Responsabilité de l’Avocat : 28 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00117

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Responsabilité de l’Avocat : 28 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00117
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ORDONNANCE DU 27 OCTOBRE 2022

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2022, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00117 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBR4U

NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

Maître [X] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Comparant en personne,

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :

S.A.S. CHEZ ROSE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Numa ISNARD, avocat au barreau de PARIS

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 28 Septembre 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 27 Octobre 2022 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Courant octobre 2017, la société Chez Rose a confié la défense de ses intérêts à Me [X] [U] dans le cadre de litiges successifs, en particulier avec son comptable et sa bailleresse.

Les parties n’ont signé aucune convention ayant pour objet de régler les honoraires revenant à l’avocat.

Ainsi, après un premier rendez-vous qui a eu lieu le 11 octobre 2017, la société Chez Rose a chargé Me [X] [U] d’une procédure devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz à l’encontre de la société d’expertise comptable Cogesco. Me [X] [U] a été alors amené à conclure en réplique sur un incident soulevé devant le juge de la mise en état et plaidé à l’audience du 18 septembre 2018. Pour ce dossier, il a établi une facture de provision sur frais et honoraires d’un montant de 2.000 euros hors taxes qui a été acquittée par la société Chez Rose.

Par ailleurs, la société Chez Rose a chargé Me [X] [U] d’un dossier l’opposant à son bailleur, dans le cadre d’une assignation à l”audience du 13 mars 2018 par-devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Metz, à l’issue de laquelle celui-ci a rendu une ordonnance le 10 juillet 2018, dont la société Chez Rose a demandé à Me [X] [U] d’interjeter appel devant la cour d’appel de Metz.

La société Chez Rose a demandé à Me [X] [U] d’intervenir dans un troisième dossier, dans une procédure à jour fixe engagée devant le tribunal de grande instance de Metz aux fins d’annulation de la vente du fonds de commerce qu’elle avait acquis. Pour ce dossier, Me [X] [U] a établi une facture de frais et honoraires d’un montant de 5.000 euros hors taxes, réglée par la société Chez Rose.

La société Chez Rose a ensuite confié à Me [X] [U] un quatrième dossier l’opposant à sa bailleresse, pour une procédure devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Metz appelée successivement aux audiences des 23 octobre 2018, 20 novembre 2018 et 4 décembre 2018.

En dernier lieu, la société Chez Rose a chargé Me [X] [U] de faire prendre des mesures de conservation de ses intérêts, ce qui l’a conduit à établir et soutenir une requête devant le juge de l’exécution de Metz, qui a rejeté la demande par ordonnance du 31 octobre 2018.

Reprochant divers griefs à Me [X] [U] , la société Chez Rose a décidé de mettre fin à la mission de celui-ci, ce dont elle l’a informé au moyen d’un courriel en date du 1er décembre 2018.

”’

Suivant courrier reçu le 7 octobre 2019, la société Chez Rose a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris d’une demande de fixation des honoraires qu’elle a versés à Me [X] [U] à hauteur de 8.166,66 euros hors taxes sollicitant la fixation des honoraires en fonction des diligences accomplies à son profit.

Par lettres recommandées en date du 14 octobre 2019, dont la société Chez Rose a accusé réception le 17 octobre 2002 et Me [X] [U] a accusé réception le 22 octobre suivant, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats a convoqué ceux-ci à venir s’expliquer devant lui le 25 novembre 2019.

Les parties ainsi convoquées ont toutes deux comparu devant le délégataire du bâtonnier, qui a reçu leurs observations respectives.

Par une décision contradictoire en date du 23 janvier 2020, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a :

– fixé à la somme de 8.166,66 euros hors taxes (huit mille cent soixante-six euros et soixante- six centimes) le montant total des honoraires dus à Me [X] [U] par la société Chez Rose dans le cadre des diligences accomplies à son profit;

– constaté que cette somme a déjà été payée par la société Chez Rose ;

– dit que les frais éventuels de signification de la présente décision seront à la charge de la personne qui en prend l’initiative ;

– débouté les parties de toutes autres demandes, plus amples complémentaires.

Cette décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées en date du 24 janvier 2020, avec demandes d’avis de réception, respectivement signés le 28 janvier 2020 par la société Chez Rose et le 30 janvier 2020 par Me [X] [U].

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception, posté le 27 février 2020, Me [X] [U] a formé un recours contre ladite décision du bâtonnier.

Par lettres recommandée en date du 21 février 2022, avec demande d’avis de réception, signées le 22 février 2020 par Me [X] [U] et par la société Chez Rose , les parties ont été convoquées par le greffe de la cour à l’audience du 18 mai 2022.

A l’audience du 18 mai 2022, l’affaire a été renvoyée à la demande de Me [X] [U].

A l’audience du 28 septembre 2022, Me [X] [U] a comparu en personne, alors que la société Chez Rose était représentée.

