Contrat d’Artiste : 8 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 23/00071

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Contrat d’Artiste : 8 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 23/00071
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RÉFÉRÉ N° RG 23/00071 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NIG5

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COMMUNE DE [Localité 23]

c/

[X] [Z], [N] [A], [T] [A], [U] [A], [O] [Y], [R] [Y], [L] [Y], [T] [W], [K] [A] épouse [I], [B] [A] épouse [C], [G] [A]

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DU 08 JUIN 2023

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Grosse délivrée

le :

ORDONNANCE

Rendue par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Le 08 JUIN 2023

Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre à la Cour d’Appel de BORDEAUX, désignée en l’empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 16 décembre 2022, assistée de Séverine ROMA, Greffière,

dans l’affaire opposant :

COMMUNE DE [Localité 23], demeurant [Adresse 24]

absente,

représentée par Me Daniel LASSERRE membre de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

Demandeur en référé suivant assignation en date du 09 mai 2023,

à :

Madame [X] [T] [A] épouse [Z] née le [Date naissance 13] 1950 à [Localité 23], de nationalité Française, demeurant [Adresse 20]

Monsieur [N] [A]

né le [Date naissance 16] 1962 à [Localité 23] ([Localité 23]), de nationalité Française, demeurant [Adresse 19]

Monsieur [T] [A]

né le [Date naissance 9] 1966 à [Localité 23] ([Localité 23]), de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

Monsieur [U] [J] [A]

né le [Date naissance 17] 1926 à [Localité 23], de nationalité Française, demeurant [Adresse 26]

Monsieur [O] [U] [Y]

né le [Date naissance 7] 1952 à [Localité 27], de nationalité Française, demeurant [Adresse 22]

Madame [R] [B] [H] [Y]

née le [Date naissance 12] 1978 à [Localité 25] ([Localité 25]), de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

Monsieur [L] [P] [U] [Y]

né le [Date naissance 6] 1980 à [Localité 25] ([Localité 25]), de nationalité Française, demeurant [Adresse 10]

Madame [T] [W]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 23] ([Localité 23]), de nationalité Française, demeurant [Adresse 11]

Madame [K] [A] épouse [I]

née le [Date naissance 14] 1952 à [Localité 18] ([Localité 18]), de nationalité Française, secrétaire, demeurant [Adresse 15]

Madame [B] [A] épouse [C]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 28] ([Localité 28])

de nationalité Française, retraité, demeurant [Adresse 4]

Monsieur [G] [A]

né le [Date naissance 16] 1962 à [Localité 23] ([Localité 23]), de nationalité Française, demeurant [Adresse 21]

absents

représentés par Me Clémentine PARIER-VILLAR, avocat au barreau de BORDEAUX

Défendeurs,

A rendu l’ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Séverine Roma, Greffière, le 25 mai 2023 :

EXPOSE DU LITIGE

M. [O] [A] dit [D], artiste graveur bordelais, est décédé le [Date décès 8] 2019 laissant pour lui succéder un frère, cinq nièces et trois neveux (les consorts [A]).

Le notaire en charge de la succession a demandé la restitution d”uvres de cet artiste au musée des beaux-arts de [Localité 23], qu’il détenait, selon le musée au titre d’un don manuel et selon les héritiers au titre d’un dépôt.

Le tribunal judiciaire de Bordeaux saisi par les consorts [A] d’une demande de restitution sous astreinte a, par jugement du 23 février 2023 ordonné à la commune de [Localité 23] de leur restituer les 55 ‘uvres détenues par le musée d’Aquitaine, dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant deux mois, sa décision étant assortie de l’exécution provisoire de droit.

Par déclaration du 7 mars 2023 la commune de [Localité 23] a fait appel de ce jugement.

Par acte du commissaire de justice en date du 9 mai 2023, elle a fait assigner les consorts [A] en référé aux fins de voir arrêter l’exécution provisoire du jugement du 23 février 2023 et de les voir condamner aux entiers dépens de l’instance.

A l’audience, la commune de [Localité 23] maintient ses demandes à l’appui desquelles elle soutient que les ‘uvres pour lesquelles la restitution est ordonnée ont fait l’objet d’un don manuel de la part de l’artiste, qu’à cet égard la possession régulière, en ce qu’elle est continue, paisible, publique et non équivoque, entraîne une présomption simple de don manuel que les consorts [A] ne renversent pas.

