9 mars 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/00402
CHAMBRE 1 SECTION 1
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 09/03/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/00402 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TMWI
Jugement (N° 16/01598)
rendu le 30 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer
APPELANTE
Madame [E] [V] divorcée [P]
née le 31 mai 1956 à [Localité 10]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, substitué à l’audience par Me Catherine Demailly-Camus, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Caroline Troudart, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMÉ
Monsieur [W] [P]
né le 27 janvier 1948 à [Localité 13]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 7]
représenté par Me Anne-Laure Perrez, avocat au barreau de Douai, avocat constitué aux lieu et place de Me François Lestoille, avocat au barreau de Douai
DÉBATS à l’audience publique du 05 décembre 2022 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 décembre 2022
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Mme [E] [V] et M. [W] [P] se sont mariés le 10 avril 1976 à [Localité 11] (Pyrénées Atlantiques) après avoir adopté le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts suivant contrat de mariage de Maître [I], notaire à [Localité 10], en date du 7 avril 1976.
Par acte reçu par Maître [Y], notaire à [Localité 7], en date du 11 septembre 2007, ils ont changé de régime matrimonial et adopté le régime de la séparation de biens. Néanmoins, si la communauté a alors été liquidée, le partage n’est pas intervenu.
Par un jugement du 6 mai 2016, le juge aux affaires familiales de Boulogne-sur-Mer a prononcé le divorce des époux et désigné, pour procéder au partage judiciaire à défaut de partage amiable, Maître [R] [F], notaire à [Localité 6].
Ce dernier a établi le 21 novembre 2016 un procès-verbal d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté puis, les parties ne parvenant pas à un accord, un procès-verbal de difficultés le 7 mai 2019.
Mme [V] a interjeté appel d’un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 30 novembre 2020 en ce qu’il l’a déboutée :
– de ses demandes tendant :
* à prendre en compte les travaux financés par la communauté sur le bien personnel de M. [P] situé à [Localité 8],
* à revaloriser les récompenses dues à la communauté par M. [P] et reprises dans l’acte de Maître [Y] tenant compte de la vente des biens fondant lesdites récompenses à la somme de 540’152 euros sous réserves de la communication par M. [P] des actes de vente de [Localité 12] et [Localité 14],
* à intégrer l’actif indivis le compte courant de la SCI Arnat,
* à exclure du passif indivis la reconnaissance de dette faite le 3 juillet 2006 aux enfants du couple pour un montant total de 472’592 euros,
* à intégrer dans le projet d’acte liquidatif l’intégralité des décomptes établis par Maître [G], notaire personnel de Mme [V],
– de sa demande au titre des frais d’entretien de la jument indivise,
– d’une partie de sa demande au titre du financement des écuries.
Moyens
Par ses conclusions en date du 19 avril 2021, elle demande à la cour, outre la rectification de trois erreurs matérielles affectant le jugement, de :
– intégrer dans les opérations de compte liquidation partage une récompense due par M. [P] à l’indivision qui a succédé à la communauté à hauteur de 152’997 euros pour le financement de l’aménagement des combles dans le bien de [Localité 8] lui appartenant en propre,
– revaloriser les récompenses dues à la communauté par M. [P] et reprises dans l’acte de Maître [Y] tenant compte de la vente des biens fondant lesdites récompenses à la somme de 377’449,20 euros, sous réserve de la communication par M.'[P] des actes de vente de [Localité 12] et [Localité 14],
– dire que M. [P] est redevable à son égard d’une créance de 102’162 euros au titre de sa part de l’usufruit du bien de [Localité 14],
– intégrer à l’actif de l’indivision le compte courant d’associés de la SCI Arnat à hauteur de 143’000 euros perçu par M. [P] seul lors de la vente du bien appartenant à la SCI,
– constater que la reconnaissance de dettes effectuée aux enfants pour un montant total de 472’592 euros est éteinte et n’a pas à figurer au passif de l’indivision,
– intégrer une créance qui lui est due par l’indivision pour avoir assumé seule l’entretien de la jument indivise à hauteur de 10’710 euros,
– constater que M. [P] reste redevable à son égard pour avoir financé au moyen de fonds personnels des écuries sur un terrain appartenant en propre à celui-ci d’une créance complémentaire d’un montant de 17’387,26 euros,
– intégrer dans l’acte de liquidation de Maître [F] les observations et décomptes de Maître [G], notaire,
– confirmer pour le surplus le jugement dont appel
– condamner M. [W] [P] à lui verser la somme de 3’000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner au paiement de l’intégralité des frais et dépens avec droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l’article 700 du même code.
