Comptes courants d’associés : 11 mai 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00871

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Comptes courants d’associés : 11 mai 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00871

11 mai 2023
Cour d’appel de Dijon
RG
21/00871

2 e chambre civile

VCF/IC

[I] [S]

[A] [S]

S.C.I. CGA DEVELOPPEMENT

S.A.R.L. SG STEPHANE [S] CONSULTING

C/

[V] [L]

[Y] [B]

[O] [B]

[C] [M]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 11 MAI 2023

N° RG 21/00871 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXP5

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 03 juin 2021,

rendue par le tribunal de commerce Dijon – RG : 2018005556

APPELANTS :

Monsieur [I] [S]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 14] (01)

domicilié :

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Madame [A] [S]

née le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 18] (71)

domiciliée :

[Adresse 11]

[Adresse 11]

S.C.I. CGA DEVELOPPEMENT représentée par son gérant en exercice domicilié de droit au siège social sis :

[Adresse 3]

[Localité 9]

S.A.R.L. SG STEPHANE [S] CONSULTING représenté par son gérant en exercice domicilié au siège social sis :

[Adresse 3]

[Localité 9]

représentés par Me Eric SEUTET, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 108

INTIMÉS :

Madame [V] [L]

née le [Date naissance 6] 1954 à [Localité 13] (25)

domiciliée :

[Adresse 12]

[Localité 9]

Monsieur [Y] [B]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 17] (21)

domicilié :

[Adresse 12]

[Localité 9]

Monsieur [O] [B]

né le [Date naissance 5] 1986 à [Localité 16] (21)

domicilié :

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Monsieur [C] [M]

né le [Date naissance 8] 1979 à [Localité 15] (63)

domicilié :

[Adresse 7]

[Adresse 7]

représentés par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126

assistée de Me Thierry CHIRON, membre de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, Président, ayant fait le rapport,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Impulsion Emploi créée en juillet 2007 avait pour activité le conseil en transitions professionnelles ; elle était notamment spécialisée dans la reconversion professionnelle de cadres seniors et de travailleurs handicapés et était agréée comme prestataire de formation et centre de bilan de compétences pour le Fongecif et Uniformation.

Sa présidente était Mme [V] [L].

Elle employait une seule salariée, par ailleurs associée à hauteur de 34 %.

Par acte sous seing privé du 5 juin 2015, Mme [V] [L] et MM. [Y] [B], [O] [B] et [C] [M] se sont engagés à céder les 66 parts sociales de la société Impulsion qu’ils détenaient, à la société CGA Développement, représentée par M. [I] [S], son co-gérant, qui s’est engagée à les acquérir.

Cette promesse synallagmatique était assortie de trois conditions suspensives stipulées dans l’intérêt du cessionnaire : le non-décès ou la non-invalidité de M. [S] ; l’obtention par le cessionnaire d’un concours financier ; la conclusion du contrat de garantie énoncé ci-dessous.

Le prix convenu était de 60 000 euros, sous réserve d’un bilan au 30 juin 2015 présentant des capitaux propres d’un minimum de 43 117 euros. Ce prix a été déterminé en considération essentiellement des comptes établis au 30 juin 2014 faisant apparaître des capitaux propres d’un montant de 43 117 euros. Il était stipulé que le prix était révisable à la baisse ou à la hausse selon que la situation nette au 30 juin 2015 était inférieure ou supérieure à 43 117 euros.

L’une des clauses du contrat était intitulée ‘Etablissement du bilan de garantie au 30 juin 2015″. Elle était rédigée de la manière suivante :

‘a) Ce bilan sera établi selon les principes comptables en vigueur et les méthodes en usage dans la société en tenant compte des stipulations suivantes :

– à la date du 30 juin 2015, un inventaire physique des éléments corporels de l’actif immobilisé (…) a été établi par le cédant.

– les provisions pour risques et charges seront constituées ou réajustées conformément aux principes comptables.

– la valorisation des autres éléments du patrimoine sera déterminée selon la pratique de la société retenue pour l’établissement des derniers comptes annuels, sauf pour les nouveaux postes s’il y a lieu pour lesquels il sera fait recours aux normes comptables applicables au secteur d’activité.

b) L’expert-comptable du cédant arrêtera un projet de bilan au 30 juin 2015 qui sera soumis à l’agrément de l’expert-comptable du cessionnaire dans les 2 mois et demi de la clôture soit au plus tard le 15 septembre 2015.

A compter de la communication du bilan du 30 juin 2015, le cessionnaire disposera d’un délai de 15 jours pour le contrôler ou le faire contrôler, à ses frais, par le cabinet Exco Socodec, qui aura à cet effet accès aux pièces comptables et autres documents ayant servi à son établissement.

Si dans le délai de contrôle susvisé, le bilan remis n’appelle aucune objection, il sera considéré comme définitif.

Si des modifications sont demandées, les parties assistées de leurs experts respectifs disposeront d’un délai de 15 jours suivant l’expiration du délai de contrôle pour s’entendre sur leur sort et, le cas échéant, sur les ajustements à effectuer. Les comptes ainsi rectifiés seront alors considérés comme définitifs et acceptés.

Si un désaccord persiste, il sera réglé par un expert désigné d’accord entre le cédant et le cessionnaire, et agissant en qualité de mandataire des parties qui tranchera les points discutés et arrêtera le bilan comptable définitif. En cas d’incapacité à se mettre d’accord sur l’identité de cet expert, la partie la plus diligente pourra saisir Ie tribunal compétent en référé, sans recours possible, aux fins de cette désignation. II en ira de même si cet expert refuse ou est empêché d’intervenir. Il exécutera sa mission en se référant aux stipulations du présent article. ll disposera d’un délai de 30 jours à compter de la notification d’intervention faite par la partie la plus diligente. Ses frais et honoraires seront supportés moitié par le cédant et moitié par le cessionnaire.’

La cession est intervenue le 30 juin 2015.

La société Actigest, expert-comptable de la société Impulsion Emploi a établi le projet de bilan de cette société au 30 juin 2015 et l’a fait parvenir à la société Exco Socodec, expert-comptable de la société CGA Développement.

Ce projet de bilan a été critiqué tant par M. [E], expert comptable de la société Exco Socodec que par M. [S] : cf courriers du 15 septembre et du 9 décembre 2015.

C’est ainsi qu’à la demande notamment de la société CGA Développement et des époux [I] [S] / [A] [Z], le président du tribunal de commerce de Dijon a, par ordonnance de référé du 6 juillet 2016, confié une expertise comptable à M. [D] [U] dont la mission était la suivante :

‘ se faire notamment communiquer les bilans de la SARL Impulsion Emploi pour les exercices clos au 30 juin 2013, au 30 juin 2014, ainsi que le bilan de cession établi au 30 juin 2015, ainsi que toutes pièces comptables indispensables à sa mission (grand journal, factures, relevés de banque’),

‘ donner son avis sur les comptes présentés, et notamment sur les comptes clos au 30 juin 2015, et dire s’ils sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de la société conformément à l’article L 123’14 du code de commerce,

‘ donner son avis sur les comptes présentés et notamment sur les comptes clos au 30 juin 2015, et dire si les méthodes comptables utilisées ont été les mêmes que celles utilisées pour l’établissement des comptes des années précédentes,

‘ donner son avis et dire les corrections comptables qui devraient être apportées aux comptes clos au 30 juin 2015,

‘ donner son avis sur le prix définitif, tel qu’il devrait ressortir des analyses précitées et faire les comptes entre les parties,

‘ donner son avis et dire si la SARL Impulsion Emploi était en état de cessation des paiements au jour de la régularisation du compromis de vente (au 5 juin 2015) et au jour de la régularisation de la cession définitive des titres sociaux (au 30 juin 2015) de la SARL Impulsion Emploi,

‘ chiffrer le préjudice de la SARL Impulsion Emploi, de la société GCA Développement et de M. [S].

Par jugement du 9 septembre 2016, la société Impulsion Emploi a été placée en liquidation judiciaire, le tribunal de commerce de Dijon fixant la date de cessation des paiements au 9 août 2016.

M. [U] a adressé son pré-rapport aux parties le 30 juillet 2018. Il a déposé son rapport définitif d’expertise le 30 septembre 2019.

Par acte du 6 août 2018, la société CGA Développement, les époux [S] et la société SG [I] [S] Consulting ont fait citer Mme [L] et MM. [B] et [M] aux fins essentiellement d’obtenir la nullité de la cession du 30 juin 2015 pour dol voire pour erreur, à défaut d’engager la responsabilité des défendeurs et en tout cas d’obtenir leur condamnation au paiement d’une somme globale de 94 185,06 euros.

Par jugement du 3 juin 2021, le tribunal de commerce de Dijon a :

– débouté la société CGA Développement, les époux [I] [S] / [A] [Z], et la société SG [I] [S] Consulting de l’intégralité de leurs demandes,

– les a condamnés in solidum :

. aux dépens

. à payer à Mme [V] [L], M. [Y] [B], M. [O] [B] et M. [C] [M] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société CGA Développement, les époux [S] et la société SG [I] [S] Consulting ont interjeté appel de ce jugement, par déclaration du 30 juin 2021.

Moyens

Aux termes du dispositif de leurs conclusions n° 2, notifiées le 18 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, les appelants demandent à la cour, au visa des articles 1116, 1117, 1217 et 1382 du code civil, de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

‘ à titre principal,

– juger que les cédants, Mme [V] [L], M. [Y] [B], M. [O] [B] et M. [C] [M], se sont rendus coupables d’un dol et ont engagé à leur égard leur responsabilité extracontractuelle,

– constater que ce dol les a induits en erreur, en leur qualité de cessionnaire,

– constater qu’en raison de ce dol, ils ont subi un préjudice de 94 185,06 euros,

En conséquence,

– prononcer la nullité de la cession de parts intervenue le 30 juin 2015,

– écarter la restitution en valeur des parts comme étant inéquitable,

– condamner in solidum les cédants, Mme [V] [L], M. [Y] [B], M. [O] [B] et M. [C] [M], à leur payer la somme de 94 185,06 euros, soit :

. 76 411 euros pour la société CGA Développement

. 2 774,06 euros pour la société [I] [S] Consulting

. 15 000 euros pour les époux [S],

‘ à titre subsidiaire,

– juger que leur consentement, en qualité de cessionnaire, a été vicié par une erreur commise sur la rentabilité de la société,

En conséquence,

– prononcer la nullité de la cession de parts intervenue le 30 juin 2015,

– écarter la restitution en valeur des parts comme étant inéquitable,

– condamner in solidum les cédants, Mme [V] [L], M. [Y] [B], M. [O] [B] et M. [C] [M], à leur payer la somme de 94 185,06  euros, soit :

. 76 411 euros pour la société CGA Développement

. 2 774,06 euros pour la société [I] [S] Consulting

. 15 000 euros pour les époux [S],

‘ à titre infiniment subsidiaire,

– juger que les cédants ont manqué à leurs obligations de bonne foi et engagent à ce titre leur responsabilité,

En conséquence,

– condamner in solidum les cédants, Mme [V] [L], M. [Y] [B], M. [O] [B] et M. [C] [M], à leur payer la somme de 94 185,06 euros, soit :

. 76 411 euros pour la société CGA Développement

. 2 774,06 euros pour la société [I] [S] Consulting

. 15 000 euros pour les époux [S],

‘ en tout état de cause,

– rejeter l’ensemble des demandes émises par les cédants,

– les condamner solidairement :

. aux entiers dépens correspondant notamment au coût de l’expertise judiciaire,

. à leur payer la somme de 3 000 euros chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes du dispositif de leurs conclusions notifiées le 20 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, les intimés demandent à la cour de :

– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, et en tant que de besoin, rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires, déclarer les appelants mal fondés en toutes leurs demandes et les en débouter,

– à titre reconventionnel, si la nullité de la cession était prononcée, condamner la société CGA Développement à leur payer la somme de 60 000 euros au titre de la valeur des parts cédées le 30 juin 2015,

– en tout état de cause,

. condamner la société CGA Développement aux dépens, dont les frais d’expertise,

. condamner les appelants à payer à Mme [V] [L] la somme de 7 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 14 janvier 2023.

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le dol

Il résulte des articles 1109 et 1116 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 applicable en l’espèce, et de la jurisprudence afférente à ces textes, que le consentement surpris par dol n’est pas valable, que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées ou les mensonges, y compris par omission, sont tels qu’il est évident que sans eux, l’autre partie n’aurait pas contracté aux conditions dans lesquelles elle l’a fait, et que le dol ne se présume pas et doit être prouvé.

En l’espèce, il convient de rappeler certaines stipulations du contrat.

‘ L’article 3.2.27 intitulé ‘Gestion sociale depuis l’établissement des comptes de référence’ était rédigé de la manière suivante : ‘Depuis la date des comptes de référence au 30 juin 2014 qui figurent à l’annexe 3.2.24 et jusqu’à la date de cession, le cédant garantit et certifie que la société a géré et gérera son patrimoine et ses activités à l’image d’un commerçant diligent et avisé. / Aucun événement ou circonstance s’écartant du cours normal des affaires et susceptible d’affecter défavorablement et significativement le patrimoine et les activités de la société, quel qu’en soit le caractère, n’est intervenu et n’interviendra sans l’accord du cessionnaire. / Notamment, (…) aucun incident de paiement n’a été provoqué par la société et elle n’en a pas constaté de la part de ses débiteurs (…), aucune modification des contrats à long terme ou particuliers cités plus haut n’a été ni ne sera conclue, aucun accord, ni aucune convention engageant la société à long terme n’a été ou ne sera conclu’.

‘ L’article 3.2.28 était libellé comme suit : ‘Aucune des déclarations et attestations faites ci-dessus par le cédant n’omet d’indiquer un fait ou un événement significatif dont la révélation serait importante pour l’information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation et les perspectives de la société ou rendrait trompeuse ou erronée tout ou partie de ces déclarations’.

‘ L’article 3.2.29 intitulé ‘Confirmation des déclarations et attestations’ stipulait ceci : ‘A la date de cession, le cédant confirmera par écrit au cessionnaire que toutes les déclarations et attestations qui précèdent demeurent sincères et exactes et que depuis la date de signature du présent contrat, aucun fait, ni aucun événement susceptibles d’en altérer significativement l’exactitude ne sont survenus. / A défaut, le cédant s’oblige à informer le cessionnaire à la même date et sous la même forme de tout fait ou événement de cette nature.’

Afin de démontrer l’existence du dol qu’ils allèguent, les appelants invoquent trois faits.

‘ la dissimulation d’un courrier du 3 avril 2014 par lequel la société Axelliance notifiait à la société Impulsion Emploi, la résiliation à effet du 1er avril 2014, de la police d’assurance de responsabilité civile professionnelle, pour non-paiement de la prime afférente à l’année comprise entre le 20 décembre 2013 et le 19 décembre 2014, alors qu’à l’article 3.2.15 du contrat, il était indiqué que la société était à jour du paiement de toutes les primes de telle sorte qu’aucune déchéance n’était encourue.

Sur ce point, les intimés prétendent que la situation a été régularisée entre le 3 avril 2014 et le 5 juin 2015. D’ailleurs, en annexe de l’article 3.2.15 du contrat, figurait une attestation de la société Axelliance datée du 18 juin 2014 certifiant que ‘le contrat était à jour de primes jusqu’au 19 décembre 2014″.

Il n’en demeure pas moins que les appelants font justement observer (cf page 19 in fine du rapport d’expertise judiciaire) que dans le bilan du 30 juin 2015, la prime afférente à l’année comprise entre le 20 décembre 2014 et le 19 décembre 2015 n’apparaît pas comme étant payée, si bien qu’elle ne l’était pas au 5 juin 2015, ce qui signifie a minima que la déclaration de l’article 3.2.15 était mensongère et a maxima que la police était effectivement résiliée.

Si le montant de la prime impayée n’est que de l’ordre de 1 000 euros, la dissimulation porte plus largement sur les garanties d’assurance dont disposait la société.

‘ la dissimulation d’une saisie-attribution sur compte bancaire pratiquée le 26 mai 2015 par l’ancien comptable de la société, sur le fondement d’un jugement du tribunal de commerce de Dijon rendu le 5 février 2015 ayant condamné la société à payer la somme de 10 311,91 euros au titre des honoraires de son ancien comptable, outre 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Or, dans le contrat du 5 juin 2015, il n’est fait mention ni du jugement rendu, ni de la mesure d’exécution forcée mise en oeuvre par le créancier.

Il est seulement indiqué au dernier alinéa de l’article 3.2.25, auquel renvoie l’article 3.2.16 relatif aux litiges que ‘Une provision pour risques (9 976 euros) a été comptabilisée. Il s’agit d’un litige avec l’ancien expert-comptable (…). L’affaire est pendante devant les tribunaux et le règlement du solde est prévu fin juin 2015″.

Il ressort clairement de ces éléments que les déclarations du cédant sont inexactes et si la différence entre le montant de la dette et le montant de la provision pour risque n’est pas importante, la dissimulation de la saisie-attribution n’est néanmoins pas neutre car elle révèle que le règlement de la dette n’était, contrairement à ce qui est indiqué, pas ‘prévu’.

‘ la dissimulation de l’augmentation du découvert bancaire obtenue le 3 juin 2015, soit deux jours seulement avant la signature du contrat.

A l’article 3.2.21 du contrat, il est mentionné que la société a conclu, le 3 mai 2021, avec la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté, une convention-cadre, annexée au contrat, pour laquelle Mme [L] s’est portée caution à hauteur de 24 000 euros.

Cette somme correspondait au montant du découvert bancaire autorisé par la banque jusqu’au 3 juin 2015, date à laquelle ce montant, et corrélativement l’engagement de caution de Mme [L], ont été portés à 40 000 euros.

Il ressort du rapport d’expertise judiciaire (page 24) que sur l’exercice comptable clos au 30 juin 2014, le découvert bancaire permanent était en moyenne de 25 000 euros.

Si l’augmentation du découvert bancaire autorisé ne constitue pas un événement s’écartant du cours normal des affaires au sens de l’article 3.2.27 du contrat, il s’agit néanmoins d’un fait ou événement significatif dont la révélation était à l’évidence importante pour l’information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation ou les perspectives de la société au sens de l’article 3.2.28 du contrat, et le fait de ne pas l’avoir indiqué signe de manière évidente une réticence dolosive eu égard à la chronologie des faits de l’espèce, à l’importance de l’augmentation obtenue couvrant le montant effectif du découvert affiché par le compte de la société dans les livres de la banque, et à la dégradation sensible de la trésorerie de la société qu’elle révélait ce d’autant qu’elle était concomitante à un apport de fonds du 26 mai 2015, par Mme [L] à hauteur de 6 000 euros, via une augmentation de sa créance en compte courant d’associé.

Cette dernière dissimulation, à elle-seule et a fortiori cumulée avec les deux autres dissimulations, est de nature à avoir influer sur le consentement de la cessionnaire qui ne disposait que des comptes arrêtés au 30 juin 2014 au moment de son engagement et pour laquelle tout ce qui s’était produit entre cette date et le 5 juin 2015 avait de l’importance, étant rappelé que la référence aux comptes arrêtés au 30 juin 2015 ne figurait pas dans une condition suspensive ou résolutoire de l’engagement de la société CGA Développement mais dans une clause relative à la variation du prix de vente.

Compte tenu d’une part des stipulations contractuelles insistant sur l’obligation des cédants à fournir une information loyale, précise et actualisée sur la situation de la société Impulsion Emploi et d’autre part du triple manquement à cette obligation portant tout à la fois sur des faits récents et importants, la cour déduit des éléments de l’espèce le caractère intentionnel des omissions ou inexactitudes imputées aux cédants.

Il résulte de tout ce qui précède que sans qu’il soit besoin d’apprécier si la société était en état de cessation des paiements au 5 juin 2015, les appelants sont fondés à soutenir que leur consentement à la cession a été vicié par un dol des appelants et que le contrat doit en conséquence être annulé.

Sur la remise des parties dans leur état antérieur au contrat du 5 juin 2015

La société CGA Développement doit se voir restituer par les cédants le prix de 60 000 euros dont elle s’est acquittée.

Les cédants soutiennent que la société CGA Développement est dans l’impossibilité matérielle du fait de sa liquidation judiciaire de leur restituer en nature les titres, objet de la cession, et en conséquence, ils demandent une restitution en valeur à hauteur de 60 000 euros.

Toutefois, eu égard aux dispositions des articles 1844-7, 7° et 1844-8, alinéa 3 du code civil et L. 237-2, alinéa 2, du code de commerce, le jugement de liquidation judiciaire d’une société est sans effet sur sa personnalité morale, qui subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de la procédure, de sorte que, tant que cette publication n’est pas intervenue, les parts sociales composant son capital ont toujours une existence juridique et peuvent, contrairement à ce que soutiennent les intimés, faire l’objet d’une restitution en nature : cf Com 21 avril 2022 n°20-10.809.

En l’espèce, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Impulsion Emploi n’étant pas encore prononcée, la société cessionnaire de 66% de ses parts sociales peut et devra les restituer aux cédants.

Sur les demandes indemnitaires des appelants

La cour observe que si dans le corps des conclusions des appelants, ces demandes indemnitaires ne sont présentées qu’à titre subsidiaire pour le cas où la cour ne prononcerait pas la nullité de la cession, dans le dispositif de leurs conclusions, ces demandes sont présentées à titre principal et doivent en conséquence être examinées.

‘ Sur la demande de la société CGA Développement

La partie au contrat, victime du dol, peut obtenir des dommages-intérêts au titre de préjudices consécutifs à l’annulation et non réparés par le jeu des restitutions réciproques.

En l’espèce, la société cessionnaire réclame des dommages-intérêts à hauteur de 16 411 euros correspondant à un apport en compte courant d’associé réalisé le 3 août 2015 au profit de la société Impulsion Emploi.

Outre que cet apport de trésorerie n’est établi qu’à hauteur de 15 000 euros, à la date à laquelle il a été réalisé, la société CGA Développement devenue associé majoritaire depuis plus d’un mois était en mesure d’avoir pris connaissance de la situation de la société Impulsion Emploi.

Le fait qu’elle n’a pas pu obtenir remboursement de cette somme et que ces chances d’en être remboursée sont désormais infimes est donc sans lien de causalité avec le manquement des cédants à leurs obligations précontractuelles d’information.

En conséquence, la cour déboute la société CGA Développement de sa demande indemnitaire.

‘ Sur la demande de la société SG [I] [S] Consulting

Cette personne morale n’était pas partie au contrat du 5 juin 2015.

Elle expose avoir les 21 et 24 juillet 2015 émis deux chèques d’un montant global de 2 774,06 euros (2 097 euros + 677,06 euros) au profit de la société Impulsion Emploi.

Elle affirme que ces mouvements de fonds étaient destinés à permettre à cette société de faire face à des factures urgentes et sous-entend qu’ils s’analysent en des prêts dont le remboursement n’est pas intervenu et n’interviendra probablement pas.

Elle ne produit au soutien de sa prétention qu’un relevé du compte bancaire de la société Impulsion Emploi sur lequel apparaissent au crédit les deux sommes de 2 097 euros et de 677,06 euros consécutivement à des remises de chèques et seules les annotations manuscrites sur ce relevé de compte, émanant vraisemblablement de M. [S], représentant légal des deux sociétés, corroborent de manière insuffisante les affirmations de la société SG [I] [S] Consulting.

En toute hypothèse, les difficultés de trésorerie de la société Impulsion Emploi compensées à hauteur de 2 774,06 euros, près de deux mois après la cession du 5 juin 2015, sont sans lien de causalité avec la faute imputée aux cédants.

Cette demande indemnitaire de la société SG [I] [S] Consulting ne peut donc pas prospérer.

‘ Sur la demande de M. [I] [S] et de son épouse

Les époux [S] n’étaient pas partie au contrat du 5 juin 2015 qui a été annulé.

Ils allèguent un préjudice tenant au fait que M. [S] s’est engagé en qualité de caution à garantir le remboursement d’un prêt de 15 000 euros consenti à une date non précisée à la société Impulsion Emploi par la Banque Populaire. Ils affirment que M. [S] a été actionné par la banque.

Outre que les époux [S] ne produisent aucun élément permettant de caractériser le préjudice dont ils réclament réparation, le lien de causalité entre cet éventuel préjudice et la faute imputée aux cédants n’est pas établi.

Les époux [S] doivent donc être déboutés de leur demande.

Sur les frais de procès

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d’appel doivent être supportés par les intimés.

Les frais de l’expertise judiciaire ordonnée à la demande des appelants dans le cadre d’un litige portant initialement sur le prix de cession des parts sociales seront laissés à leur charge définitive.

Les conditions d’application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu’en faveur de la société CGA Développement, à laquelle les intimés verseront la somme de 2 000 euros au titre de l’ensemble des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté

– la société CGA Développement, la société SG [I] [S] Consulting et les époux [I] [S] / [A] [Z] de leurs demandes indemnitaires présentées à hauteur respectivement de 16 411 euros, 2 774,06 euros et 15 000 euros,

– la société SG [I] [S] Consulting et les époux [I] [S] / [A] [Z] de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Annule le contrat du 5 juin 2015 par lequel Mme [V] [L], M. [Y] [B], M. [O] [B] et M. [C] [M] ont cédé à la société CGA Développement 66 des 100 actions de la société Impulsion Emploi,

En conséquence,

Condamne Mme [V] [L], M. [Y] [B], M. [O] [B] et M. [C] [M] à rembourser à la société CGA Développement la somme de 60 000 euros,

Ordonne à la société CGA Développement de restituer les titres cédés,

Condamne in solidum Mme [V] [L], M. [Y] [B], M. [O] [B] et M. [C] [M] :

– aux dépens de première instance et d’appel, qui ne comprennent pas les frais de l’expertise judiciaire réalisée par M. [U],

– à payer à la société CGA Développement la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,

 

 


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