1 mars 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
22/03044
4ème chambre commerciale
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/03044 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IR74
CC
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES
17 août 2022 RG :2022R00049
[X]
C/
S.A.R.L. [X]
Grosse délivrée
le 01 MARS 2023
à Me Géraldine BRUN
Me Romain FLOUTIER
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 01 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 17 Août 2022, N°2022R00049
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 01 Mars 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [C] [X] épouse [I]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Géraldine BRUN de la SELARL P.L.M.C AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Bastien REVERBEL avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.R.L. [X], inscrite au RCS sous le numéro 313 802 704, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social,
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Romain FLOUTIER de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Février 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 01 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
Exposé du litige
EXPOSÉ
Vu l’appel interjeté le 12 septembre 2022 par Madame [C] [X] épouse [I] à l’encontre d’une ordonnance prononcée le 17 août 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n°2022R00049.
Vu l’avis du 19 septembre 2022 de fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 6 février 2023.
Moyens
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 2 février 2023 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 1er février 2023 par la SARL [X], intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l’ordonnance du 19 septembre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 2 février 2023.
* * *
La SARL [X], entreprise familiale de prêt à porter, est dirigée par Monsieur [E] [X], en sa qualité de gérant.
Le capital de cette société est divisé en 1 500 parts, réparties comme suivant depuis le 6 mars 2022 :
Madame [N] [X] : 375 parts en usufruit ;
Madame [C] [X] épouse [I] : 374 parts en pleine propriété et 125 parts en nue-propriété ;
Monsieur [E] [X] : 375 parts en pleine propriété et 125 parts en nue-propriété ;
Madame [Y] [S] : 375 parts en pleine propriété et 125 parts en nue-propriété ;
Monsieur [M] [I] : 1 part en pleine propriété.
Madame [N] [X] est la mère de Madame [C] [X] épouse [I], Monsieur [E] [X] et Madame [Y] [S]. Monsieur [M] [I] est le fils de Madame [C] [X] épouse [I].
De 1997 au 1er juillet 2021, Madame [C] [X] épouse [I] a été co-gérante de la société aux côtés de son frère, Monsieur [E] [X].
La SAS clôture son exercice comptable le 30 juin de chaque année civile.
Par courriel du 10 novembre 2021, Monsieur [M] [I] a signalé à Monsieur [E] [X] une erreur sur le calcul de la décote des stocks et ayant pour conséquence une « diminution artificielle des charges d’exploitation de plus de 12 104 euros et une majoration corrélative du résultat de ce même montant ».
Le 19 novembre 2021, Monsieur [E] [X] a convoqué une assemblée générale appelée à se réunir le 6 décembre 2021 afin de statuer sur l’exercice clos le 30 juin 2021.
Par courriel du 27 novembre 2021, Monsieur [I] a rappelé à Monsieur [X] l’obligation de présenter des comptes fidèles et sincères aux associés et a demandé le report de l’assemblée générale chargée d’approuver les comptes sociaux de l’exercice clos le 30 juin 2021 et la correction de ces comptes d’exercice.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 décembre 2021, Madame [C] [I] a émis les mêmes critiques que celles formulées par son fils, a indiqué l’absence de rapport de gestion et a interrogé le gérant de la société sur les comptes.
Le 3 décembre 2021, le cabinet d’expertise comptable de la SARL [X], Cac Expert, a adressé à Madame [C] [I] une lettre de Monsieur [E] [X] l’informant du report de l’assemblée générale afin de corriger l’erreur soulevée par Monsieur [M] [I] et ainsi apporter une réponse complète aux questions posées par elle.
Par ordonnance du 19 janvier 2022, le président du tribunal de commerce de Nîmes a autorisé la prorogation du délai d’approbation des comptes sociaux de la SARL [X] pour l’exercice clos le 30 juin 2021, prolongeant celui-ci jusqu’au 30 juin 2022.