M. [W] [P] a constitué avocat mais n’a pas conclu.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rectification d’erreurs matérielles
L’article 462 du code de procédure civile dispose que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
Mme [V] a relevé la présence dans le jugement d’une erreur concernant le nom de son avocat et de formulations qui constituent effectivement des erreurs matérielles, par inversion de noms, au regard des développements qui les précèdent et des pièces du dossier, erreurs qui seront donc réparées par le dispositif du présent arrêt.
Sur la demande tendant à intégrer dans les opérations de compte liquidation partage une récompense due par M. [P] à l’indivision qui a succédé à la communauté à hauteur de 152’997 euros pour le financement de l’aménagement des combles dans le bien de [Localité 8] lui appartenant en propre
L’article 1134 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise ; qu’elles doivent être exécutées de bonne foi.
Le premier juge, après avoir rappelé ce principe, a retenu à bon droit :
– que par acte authentique et homologué en justice le 11 septembre 2007 emportant changement de régime matrimonial, les parties avaient prévu précisément la liquidation de leur communauté et établi la liste exhaustive des récompenses, de sorte que prévoir de nouveaux chefs de récompense serait contraire au principe de la force obligatoire des contrats,
– que Mme [V], qui faisait elle-même valoir que M. [P] ne pouvait prétendre à des récompenses non prévues par l’acte de liquidation susvisé, ne pouvait demander que soient prises en compte des récompenses non prévues par cet acte, même en indiquant artificiellement que ces sommes seraient dues non à la communauté mais à l’indivision qui lui avait succédé dès lors qu’elle précisait que ces travaux avaient été financés par la communauté et non par l’indivision post-communautaire.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté Mme [V] de cette prétention.
Sur la demande tendant à revaloriser les récompenses dues à la communauté par M. [P] et reprises dans l’acte de Maître [Y]
L’acte du 11 septembre 2007 susvisé a reconnu et liquidé les récompenses dues par M.'[P] à la communauté à raison du financement partiel par celle-ci des maisons de [Localité 14] et de [Localité 12] qui lui étaient propres.
C’est vainement que Mme [V] prétend à la revalorisation de ces récompenses pour tenir compte du profit tiré par M. [P], postérieurement à la liquidation, de la vente de ces immeubles et elle n’avance d’ailleurs aucun fondement juridique à sa demande.
C’est donc à bon droit que le tribunal a débouté Mme [V] de sa demande de revalorisation et de sa demande, annexe à celle-ci, de production des actes de vente des immeubles en question qui ne la concernent pas. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la reconnaissance d’une créance de 102’162 euros à l’encontre de M. [P] au titre de sa part de l’usufruit du bien de [Localité 14]
Cette demande ne saurait prospérer dès lors qu’elle est contraire à l’acte authentique de liquidation de la communauté que Mme [V] a signé, même si elle soutient que c’est de manière mensongère que M. [P] a alors affirmé qu’après l’acquisition de l’usufruit du terrain de [Localité 14], la communauté avait été remboursée par remploi de biens propres de sa part de financement, la privant ainsi de sa part d’usufruit. Elle en a donc été déboutée à bon droit.
Sur la demande d’intégration à l’actif de l’indivision du compte courant d’associés de la SCI Arnat à hauteur de 143’000 euros
L’acte du 11 septembre 2007 mentionne, dans l’actif de communauté, le solde créditeur du compte courant d’associé des époux dans ladite SCI. Ce solde créditeur doit donc être inscrit à l’actif de l’indivision post-communautaire mais il appartiendra au notaire avec les parties, pour l’évaluation de l’actif au jour du partage, de déterminer si ce solde créditeur existait encore à la date à laquelle le bien immobilier propriété de la SCI a été vendu et si M. [P], dont il est justifié (pièce 20) qu’il a perçu le produit de la vente, a versé ou doit encore sa part à Mme [V].
Il y a donc lieu d’infirmer le jugement sur ce point et de faire droit à la demande de cette dernière.
Sur la demande tendant à exclure du passif de l’indivision la reconnaissance de dettes effectuée aux enfants pour un montant total de 472’592 euros
Mme [V] verse aux débats des attestations en bonne et due forme datées du mois de janvier 2021 par lesquelles trois de ses enfants, [T], [H] et [L] [P], attestent le remboursement de la somme faisant l’objet de la reconnaissance de dette dont il s’agit. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de l’appelante après infirmation de ce chef du jugement.
Sur les frais d’entretien de la jument indivise
Si le premier juge a débouté Mme [V] de sa demande à ce titre au motif tiré de ce qu’elle ne produisait pas de facture mais simplement une liste dactylographiée de sommes qu’elle aurait réglées portant le tampon « [K] [M], [Adresse 9] à [Localité 4]’» mais dépourvue de mention manuscrite comme de signature, l’appelante produit en cause d’appel une attestation de Mme [M] confirmant le versement de la somme de 10’200 euros. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de reconnaissance d’une créance de Mme [V] sur l’indivision.
Sur la demande de reconnaissance d’une créance à l’encontre de M. [P] pour avoir financé au moyen de fonds personnels des écuries sur un terrain appartenant en propre à celui-ci d’une créance complémentaire d’un montant de 17’387,26 euros
Le premier juge a fait droit à cette demande à concurrence de 15’000 euros en exposant que Mme [V] déclarait avoir financé lesdites écuries grâce à un don manuel de ses parents de 15’000 euros, que M. [P] ne contestait pas que les écuries avaient été construites sur son bien personnel et financées par Mme [V] sur des fonds propres à hauteur de 15’000 euros et que cette dernière ne démontrait pas que le surplus du coût de construction, soit 2387,26’euros, provenait de fonds propres. Mme [V] n’apporte rien de plus au débat en cause d’appel sur ce dernier point et le jugement ne peut donc qu’être confirmé.
Sur la demande tendant à l’intégration dans l’acte de liquidation de Maître [F] des observations et décomptes de Maître [G], notaire
C’est par une motivation n’appelant pas de critique et que nous adoptons que le premier juge a rejeté cette demande.
Sur les autres demandes
L’appel de Mme [V] s’avérant partiellement fondé, il y a lieu, en application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, de mettre les dépens de l’instance à la charge de M. [P] et de condamner celui-ci à indemniser l’appelante des autres frais qu’elle a exposés pour assurer la défense de ses intérêts.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour
corrige les erreurs matérielles affectant le jugement entrepris ainsi qu’il suit :
– page 1, les mots « Maître [S] [C] » sont remplacés par les mots : « Maître [Z] [B] »,
– page 2, avant-dernier paragraphe, les mots « Le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a autorisé Monsieur [W] [P] à pratiquer une saisie conservatoire de créance entre les mains de Maître [D], notaire à [Localité 5], et entre les mains de Madame [E] [V] »
sont remplacés par les mots « Le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a autorisé Madame [V] à pratiquer une saisie conservatoire de créance entre les mains de Maître [D], notaire à [Localité 5], et entre les mains de Monsieur [W] [P] »,
– page 7, avant-dernier paragraphe, les mots « « Il sera par conséquent fait droit à la demande de Monsieur [W] [P] »
sont remplacés par les mots « Il sera par conséquent fait droit à la demande de Madame [E] [V] ».
dit qu’il sera fait mention de la présente décision rectificative sur la minute et les expéditions du jugement,
infirme ledit jugement en ce qu’il a débouté Mme [V] de ses demandes relatives au compte courant de la SCI Arnat, à la reconnaissance de dette faite le 3 juillet 2006 aux enfants du couple pour un montant total de 472’592 euros et aux frais d’entretien de la jument indivise,
statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
– ordonne l’inscription à l’actif de l’indivision du compte courant d’associés de la SCI Arnat mentionné par l’acte de liquidation de la communauté du 11 septembre 2007,
– dit que la reconnaissance de dette faite le 3 juillet 2006 aux enfants du couple doit être exclue du passif de l’indivision,
– dit que Mme [V] dispose d’une créance de 10’200 euros à l’encontre de l’indivision au titre des frais d’entretien de la jument indivise,
confirme le jugement en ses autres dispositions,
condamne M. [W] [P] aux dépens, qui pourront être recouvrés par la SCP Processuel selon les modalités prévues par l’article 699 du code de procédure civile, et au paiement à Mme'[E] [V] d’une indemnité de 1 500 euros par application de l’article 700 du même code.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet