Comptes courants d’associés : 9 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06874

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Comptes courants d’associés : 9 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06874

9 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG
21/06874

12e chambre

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 MARS 2023

N° RG 21/06874 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U3AG

AFFAIRE :

S.N.C. TRIEL SEINE AMONT

C/

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 1

N° RG : 2021F00204

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie GAUTIER

Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE

TC VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.N.C. TRIEL SEINE AMONT

RCS Paris n° 440 318 426

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Stéphanie GAUTIER de la SELARL DES DEUX PALAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 38 et Me Marie GUEGOT et Me Philippe FEITUSSI de la SAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : K035

APPELANTE

****************

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Maître [C] [V], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société ECOSSEV (Environnement Conseil pour l’Optimisation des Sous-Sols et des Espaces Valorisables), fonction à laquelle elle a été désignée par jugement du Tribunal de Commerce de VERSAILLES en date du 25 juillet 2019.

RCS Versailles n° 818 851 925

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de la SELARL FOURNIER LA TOURAILLE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 80

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 31 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

Exposé du litige

EXPOSE DU LITIGE

La société Triel Seine Amont est une société appartenant au groupe Trimax, exerçant principalement une activité de promotion immobilière commerciale.

La société Ecossev a notamment pour activité l’étude et le conseil pour l’optimisation des sites industriels et terrains exploitables, les transactions sur immeubles et fonds de commerce et la gestion immobilière. Elle est détenue à 80 % par son gérant, M. [X], lequel exerce également les fonctions de :

– directeur général de la société Trimax Développement, entre le 20 décembre 2007 et le 5 avril 2013, date de sa démission et,

– président directeur général de la société Espace Conseil.

Le 24 Septembre 2009, un protocole de prestations et d’association a été signé entre la société Trimax Développement et la société Ecossev, confiant à celle-ci une mission d’assistance générale dans le cadre de ses projets immobiliers de la première.

La rémunération de la société Ecossev était fixée à hauteur de la somme globale de 15.000 € HT par mois, outre une participation de 20% dans le capital de la société Triel Seine Amont et de la SCCV Des Deux Rives.

Invoquant un défaut de paiement des sommes dues au titre dudit protocole à compter de 2011, la société Ecossev a, par acte du 8 août 2013, fait assigner les sociétés Trimax Développement et Espace Conseil devant le tribunal de commerce de Paris afin de les voir condamner à lui payer différentes sommes.

Par jugement du 14 janvier 2015, le tribunal de commerce de Paris a mis un terme au protocole et a condamné :

– la société Trimax Développement à payer à la société Ecossev la somme de 47.540 € au titre des factures émises et non réglées avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 juin 2013,

– la société Trimax Développement à payer à la société Ecossev une indemnité de 431.500 € au titre de la rémunération conventionnellement due pour la période postérieure au 1er mai 2013, et ce jusqu’au terme initial du contrat,

– la société Espace Conseil à payer la société Ecossev la somme de 275.080 € au titre des factures émises et non réglées du 1er juin 2011 au 30 avril 2013 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 juin 2013,

– in solidum la société Trimax Développement et la société Espace Conseil à payer à la société Ecossev la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Trimax Développement et la société Espace Conseil ont interjeté appel de ce jugement le 9 février 2015.

Par un arrêt du 24 mars 2017, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement et a condamné la société Ecossev à payer les sommes de :

– 62.790 € à la société Trimax Développement et,

– 128.570 € à la société Espace Conseil.

La société Ecossev a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.

Par arrêt du 29 mai 2019, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi.

Par actes sous seing privé du 29 mai 2019, les sociétés Trimax Développement et Espace Conseil ont cédé leurs créances respective à l’encontre de la société Ecossev, à la société Triel Seine Amont.

Par jugement du tribunal de commerce de Versailles du 25 juillet 2019, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’égard de la société Ecossev. La SELARL ML Conseil prise en la personne de Me [C] [V] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier du 12 septembre 2019, la SELARL ML Conseil ès qualités a mis en demeure la société Triel Seine Amont de lui restituer la somme de 176.097 € au titre du compte courant que la société Ecossev détient au sein de la société Triel Seine Amont.

Par courrier du 3 octobre 2019, la société Triel Seine Amont s’est opposée au paiement en invoquant la cession des créances détenues par les sociétés Trimax Développement et Espace Conseil à l’encontre de la société Ecossev, intervenue à son profit le 29 mai 2019.

Par acte d’huissier du 23 février 2021, la SELARL ML Conseil prise en la personne de Me [V], ès qualités de liquidateur de la société Ecossev, a fait assigner la société Triel Seine Amont devant le tribunal de commerce de Versailles afin de la voir condamner au paiement de la somme de 176.097 € au titre du remboursement du solde créditeur du compte courant précité.