Le 14 mars 2022, Monsieur [E] [X] a convoqué l’assemblée générale de la SARL [X] afin qu’elle statue, le 29 mars 2022, sur les comptes sociaux de l’exercice clos le 30 juin 2021.
Le 23 mars 2022, Monsieur [M] [I] et Madame [C] [I] ont posé des questions portant sur des irrégularités affectant d’autres postes comptables.
Le 25 mars 2022, une nouvelle version des comptes sociaux de l’exercice clos le 30 juin 2021 a été adressée aux associés par l’expert-comptable de la SARL [X], précisant que l’anomalie était simplement due à l’intégration automatique d’un mauvais fichier d’écritures au moment de la génération du bilan modifié.
Monsieur [I] et Madame [I] ont soulevé une erreur dans les comptes corrigés du 25 mars 2022.
Au cours de l’assemblée générale de la SARL [X] du 29 mars 2022, les comptes sociaux de l’exercice clos le 30 juin 2021 ont été approuvés.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 avril 2022, Madame [C] [I] a demandé à Monsieur [E] [X] le remboursement du solde de son compte courant. Elle a alors reçu un virement de 33 134,81 euros alors que le montant du solde de son compte courant d’associé s’élevait à 26 822,31 euros selon les comptes présentés par le gérant.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mai 2022, Madame [C] [I] a demandé à Monsieur [E] [X] le détail du compte soldé et les explications permettant de comprendre l’évolution de ce solde.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 mai 2022, Monsieur [E] [X] a répondu à Madame [C] [I] que le solde de son compte courant apparaissant au bilan du 30 juin 2021 s’élevait à 26 822,31 euros et que le complément de rémunération exercice clos au 30 juin 2021 était de 6 312,50 euros, soit un total de 33 134,81 euros.
Par exploit du 8 juin 2022, Madame [C] [I] a fait assigner la SARL [X], devant le tribunal de commerce de Nîmes, dans le cadre d’une procédure accélérée au fond, afin d’obtenir la désignation du cabinet [P] et Associés, commissaire aux comptes, pour une durée de 6 exercice, commençant à compter de l’exercice clos le 30 juin 2022 et expirant à l’issue de l’assemblée générale annuelle statuant sur les comptes de l’exercice clos le 30 juin 2027.
Par jugement du 17 août 2022, le juge des référés près le tribunal de commerce de Nîmes, visant la procédure accélérée au fond, a :
-Pris acte que les conditions de l’article L. 823-1 du code de commerce, rendant nécessaire la désignation d’un commissaire aux comptes suppléant, ne sont pas réunies ;
-Dit que les demandes de Madame [C] [I] se heurtent à des contestations sérieuses de sorte qu’il ne peut être nommé un commissaire aux comptes dans la SARL [X] en application de l’article D. 221-5 du code de commerce ;
-Condamné Madame [C] [I] à payer à la SARL [X] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 ;
-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;
-Condamné Madame [C] [I] aux dépens prévus à l’article 695 du code de procédure civile et les a liquidés conformément à l’article 701 du code de procédure civile.
Madame [C] [X] épouse [I] a relevé appel de cette ordonnance aux fins de le voir réformer en toutes ses dispositions.
Parallèlement, la SARL [X] a convoqué le 29 novembre 2022 une assemblée générale aux fins d’approbation des comptes de l’exercice clos le 30 juin 2022. Elle devait se tenir le 16 décembre 2022. Madame [C] [I] a saisi Monsieur le premier président près la cour d’appel de Nîmes, statuant comme juge des référés, d’une demande de report de l’assemblée générale des associés.
