29 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/07101
Chambre 3-2
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 29 MARS 2023
N° 2023/113
Rôle N° RG 19/07101 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEGGV
SCI CHAMADE
C/
SELARL [E]-CONSTANT
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Philippe MILLET
Me Charles TOLLINCHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de grasse en date du 15 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/00020.
APPELANTE
SCI CHAMADE,
au capital de 1.000 € immatriculée au RCS de Nice sous le n° 494 191 505 dont le siège social est sis, [Adresse 1], prise en la personne de son gérant en exercice, M. [P] [M] domicilié es qualités audit siège
représentée par Me Philippe MILLET de la SELARL ANTELMI – BONCOMPAGNI – MILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE
INTIME
La SELARL DELORET-CONSTANT
représentée par Maître [O] [E], agissant en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la SCI CHAMADE. demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseiller
Madame Agnès VADROT, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2023
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le tribunal judiciaire de Grasse a, par jugement du 10 février 2017, ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la SCI Chamade dont l’activité est l’achat, vente, détention, gestion de droits sociaux ou de valeurs mobilières, Me [O] [E] ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 10 septembre 2018, le plan de sauvegarde a été adopté et il a été ordonné notamment, outre le gel des comptes courants d’associés pendant la durée du plan, l’inaliénabilité des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Chamade, conformément aux dispositions de l’article L 626-14 alinéa 2 du code de commerce.
Le 14 février 2019, la SCI Chamade a sollicité la main-levée de cette mesure d’inaliénabilité, faisant valoir que depuis l’arrêt du plan de sauvegarde elle a reçu des SCI Laurageais et Laurageais II, une offre d’acquisition des biens immobiliers lui appartenant permettant le remboursement de l’intégralité du passif et la parfaite exécution du plan.
Un compromis a été régularisé sous la condition suspensive, notamment, d’obtention de la main-levée de l’inaliénabilité des biens, de la purge du droit de préemption de la commune d'[Localité 7], l’obtention d’un prêt bancaire et l’obtention d’une garantie, la signature de l’acte de vente par devant notaire étant prévue le 30 avril 2019.
Le tribunal judiciaire a, par un jugement rendu contradictoirement du 15 avril 2019 :
– ordonné la main-levée de la mesure d’inaliénabilité des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Chamade sis à [Localité 7] (Bouches-du-Rhône), [Adresse 11] Cadastré Section IZ n° [Cadastre 3], lots n° 63, 64, 65, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 136 et 143;
– dit que le prix de cession de ces biens immobiliers devra être versé dans son intégralité entre les mains du commissaire à l’exécution du plan en vue du remboursement de la créance hypothécaire du CIC Lyonnaise de banque, du passif fiscal et des créances de la banque déclarées au passif de la société en sa qualité de caution des deux sociétés du groupe.
La SCI Chamade a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 26 avril 2019, son appel étant limité aux chefs de jugement suivants :
– en ce qu’il a dit que le prix de cession de ces biens immobiliers devra être versé dans son intégralité entre les mains du commissaire à l’exécution du plan en vue du remboursement de la créance hypothécaire du CIC Lyonnaise de banque, du passif fiscal et des créances de la banque déclarées au passif de la société en sa qualité de caution des deux sociétés du groupe.
Me [O] [E] n’ayant pas constitué avocat dans le délai d’un mois à compter de l’envoi de la notification de la déclaration d’appel, un avis d’avoir à signifier la déclaration d’appel a été adressé le 5 juin 2019 à l’appelante.
En l’absence de signification effectuée dans le mois de l’avis adressé par le greffe, un avis de caducité de la déclaration d’appel a été envoyé au conseil de la SCI La Chamade le 10 juillet 2019.
Exposé du litige
La SCI La Chamade a procédé à la dénonciation de la déclaration d’appel du 26 avril 2019 ainsi que ses conclusions par acte d’huissier en date du 5 juillet 2019.
La SCI Chamade a déposé et notifié des conclusions par RPVA le 7 octobre 2019 et a de nouveau déposé et notifié des conclusions d’appelant n°2 par RPVA le 30 juin 2021.
