Responsabilité de l’Avocat : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/00071

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Responsabilité de l’Avocat : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/00071
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ORDONNANCE DU 20 OCTOBRE 2022

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2022, 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00071 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFD6G

NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

Madame [O] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Bernard FRANCESCONI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 83

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :

S.E.L.A.R.L. CSR-JURISCONTRA

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sandra ROBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0017

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 13 Septembre 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 20 Octobre 2022 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

Au mois de mars 2012, Mme [O] [E] a confié à la SELARL CSR-Juriscontra la défense de ses intérêts dans le cadre d’un contrôle de sécurité sociale diligenté par la caisse primaire d’assurance maladie de Paris à son encontre en sa qualité de pharmacienne d’officine exploitant sous l’enseigne Pharmacie [E].

Aucune convention d’honoraires n’a été signée entre les parties.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 7 novembre 2016, Mme [E] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris d’une contestation des honoraires de la SELARL CSR-Juriscontra d’un montant de 6 355 euros HT, réglé à hauteur de la somme de 5 775 euros HT.

Par décision réputée contradictoire rendue le 7 juillet 2017, la déléguée du bâtonnier de Paris a :

– fixé à la somme de 5 775 euros HT (cinq mille sept cent soixante-quinze euros hors taxes), le montant total des honoraires dus par Mme [E] à la SELARL CSR-Juriscontra;

– constaté le paiement intégral de cette somme et de la TVA y afférente ;

– débouté les parties de toutes autres demandes, plus amples ou complémentaires.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception en date du 7 juillet 2017, dont l’AR a été signé le 10 juillet 2017 par la SELARL CSR-Juriscontra et le 13 juillet 2017 par Mme [E].

Par lettre recommandée avec avis de réception du 22 juillet 2017, le cachet de la poste faisant foi, Mme [E] a formé un recours contre la décision précitée.

Cette affaire a été enregistrée sous le numéro RG 17/00522.

L’affaire appelée à l’audience du 21 avril 2020 a été successivement renvoyée aux audiences des 6 octobre 2020, 2 février 2021, 6 avril 2021 et 7 septembre 2021, date à laquelle elle a fait l’objet d’une radiation par mention au dossier.

Par correspondance du 28 septembre 2021 reçue au greffe de la cour le 11 octobre 2021, Mme [E] a sollicité le réenrôlement de cette affaire.

Cette affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/00071.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 17 mai 2022 par lettres recommandées avec avis de réception en date du 3 février 2022 dont Mme [E] a signé l’AR le 3 février 2022 et qui est revenue avec la mention ‘destinataire inconnu à l’adresse’ pour la SELARL CSR-Juriscontra.

A l’audience du 17 mai 2022 à laquelle a comparu Mme [E], l’affaire a été renvoyée à l’audience du 13 septembre 2022.

La SELARL CSR-Juriscontra a été convoquée à cette audience par lettre recommandée avec avis de réception du 17 mai 2022 dont elle a accusé réception le 19 mai 2022.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, Mme [E] demande de:

– la dire fondée en sa demande contre le cabinet Juriscontra,

– borner les honoraires dus à ce cabinet à la somme globale TTC de 2 500 euros,

– condamner ledit cabinet à une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (article 700 CPC),

– condamner la partie adverse aux dépens.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, la SELARL CSR-Juriscontra demande, au visa des articles 386, 387, 388 et 390 et suivants du code de procédure civile, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, de:

– constater que la péremption de la présente instance est acquise à ce jour,

Par conséquent :

– déclarer éteinte la présente instance ouverte par la déclaration d’appel du 21 juillet 2017 formée par Mme [E], avec toutes les conséquences de droit et de fait,

– dire qu’il est conféré force de la chose jugée à la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris rendue le 7 juillet 2017,

A titre subsidiaire :

– confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue en première instance par le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris en date du 7 juillet 2017 ayant fixé à la somme de 5 775 euros HT le montant total des honoraires dus par Mme [E],

En tout état de cause :

– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de Mme [E],

– condamner Mme [E] à lui régler une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [E] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

SUR CE

Sur la recevabilité :

La SELARL CSR-Juriscontra soulève, au visa des dispositions des articles 386 et suivants du code de procédure civile, la péremption de l’instance à défaut d’accomplissement par la requérante de diligences pendant un délai de deux ans à compter de sa déclaration d’appel du 21 juillet 2017 réceptionnée par le greffe le 28 juillet 2017. Elle affirme que l’instance est périmée depuis le 22 juillet 2019. Elle souligne que l’affaire a fait l’objet d’une radiation le 7 septembre 2021 pour défaut de diligences des parties et que la demande de réintroduction de l’affaire en date du 28 septembre 2021 a été formée après que la péremption ait été acquise. Elle conclut que la présente instance doit donc être déclarée éteinte avec toutes les conséquences de droit et de fait et qu’il y a lieu de conférer force de chose jugée à la décision du bâtonnier du 7 juillet 2017.

L’article 386 du code de procédure civile dispose que l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

Néanmoins, la contestation des honoraires d’avocat est soumise à une procédure spéciale qui est dirigée en appel par le premier président et qui échappe aux parties, lesquelles n’ont pas de diligences particulières à accomplir alors qu’au surplus la règle étant celle de l’oralité des débats, elles n’ont aucune obligation d’adresser des écritures et doivent seulement communiquer leurs pièces dans des délais compatibles avec le respect du contradictoire.

Ainsi la péremption de l’instance ne peut être opposée à Mme [E] à qui la direction de la procédure échappait et qui ne disposait d’aucun moyen pour réduire le délai d’audiencement.

Du reste, il ressort de la note de l’audience du 7 septembre 2021, que l’affaire a fait l’objet d’une radiation pour défaut de comparution des parties, alors que le conseil de la société intimée avait sollicité le renvoi de l’affaire en raison de la notification des conclusions de Mme [E] pendant la période estivale, de sorte que Mme [E] avait bien conclu dans le délai de 2 ans à compter de la date de fixation de l’affaire pour être plaidée initialement le 21 avril 2020.

Par ailleurs, un nouveau délai de deux ans a commencé à courir à compter de la date de la radiation du 7 septembre 2021. La demande de réenrôlement de l’affaire du 28 septembre 2021, a donc bien été formée par Mme [E] dans le délai de deux ans de la décison de radiation de du 7 septembre 2021.

Le moyen tiré de la péremption d’instance doit donc être écarté.

Sur les honoraires :

Mme [E] relève l’absence de convention d’honoraires. Elle estime que la société d’avocats a manqué à son devoir d’information et de conseil. Elle soutient que les diligences effectuées ne sont pas justifiées dans la mesure où la société d’avocats ne démontre pas avoir adressé à la CPAM un courrier de réclamation et ne communique pas la réponse de cette dernière. Elle précise qu’aucune diligence ou analyse supplémentaire n’a été apportée par Me [L] au travail préalable de son premier conseil, Me [S], exerçant tous deux au sein du même cabinet. Elle allègue avoir rencontré Me [L] une seule fois et avoir pensé qu’il succédait à Me [S] dans des conditions identiques. Elle estime qu’outre la consultation du 9 mars 2012, le reste des prestations du cabinet s’est cantonné à son mémoire produit devant le TASS de Nanterre dont le principal résultat fut le dégrèvement d’office partiel des cotisations exigées. Elle soutient que la société d’avocats aurait dû lui indiquer qu’à l’issue du dégrèvement d’office accepté par l’autre partie, il eut été possible et opportun d’examiner un éventuel désistement de son recours initial.

En réplique, la société d’avocats sollicite la confirmation de la décison déférée en ce qu’elle a fixé le montant de ses honoraires à la somme de 5 775 euros HT. Elle rappelle que le défaut de signature d’une convention d’honoraires ne prive pas l’avocat du droit de percevoir des honoraires pour ses diligences dès lors que celles-ci sont établies. Elle relève que c’est à juste titre que le bâtonnier de Paris a considéré que les notes d’honoraires émises les 31 mars 2012, 30 novembre 2015 et 8 février 2016 pour la somme totale de 5 775 euros HT avaient été payées après services rendus et ne sauraient par conséquent être remises en cause. Elle expose avoir accompli toutes les diligences pour lesquelles elle avait été missionnée.

Le recours de Mme [E] qui a été effectué dans le délai d’un mois prévu par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est recevable.

Les pièces communiquées par les parties établissent que la société d’avocats est intervenue pour le compte de Mme [E] entre le début du mois de mars 2012 et le mois de septembre 2016 afin d’assurer sa défense.

Il convient en premier lieu de rappeler que les griefs de Mme [E] qui renvoient à la responsabilité de l’avocat dans l’accomplissement de sa mission, tenant notamment au manquement à son devoir de conseil et d’information dans l’accomplissement de sa mission ne relèvent pas de l’appréciation du bâtonnier, ni du premier président, statuant dans le cadre de l’article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Il y a lieu également de relever que, contrairement à ce que soutient Mme [E], elle ne saurait prétendre à la qualité de consommateur dans sa relation avec la société d’avocats, dès lors qu’elle l’a mandatée dans le cadre de ses activités professionnelles de pharmacienne exploitant une officine, la mission confiée consistant à contester une demande de remboursement de la caisse primaire d’assurance maladie relative à l’activité de cette officine.

Pour connaître les conditions financières de l’intervention de la SELARL CSR-Juriscontra pour le compte de Mme [E], et les diligences que la société revendique, il y a lieu de se reporter aux documents suivants :

– une facture n° 9758 du 21 mars 2012 d’un montant de 2 500 euros HT, soit 2 990 euros TTC, portant les mentions ‘CONTENTIEUX CPAM PARIS’ ‘Analyse du contentieux avec CPAM de Paris’ ‘Analyse de l’ensemble du dossier et des pièces’ ‘Lettre en réponse à la CPAM de Paris’,

– une facture n° 13071 du 30 novembre 2015 d’un montant de 875 euros HT, soit 1 050 euros TTC, portant les mentions ‘Analyse du dossier’, ‘Rendez-vous client’, ‘Déplacement et plaidoirie devant le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de Nanterre’, ‘Entretiens téléphoniques, diligences diverse et courriers’,

– une facture n° 13214 du 8 février 2016 d’un montant de 2 400 euros HT, soit 2 880 euros TTC, portant les mentions ‘Analyse du dossier et rédaction des conclusions, rendez-vous au cabinet le 2 février 2016″, ‘Courriers et diligences diverses’,

– une facture n° 13522 du 30 juin 2016 d’un montant de 580 euros HT, soit 696 euros TTC, portant les mentions ‘Prise de connaissance des nouvelles conclusions de la CPAM 75-audience de plaidoirie le 3 mai 2016″, ‘courriers et diligences diverses’.

Il est constant que Mme [E] s’est acquittée du règlement des trois premières factures n° 9758 du 21 mars 2012, n° 13071 du 30 novembre 2015 et n° 13214 du 8 février 2016, d’un montant total de 5 775 euros HT et qu’elle n’a, en revanche, pas procédé au règlement de la dernière facture n° 13522 du 30 juin 2016 d’un montant de 580 euros HT.

Le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

Sur la demande de restitution partielle des honoraires déjà payés, comme l’a relevé à juste titre le bâtonnier de Paris, les notes d’honoraires n° 9758 du 21 mars 2012, n° 13071 du 30 novembre 2015 et n° 13214 du 8 février 2016 précisent les diligences effectuées et ont été émises et réglées après l’accomplissement de ces diligences.

En raison du paiement effectué librement et en toute connaissance de cause par Mme [E] de ces trois notes d’honoraires à leur réception, et dès lors que la requérante n’invoque et ne justifie nullement d’un vice du consentement au moment de leur paiement, il convient de rejeter la demande de restitution partielle des honoraires déjà payés à son avocat à hauteur de la somme totale de 5 775 euros HT, s’agissant de paiement après services rendus qui ne sauraient en conséquence être remis en cause.

Dans la mesure où la société d’avocats sollicite la confirmation de la décision déférée, force est de constater qu’elle entend renoncer au paiement de sa facture n° 13522 du 30 juin 2016 d’un montant de 580 euros HT, soit 696 euros TTC, de sorte qu’il n’y pas lieu d’apprécier le montant des honoraires facturés au regard des diligences effectuées à ce titre, dont, du reste, la société d’avocats justifie.

La décision déférée sera par conséquent confirmée en ce qu’elle a fixé les honoraires dus par Mme [E] à la SELARL CSR-Juriscontra à la somme de 5 775 euros HT et constaté le paiement intégral de cette somme et de la TVA y afférente.

Sur les autres demandes :

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner Mme [E] à payer à la SELARL CSR-Juriscontra la somme de 800 euros à ce titre.

Enfin, Mme [E] partie perdante, sera condamnée aux dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, et par mise à disposition de la décision par le greffe,

Rejetons la fin de non recevoir tirée de la péremption d’instance formée par la SELARL CSR-Juriscontra ;

Confirmons la décision déférée du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris du 7 juillet 2017 ;

Y ajoutant,

Condamnons Mme [O] [E] à payer à la SELARL CSR-Juriscontra la somme de 800 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Condamnons Mme [O] [E] aux entiers dépens de la présente instance ;

Disons qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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