4 avril 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/02709
1ere Chambre
N° RG 21/02709 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K5RQ
C4
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL EYDOUX MODELSKI
la SELARL BRUN KANEDANIAN
SELARL DECOMBARD & BARRET
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 04 AVRIL 2023
Appel d’une décision (N° RG 19/02625)
rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 17 mai 2021
suivant déclaration d’appel du 18 Juin 2021
APPELANTE :
S.A. CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE RHÔNE-ALPES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
[Localité 8]
représentée par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Alban VILLECROZE, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
Mme [C] [T]
née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Jean Christophe KANEDANIAN de la SELARL BRUN KANEDANIAN, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Dorothée RIEMAIN, avocat au barreau de GRENOBLE
M. [N] [O]
né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Emmanuel DECOMBARD de la SELARL DECOMBARD & BARRET, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Estelle GAILLARDON, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller
M. Lionel Bruno, conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 31 janvier 2023 monsieur Lionel Bruno, conseiller chargé du rapport, assisté de Anne Burel, greffier, en présence de Catherine Silvan, greffier stagiaire, a entendu les avocats en leurs observations et en leurs plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
Exposé du litige
*****
Faits et procédure :
[C] [T] et [N] [O] sont associés de la Sci Flomaris, qui a été constituée le 29 avril 2010, chacun détenant 50’% du capital social. [N] [O] s’est occupé de la gérance de la société.
La Sci Flomaris a contracté un emprunt n° 5090064 auprès de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes, d’un montant de 330.000 euros, remboursable sur une durée de 180 mois, au taux d’intérêt de 3,80 % l’an, destiné à l’acquisition d’un bien immobilier professionnel et à la réalisation de travaux.
Le remboursement de ce prêt a été garanti par les cautionnements de [C] [T] et de [N] [O], chacun pour la somme maximale de 429.000 euros et pour la durée de 213 mois, suivant actes sous seing privé du 29 avril 2010. Le prêt et les cautionnements ont été constatés par acte authentique dressé le 27 mai 2010.
La Sci Flomaris ayant cessé d’honorer le paiement des échéances du prêt à compter du 5 mars 2017, elle a été destinataire d’un courrier recommandé le 24 novembre 2017, la mettant en demeure de payer la somme de 20.421,78 euros. Le même jour, l’établissement prêteur a informé les deux cautions de la défaillance du débiteur principal et les a mis en demeure de payer les sommes dues.
En l’absence de régularisation, la déchéance du terme du prêt a été prononcée par courrier recommandé du 13 mars 2018. [C] [T] et [N] [O] ont alors été mis en demeure de payer la somme de 219.962,40 euros. Le 17 janvier 2019, l’emprunteur et les cautions ont reçu un décompte actualisé de la créance, s’élevant à la somme de 212.214,33 euros et ont vainement été mis en demeure de régulariser la situation. Par exploits d’huissier séparés délivrés les 19 et 26 juin 2019, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône Alpes a attrait [C] [T] et [N] [O] devant le tribunal de grande instance de Grenoble.
Par jugement contradictoire du 17 mai 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a’:
débouté [C] [T] de sa demande de nullité de l’acte de cautionnement souscrit le 29 avril 2010′;
déchargé la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes du droit de prévaloir des cautionnements souscrits le 29 avril 2010 par [C] [T] et [N] [O]’;
en conséquence, débouté la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes de sa demande en paiement dirigée à l’encontre de [C] [T] et de [N] [O], pris en leur qualité de cautions’;
condamné la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes à verser à [C] [T] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles’;
débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires’;
condamné la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes aux entiers dépens’;
dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.
La Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes a interjeté appel de cette décision le 18 juin 2021 en ce qu’elle a’:
déchargé l’appelante du droit de prévaloir des cautionnements souscrits le 29 avril 2010 par [C] [T] et [N] [O]’;
débouté l’appelante de sa demande en paiement dirigée à l’encontre de [C] [T] et de [N] [O], pris en leur qualité de cautions’;
condamné l’appelante à verser à [C] [T] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles’;
débouté l’appelante du surplus de ses demandes plus amples ou contraires’;
condamné l’appelante aux entiers dépens.