Aux termes de ses dernières écritures, auxquelles la cour se réfère expressément en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, elle sollicite :
– la confirmation du jugement rendu le 15 avril 2019 en ce qu’il a ordonné la mainlevée de la mesure d’inaliénabilité sur l’ensemble immobilier sis [Adresse 11] à [Localité 7] ;
– l’infirmation partielle du jugement en ce qu’il a dit que le prix de cession de ces biens immobiliers devra être versé dans son intégralité entre les mains du commissaire à l’exécution du plan en vue du remboursement de la créance hypothécaire du CIC Lyonnaise de banque, du passif fiscal et des créances de la banque déclarées au passif de la société en sa qualité de caution des deux sociétés du groupe ;
Moyens
Elle demande à la cour d’appel statuant à nouveau :
– de juger que le prix de cession contenu dans la promesse de vente, modifié par avenant est d’un montant de 500 000 euros, soit 488 000 euros net vendeur ;
– de juger que le passif pris en compte dans le plan de sauvegarde est de 363 175,57 euros ;
– de juger que les créances déclarées par le CIC Lyonnaise de banque pour un montant de 1 299 903,70 euros au passif de la SCI Chamade en sa qualité de caution sont des créances éventuelles, non exigibles à ce jour ;
en conséquence,
– de juger que la quote part du prix de cession correspondant au passif pris en compte dans le cadre du plan pour la somme de 363 175,75 euros devra être consignée entre les mains du commissaire à l’exécution du plan en vue du remboursement du passif exigible ;
– de juger que le surplus devra être versé à la SCI La Chamade.
Elle fait valoir, pour l’essentiel, que le prix de cession des droits et biens immobiliers appartenant à la SCI La Chamade est de 500 000 euros soit 488 000 euros net vendeur ; que les créances déclarées par la banque CIC Lyonnaise de Banque sont éventuelles et non exigibles et que le seul passif exigible à prendre en compte dans le cadre du plan de sauvegarde est de 328 756,94 euros ; qu’en conséquence, seule la quote part du prix correspondant au passif exigible dans le cadre du plan de sauvegarde devra être versé entre les mains du commissaire à l’exécution du plan soit 363 175,57 euros, le solde devant revenir à la SCI Chamade.
Aux termes de ses écritures déposées et notifiées par RPVA le 7 octobre 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, Me [E] ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la SCI Chamade sollicite de la cour qu’elle confirme en ses dispositions querellées le jugement entrepris et déboute la SCI Chamade de ses demandes et, subsidiairement, demande à ce qu’il soit désigné à titre de séquestre tel mandataire qu’il plaira à la cour aux fins de recevoir à titre de consignation les fonds représentant le solde du prix de cession après remboursement du CIC et du passif fiscal et ce jusqu’à l’issue des plans de sauvegarde des SCI Lauragais 2 et Cygne, et de condamner la SCI La Chamade aux dépens.
La partie intimée fait valoir que la confirmation du jugement s’impose dès l’instant où il appartient à Me [E] de s’assurer, dans l’intérêt des créanciers, que les fonds ne seront pas dilapidés par la SCI Chamade et viendront garantir la défaillance éventuelle des SCI Laurageais 2 et Cygne vis-à-vis de la banque, à hauteur de la créance de celle-ci admise au passif de la SCI Chamade à titre de caution.
L’affaire a été fixée à l’audience du 02 février 2023 et la clôture a été rendue le 05 janvier 2023.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 – Sur l’étendue de l’appel
En application des articles 562 et [Cadastre 5] du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; la déclaration d’appel précise, le cas échéant les chefs du jugement critiqués.
En l’espèce, il ressort de la déclaration d’appel en date du 26 avril 2019, que l’appel de la SCI Chamade est limité au chef de jugement qui a dit que le prix de cession des biens immobiliers et des droits appartenant à la SCI Chamade devra être versé dans son intégralité entre les mains du commissaire à l’exécution du plan en vue du remboursement de la créance hypothécaire du CIC Lyonnaise de banque, du passif fiscal et des créances de la banque déclarées au passif de la société en sa qualité de caution des deux sociétés du groupe.
Dès lors, la dévolution n’ayant pas opéré sur les autres chefs de jugement, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de l’appelant tendant à la confirmation du jugement en ce qu’il a ordonné la main-levée de la mesure d’inaliénabilité.
2- Au fond
Il n’est pas contesté que le passif admis définitivement de la SCI Chamade est de 2 537 163,64 euros, et comporte notamment :
– la créance de la société JMD Investissement pour un montant de 907.004 euros déclarée à titre de caution du compte courant d’associé.
– deux créances de la banque CIC Lyonnaise de Banque déclarées à titre de caution, pour un total de 1 299 903 euros, dont :
‘ 586 673 euros à titre d’engagement de cautionnement consenti par la SCI Chamade au profit des sociétés Lauragais et Lauragais II
‘ 713 230 euros déclaré à titre d’engagement de caution consenti par la SCI Chamade au profit de la société Cygne
Concernant la créance déclarée au titre des engagements de caution de la SCI Cygne.
Cette société civile immobilière a fait l’objet d’un plan de sauvegarde adopté le 10 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Grasse qui prévoit entre autres dispositions, la réalisation par la SCI Cygne des biens et droits immobiliers dont elle est propriétaire, sis [Adresse 4] à [Localité 9] (Var), moyennant le prix hors taxes de 1 160 000 euros, le versement de la totalité du prix de vente entre les mains du commissaire à l’exécution du plan (Me [O] [E]) en vue du paiement par priorité de l’intégralité du passif bancaire, puis l’affectation du solde à parts égales, au profit de la SCI Chamade et de la société JMD Investissement en règlement partiel de leur compte courant d’associé, lesquelles abandonnent leur solde.
Par jugement du 19 décembre 2019 modifiant le plan de sauvegarde, le tribunal a ordonné que le produit de la vente devra être versé entre les mains du commissaire à l’exécution du plan (Me [E]), a autorisé ce dernier à régler la créance du CIC Lyonnaise de Banque en principal et intérêts à l’aide du prix de vente, à adresser après paiement des frais de procédure et de ses émoluments, le solde du prix restant entre les mains des associés de la société qui avaient accepté de ‘geler’ leurs comptes courants d’associés en garantie de l’exécution du plan, conformément aux dispositions des articles L 626-14 alinéa 2 et R 626-31 du code de commerce.
Le rapport du commissaire à l’exécution du plan du 1er septembre 2020, tel que repris dans le jugement, fait état de ce que le 1er dividende (26 896,37 euros) a été versé aux créanciers le 4 septembre 2019, le dividende représentant le solde du passif à l’exclusion des créances des associés, soit 808 650,06 euros, a été versé au CIC Lyonnaise de Banque le 3 juin 2020 et les sommes de 250 056,39 euros et 234 347,39 euros ont été versées respectivement à la société JMD Investissement et à la SCI Chamade, le même jour, en règlement de leurs créances d’associés de la société. Par jugement du 14 décembre 2020, a été prononcée la clôture de la procédure pour extinction du passif.
Il en ressort que le passif définitif de la société Cygne étant intégralement réglé, la créance de la banque CIC Lyonnaise de Banque déclarée à la procédure collective de la SCI Chamade à titre de caution pour un montant de 713 230 euros se trouve donc éteinte.
Concernant, en revanche, la créance de la banque CIC Lyonnaise de Banque déclarée pour un montant de 586 673 euros à titre d’engagement de caution consenti par la SCI Chamade au profit des sociétés Lauragais et Lauragais II :
La SCI Lauragais 2 a acquis le 8 février 2011 un terrain situé sur la commune de Villefranche de Lauragais sis à la Camave, lotissement ZA section B logs [Cadastre 5] et [Cadastre 6], à l’aide d’un prêt bancaire souscrit auprès de CIC Lyonnaise de Banque d’un montant de 1 350 000 euros remboursable en 159 mensualités, afin d’y édifier un bâtiment à usage de commercial d’une superficie de 1 500 m². La banque est garantie par l’inscription d’une hypothèque sur ce bien.