Elle fait valoir qu’il existe en conséquence des moyens sérieux de réformation puisque le jugement s’est appuyé sur l’absence de signature de la convention de mécénat en nature, qui ne peut toutefois permettre de conclure au défaut d’intention libérale puisque le formalisme n’est pas exigé ad validitatem pour le don manuel, et sur une interprétation erronée du document d’assurance et de décharge en retour des ‘uvres prêtées, alors que le don litigieux n’avait pas encore eu lieu.

Elle ajoute que l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives en ce que le risque de non restitution des ‘uvres dont les héritiers de l’artiste pourront disposer, est important et en ce que les ‘uvres ont intégré le domaine public mobilier de la ville de [Localité 23] et sont désormais inaliénables, imprescriptibles et insaisissables, le don empêchant également qu’elles soient déclassées par le biais d’une décision administrative, ce qui rend leur restitution impossible, de sorte qu’elle n’est pas en mesure d’empêcher le cours de l’astreinte.

Par conclusions déposées le 24 mai 2023, soutenues à l’audience, les consorts [A] sollicitent que la commune de [Localité 23] soit déboutée de toutes ses demandes et soit condamnée aux dépens, dont distraction prononcée au profit de Maître Denys Trotsky en application de l’article 699 du code de procédure civile, et soit condamnée à leur payer la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du même code.

Ils font valoir qu’en vue de l’exposition de mars à juin 2018, l’artiste a confié au musée des beaux-arts de [Localité 23] un ensemble de 55 estampes qu’il n’a pas restituées à la fin de l’exposition, adressant une convention de mécénat ayant pour objet la donation des ‘uvres que l’artiste n’a pas signée avant son décès, et que la commune de [Localité 23] ne justifie d’aucun moyen sérieux d’annulation puisque la possession du musée est précaire et que la volonté de donner de l’artiste n’est pas démontrée. Ils ajoutent en outre que la commune de [Localité 23] ne démontre pas que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, puisque en n’apportant pas la preuve de l’existence du don manuel elle ne peut invoquer l’intégration au domaine public.

L’affaire a été mise en délibéré au 8 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs.

En outre, lorsqu’il s’agit d’une condamnation non pécuniaire les conséquences manifestement excessives doivent s’apprécier au regard de la possibilité d’un anéantissement rétroactif de l’exécution en cas de réformation ou d’annulation du jugement en mesurant le risque d’un préjudice irréparable et irréversible dépassant les risques normaux inhérents à toute exécution provisoire. A cet égard, la transmission à un tiers des biens, par l’effet de la revente notamment, est de nature à compromettre sérieusement la remise en état antérieure et à rendre difficile, voire impossible, la restitution des biens.

En l’espèce, il résulte des pièces produites aux débats et de l’exposé des motifs du premier juge qu’en déduisant de la seule attestation d’un ami du défunt et de l’absence de signature par l’artiste de la convention de mécénat en nature qui lui a été transmise par la directrice du musée des Beaux-Arts selon courrier du 2 janvier 2019, le défaut d’intention libérale, sans analyser les attestations contraires et les documents produits par la commune de [Localité 23] et alors que l’écrit n’est pas une condition de validité du don manuel, le premier juge a commis une erreur manifeste d’appréciation, de sorte que la commune de [Localité 23] établit l’existence d’un moyen sérieux d’appréciation.

Par ailleurs, il n’est pas sérieusement discuté que les ‘uvres font partie intégrante de la collection publique du musée, et partant du domaine public mobilier de la commune de [Localité 23] dont il ne peut être disposé, ce qui génère une difficulté d’exécution que la commune de [Localité 23] ne peut résoudre sans entraîner de conséquences administratives dommageables. En outre, compte tenu de la valeur des ‘uvres, la restitution, même à considérer qu’elle soit juridiquement possible, l’expose à un risque de non restitution en nature irréversible qui caractérise les conséquences manifestement excessives prévues par les dispositions sus-visées.

Par conséquent, il y a lieu d’ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision dont appel.

Sur les demandes sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Les consorts [A], parties succombantes dans la présente instance, au sens des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, seront condamnés aux entiers dépens. Ils seront déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ordonne l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 23 février 2023

Condamne les consorts [A] aux entiers dépens de la présente instance et les déboute de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente ordonnance est signée par Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre et par Séverine ROMA, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente

 


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