Moyens
Prétentions et moyens de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes’:
Selon ses conclusions remises le 16 janvier 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 1103 nouveau, 2287-1 du code civil’:
d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la concluante à verser à [C] [T] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles’;
condamné la concluante aux entiers dépens’;
de donner acte à la concluante de ce qu’elle se désiste de son appel’;
de débouter les intimés de l’intégralité de leurs demandes’;
de condamner les intimés au paiement d’une somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’;
de condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.
Elle soutient’:
que si les intimés indiquent que la concluante a été totalement désintéressée et qu’ainsi les cautionnements sont éteints par application de l’article 2315 du code civil, et qu’ils maintiennent leur demande de condamnation au titre des frais irrépétibles, cependant la concluante a interjeté appel du jugement déféré le 18 juin 2021, soit antérieurement à la vente amiable du bien immobilier survenue le 11 janvier 2022 et dont le prix a été affecté au paiement de la créance’; ainsi, qu’au jour de son appel, la concluante détenait bien une créance contre les cautions, alors qu’elle n’a reçu paiement que le 13 juillet 2022 après déblocage des fonds; qu’en conséquence, si les cautionnements sont effectivement éteints, de sorte que la concluante se désiste de ses demandes, la cour doit néanmoins rejeter les demandes de condamnations formées par les intimés’;
qu’en effet, l’appel a été formé à bon droit, puisque dans le cadre d’une autre instance opposant les parties en leur qualité de cautions de la société Isère Fitness, le tribunal a jugé définitivement que les garanties consenties en juin 2010 pour les prêts accordés à cette société postérieurement aux cautionnements en cause dans la présente instance, consentis un mois plus tôt, n’étaient pas disproportionnés’; que la concluante n’avait ainsi pas d’autre choix que d’interjeter appel’;
que si madame [T] persiste à soutenir que son engagement était nul, en ce que la mention manuscrite portée par elle n’était pas conforme à l’article L.331-1 du code de la consommation, il résulte de cette mention que seul le terme «’du’» a été omis entre les mots «’paiement’» et «’principal’», ce qui ne modifie pas la portée de l’engagement’; que cela ne signifie pas que la caution n’ait entendu garantir que le paiement des intérêts, puisque la somme totale garantie est de 429.000 euros;
concernant la proportionnalité des cautionnements, que l’article L.341-4 du code de la consommation prévoit qu’il appartient à la caution de démontrer que sa garantie était disproportionnée par rapport à ses biens et ressources au moment où elle a contracté, et qu’elle n’est pas en mesure d’y faire face au jour où elle est appelée, ces deux conditions étant cumulatives, ce que ne prouvent pas les intimés’; qu’il convient en outre de retenir les conséquences du jugement concernant la garantie du prêt accordé postérieurement à la société Isère Fitness’; que les intimés ne peuvent ainsi, sans se contredire, maintenir leur argumentation, n’ayant pas frappé ce jugement d’un appel, ce qui constitue un aveu;
sur le fond, que les intimés ne produisent aucune pièce relative à l’étendue de leur patrimoine, alors que selon les questionnaires complétés par eux, ils ont déclaré percevoir un revenu imposable annuel de 16.000 euros pour monsieur [O] et de 28.000 euros pour madame [T], être propriétaires d’une maison sise à la Murette d’une valeur nette de 260.000 euros’; qu’ils n’indiquent pas quelle était la valeur des parts sociales détenues dans la société Isère Fitness, qui n’a été placée en redressement judiciaire qu’en 2013, ni la valeur de celles détenues dans la Sci Flomaris; qu’ils ne produisent aucun élément concernant leur épargne’;
que les intimés sont défaillants dans la démonstration du caractère manifestement disproportionné de leur engagement’;
que les intimés sont toujours propriétaires de leur bien immobilier, dont la valeur a augmenté, puisque le prêt le grevant est venu à échéance en janvier 2020 et a été remboursé’; que disposant ainsi d’un patrimoine immobilier net de 330.000 euros, alors qu’ils sont recherchés pour le paiement de 229.899,91 euros, ce seul patrimoine leur permet de faire face à leurs engagements’;
que si le tribunal a retenu, pour madame [T], que suite au divorce intervenu le 19 novembre 2018, la maison lui a été attribuée préférentiellement, et qu’elle a souscrit un prêt de 114.627,50 euros destiné à regrouper le crédit immobilier, cependant cette intimée dispose ainsi d’un actif net de 223.018,52 euros, équivalent aux sommes dues au titre de son cautionnement;
concernant monsieur [O], qu’il s’est vu allouer une prestation compensatoire de 45.000 euros, outre une soulte correspondant à sa part du bien immobilier attribué à madame [T] pour 165.000 euros, ce que le tribunal n’a pas pris en compte’;
qu’il n’a pas été tenu compte des parts détenues par les intimés dans la Sci Flomaris, alors que le juge aux affaires familiales a retenu une valorisation pour 70.000 euros pour monsieur [O]’;
que les intimés sont taisants concernant leurs revenus actuels, alors que madame [T] exerce la profession d’orthoptiste’; que dans le cadre du divorce, ses revenus ont été retenus pour 4.230 euros par mois’;
que s’il est exact que la concluante a engagé une autre procédure contre les intimés en leur qualité de cautions, cela ne porte que sur 26.000 euros, de sorte que le montant total des engagements de madame [T] pour 256.000 euros est couvert par son seul patrimoine immobilier’;
que si madame [T] persiste à demander la déchéance des intérêts en raison de l’absence d’information annuelle des cautions, la concluante produit les lettres annuelles adressées en la forme simple aux intimés, alors qu’il ne lui est pas imposé de rapporter la preuve de leur réception, mais que de leur envoi, d’autant que monsieur [O] a reconnu l’exécution de ces envois;
que la Sci Flomaris était bien débitrice de 229.899,91 euros, après déduction de l’ensemble des versements effectués, contrairement à ce qu’affirme monsieur [O]’; qu’il ne peut contester que le taux d’intérêt à appliquer est de 6,80’% et non de 3,80’% puisque le prêt a prévu, en cas de défaillance de l’emprunteur, une majoration du taux contractuel de trois points, avec capitalisation de plein droit’;
que si monsieur [O] met en cause la responsabilité de madame [T], ce débat est étranger à la concluante.
Prétentions et moyens de [C] [T] :
Selon ses conclusions remises le 13 janvier 2023, elle demande à la cour, au visa des article 2224, 2313, 2314 du code civil, des articles L 331-1, L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation, de l’article L 313-22 du code monétaire et financier’:
de déclarer l’appelante irrecevable en ses demandes en raison de l’extinction de la créance principale depuis le 13 juillet 2022′;
subsidiairement, d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la concluante de sa demande de nullité du cautionnement souscrit le 21 avril 2010′;
de déclarer l’appelante irrecevable en ces demandes en raison de la nullité du cautionnement souscrit par la concluante’;
en tout état de cause, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu que le cautionnement souscrit par la concluante le 21 avril 2010 en garantie des engagements de la société Flomaris est manifestement disproportionné, et en ce qu’il a débouté l’appelante de ses demandes de condamnations formées à l’encontre de la concluante sur le fondement de cet acte de cautionnement’;
à titre infiniment subsidiaire, de prononcer la déchéance de tout droit aux intérêts concernant les créances invoquées par l’appelante compte tenu du non-respect de l’obligation d’information annuelle des cautions’;
de condamner l’appelante à verser à la concluante la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
de condamner la même aux entiers dépens.
Madame [T] soutient’:
que l’appel est abusif, puisque le prêt cautionné a été remboursé dans le cadre d’une vente amiable constatée par le juge de l’exécution le 11 janvier 2022, suite à la procédure de saisie engagée par l’appelante, les fonds ayant été débloqués le 13 juillet 2022′; qu’en conséquence, le cautionnement est éteint par l’effet de l’article 2313 du code civil, alors que l’appelante ne peut plus maintenir sa demande de réformation’;
subsidiairement, que le cautionnement signé par la concluante est nul au titre de l’article L.331-1 du code de la consommation concernant la mention manuscrite apposée par elle, puisqu’il manque le mot «’du’» entre «’paiement’» et «’principal’», ce qui modifie le sens et la portée de l’engagement’; que la concluante n’a pas eu ainsi conscience de s’engager au paiement du principal, mais que des intérêts et éventuellement des pénalités’;
que cet engagement est en outre disproportionné, pusqu’il a concerné la totalité de la somme empruntée, outre les intérêts et les frais, pour 429.000 euros’; qu’à la date de cet engagement, la concluante bénéficiait de revenus annuels pour 28.000 euros, était propriétaire d’un bien immobilier évalué 330.000 euros sur lequel restait un emprunt pour 120.000 euros, soit un actif net de 210.000 euros, mais en indivision avec monsieur [O], les époux étant mariés sous le régime de la séparation des biens’; que le concluante disposait ainsi individuellement d’un patrimoine net de 105.000 euros, outre ses revenus’; que l’ensemble des garanties accordées par les intimés était de 858.000 euros, au regard d’un patrimoine indivis net de 245.000 euros au plus’; que les parts de la Sci Flomaris n’avaient aucune valeur réelle compte tenu des dettes souscrites par elle’;
s’agissant de la situation de la concluante lorsqu’elle a été assignée en paiement, que l’appelante omet d’indiquer que les deux époux ont été assignés par elle en paiement de 60.000 euros en leur qualité de cautions de la société Isère Fitness’; que la concluante doit également payer 45.000 euros à monsieur [O] au titre de la prestation compensatoire fixée dans le jugement de divorce du 19 novembre 2018, par des paiements échelonnés sur 90 mois’; qu’elle reste encore tenue de régler 27.000 euros à ce titre’; que la concluante a dû souscrire un nouveau prêt afin de racheter la part de monsieur [O], et doit 106.981,48 euros à ce titre au mois de juin 2019′; qu’elle a également souscrit un prêt à la consommation pour 34.000 euros afin d’assumer divers remboursement de prêts souscrits antérieurement au divorce; qu’elle assume seule la charge des enfants communs’;
que la banque ne rapporte pas avoir exécuté les obligations imposées par l’article L.313-22 du code de la consommation.
Prétentions et moyens de [N] [O]’:
Selon ses conclusions remises le 10 janvier 2023, il demande à la cour :
de constater l’extinction de la créance de l’appelante’;
en conséquence, de déclarer le cautionnement éteint’;
subsidiairement, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté madame [T] de sa demande de nullité de l’acte de cautionnement souscrit le 29 avril 2010′; en ce qu’il a déchargé l’appelante du droit de se prévaloir des cautionnements souscrits par les intimés; en ce qu’il a débouté l’appelante de sa demande en paiement dirigée contre les intimés pris en leur qualité de cautions’; en ce qu’il a condamné l’appelante aux dépens’;
en tout état de cause, de condamner l’appelante à payer au concluant la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.
Il soutient’:
que son cautionnement est éteint par l’effet de l’article 2313 du code civil en raison du paiement intervenu en cours d’instance’;
que son engagement était disproportionné, puisque le concluant a déclaré, dans le questionnaire confidentiel l’accompagnant, qu’il était alors sans emploi, avec un revenu annuel de 16.000 euros’; qu’il disposait d’un bien immobilier estimé 330.000 euros, avec un remboursement de prêt immobilier pour 120.000 euros sur 15 ans, et un prêt automobile’; qu’ainsi, le montant de son engagement était 26 fois supérieur à son revenu annuel’; qu’ainsi que retenu par le tribunal, la valeur de sa part dans le bien immobilier était de 125.000 euros’; que les parts de la Sci Flomaris n’avaient aucune valeur, puisqu’elle a été constituée le jour de l’acte de cautionnement, alors qu’il avait pour objet de garantir l’acquisition du bien immobilier appartenant à cette société’; que la société Isère Fitness a été créée postérieurement à cette opération, de sorte que la valeur des parts de cette société ne pouvait être retenue’; concernant la situation du concluant lors de son assignation en paiement, que s’il s’est vu allouer une prestation compensatoire de 45.000 euros, elle n’est cependant payée que sur 90 mensualités successives, de sorte que l’intégralité de cette valeur n’est pas entrée dans son patrimoine’; que le concluant n’a reçu aucune soulte dans le cadre du divorce’lors de son assignation en paiement, puisque si le bien immobilier a été attribué à madame [T], le juge a renvoyé les parties à procéder à un partage amiable’;
que l’appel de la Caisse d’Epargne était sans intérêt, puisque par jugement du 23 mars 2021, soit antérieurement à la déclaration d’appel, le juge de l’exécution a autorisé la vente amiable du bien visé par la présente instance, à un prix permettant le paiement du prêteur.
*****
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 17 janvier 2023.
Motivation
Motifs’:
Il résulte des conclusions de l’appelante qu’elle sollicite l’infirmation du jugement déféré concernant la condamnation prononcée en application de l’article 700 et la charge des dépens, et qu’elle se désiste ensuite de son appel, en raison de l’extinction du cautionnement, en raison du paiement intervenu postérieurement à son acte d’appel du 18 juin 2021. Ce désistement d’appel ne concerne ainsi que les chefs du jugement ayant «’déchargé’» la Caisse d’Epargne du droit de se prévaloir des cautionnements, et le rejet des demandes plus amples ou contraires de la banque. S’il convient de prendre acte de ce désistement d’appel, dans ces limites, il appartient à la cour, pour apprécier le bien fondé des condamnations prononcées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, d’examiner les moyens des parties échangés au fond, afin d’estimer si la demande en paiement était bien fondée avant que les sommes garanties soient réglées.
S’agissant en premier lieu de la nullité de son engagement invoquée par madame [T], il résulte du jugement déféré que la mention manuscrite apposée par [C] [T] le 29 avril 2010 est la suivante: ‘En me portant caution de Sci Flomaris dans la limite de la somme de 429.000 euros soit quatre cent vingt neuf mille euros couvrant le paiement principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retards et pour la durée de 213 mois, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens (.. .)’. Le tribunal a dit que si la nullité d’un engagement de cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution n’est pas identique aux mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, c’est à l’exception de l’hypothèse d’une erreur matérielle qui n’affecterait pas le sens et la portée des mentions précitées. Il a noté que l’omission de la locution ‘du’ entre les termes «’paiement’» et «’principal’» ne modifie pas la portée de l’engagement s’étendant bien au principal, aux intérêts et pénalités de retard, qu’elle est sans conséquence sur l’intelligibilité de la mention, alors que la caution ne saurait donc légitimement prétendre avoir pensé de pas être engagée au paiement du principal, alors que le mot est bien retranscrit, d’autant plus que le montant cautionné est bien supérieur au montant total des intérêts. En conséquence, il a débouté madame [T] de sa demande d’annulation du contrat de cautionnement donné en garantie du prêt accordé à la Sci Flomaris.
Sur ce point, la cour ne peut que confirmer le jugement déféré, l’absence de reproduction manuscrite du terme «’du’» ne résultant que d’une erreur matérielle. Madame [T] n’a pu se méprendre sur la portée de son engagement, en raison du montant de la somme garantie, couvrant le principal, les intérêts et les frais.
Concernant la disproportion des engagements de caution, le tribunal a exactement rappelé que cette disproportion s’apprécie, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, au regard du montant de l’engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution avertie ou non avertie, en prenant en considération son endettement global dont le créancier avait ou pouvait avoir connaissance, y compris l’endettement résultant d’autres engagements de caution, et que la charge de la preuve du caractère disproportionné du cautionnement au moment de sa souscription pèse sur la caution. Il a précisé que si cette disproportion manifeste est constatée au moment de la conclusion de l’engagement, le créancier professionnel est déchu du droit de se prévaloir de cet engagement, sauf s’il établit qu’au moment où la caution est appelée, celle-ci est en mesure de faire face à son obligation.