Par ordonnance du 13 décembre 2022, Madame la déléguée du premier président de la cour d’appel de Nîmes a déclaré Madame [C] [X] épouse [I] irrecevable à agir et l’a condamnée à payer à la SARL [X] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 4, 5, 7, 16, 481-1, 700, 839 du code de procédure civile, des articles L. 223-35, L. 823-10, L. 823-12, D. 221-5, D. 223-27 du code de commerce, de la jurisprudence citée, des pièces versées aux débats, de :
A titre liminaire,
-Juger l’appel diligenté par Mme [C] [I] recevable et bien fondé ;
A titre principal,
-Juger que le Président du tribunal de commerce de Nîmes, pourtant saisi d’une procédure accélérée au fond, a statué selon les règles de la procédure de référé et en conséquence a violé les dispositions des articles L.223-35, D.223-27 et D.221-5 du code de commerce, ensemble les articles 481-1 et 839 du code de procédure civile ;
-Juger qu’en soulevant d’office un moyen de pure opportunité, le Président du tribunal de commerce de Nîmes a statué extra petita et en conséquence a violé les articles 4, 5 et 7 du code de procédure civile ;
-Juger qu’en soulevant d’office un moyen de pure opportunité, sans que celui-ci n’ait pu être discuté par les parties, le Président du tribunal de commerce de Nîmes a violé le principe de la contradiction et en conséquence a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
-Juger qu’en ajoutant des conditions non prévues par la loi ou par la jurisprudence pour la nomination d’un Commissaire aux comptes, telles que celles-ci alourdissent la charge de la preuve jusqu’à la rendre impossible et contredisent la lettre du texte de loi, le Président du tribunal de commerce a violé l’article L.223-35 du code de commerce ;
En conséquence,
-Infirmer l’ordonnance du 17 août 2022 rendue par le Président du tribunal de commerce de Nîmes,
Et statuant à nouveau,
-Juger que Madame [C] [I], en sa qualité d’associé détenant plus de 10% du capital social de la SARL [X], a rencontré et rencontre toujours des difficultés afin d’obtenir une information comptable juste et sincère ;
-Juger que Madame [C] [I], en sa qualité d’associé détenant plus de 10% du capital social de la SARL [X], prouve la présence de nombreuses erreurs au sein des comptes sociaux ;
Juger que Madame [C] [I], en sa qualité d’associé détenant plus de 10% du capital social de la SARL [X], fait état de fortes suspicions sur la régularité et la sincérité des comptes annuels de la SARL [X], outre les erreurs ci-avant mentionnées ;
-Juger qu’il serait parfaitement inéquitable de laisser à la charge de Madame [C] [I] les frais et les dépens de la présente procédure ;
En conséquence,
-Infirmer l’ordonnance du 17 août 2022 rendue par le Président du tribunal de commerce de Nîmes ;
-Ordonner la nomination du Cabinet [P] et Associés, Société à responsabilité limitée au capital de 40 000 euros, dont le siège social est sis [Adresse 4], immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 377 852 983, ou tout autre Commissaire au compte qu’il plaira à Monsieur ou Madame les Conseillers de la cour d’appel de Nîmes, en qualité de Commissaire aux comptes titulaire de la SARL [X] pour une durée de six exercices, commençant à compter de l’exercice clos le 30 juin 2022, et expirant à l’issue de l’assemblée générale annuelle qui statuera sur les comptes de l’exercice clos le 30 juin 2027 ;
A titre subsidiaire,
Si la juridiction devait considérer que le mandat du Commissaire aux comptes ne pouvait commencer à courir à compter de l’exercice clos le 30 juin 2022, il lui est demandé de,
-Ordonner la nomination du Cabinet [P] et Associés, Société à responsabilité limitée au capital de 40.000 €, dont le siège social est sis [Adresse 4], immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 377 852 983, ou tout autre Commissaire au compte qu’il plaira à Monsieur ou Madame les Conseillers de la cour d’appel de Nîmes, en qualité de Commissaire aux comptes titulaire de la SARL [X] pour une durée de six exercices, commençant à compter de l’exercice clos le 30 juin 2023, et expirant à l’issue de l’assemblée générale annuelle qui statuera sur les comptes de l’exercice clos le 30 juin 2028 ;
En tout état de cause,
-Prendre acte que les conditions de l’article L.823-1 du code de commerce, rendant nécessaire la désignation d’un Commissaire aux comptes suppléant ne sont pas réunies ;
-Rejeter l’intégralité de demandes, fins et prétentions de l’intimée ;
-Condamner la SARL [X] à verser à Madame [C] [I] la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
A titre subsidiaire,
-Rejeter la demande de la SARL [X] visant à condamner Madame [C] [I] au paiement d’une quelconque somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir que :
Le tribunal de commerce, en faisant état de l’impossibilité de nommer un commissaire aux comptes, au regard des contestations sérieuses, a statué selon la procédure de référé et non selon la procédure accélérée au fond ; la décision est donc viciée de manière substantielle ;
Le président du tribunal a fondé sa décision sur le coût que représenterait la nomination d’un commissaire aux comptes alors qu’aucune des parties n’avait soulevé ce moyen ; il a, dès lors, statué extra petita ;
Il a en outre violé le principe du contradictoire en ne sollicitant pas les observations des parties sur ce moyen de pure opportunité ;
Il a violé les dispositions de l’article L.223-25 du code de commerce en ajoutant à cette disposition des conditions impossibles à satisfaire, contra legem, inopportunes ou inexactes ;
La nomination d’un professionnel du chiffre est essentielle car les 3 versions des comptes annuels présentés aux associés comportent des erreurs manifestes, faisant douter de leur régularité et de leur sincérité, d’autant que les associés rencontrent toujours des difficultés pour obtenir une information comptable juste, sincère fidèle et régulière ; le gérant et l’expert-comptable se révèlent incapables d’établir les comptes fidèles et sincères demandés, ils manipulent les résultats comptables pour les besoins de leur cause.
Elle rejette la proposition d’examen des comptes 2020/2021 par un commissaire aux comptes, de manière ponctuelle, demandant au contraire une désignation pour l’exercice 2022 et les exercices suivants afin d’obtenir les informations dues aux associés.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’intimée demande à la cour, au visa des articles 9, 14, 14, 146 alinéa 2, 860-1 du code de procédure civile, des articles L. 123-14, L. 225-35, L. 820-3 alinéa 1, L. 820-3-1, L. 823-3, L. 823-9, D. 221-5, R. 823-12 du code de commerce, des articles 121-1, 121-3 du plan comptable général, de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin, notamment son article 2, des statuts de la SARL [X], ensemble l’article 1103, anciennement 1134, alinéa 1 du code civil, de :
Recevant l’appel de Madame [C] [I],
Le disant mal fondé,
-Débouter Madame [C] [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
-Confirmer en toutes ses dispositions la décision du 17 août 2022 rendue par le tribunal de Commerce de Nîmes, sauf à dire qu’il s’agit d’un jugement et non pas d’une ordonnance ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
-Débouter Madame [C] [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la SARL [X] ;
A titre subsidiaire,
-Débouter Madame [C] [I] de sa demande tendant à la désignation du Cabinet [P] et Associés (RCS 377 852 983) en qualité de commissaire aux comptes titulaire de la SARL [X] (RCS 313 802 704) pour une durée de 6 exercices commençant à compter de l’exercice clos le 30 juin 2022 et expirant à l’issue de l’assemblée générale qui statuera sur les comptes de l’exercice clos le 30 juin 2027 ;
-Ordonner la désignation d’un commissaire aux comptes, en qualité de commissaire aux comptes titulaire de la SARL [X], situé sur le territoire de la commune d'[Localité 2] ou sur le territoire d’une commune limitrophe ;
En tout état de cause,
-Condamner Madame [C] [I] à payer à la SARL [X] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner Madame [C] [I] née [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses prétentions, l’intimée fait valoir que :
La décision de première instance ne comporte qu’une erreur matérielle mais c’est bien un jugement au fond, selon la procédure accélérée,
Il n’y a pas de décision extra petita, les moyens ont été débattus devant le tribunal de commerce, devant lequel la procédure est orale ; en tout état de cause, le tribunal a rejeté les prétentions de la demanderesse au regard des moyens qu’elle a développés ;
La nomination d’un commissaire aux comptes n’est pas rétroactive, au visa de l’article L.820-3-1 du code de commerce,
Cette nomination, qui serait faite pour 6 ans par application de l’article L.823-3 du code de commerce, est disproportionnée pour un petit commerce, alors même que l’appelante dispose de tous les éléments comptables qu’elle peut soumettre le cas échéant, au commissaire aux comptes de son choix,
Mme [I] était co-gérante jusqu’au 1er juillet 2021, de sorte qu’elle relève des manquements ressortant de ses propres fonctions et de sa responsabilité,
L’appelante ne justifie d’aucune faute, les erreurs de comptabilité recensées étant minimes,
Les comptes annuels de l’exercice litigieux ont été approuvés le 29 mars 2022,
La décision de commettre un commissaire aux comptes n’est pas automatique et ce n’est pas à Mme [I] de le choisir.
Postérieurement à la clôture fixée au 2 février 2023, la SARL [X] a déposé des conclusions le 3 février 2023, avec demande de rabat de clôture et Madame [I] a fait de même le 4 février 2023, dans lesquelles elle s’oppose au rabat de l’ordonnance de clôture.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
Motivation
DISCUSSION
Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture :
L’article 905 dernier alinéa du code de procédure civile renvoie aux articles 778 à 779 du code de procédure civile pour les modalités à suivre quant à l’appel à bref délai des affaires.
Les articles 778 et 779 du même code sont relatifs au renvoi des affaires en audience de plaidoirie.
L’article 798 du même code précise que la clôture de l’instruction dans les cas prévus aux articles 778, 779 et 799 est prononcée par une ordonnance non motivée.
L’article 802 dispose qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée et aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.
Enfin, l’article 803 dispose que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.
La société [X] demande la révocation de l’ordonnance de clôture au motif que Mme [I] a produit, le jour de la clôture, une nouvelle pièce qu’elle s’était auparavant abstenue de produire, de manière dilatoire.
Cependant, cette pièce n° 34, qui est une attestation de Monsieur [E] [I] datée du 2 février 2023, portant sur des faits qui se seraient produits lors de l’assemblée générale du 16 décembre 2022 est versée aux débats en réponse d’une pièce n°35 communiquée le 1er février 2023 par la société [X], qui porte en partie sur ce qui aurait été dit lors de cette assemblée générale.
Dès lors, Madame [I] n’a pas communiqué cette pièce tardivement, dans un but dilatoire et les conclusions déposées le 3 février 2023 par la société [X], ainsi que les pièces 36 et 37 communiquées le même jour sont irrecevables, en l’absence de cause grave justifiant la révocation.
Il en est de même des conclusions déposées le 4 février 2023 par Madame [I] qui comportent des modifications au fond, outre l’opposition au rejet de la demande de rabat de clôture.
Sur la décision de première instance :
L’article D.221-5 du code de commerce auquel renvoie l’article D.223-27 du même code prévoir que « le commissaire aux comptes est désigné par (Décr. no 2019-1419 du 20 déc. 2019, art. 2) «jugement» du président du tribunal de commerce statuant (Décr. no 2019-1419 du 20 déc. 2019, art. 2) «selon la procédure accélérée au fond».
En l’espèce si la décision est mentionnée comme étant une ordonnance de référé, elle mentionne expressément à plusieurs reprises que le juge est saisi selon la procédure accélérée au fond. Ce magistrat a vérifié « si la nomination d’un commissaire aux comptes relève des cas d’application de la procédure accélérée au fond » et a répondu par l’affirmative. Enfin le dispositif de la décision est pris au visa de la procédure accélérée au fond.
Dès lors, si la décision a été improprement qualifiée de référé dans son en-tête, le jugement a bien été rendu selon la procédure applicable.
En outre, il convient de relever la contradiction existant entre le corps des écritures de Madame [I] qui conclut à l’annulation de l’ordonnance, viciée de manière substantielle et le dispositif de ses écritures qui ne prétend qu’à une infirmation.
En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’est donc pas saisie d’une demande d’annulation du jugement.
En ce qui concerne la violation alléguée du principe du contradictoire, la décision relève « qu’en outre la SARL [X] fait état d’une demande disproportionnée et au coût exorbitant pour cette société, vu son faible chiffre d’affaires et le nombre de ses salariés » et retient qu’il s’agit d’une contestation sérieuse.
Si la décision renvoie aux conclusions reprises mais aussi développées à l’audience, l’oralité de la procédure devant le tribunal de commerce (article 860-1 du code de commerce) permettait à la société [X] de faire état de cet argument de fait auquel le juge de première instance a été sensible.
Le moyen n’ayant pas été relevé d’office par le juge, Madame [I] est mal fondée à invoquer une violation du principe du contradictoire.
Sur le fond :
En vertu de l’article L.223-35 du code de commerce, un ou plusieurs associés d’une SARL représentant au moins 10% du capital social peut demander en justice la nomination d’un commissaire aux comptes même si les seuils légaux ne sont pas atteints.
Cette disposition est reprise dans les statuts de la société [X] (article 23).
La recevabilité de l’action de Madame [I], qui possède 374 parts en pleine propriété et 125 parts en nue-propriété et donc plus de 10% du capital social n’est pas discutée.
Le bien-fondé de la demande de Madame [I] doit être examinée au regard de l’objectif visé par l’article précité, à savoir mettre un terme à des manoeuvres destinées à fausser l’information comptable des associés.
Madame [I] était co-gérante de la société [X] et sa démission a été acceptée lors de l’assemblée générale du 1er juillet 2021.
Elle ne peut donc se prévaloir d’une information qu’elle n’aurait pas reçu de la part de la gérance actuelle, portant sur la décote des stocks 2019/2020, alors qu’elle avait tous pouvoirs à cette époque d’obtenir les renseignements à ce sujet. S’agissant de l’exercice suivant, les observations de Madame [I], exprimées par le truchement de son fils [M] [I], ont été prises en compte et le tableau de décote de l’exercice clos le 30 juin 2021 leur a été communiqué. Ces informations ont conduit à de nouvelles interrogations de Monsieur [I] sur l’évolution de la décote des stocks. Les interrogations de cet associé dont il convient de rappeler qu’il n’est titulaire que d’une part sociale, ont été reprises par Madame [I] dans ses conclusions. La société [X] y répond dans sa pièce 35, à savoir qu’un changement de logiciel a eu lieu, le nouveau logiciel regroupant les anciens stocks qui ne sont plus dissociables pour les stocks antérieurs à 2018.
S’agissant des charges exceptionnelles, la société [X] avait également apporté une réponse à Madame [I], à savoir que les paiements des commandes étaient effectués d’avance mais que les livraisons et facturations tardives étaient comptabilisés en charges exceptionnelles. Cette pratique, déjà comptabilisée comme telle dans l’exercice 2019 durant la co-gérance de Madame [I], a pris fin puisque les charges exceptionnelles ont disparu dans l’exercice clos le 30 juin 2022, de sorte que la critique n’est plus d’actualité.
Il n’est pas nié que le cabinet d’expertise-comptable a commis des erreurs mais les observations de Monsieur [I], envoyant des courriels au nom de sa mère ont été analysées par le professionnel du chiffre qui s’est employé à corriger lesdites erreurs.
Il n’y a donc aucune suspicion à avoir sur des man’uvres destinées à tromper la religion de Madame [I].
Madame [I] fournit un tableau récapitulant l’ensemble des demandes de communication de pièces comptables auxquelles il n’aurait pas été fait droit.
Pour autant, il n’est versé aux débats que 2 pièces émanant de Madame [I] : la pièce 9 consistant en un courrier du 2 décembre 2021, aux termes duquel elle demande communication du rapport de gestion de l’exercice 2020/2021 et appelle les associés au rejet des résolutions.
La gérance a répondu à ce courrier dès le 3 décembre 2021 pour informer Madame [I] du report de l’assemblée générale d’approbation des comptes.
Cette assemblée générale s’est finalement tenue le 29 mars 2022, le rapport de gestion ayant été préalablement communiqué aux associés.
Madame [I] a ensuite envoyé un courrier recommandé avec demande d’avis de réception le 14 décembre 2022. Elle renouvelle des questions portant sur les thèmes évoqués ci-dessus (charges exceptionnelles, décote des stocks) outre une difficulté portant sur le compte créances clients, dont une erreur reconnue n’aurait pas été corrigée. Elle demande un nouveau tableau de décote des stocks et le détail du compte autres charges et charges externes. Elle s’étonne enfin qu’aucune correction comptable n’ait été faite au titre de son remboursement de compte courant d’associé (elle a perçu davantage que ce qui avait été comptabilisé sur ce poste).
Toutes les autres demandes visées dans le tableau qu’elle produit ont été faites par un autre associé, à savoir son fils.
Or, il est manifeste que Monsieur [M] [I], associé minoritaire est en conflit avec certains autres associés, sur fond de projet de cession de parts sociales. C’est ainsi que dans un courriel du 10 novembre 2021, Monsieur [M] [I] écrivait à une associée « compte tenu des tensions générées par mon questionnement, et de leurs probables impacts sur les réunions familiales, pour « pas grand-chose au final », je pense qu’il est finalement préférable de reprendre le projet de cession de parts de [C] ([I]) à [E], ainsi que cela était initialement prévu. C’est évidemment le souhait de [C]’. Cela permettra à [E] de détenir le contrôle de la société’Dans ce contexte, j’ai pris attache’afin d’établir une évaluation précise de la valeur de marché de la société’Afin que toute discussion sur les comptes ne puisse venir altérer les relations familiales, il me semble important que la cession soit réalisée préalablement à l’approbation des comptes. Celle-ci pourra être facilement prorogée si elle ne pouvait intervenir avant le 31 décembre 2021 (simple requête à adresser au président du tribunal de commerce)’
Le président du tribunal de commerce a effectivement fait droit à la demande de report de l’assemblée générale du 31 décembre 2021 formée par Monsieur [E] [X], gérant, mais une semblable démarche de Madame [I] effectuée en ce sens le 6 décembre 2022, a été rejetée par ordonnance du 13 décembre 2022 de la déléguée du Premier Président, au motif que qu’elle était irrecevable à agir, n’étant plus gérante.
Ainsi les irrégularités comptables mineures et l’absence de communication de documents demandés le 14 décembre 2022 ne suffisent pas à faire droit à la demande de Madame [I], formée dans un contexte de difficultés entre associés à la suite de sa démission, d’autant que la désignation d’un commissaire aux comptes est obligatoirement faite pour 6 exercices, par application de l’article L.823-3 du code de commerce. Elle n’est donc pas compatible avec une mésentente ponctuelle des associés liée au devenir des parts sociales de Madame [I].
La décision de première instance sera confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les frais de l’instance :
Madame [I], qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance et payer à la société [X] une somme équitablement arbitrée à 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Dit que les conclusions déposées le 3 février 2023 par la société [X], ainsi que les pièces 36 et 37 communiquées le même jour sont irrecevables,
Dit que les conclusions déposées le 4 février 2023 par Madame [I] sont irrecevables, hormis la partie relative à l’opposition à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture,
Dit que la décision de première instance a été rendue selon la procédure accélérée au fond,
Rejette la demande d’infirmation du jugement déféré pour violation du principe du contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que Madame [C] [I] supportera les dépens d’appel et payera à la société [X] une somme de 2 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,