”’

Lors de l’audience, Me [X] [U] a sollicité le bénéfice des demandes énoncées dans ses conclusions écrites qu’il a reprises et soutenues, sollicitant de cette juridiction qu’elle :

– confirme la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris du 23 janvier 2020 en ce qu’elle n’a pas fait droit aux demandes de la société Chez Rose et l’infirme en ce qu’elle n’a pas fait droit aux demandes de Me [X] [U] et a indiqué fixer les honoraires de celui-ci à la somme erronée indiquée avoir été payée par la société Chez Rose à hauteur de 8.166,66 euros hors taxes soit 9.800 euros toutes taxes comprises, au lieu de la somme réellement payée par ladite société de 9.000 euros hors taxes soit 10.800 euros toutes taxes comprises ;

– fixe le montant total des frais et honoraires dus par la société Chez Rose à Me [X] [U] à la somme de 31.779,16 euros hors taxes soit 38.135 euros toutes taxes comprises;

– condamne la société Chez Rose à payer le solde restant dû par elle au titre des frais et honoraires de Me [X] [U], soit la somme de 22.779,16 euros hors taxes, soit 27.334,99 euros toutes taxes comprises ;

– déboute la société Chez Rose de l’ensemble de ses prétentions;

– condamne la société Chez Rose aux dépens qui comprendront les frais d’exécution ‘ordonnance à intervenir.

”’

En réponse, se référant à ses conclusions écrites qu’elle a soutenues, la société Chez Rose a demandé la confirmation de la décision prise le 23 janvier 2020 par le délégataire du bâtonnier et la condamnation de Me [X] [U] à lui payer une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

La présente ordonnance sera rendue contradictoirement entre les parties qui ont toutes deux comparu lors de l’audience où l’affaire a été plaidée.

Me [X] [U] conteste la décision déférée en faisant valoir que les diligences qu’il a accomplies dans le cadre des cinq dossiers confiés par la société Chez Rose n’ont pas été prises en compte. Il considère que c’est de façon erronée que le bâtonnier a retenu que la société Chez Rose lui avait payé la somme de 9.800 euros toutes taxes comprises ou de 8.166,66 euros hors taxes alors qu’en réalité le montant réglé par cette société était de 10.800 euros toutes taxes comprises soit 9.000 euros hors taxes.

La société Chez Rose soutient qu’au contraire la décision entreprise doit être confirmée, alors que dans ses écritures Me [X] [U] s’est borné à reprendre un récapitulatif sommaire des diligences qu’il a effectuées, sans opérer aucune critique contre ladite décision. Elle reproche notamment à Me [X] [U] de ne pas l’avoir informée des modalités de détermination de ses honoraires, de ne pas avoir conclu de convention d’honoraires, d’avoir recouru à une utilisation abusive des provisions, de ne pas avoir communiqué de facture définitive, ni de décompte détaillé définitif.

Sur ce, le magistrat délégataire du Premier président de la cour d’appel de Paris rappelle qu’en matière de contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre1991 doit être appliquée.

Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.

De plus, ni le bâtonnier ni, en appel, le premier président n’ont le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement imputé à ce dernier. De même, le juge de l’honoraire n’a pas le pouvoir d’apprécier du bien-fondé des diligences effectuées par l’avocat, sauf si celles-ci sont manifestement inutiles.

Au cas présent, comme l’a retenu à bon droit le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats, les parties n’ayant pas signé de convention à cet égard, les honoraires revenant à l’avocat doivent être fixés en application des critères de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et de l’article 10 du décret du 12 juillet 2005, dont il résulte que les honoraires sont fixés à défaut de convention entre l’avocat et son client, “selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci”.

En outre, alors qu’il s’agissait de déterminer le montant des honoraires en fonction des diligences accomplies et justifiées, entre le 11 octobre 2017 et le 1er décembre 2018, date de la fin du mandat de l’avocat, dessaisi à cette date par son client, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats a relevé en fonction des pièces produites l’existence de suffisamment de points concordants permettant de justifier que la totalité des diligences revendiquées par Me [X] [U], sur une période de quatorze mois, avaient bien été accomplies avec l’accord et au profit de la société Chez Rose qui le conteste partiellement.

C’est ainsi qu’au vu des justificatifs versés le délégataire du bâtonnier a constaté que les diligences accomplies au profit de la société Chez Rose, correspondaient à un honoraire facturable à hauteur d’une somme totale de 8.166,66 euros hors taxes, qui a été intégralement payée par la société Chez Rose.

En voie d’appel, Me [X] [U] a rappelé les diligences accomplies pour le compte de la société Chez Rose dans les affaires confiées par celle-ci mais sans apporter d’autres éléments justificatifs qui permettraient de remettre en cause l’appréciation ainsi faite par le délégataire du bâtonnier. En outre, à l’audience, il a reconnu avoir reçu une somme de 9.800 euros au titre de ses honoraires de la part de la société Chez Rose.

Au vu des éléments en débat , il apparaît que le bâtonnier a ainsi fait une juste appréciation des honoraires devant revenir à l’avocat pour l’ensemble de ses diligences et sa décision sera en conséquence confirmée.

Les dépens seront mis à la charge de Me [X] [U].

La solution du litige eu égard à l’équité commande d’accorder à la société Chez Rose une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en dernier ressort, par ordonnance rendue contradictoirement, prononcée par mise à disposition au greffe,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Condamne Me [X] [U] aux dépens d’appel ;

Condamne Me [X] [U] à payer à la société Chez Rose une somme de mille cinq cents (1.500) euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;

Rejette toute demande plus ample ou contraires des parties.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

 


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