Le tribunal a constaté que [N] [O] et [C] [T] se sont mariés le [Date mariage 3] 1998, avec contrat de mariage reçu le 30 juillet 1998, aux termes duquel les époux ont placé leurs rapports patrimoniaux sous le régime de la séparation de biens, et qu’en conséquence, contrairement à ce que soutient le prêteur, la disproportion manifeste de l’engagement d’une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s’apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels. La cour ne peut qu’approuver cette motivation, le régime adopté par les intimés ayant séparé leur patrimoine respectif.
Pour Madame [C] [T], le tribunal a retenu qu’il ressort du questionnaire confidentiel complété le 12 avril 2010 qu’elle a déclaré percevoir un revenu net imposable de 28.000 euros et être propriétaire en indivision d’une maison d’habitation estimée à la valeur de 330.000 euros acquis par le biais d’un emprunt de 120.00 euros en janvier 2005, remboursable sur une durée de 15 ans. Après déduction de l’encourt restant dû (estimé à environ 80.000 euros en l’absence de communication de l’offre de prêt et du tableau d’amortissement), le tribunal a indiqué que les époux [O] étaient donc propriétaires indivis d’un bien immobilier d’une valeur de 250.000 euros, ce qui représente 125.000 euros pour chacun des époux. Le cautionnement litigieux ayant été donné à hauteur de la somme de 429.000 euros, il représentait alors la totalité du patrimoine et onze années de revenus de la caution. Concernant la valeur des parts sociales détenues par la caution dans le capital des sociétés, le tribunal a noté qu’aucune pièce n’a été versée qui permettrait d’apprécier la valeur exacte des parts sociales détenues au sein de la Sci Flomaris, mais que cependant, il s’agit d’une société alors naissante puisqu’elle a été constituée le même jour que l’acte de cautionnement, avec un capital social de 1.000 euros, sans détention d’aucun autre actif immobilier puisque le cautionnement litigieux garantissait l’acquisition du seul bien immobilier appartenant à la Sci Flomaris. Pour la société Isère Fitness, le tribunal a constaté qu’elle a été constituée en juillet 2010, soit postérieurement au jour de l’engagement de caution de madame [T], de sorte que ses parts sociales n’ont pas à être prises en compte. Pour les mêmes raisons, il a dit que les engagements de caution de madame [T], souscrits après le 29 avril 2010, n’ont pas à être pris en compte pour l’appréciation de la disproportion de l’engagement au jour de sa conclusion. Le tribunal en a retiré que le cautionnement de [C] [T] apparaissait manifestement disproportionné au jour où elle l’a contracté.
S’agissant de la situation de madame [T] au jour où elle a été appelée en paiement, soit au 19 juin 2019, le tribunal a indiqué qu’il y a lieu de constater qu’elle justifie de son divorce intervenu par jugement en date du 19 novembre 2018 aux termes duquel le bien immobilier appartenant au couple a été attribué à titre préférentiel à [C] [T] et de la souscription, le 23 décembre 2017, auprès du même établissement prêteur, d’un prêt d’un montant de 114.627,50 euros ayant pour but un regroupement de crédit immobilier portant sur sa résidence principale. Il a indiqué que contrairement à ce que soutient la banque, en toute mauvaise foi, l’intégralité du prêt immobilier n’a donc pas été remboursé et que madame [T] n’est donc pas encore propriétaire de la moitié de la valeur du bien, alors qu’il est également justifié que [C] [T] a été attraite en justice par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes en exécution des autres engagements de caution qu’elle a souscrit en garantie des prêts accordés à la société Isère Fitness, pour une somme de 26.000 et de 6.535,76 euros, cette société ayant l’objet d’une liquidation judiciaire. Le tribunal en a déduit que seules les parts sociales de la Sci Flomaris peuvent être prise en compte dans l’appréciation de la disproportion, et qu’au vu du patrimoine immobilier détenu par la caution et de ses revenus mobiliers (revenus propres et parts sociales de la Sci Flomaris), la banque ne justifie pas que la caution soit en mesure de faire face à une demande en paiement d’un montant de 229.899,91 euros. Le tribunal a ainsi déchu la banque du droit de se prévaloir du contrat de cautionnement souscrit par [C] [T].