L’appelante fait état dans ses écritures d’un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse du 10 septembre 2018 arrêtant un plan de sauvegarde à l’égard de la SCI Lauragais 2 prévoyant un apurement du passif bancaire sur 10 ans (passif admis autre que les comptes courants d’associés) pour un montant de 893 989,88 euros et prononçant l’inaliénabilité des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI et le gel des comptes-courant associés pendant la durée du plan.
Si ce jugement n’a pas été versé aux débats -la cour relève à cet égard que seul le jugement en date du 10 septembre 2018 concernant la SCI Chamade a été produit- il en est fait mention dans le rapport de Me [O] [E] en date du 24 juillet 2018.
L’appelante verse aux débats un extrait du compte courant de la SCI Lauragais 2, duquel il ressort que ce compte présente un solde créditeur à la date du 23 juin 2021 de + 204 165,94 euros, un avenant au bail commercial conclu le 14 janvier 2013 entre la SCI Lauragais 2 et la société NGE Fondations, en date du 21 mai 2020, ainsi qu’une facture n° FA 2021.03.26 relative à la location de locaux commerciaux sis [Adresse 10] (période du 1er avril au 30 juin 2021) à en-tête de la société NGE Fondations sise à [Localité 8], d’un montant de 37 500 euros TTC.
La cour relève que le relevé de compte bancaire de la SCI Lauragais 2, comme les justificatifs de la perception d’un loyer commercial, tous datés du mois de juin 2021, n’ont pas été actualisés à ce jour et aucun élément concernant l’exécution du plan de sauvegarde de la SCI Lauragais 2 n’a été produit, notamment en ce qui concerne le règlement du passif bancaire, de sorte que les allégations selon lesquelles le loyer annuel versé par une société locataire permettrait à la SCI Lauragais 2 de respecter ses obligations au titre du plan de sauvegarde, ne sont nullement étayées.
Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient l’appelante, le passif bancaire déclaré à la liquidation judiciaire de la SCI Chamade doit être pris en compte dans la mesure où celle-ci reste tenue de garantir la SCI Lauragais 2, à concurrence de la somme 586 673 euros diminuée, le cas échéant, des règlements intervenus dans le cadre de l’exécution du plan de sauvegarde, au titre de son engagement de caution souscrit au profit de la banque et ce jusqu’à extinction de la créance bancaire.
Dès lors, la confirmation du jugement entrepris s’impose en ce qu’il a ordonné que le prix de cession des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Chamade (500 000 euros soit 488 000 euros net vendeur) soit versé dans son intégralité entre les mains du commissaire à l’exécution du plan, en vue du remboursement de la créance hypothécaire du CIC Lyonnaise de Banque, du passif fiscal et des créances de cette banque déclarées au passif de la SCI en sa qualité de caution des deux sociétés Lauragais et Lauragais 2, ceci afin de garantir la défaillance éventuelle de la SCI Lauragais 2 dans l’exécution du plan de sauvegarde.
Il y a lieu, par conséquent, de débouter la SCI Chamade de ses demandes.
La SCI Chamade succombant dans ses prétentions, sera condamnée aux dépens d’appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dit que la cour n’étant pas saisie, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la SCI Chamade aux fins de confirmation du jugement en ce qu’il a ordonné la main-levée de la mesure d’inaliénabilité sur l’ensemble immobilier sis [Adresse 11] à [Localité 7] ;
Déboute la SCI Chamade de ses autres demandes ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse du 15 avril 2019 en ce qu’il a dit que le prix de cession des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Chamade devra être versé dans son intégralité entre les mains du commissaire à l’exécution du plan en vue du remboursement de la créance hypothécaire du CIC Lyonnaise de Banque, du passif fiscal et des créances de cette banque déclarées au passif de la SCI en sa qualité de caution des deux sociétés Lauragais et Lauragais 2 ;
Condamne la SCI Chamade aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,