Par jugement du 3 novembre 2021, le tribunal de commerce de Versailles a :

– condamné la SNC Triel Seine Amont à payer la somme de 174.276,91 € à la SELARL ML Conseil prise en la personne de Me [C] [V], ès qualités de liquidateur de la SARL Ecossev ;

– condamné la SNC Triel Seine Amont à payer à la SELARL ML Conseil prise en la personne de Me [C] [V], ès qualités de liquidateur de la SARL Ecossev la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SNC Triel Seine Amont aux dépens dont les frais de greffe s’élèvent à la somme de 69,59 €.

Par déclaration d’appel du 18 novembre 2021, la société Triel Seine Amont a interjeté appel de ce jugement.

Moyens

PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 26 juillet 2022, la SNC Triel Seine Amont demande à la cour de :

– Infimer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’aucune compensation légale ne pouvait avoir lieu avant ou après le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la SARL Ecossev et, plus généralement, en toutes ses dispositions telles que visées au dispositif :

– Condamné la SNC Triel Seine Amont à payer la somme de 174.276,91 € à la SELARL ML Conseil prise en la personne de Me [C] [V], ès-qualités de liquidateur de la SARL Ecossev ;

– Condamné la SNC Triel Seine Amont à payer à la SELARL ML Conseil prise en la personne de Me [C] [V], ès-qualités de liquidateur de la SARL Ecossev la somme de 3.000 € du titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la SNC Triel Seine Amont aux dépens dont les frais de greffe s’élèvent à la somme de 69,59 € ;

– Confirmer le jugement entrepris en ses dispositions ne faisant pas grief à la société Triel Seine Amont, à savoir en ce qu’il a :

– Dit que les cessions de créance étaient opposables à la liquidation judiciaire de la SARL Ecossev ;

– Jugé que la créance de la SARL Ecossev s’élève à la somme de 174.276,50 € ;

– Dit que les créances de la SARL Ecossev et de la SNC Triel Seine Amont sont des créances réciproques ;

– Rejeter l’appel incident de la SELARL ML Conseil prise en la personne de Me [C] [V], ès-qualités de liquidateur de la SARL Ecossev ;

– Débouter la SELARL ML Conseil prise en la personne de Me [C] [V], ès-qualités de liquidateur de la SARL Ecossev, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence statuant à nouveau,

A titre principal :

– Juger que les conditions de la compensation légale étaient réunies avant le jugement d’ouverture prononçant la liquidation judiciaire de la SARL Ecossev ;

En conséquence,

– Juger que la compensation légale a opéré de plein droit avant le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la SARL Ecossev entre les créances réciproques de Triel Seine Amont et de la SARL Ecossev ;

A titre subsidiaire :

– Juger que les créances de la SARL Ecossev et de Triel Seine Amont sont connexes ;

En conséquence,

– Juger que la compensation légale entre ces deux créances connexes doit s’opérer après le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la SARL Ecossev ;

En tout état de cause :

– Juger que les cessions de créances du 29 mai 2019 sont opposables à la liquidation judiciaire de la SARL Ecossev et qu’il convient de fixer la créance de la société Triel Seine Amont à hauteur de 191.360 €, avant compensation, au passif de cette société ;

– Juger que la SNC Triel Seine Amont détient à l’encontre de la SARL Ecossev une créance d’un montant de 17.083,50 € après compensation légale ;

– Fixer le montant de la créance détenue par la société Triel Seine Amont au passif de la SARL Ecossev à hauteur de 17.083,50 € ;

– Débouter la SELARL ML Conseil prise en la personne de Me [C] [V], ès qualités, de ses demandes à l’encontre de la société Triel Seine Amont au titre du remboursement du compte courant de la SARL Ecossev ;

– Condamner la SELARL ML Conseil prise en la personne de Me [C] [V], ès qualités, à payer à la SNC Triel Seine Amont la somme de 15.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions notifiées le 26 avril 2022, la SELARL ML Conseil prise en la personne de Me [C] [V], ès qualités, demande à la cour de :

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les cessions de créance sont opposables au liquidateur judiciaire ;

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’aucune compensation légale ne pouvait avoir lieu avant ou après le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la société Ecossev ;

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé l’absence de connexité des obligations réciproques ;

En conséquence,

– Condamner la société Triel Seine Amont à payer à la SELARL ML Conseil représentée par Me [C] [V] es-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ecossev la somme de 176.097 € au titre du compte courant, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 9 décembre 2020 ;

– Condamner la société Triel Seine Amont à payer à la SELARL ML Conseil représentée par Me [C] [V] es-qualités la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

Motivation

MOTIFS

Sur l’opposabilité de la cession de créances à la société Ecossev

Me [V], ès qualités, soulève l’inopposabilité des cessions de créance, affirmant qu’elles n’ont pas été notifiées conformément aux stipulations des actes de cession de créance. Il ajoute que si la notification est intervenue, comme prétendu par la société Triel Seine Amont le 29 juillet 2019, elle est postérieure à l’ouverture de la procédure collective et donc inopposable. Il indique en tout état de cause ne pas avoir reçu ce courrier de notification. Il soutient avoir pris connaissance des actes de cession lors des déclarations de créances des sociétés Triel Seine Amont, Trimax Développement et Espace Conseil, qui ne s’analysent pas en des notifications de cession de créance. Me [V] ès qualités indique ne pas avoir consenti à la cession, ni en avoir pris acte.

La société Triel Seine Amont répond que les cessions de créance ont été notifiées à la société Ecossev le 29 juillet 2019, avant publication au Bodacc du jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de cette dernière et le 1er octobre 2019 à Me [V] ès qualités comme l’a relevé le tribunal. Elle expose que la déclaration de créance vaut signification au débiteur cédé, car le liquidateur judiciaire, qui est le destinataire de cette déclaration, représente alors le débiteur.

*****

L’article 1324 alinéa 1er du code civil dispose que ‘La cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte’.

En l’espèce, la société Triel Seine Amont communique en pièce n°11 un accusé de réception, daté du 29 juillet 2019. Si le courrier adressé à la société Ecossev n’est pas joint à cet accusé de réception, la cour constate que Me [V], ès qualités, produit une pièce n°10 qu’il présente comme étant la  » copie de l’enveloppe d’envoi de cette notification « , dont le destinataire est la société Ecossev et à laquelle sont joints les actes de cession. Dans ces conditions, le liquidateur ne peut contester que les cessions de créance ont effectivement été notifiées au débiteur cédé le 29 juillet 2019.

Si le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la société Ecossev a été rendu le 25 juillet 2019, il ressort de la pièce n°3 produite par la société Triel Seine Amont que la décision n’a été publiée au Bodacc que les 3 et 4 août 2019.

Les actes de cession des créances des sociétés Trimax Développement et Espace Conseil au profit de la société Triel Seine Amont ayant été notifiée à la société Ecossev avant que le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de cette dernière n’ait été rendu opposable aux tiers, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a jugé qu’elles sont opposables à Me [V] ès qualités.

Sur la compensation légale

La société Triel Seine Amont invoque en premier lieu l’existence d’une compensation légale avant l’ouverture de la procédure collective. Subsidiairement, elle se prévaut d’une compensation légale postérieure à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

La SNC Triel Seine Amont fait valoir que si l’article 1347 du code civil énonce que la compensation s’opère de plein droit à la date où ses conditions sont réunies, sous réserve d’avoir été invoquée par la partie qui s’en prévaut, peu importe le moment où elle est invoquée, y compris postérieurement au jugement d’ouverture, la compensation jouant alors de plein droit avec effet rétroactif à la date où ses conditions étaient réunies.

La société Triel Seine Amont fait valoir que même si la créance de somme d’argent qu’elle détient à l’encontre de la société Ecossev est issue de deux actes de cession différents, elle a pour fait générateur l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 29 mai 2019 et revêt ainsi un caractère certain. Elle explique être redevable de la somme de 174.276,50 € à l’égard de la société Ecossev, au titre du solde du compte courant de cette dernière, déduction faite de la perte 2018 affectée par assemblée générale des associés du 27 juin 2019 à concurrence de 10 % au compte courant d’associé de la société Ecossev. La société Triel Seine Amont soutient que ces créances réciproques sont fongibles, liquides et qu’elles sont exigibles, dès lors, pour l’une, qu’elle est issue d’une décision de justice définitive et pour l’autre, qu’elle procède du remboursement du solde créditeur du compte-courant d’associé qui est exigible à tout moment par l’associé prêteur, en l’absence de clause statutaire contraire. L’appelante considère donc que les conditions de la compensation légale étaient réunies avant le 25 juillet 2019, date de l’ouverture de la procédure collective à l’égard de la société Ecossev.

Concernant la compensation légale après le jugement, la société Triel Seine Amont expose, au visa de l’article L.622-7 du code de commerce, que les créances doivent être considérées comme connexes, dès lors qu’elles trouvent leur origine dans le protocole du 24 septembre 2009 qui s’analyse comme un contrat-cadre destiné à organiser les relations entre la société Ecossev et la société Trimax Group dans le cadre de l’exécution de l’opération économique globale conclue entre elles, qui a donné lieu à la prise de participation de la société Ecossev dans le capital de la société Triel Seine Amont.

Me [V] ès qualités répond, concernant la compensation légale avant l’ouverture de la procédure collective, que :

– la société Ecossev n’a pas demandé à la société Triel Seine Amont le paiement de la somme de 176.097 € avant sa liquidation judiciaire ;

– les créances étaient contestées et donc non certaines ;

– la compensation légale des créances n’a pas été invoquée avant l’ouverture de la procédure collective ;

– la déclaration de créance de la société Triel Seine Amont n’en fait nulle mention.

S’agissant de la compensation légale après l’ouverture de la procédure collective, Me [V] ès qualités répond qu’en application de l’article L.622-7 du code de commerce, la compensation ne peut s’opérer qu’entre des créances connexes alors qu’en l’occurrence, elles ne le sont pas puisque la créance de la société Ecossev provient d’un compte courant d’associé, alors que celle de la société Triel Seine Amont, au titre de la cession de créances, est issue des condamnations prononcées par la cour d’appel de Paris par arrêt du 24 mars 2017.

*****

Selon l’article 1347 du code civil : ‘La compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes.

Elle s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies’.

Par ailleurs, l’article 1347-1 du code civil précise que :  » Sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

Sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre « .

En application de ces dispositions, la compensation ne peut opérer que vis-à-vis de créances exigibles, c’est-à-dire de créances dont chaque créancier est en droit d’obtenir le paiement. Les créances de la société Triel Seine Amont étaient exigibles dès le 29 mai 2019, date de l’arrêt de la Cour de cassation rejetant le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 24 mars 2017, devenu alors définitif. Par ailleurs, le solde créditeur du compte courant d’associé de la société Ecossev auprès de la société Triel Seine Amont, en l’absence de convention particulière ou statutaire le régissant, était exigible à tout moment. La cour souligne que la compensation légale n’impose pas que la créance soit exigée, dès lors qu’il suffit qu’elle soit exigible. Ainsi, il importe peu que Me [V], ès qualités, n’ait réclamé le paiement du solde créditeur du compte courant de la société Ecossev auprès de la société Triel Seine Amont que postérieurement à l’ouverture de la procédure collective.

Le caractère certain des créances n’est pas plus discutable, à compter des actes de cession de créances consécutifs à l’arrêt de la Cour de cassation précité, soit du 29 mai 2019, pour les créances de la société Triel Seine Amont et à compter du 27 juin 2019 pour la créance de la société Ecossev, au titre du compte courant détenu auprès de la société Triel Seine Amont. Il ressort en effet du courrier que l’appelante a adressé à Me [V] le 1er octobre 2019 qu’à l’occasion de l’assemblée générale des associés de la société Triel Seine Amont du 27 juin 2019, une somme de 1.820,50 € a été déduite du compte courant de la société Ecossev au titre de la perte de l’année 2018, fixant le solde créditeur du compte à la somme de 174.276,50 €. Ce point n’a fait l’objet d’aucune contestation de la part de Me [V], qui ne le critique pas davantage dans le cadre de cette instance.

Le caractère fongible et liquide des créances réciproques des parties n’est pas discuté.

Enfin, si Me [V] ès qualités conteste la compensation légale des créances en cause à défaut pour la société Triel Seine Amont de l’avoir invoquée avant l’ouverture de la procédure collective, la cour relève que l’article 1347 du code civil ne pose pas une telle condition. La compensation n’opère pas paiement des créances réciproques, auquel l’article L.622-21 du code de commerce s’opposerait après l’ouverture de la procédure collective, mais extinction des obligations réciproques des parties et donc des créances respectives. En conséquence, alors que les conditions de la compensation légale étaient réunies le 27 juin 2019, avant l’ouverture de la procédure collective à l’égard de la société Ecossev, il est indifférent que la société Triel Seine Amont ne l’ait invoquée que par courrier le 3 octobre 2019, soit après le jugement du 25 juillet 2019 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société Ecossev.

Alors que la société Triel Seine Amont détenait une créance d’un montant total de 191.360 € (62.790 € + 128.570 €), celle de la société Ecossev se limitait à la somme de 174.276,50 € (176.097 € – 1.820,50 €). L’appelante justifie avoir régularisé une déclaration de créance auprès de Me [V] ès qualités le 27 septembre 2019. En conséquence, par infirmation du jugement déféré, il doit être fait droit à la demande de la société Triel Seine Amont tendant à voir déclarer à son profit, au passif de la procédure collective de la société Ecossev, une créance d’un montant de 17.083,50 € (191.360 € – 174.276,50 €).

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Au regard de la solution du litige, le jugement sera infirmé des chefs des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile. La société Ecossev, représentée par Me [V] ès qualités, supportera les dépens de première instance et d’appel. Il sera par ailleurs alloué à la société Triel Seine Amont une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Fixe au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Ecossev les créances de la société Triel Seine Amont comme suit :

– 17.083,50 € à titre principal,

– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Fixe au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Ecossev les dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 

 


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