La cour constate que, s’agissant de la situation de la caution lors de son engagement, le juge a exactement retenu le montant des revenus de madame [T] déclarés dans le questionnaire confidentiel remis à la banque, de même que la valeur brute du bien immobilier. Il a justement retenu cette valeur pour moitié, puisque ce bien était alors indivis entre les intimés. En conséquence, la cour relève qu’il est avéré que madame [T] disposait de 28.000 euros de revenus annuels, et était propriétaire pour moitié d’un bien immobilier, détenant ainsi un patrimoine d’une valeur 165.000 euros, sauf à déduire le montant du capital restant à amortir au titre du prêt contracté en 2005 pour financer son acquisition. La valeur des parts de la société Flomaris, dont il n’est pas contesté qu’elle a été créée le même jour que la souscription du prêt cautionné, alors que son capital était de 1.000 euros selon l’acte notarié constatant le prêt, était nulle en raison du prêt à amortir, le prêt étant destiné à financer la totalité de l’acquisition faite par cette société. Le tribunal a ainsi exactement retenu que l’engagement de madame [T] était ainsi disproportionné.
S’agissant de la situation de madame [T] lors de son assignation en paiement, la cour relève que selon le décompte arrêté le 30 novembre 2018, les sommes dues s’élevaient à 212.214,33 euros. Le jugement de divorce prononcé le 19 novembre 2018 n’a pas procédé à la liquidation des intérêts patrimoniaux des cautions, mais les a renvoyées devant un notaire. Il a attribué préférentiellement le bien immobilier ayant constitué le domicile conjugal à madame [T], mais dont la valeur n’a pas été évoquée, et a retenu des revenus mensuels de 4.230 euros en 2017. Madame [T] a été condamnée à payer une prestation compensatoire de 45.000 euros, mais à verser en 90 mensualités, soit 500 euros mensuellement, outre une pension alimentaire de 240 euros pour l’entretien et l’éducation des deux enfants communs. Elle justifie avoir contracté à un prêt à la consommation pour 34.000 euros auprès de l’appelante et il n’est pas contesté qu’elle a souscrit un prêt afin de régler la soulte revenant à monsieur [O]. Alors que la charge de la preuve du retour à meilleur fortune de la caution incombe au créancier, la Caisse d’Epargne ne produit aucun élément permettant de constater que la situation de madame [T] lui permet, à la date de la demande en paiement, de faire face à son engagement. Il s’ensuit que le tribunal a exactement débouté l’appelante de sa demande en paiement dirigée contre cette caution.
Concernant [N] [O], le tribunal a retenu qu’il ressort du questionnaire confidentiel complété le 12 avril 2010 qu’il a déclaré percevoir un revenu net imposable de 16.000 euros et être propriétaire en indivision d’une maison d’habitation estimée à la valeur de 330.000 euros acquise par le biais d’un emprunt de 120.00 euros en janvier 2005, remboursable sur une durée de quinze ans. Il a également déclaré un crédit automobile, d’un montant mensuel de 174 euros, souscrit en janvier 2010 pour une durée de trois ans. Après déduction de l’encourt restant dû (estimé à environ 80.000 euros en l’absence de communication de l’offre de prêt et du tableau d’amortissement), il en a déduit que les époux [O] étaient donc propriétaires en indivision d’un bien immobilier d’une valeur de 250.000 euros, ce qui représente 125.000 euros pour chacun des époux, et que le cautionnement litigieux donné à hauteur de la somme de 429.000 euros représentait alors la totalité de son patrimoine et dix-neuf années de revenus de la caution. Pour les motifs ci-dessus exposés pour [C] [T], le tribunal a décidé de ne retenir que les parts sociales de la Sci Flomaris pour l’appréciation de la disproportion, étant rappelé que cette société a été constituée le même jour que l’acte de cautionnement, avec un capital social de 1.000 euros, qu’elle n’était titulaire d’aucun autre actif immobilier puisque le cautionnement litigieux garantissait l’acquisition du seul bien immobilier appartenant à la Sci Flomaris, et qu’ainsi, le cautionnement de [N] [O] apparaissait manifestement disproportionné au jour où il l’a contracté.
Au regard de ce qui a été indiqué plus haut, la cour ne peut que confirmer ces termes du jugement déféré, la situation de monsieur [O] étant, de surcroît, plus défavorable que celle de madame [T]. Le tribunal a ainsi valablement retenu que ce cautionnement était disproportionné lors de sa conclusion.
Concernant la situation de monsieur [O] au jour où il a été appelée en paiement, soit au 19 juin 2019, le tribunal a constaté qu’il justifie de son divorce intervenu par jugement en date du 19 novembre 2018 aux termes duquel le bien immobilier appartenant au couple a été attribué à titre préférentiel à [C] [T]’; qu’il a été retenu précédemment que le bien immobilier faisait toujours l’objet d’un prêt immobilier, en sorte que monsieur [O] n’apparaît pas propriétaire de la moitié de la valeur du bien’; qu’en novembre 2018, il justifiait percevoir le RSA, outre des prestations sociales et familiales pour un montant total de 640,31 euros, étant noté toutefois qu’il est bénéficiaire d’une prestation compensatoire d’un montant de 45.000 euros, qu’il perçoit en 90 mensualités consécutives, soit 500 euros par mois échelonnés sur 7,5 années. Le tribunal a indiqué qu’il est également justifié que [N] [O] a été attrait en justice par la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes en exécution des autres engagements de caution qu’il a souscrit en garantie des prêts accordés à la société Isère Fitness pour une somme de 26.000 et de 6.535,76 euros’; qu’il est acquis que cette société a fait l’objet d’une liquidation judiciaire et que seule les parts sociales de la Sci Flomaris peuvent être prise en compte dans l’appréciation de la disproportion’; que si au vu du jugement du 17 février 2020, il ressort que la caution était titulaire d’un compte courant d’associé de 10.403,95 euros, il convient de tenir compte également du passif social pour évaluer les parts sociales de la société détenue par la caution’; qu’au regard du patrimoine immobilier détenu par la caution et de ses revenus mobiliers (revenus propres et parts sociales de la Sci Flomaris), la banque ne justifie pas que la caution soit en mesure de faire face à une demande en paiement d’un montant de 229.899,91 euros.
La cour ne peut que s’approprier ces motifs pertinents, confirmés par la lecture du jugement de divorce. L’appelante ne rapporte pas la preuve que lors de son appel en garantie, monsieur [O] s’est trouvé en capacité de faire face à son engagement de caution. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu’être également confirmé en ce qu’il a débouté la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes de ses demandes dirigées contre par [N] [O].
La cour ajoute que si un autre jugement du tribunal judiciaire de Grenoble du 31 mai 2021 est intervenu entre les parties, au sujet de deux cautionnements donnés par madame [T] et Monsieur [O] au profit de la société Isère Fitness, selon actes du 2 juin 2010, il s’est agi de garantir le paiement de 10.270 euros et de 26.000 euros, montants totalement différents de ceux concernant l’engagement souscrit au profit de la société Flomaris. Ce jugement n’a pas ainsi d’effet au regard de la présente procédure.
Il résulte de ces éléments que les dispositions du jugement déféré étaient parfaitement fondées.
En conséquence, le tribunal a fait une exacte application des articles 696 et 700 du code de procédure civile en mettant les frais de la procédure à la charge de l’appelante. Celle-ci sera déboutée de son appel limité à ces seules dispositions. En conséquence, les demandes liées à l’extinction de la créance en raison de son paiement en cours de procédure sont sans objet.
*****
La Caisse d’Epargne sera condamnée à payer à madame [T] et à monsieur [O], chacun, la somme de 3.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, outre dépens.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Vu les articles 2313 du code civil, L331-1, L341-4 du code de la consommation;
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes à payer à [C] [T] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles, et en ce qu’il a condamné la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes aux entiers dépens’;
Prend acte du désistement d’appel de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes concernant les autres chefs du jugement déféré’;
y ajoutant’;
Condamne la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes à payer à [C] [T] et à [N] [O], chacun, la somme de 3.500 euros au titre des frais exposés en cause d’appel par application de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes aux dépens exposés en cause d’appel’;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT