant initial de 100.000 euros remboursable en 120 mensualités à un taux d’intérêt fixe de 4,15 %,

-un prêt professionnel n° 00000482980 d’un montant initial de 50.000 euros remboursable en 84 mensualités à un taux d’intérêt fixe de 3,69 %.

M. [K] [B], s’est porté caution solidaire de la SARL Boucherie [B] dans la limite de 195.000 euros (130.000 euros au titre du premier prêt et 65.000 euros au titre du second prêt) couvrant le paiement du principal, les intérêts et, le cas échéant, les pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 144 mois.

* le 13 janvier 2015, un nouveau prêt professionnel n° 00001021148 d’un montant de 115.000 euros remboursable en 84 mensualités à un taux d’intérêt fixe de 2,43 %.

Suivant acte sous seing privé en date du 24 novembre 2014, M. [B] s’est porté caution de ce prêt dans la limite de la somme de 149.500 euros couvrant le paiement du principal, les intérêts et, le cas échéant, les pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 144 mois.

Par jugement du 18 janvier 2018, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SARL Boucherie [B], procédure convertie en liquidation simplifiée selon jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 15 mars 2018. Me [P] a été désigné en qualité de mandataire puis de liquidateur judiciaire.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 mars 2018, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France a adressé sa déclaration de créance à M. [M] [P], en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL Boucherie [B], pour un montant total de 111.454,85 euros.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 mars 2018, elle a mis en demeure M. [B] de lui payer la somme de 6.384,85 euros correspondant aux échéances impayées au titre des prêts consentis, lui précisant qu’à défaut, la déchéance du terme serait automatiquement acquise.

A défaut de réponse, la banque a fait assigner M. [B] devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand par acte d’huissier en date du 14 août 2018, lequel a par jugement du 7 novembre 2019 :

-débouté la Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France de l’ensemble de ses demandes,

-débouté M. [B] de sa demande de dommages et intérêts,

-condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France à payer à M. [B] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le tribunal a considéré que les actes de cautionnement souscrits par M. [B] le 15 mars 2011 et le 24 novembre 2014 étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus.

Par une déclaration d’appel en date du 23 décembre 2019, enregistrée le 30 décembre 2019, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France a relevé appel de cette décision.

Moyens

Suivant conclusions notifiées le 17 juin 2021, la société EOS France, recouvreur du fonds de titrisation CREDINVEST , est intervenue volontairement à la procédure en se prévalant d’une cession de créance intervenue le 26 février 2020 entre l’appelante et la SA EUROTITRISATION.

Par une ordonnance rendue le 10 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état :

a déclaré recevable l’appel formé par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France,

s’est déclaré incompétent pour prononcer l’irrecevabilité des conclusions d’appelant pour défaut d’intérêt à agir et l’irrecevabilité des conclusions d’intervention volontaire,

a débouté M. [B] de son incident de caducité.

Par conclusions déposées et notifiées électroniquement le 18 mars 2020, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France demande à la cour :

-de réformer le jugement entrepris et dire recevables et fondées les demandes formées à l’encontre de M. [B] au titre du reliquat des sommes dues en vertu des cautionnements :

-35.990,47 euros au titre des sommes restant dues sur le prêt n° 00000482979, arrêtée au 11 juin 2018, outre intérêts ultérieurs au taux de 7,15 %,

-2.062,36 euros au titre des sommes restant dues sur le prêt n° 00000482980, arrêté au 11 juin 2018 outre intérêts ultérieurs au taux de 5,43 %,

-68.820,44 euros au titre des sommes restant dues sur le prêt n° 00001021148, arrêté au 11 juin 2018, outre intérêts ultérieurs au taux de 5,43 %.

-de condamner M. [B] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 pour les frais irrépétibles de première instance et la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles devant la cour d’appel et aux dépens.

Au soutien de ses demandes, elle soutient avoir rempli son devoir de conseil à l’égard de M. [B] et accordé son concours sur la foi d’une étude de marché très positive pour chacun des prêt octroyés. Elle rappelle que M. [B] a été boucher salarié pendant 10 ans puis à son compte pendant deux années ce qui ne permet pas de le considérer comme « non averti » et ce, d’autant que les investissements réalisés ont été positifs et ont permis une exploitation pendant sept années.

Elle assure que les cautionnements ne sont pas disproportionnés au regard des biens et revenus de M. [B] et soutient qu’il convient de tenir compte dans le patrimoine de la caution des parts sociales que l’acquisition d’un local et de matériel neuf a permis de valoriser.

Par conclusions en intervention volontaire déposées et notifiées le 13 décembre 2022, la société par actions simplifiée (SAS) EOS France demande à la cour, au visa des articles 122 et 908 du code de procédure civile ainsi que les articles L. 217-169 et L. 217-172 du code monétaire et financier de :

débouter M. [K] [B] de ses fins de non-recevoir tirées de l’irrecevabilité des conclusions signifiées en application de l’article 908 du code de procédure par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France le 18 mars 2020, et les pièces produites à l’appui à défaut de qualité et d’intérêt à agir et de l’irrecevabilité de la déclaration d’appel pour défaut de qualité à agir,

débouter M. [K] [B] de sa demande tendant à prononcer la caducité de l’appel,déclarer recevable l’appel de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France,

déclarer recevables les conclusions d’intervention volontaires prises par ses soins le 17 juin 2021,

dire recevables et fondées ses demandes à l’encontre de M. [B] au titre du reliquat des sommes dues en vertu des cautionnements,

condamner en conséquence M. [K] [B] à lui payer :

-la somme de 35.990,47 euros au titre des sommes restant dues sur le prêt n° 00000482979, arrêtée au 11 juin 2018, outre intérêts ultérieurs au taux de 7,15 %,

-la somme de 2.062,36 euros au titre des sommes restant dues sur le prêt n° 00000482980, arrêtée au 11 juin 2018 outre intérêts ultérieurs au taux de 5,43 %,

-la somme de 68.820,44 euros au titre des sommes restant dues sur le prêt n° 00001021148, arrêtée au 11 juin 2018, outre intérêts ultérieurs au taux de 5,43 %,

condamner M. [B] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 pour les frais irrépétibles de première instance et la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles devant la cour d’appel et aux dépens.

Au soutien de ces demandes, la société EOS France allègue :

que la qualité d’appelant s’appréciant au jour de la déclaration d’appel et l’acte de cession de créances n’étant pas signé le 23 décembre 2019, date de la déclaration d’appel, seul le titulaire de la créance pouvait régulièrement interjeter appel ; que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de centre France avait qualité pour agir et faire appel étant précisé que la titrisation d’un portefeuille de créances n’emporte pas novation ;

que l’article 908 du code de procédure civile ne peut, sans être violé, sanctionner un prétendu défaut de qualité ; que la caducité de l’appel ne peut pas être encourue la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Centre France ayant conclu dans les délais impartis (18 mars 2020 alors que le délai expirait le 23 mars 2020).

que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France avait un intérêt actuel et avéré à conclure le 18 mars 2020 pour voir exécuter l’article 700 du code de procédure civile auquel elle a été condamnée ; qu’elle n’a fait que préserver ses droits et ceux de son cessionnaire au regard des délais nécessaires au transfert des dossiers au sein de la société EOS France, en ce en application des dispositions de l’article L217-172 du code monétaire et financier.

que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a accordé son concours sur la foi d’étude de marché très positive pour chacun des prêts octroyés ;que M. [B] ayant été boucher d’abord comme salarié pendant 10 ans puis à son compte pendant deux années, ne peut être considéré comme « non averti » et que les investissements réalisés ont été positifs, ayant permis une exploitation pendant sept années ;

que les cautionnements ne peuvent être considérés comme disproportionnés au regard des biens et revenus de M. [B].

Par conclusions déposées et notifiées en date du 9 novembre 2022, M. [K] [B] demande à la cour, au visa des articles L. 341-4 du code de la consommation, 1231-1 du code civil, L. 313-22 du code monétaire et financier, 1343-5 du code civil,

A titre principal, de :

déclarer irrecevables les conclusions signifiées en application de l’article 908 du code de procédure civile par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France le 18 mars 2020 et les pièces produites à l’appui à défaut de qualité et d’intérêt à agir,

prononcer le caducité de l’appel régularisé selon déclaration de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France du 23 décembre 2019,

déclarer irrecevable la société EOS France en ses conclusions d’intervention volontaire signifiées le 17 juin 2021,

de débouter la société EOS France et la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions et de les condamner in solidum à lui payer une somme de 3. 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens

A titre subsidiaire, de :

confirmer le jugement rendu le 7 novembre 2019 en ce qu’il a considéré que les cautionnements exigés sont manifestement disproportionnés,

le décharger de ses obligations ès qualité de caution des prêts,

débouter la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France et la société EOS France de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

débouter la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

de condamner in solidum la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France et la société EOS France à lui payer une somme de 2. 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

condamner la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France à lui verser la somme de 344.500 euros à titre de dommages et intérêts .

A titre infiniment subsidiaire, de :

prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France,

Motivation

Avant dire droit, enjoindre les sociétés Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France et EOS France de produire aux débats le décompte de leur créance purgé des intérêts contractuels. A défaut de production d’un tel décompte, pour l’ensemble des prêts, dire et juger que la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France ne justifie pas l’existence d’une créance certaine, liquide et exigible et en conséquence, la débouter de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions, ordonner la compensation des sommes éventuellement dues par lui avec les dommages-intérêts qui lui seraient accordés, débouter la société EOS France de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions et lui accorder les plus larges délais de paiement.

En tout état de cause, de :

débouter les sociétés Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France et EOS France de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum les sociétés Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France et EOS France à lui payer une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

[K] fait valoir :

qu’à la date de signification des conclusions le 18 mars 2020, en application de l’article 908 du code de procédure civile, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France n’avait plus qualité et intérêt à agir, ayant cédé son droit à créance et portant droit d’action ; que ses conclusions sont irrecevables et que l’appel est caduc ;

que l’article 1690 du code civil soulevé par la société EOS France est inapplicable car la cession est soumise aux dispositions du code monétaire et financier ;

qu’il ne résulte d’aucune pièce produite tant en première instance qu’en appel la preuve que la banque a satisfait à ses obligations, notamment en faisant remplir à la caution une fiche de renseignements sur l’état de son patrimoine et ses revenus. Il n’avait ni le patrimoine ni les ressources pour être engagé en qualité de caution des prêts consentis à la SARL le 15 mars 2011, pour un montant total de 195.000 €, son patrimoine ne pouvant être fictivement augmenté du montant du capital social et de la valeur d’acquisition des éléments d’équipements communs ;

que la banque n’a pas respecté son devoir de mise en garde ou de vigilance à l’égard d’une caution non avertie et a donc commis une faute de nature à engendrer sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs demandes et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2023.

Motivation:

I- Sur la recevabilité des conclusions de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France et la caducité de l’appel :

Le conseiller de la mise en état s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’irrecevabilité des conclusions d’appelant et des conclusions d’intervention volontaires.

Pour soutenir la caducité de l’appel en application de l’article 908 du code de procédure civile, l’intimé fait valoir que les conclusions notifiées et déposées par la partie appelante seraient irrecevables pour défaut de qualité à agir de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel centre France.

Suivant l’article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe.

La Caisse régionale de crédit agricole centre France, dont l’appel a été jugé recevable par le conseiller chargé de la mise en état, disposait donc de 3 mois à compter du 23 décembre 2019 pour déposer et notifier ses conclusions.

Ses premières conclusions ont été notifiées électroniquement le 18 mars 2020, soit avant expiration du délai de trois mois susvisé.

A cette date, l’appelante n’avait pas renoncé à son droit d’appel. Elle avait effectivement cédé ses créances au fonds de titrisation CREDINVEST compartiment CREDINVEST 2 représenté par la société Eurotitrisation par acte du 26 février 2020 mentionnant une entrée en jouissance le 10 octobre 2019.

Suivant l’article L214-172 du code monétaire et financier, lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l’organisme de financement, leur recouvrement continue d’être assuré par le cédant ou par l’entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l’organisme, soit par l’acte dont résultent les créances transférées lorsque l’organisme devient partie à cet acte du fait du transfert des dites créances. Toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l’organisme ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet.

En l’espèce, la Caisse régionale de crédit agricole centre France était recevable à conclure pour préserver ses intérêts, étant rappelé que le tribunal de commerce l’a condamnée à verser une somme de 1.000 euros à M. [B] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et que M. [B] a sollicité sa condamnation à lui verser des dommages et intérêts, mais également pour préserver ceux du fonds de titrisation auquel elle avait cédé ses créances en application de l’article susvisé.

Ses conclusions seront donc déclarée recevables et la demande de caducité de la déclaration d’appel sera donc rejetée.

II- Sur la recevabilité des conclusions de la société EOS France :

L’intimé soutient que les demandes de la société EOS France liées à l’appel sont irrecevables. Toutefois l’appel a été déclaré recevable par ordonnance du conseiller chargé de la mise en état. La déclaration d’appel n’est pas caduque et l’article 554 du code de procédure civile ne pose qu’une seule condition de recevabilité pour les conclusions d’intervention volontaire : celle de l’intérêt à agir. En l’espèce, l’intérêt à agir de la société EOS France n’est pas contesté.

Monsieur [B] sera débouté de cette demande.

III- Sur la disproportion du cautionnement :

En vertu de l’article L.341-4 du code de la consommation dans sa version applicable à la date de l’engagement de caution, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Les dispositions de caractère général de ce texte bénéficient à toutes les personnes physiques, sans qu’il y ait lieu d’instaurer pour les dirigeants sociaux des restrictions que la loi n’a pas prévues.

Toutefois, les dispositions de l’article L.341-4 ancien du code de la consommation n’imposent pas au créancier professionnel de vérifier la situation professionnelle de la caution lors de son engagement, laquelle supporte lorsqu’elle l’invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus (Cass. Com. 13 septembre 2017, n°15-20.294).

M.[B] fait grief à la banque de ne pas avoir satisfait à ses obligations notamment en s’abstenant de lui faire remplir une fiche de renseignements sur l’état de son patrimoine et de ses revenus.

En l’espèce l’intimée ne produit pas cette fiche, cependant la loi n’impose pas au créancier de faire remplir une fiche patrimoniale.

Il convient donc de dire au regard des circonstances dans lesquelles M. [B] s’est engagé à garantir les dettes de sa société, si cet engagement était disproportionné par rapport à ses revenus et biens.

Le 15 mars 2011, au sein d’un même acte monsieur [B] s’est porté caution des engagements de la SARL Boucherie [B] à concurrence de 195.000 euros (130.000 euros au titre du premier prêt et 65.000 euros au titre du second prêt) couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 144 mois.

Le 24 novembre 2014, M. [B] s’est porté caution du prêt professionnel n° 00001021148 d’un montant de 115.000 consenti à la SARL Boucherie [B] le 13 janvier 2015, dans la limite de la somme de 149.500 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 144 mois.

La société EOS France fait valoir que la banque a accordé son concours sur la base d’une étude de marché très positive et souligne le caractère bénéfique des investissements réalisés. Cependant, la disproportion du cautionnement ne s’apprécie pas en considération du caractère prometteur de l’opération financée pour l’emprunteur principal ni de l’importance des risques pris par la caution. Il s’agit de savoir si au moment de son engagement, la caution pouvait, dans l’hypothèse où elle serait actionnée, faire face à ses engagements.

Par ailleurs, le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s’apprécie au regard de l’ensemble des engagements souscrits par la caution d’une part, de ses biens et revenus d’autre part, sans tenir compte des revenus escomptés de l’opération garantie.

A l’époque du premier cautionnement, soit en 2011, M. [B] était locataire et réglait un loyer mensuel de 500 euros.

Ses revenus annuels s’élevaient à 25.055 euros et il ne déclarait aux impôts aucune autre source de revenus mobiliers ou immobiliers. Le montant de son impôt sur le revenu s’élevait à 1818 euros. Il remboursait alors un crédit contracté auprès de la BNP Paribas (arrivé à échéance le 23 novembre 2012) dont le montant des mensualités n’est pas précisé sur la pièce N°3 qu’il produit un prêt personnel contracté auprès du crédit agricole dont les mensualités s’élevaient à 185,21 euros et un second prêt personnel souscrit auprès de la même banque pour un montant de 7.000 euros et des mensualités de 384,32 euros.

Ainsi sans tenir compte du crédit BNP dont le montant n’est pas justifié, M. [B] assurait avec un revenu mensuel de 2.087 euros, des charges fixes de 1221,03 euros

Son épargne était modeste : il disposait d’une somme de 1 003 euros placée sur un livret A. Il ne disposait d’aucun patrimoine.

Il était donc dans l’incapacité de faire face à son engagement de caution de 195.000 euros avec ses revenus.

La société EOS France soutient que l’acquisition du matériel a permis de valoriser les parts de l’entreprise. Elle en déduit que la somme de 225.000 euros doit être prise en compte dans le patrimoine de M. [B].

Se faisant la société EOS France ajoute le passif (69 000 euros de capital social libéré) et l’actif (immobilisations corporelles) . M. [B] fait observer à juste titre qu’à la date de son engagement de caution, le matériel n’est pas encore acheté et ne peut donc être intégré dans l’évaluation de son patrimoine personnel étant également souligné que le matériel fait partie du patrimoine de la personne morale, emprunteur principal.

Enfin l’évaluation de parts sociales suit différentes méthodes dont fait partie l’évaluation par la valeur patrimoniale qui se base sur les actifs nets de l’entreprise ( déduction faite des dettes).

Au regard de ces éléments, il est établi que l’engagement de caution donné par M. [B] le 15 mars 2011 était disproportionné par rapport à ses revenus et son patrimoine. Le jugement sera confirmé sur ce point.

S’agissant de l’engagement donné le 25 novembre 2014 à concurrence de 145 000 euros, il apparaît que M. [B] avait des revenus inférieurs à ceux qui était les siens en 2011. En effet, l’avis d’imposition fourni pour les revenus de l’année 2014 mentionne un revenu annuel de 17.558 euros soit 1.463,16 euros par mois.

A cette date le livret A présentait un solde positif de 16,01 euros et son livret de développement durable un solde de 1.263,93 euros (au 24 janvier 2015). Cette diminution de revenus s’explique par la situation de son entreprise : le bilan comptable permet de constater que le résultat net est devenu négatif au 31 décembre 2014 ; que les capitaux propres ont baissé. En 2013, il représentaient 28,30% du passif, en 2014, 24,53 % et au 31 décembre 2015, 9,74%. Au 31 décembre 2014 le résultat d’exploitation de la société était négatif et M. [B] ne détenait aucun compte courant d’associé dans sa société.

Comme évoqué ci-dessus, la valeur des parts sociales ne peut être arbitrairement fixée à 315.000 euros en ajoutant aux 225.000 euros retenus en 2011, la valeur du fonds de commerce, ne serait-ce que parce que le matériel acquis s’amortit au fil des exercices comptables et que la société s’est endettée pour acquérir le fonds de commerce.

Enfin, à la date de ce second cautionnement, M. [B] s’était déjà engagé à concurrence de 195.000 euros dans le cadre d’un premier engagement de caution.

Au regard de ces éléments, c’est donc avec raison que le tribunal de commerce a considéré que ce second engagement de cautionnement était également disproportionné aux biens et revenus de M. [B].

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de condamnation de la Caisse régionale de crédit agricole centre France aux droits de laquelle vient aujourd’hui le fonds commun de titrisation CREDINVEST compartiment CREDINVEST2 représenté par la anonyme société Eurotitrisation ayant pour société poursuivante la société EOS France.

IV- Sur la responsabilité de l’établissement bancaire

Au visa de l’article 1147 du code civil ancien, M. [B] sollicite la condamnation de l’établissement de crédit à lui verser la somme de 344.500 euros à titre de dommages et intérêts faisant valoir que celui-ci a failli à son obligation de vigilance et de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie et en octroyant d’autres prêts à la société nonobstant une activité constamment déficitaire (et ce malgré l’obtention d’une subvention de 22.500 euros). Il fait grief au tribunal de l’avoir considéré comme un professionnel averti.

Monsieur [B] est gérant de la SARL Boucherie [B]. Il n’est pas contesté qu’à la création de sa société par apport (CF KBIS), il exerçait depuis deux ans son activité de boucher après avoir été salarié depuis dix ans dans le même secteur d’activité (ce qui ne lui donnait cependant pas de compétences particulières en matière de gestion d’entreprise). La SARL a débuté son activité le 18 décembre 2010 et les premiers crédits ont été octroyés en mars 2011. Il n’est nullement justifié que la banque ait mis en garde M. [B] des risques liés à un endettement excessif de sa société mais également personnel (en qualité de caution). En 2009, M. [B] avait déjà souscrit un crédit de 7.000 euros. Au cours des exercices suivants, la SARL Boucherie [B] s’est régulièrement endettée pour les besoins de son activité en souscrivant :

-en 2011 : un crédit de 29.000 euros pour le financement de taxes, d’impôts et de la TVA, deux crédits d’un montant global de 150.000 euros,

-en 2015, un crédit de 149 500 euros après obtention en 2013, d’une subvention de 22 500 euros pour l’achat d’un second fonds de commerce,

-en 2016, un prêt de 7.000 euros en 2016 pour couvrir des besoins en trésorerie alors que les bilans montrent que la situation financière de l’entreprise se dégradaient.

Cependant une partie de l’endettement tient à l’acquisition d’un fonds à [Localité 9] comprenant 3 salariés qui ne s’est pas avérée aussi fructueuse qu’espérée, M. [B] soulignant des problèmes de personnel.

Toutefois M. [B] a produit pour obtention de ces crédits des analyses comptables dont M. [B] avait connaissance. Il n’appartenait pas à la banque de se prononcer sur les risques ou l’opportunité de l’opération financée alors que M. [B] en sa qualité de gérant disposait des informations nécessaires sur la santé de son entreprise et une vision de la stratégie qu’il entendait développer.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande de dommages et intérêts.

V- Sur les autres demandes :

La Caisse régional de crédit agricole centre France et la société EOS France succombant en leurs demandes seront condamnées aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [B] ses frais de défense.

La Caisse régional de crédit agricole centre France et la société EOS France seront condamnées in solidum à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

Par ces motifs :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Déclare recevables les conclusions notifiées le 18 mars 2020 par la Caisse régionale de crédit agricole centre France ;

Déboute M. [B] de sa demande de caducité de l’appel ;

Déclare recevables les conclusions d’intervention volontaire notifiées le 17 juin 2021 par la société EOS France, agissant en vertu d’un contrat de mandat du 26 février 2020 en qualité de représentant-recouvreur de fonds commun de titrisation CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 2, représenté par la société Eurotitrisation ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum la Caisse régionale de crédit agricole centre France et la société EOS France à verser à M. [K] [B] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la Caisse régionale de crédit agricole centre France et la société EOS France aux dépens d’appel.

Le greffier, La présidente,

 

 


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