Responsabilité de l’Avocat : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00303

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Responsabilité de l’Avocat : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00303
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ORDONNANCE DU 31 OCTOBRE 2022

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2022, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00303 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGXU

NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

Madame [H] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Patrice REMBAUVILLE-NICOLLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0029

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :

Maître [Y] [R]-[G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Hervé REGOLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0564

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 06 Octobre 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 31 Octobre 2022 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

Par un courrier reçu le 7 novembre 2019, Me [Y] [R] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris d’une demande de fixation de ses honoraires dus par Mme [H] [L] à hauteur de 5.220 euros hors taxes, dont celle-ci lui restait devoir la somme de 3.240 euros hors taxes alors qu’elle avait défendu ses intérêts dans le cadre d’une procédure de divorce.

”’

Après avoir recueilli les observations respectives des parties, par une décision contradictoire en date du 7 juillet 2020, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a :

‘ fixé à la somme de 5.220 euros hors taxes le montant total des honoraires dus à Me [Y] [R] par Mme [H] [L] dans le cadre des diligences accomplies à son profit;

‘ constaté le règlement déjà intervenu de la somme de 3.240 euros hors taxes au titre des honoraires;

‘ condamné en conséquence Mme [H] [L] à payer à Me [Y] [R] la somme de 3.240 euros hors taxes à titre d’honoraires, outre la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 %, les intérêts au taux légal à compter de la saisine du bâtonnier et les frais éventuels de signification de la décision;

‘ débouté les parties de toutes autres demandes, plus amples complémentaires.

Cette décision a fait l’objet d’une notification postale aux parties, par lettres recommandées en date du 24 juillet 2020, dont l’accusé de réception a été signé par Me [Y] [R] le 28 juillet 2020, alors que Mme [H] [L] n’a pas retiré le pli.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception, posté le 14 août 2020, Mme [H] [L] a formé un recours contre ladite décision du bâtonnier.

Par lettres recommandée en date du 29 avril 2022, dont les avis de réception ont été signés le 4 mai 2022 par Me [Y] [R] et le 9 mai 2022 par Mme [H] [L], les parties ont été convoquées par le greffe de la cour à l’audience du 6 octobre 2022, date à laquelle l’affaire a été retenue, alors que les parties étaient représentées par leurs conseils respectifs.

”’

Lors de l’audience, Mme [H] [L] a sollicité le bénéfice des demandes énoncées dans ses conclusions écrites déposées au greffe le 3 octobre 2022, qu’elle a reprises et soutenues, sollicitant de cette juridiction qu’elle :

‘ infirme la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris du 7 juillet 2020;

et, statuant à nouveau,

‘ déboute l’intimée de ses demandes;

‘ condamne Me [Y] [R] au paiement de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

”’

En réponse, se référant à ses conclusions écrites, notifiés par voie électronique le 5 octobre 2022, qu’elle a soutenues et développées à l’audience, Me [Y] [R] a demandé à cette juridiction de :

‘ confirmer purement et simplement la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du 7 juillet 2020;

‘ en conséquence, condamner Mme [H] [L] à régler à Me [Y] [R] la somme de 3.240 euros hors taxes augmentée de la TVA à 20 %, des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine de M. le bâtonnier, soit le 5 novembre 2019 et des frais de signification de la décision de M. le bâtonnier;

Y ajoutant,

‘ condamner Mme [H] [L] à régler à Me [Y] [R] les sommes de 3.000 euros de dommages intérêts pour procédure d’appel manifestement abusive et de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d’appel comprenant les frais de signification de l’arrêt à intervenir et les frais d’exécution.

”’

Au terme des débats, l’affaire a été mise en délibéré en vue de prononcer la décision le 31 octobre 2022.

SUR CE

La présente ordonnance sera rendue contradictoirement entre les parties qui ont toutes deux été représentées lors de l’audience où l’affaire a été plaidée.

Il n’est pas discuté que le recours de Me [Y] [R] est recevable, pour avoir été formé dans les délais requis.

Le magistrat délégataire du Premier président de la cour d’appel de Paris rappelle qu’en matière de contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre1991 doit être appliquée.

Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.

En cas d’interruption de la mission de l’avocat avant son terme, ce dernier a droit au paiement des honoraires dus dans la mesure du travail accompli et, le cas échéant, de sa contribution au résultat obtenu ou au service rendu au client.

Comme le prévoit l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, il s’agit d’apprécier des honoraires ‘ selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’.

Reste que le juge de l’honoraire ne peut pas le réduire dès lors que le principe et le montant de l’honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d’une convention, dès lors que le paiement est intervenu librement et en toute connaissance de cause.

En tout état de cause, ni le bâtonnier ni, en appel, le premier président n’ont le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement imputé à ce dernier.

”’

Mme [H] [L] demande que soit prononcée l’irrecevabilité et donc le rejet de la demande au fond de Me [Y] [R] faute d’avoir produit un compte détaillé, dont la production est obligatoire et tel que prévu dans la loi, le règlement intérieur national, le règlement du barreau de Paris et la convention d’honoraires signée par les parties. Elle demande encore que soient écartées les pièces adverses qu’elle considère non probantes et sans utilité dans un débat sur l’annulation de la décision attaquée.

En réponse, Me [Y] [R] se réfère à la décision du bâtonnier dont il cite les termes suivants : ‘il a été demandé par le rapporteur à de multiples reprises au Conseil de la défenderesse de bien vouloir donner quelques explications sur ce qui justifiait les contestations des temps revendiqués par leur contradicteur. Il a été systématiquement opposé le fait qu’il n’était pas possible de répondre à cette question puisque ne figurait pas dans le dossier le décompte détaillé par la loi. Il a alors été examiné les factures objet du litige, cette consultation permettant de constater que l’intégralité de celles-ci, en ce y compris celle initiale du 17 janvier 2018 qui a donc été parfaitement payée, comportaient toute une indication précise d’une part de la diligence accomplie et d’autre part de la durée ‘uvrée individuelle de chacune de celles-ci.

Au surplus, le détail de ces diligences apparaît, comme l’exige désormais la Cour de cassation, directement dans la facture elle-même et non plus dans un document annexe’.

Me [Y] [R] fait observer le caractère laconique des conclusions adverses, remarquant que Mme [H] [L] n’apporte toujours pas la moindre réfutation quant à la réalité des prestations mentionnées dans les factures qui lui ont été adressées ni quant au taux horaire pratiqué de 180 euros hors taxes alors qu’elle bénéficiait de 19 ans d’ancienneté, lequel était contractuellement fixé dans la convention d’honoraires.

Enfin, Me [Y] [R] conteste que Mme [H] [L] puisse invoquer à son encontre, selon elle de manière particulièrement fallacieuse et outrageante, une prétendue violation de ses obligations légales, déontologiques et conventionnelles.

Le magistrat délégataire du Premier président de la cour d’appel de Paris relève, en premier lieu, qu’en l’espèce, les parties avaient conclu une convention de rémunération au temps passé et honoraire de résultat en date du 30 novembre 2018, dont l’article 8 prévoyait que ‘Dans l’hypothèse où le Client souhaiterait dessaisir l’Avocat et transférer son dossier à un autre Avocat, le Client s’engage à régler sans délai les honoraires, frais, débours et dépens dus à l’Avocat pour les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement.

Dans l’hypothèse où le dessaisissement interviendrait à une date proche de la procédure ( proximité de la signature d’un protocole, proximité de l’ordonnance de clôture et de la date de plaidoirie) et alors que le travail accompli par Maître [R]-[G] aura permis l’obtention du résultat recherché, la clause relative aux honoraires de résultat demeurera applicable dans les termes prévus par la présente convention.’

Alors qu’il est constant que Mme [H] [L] a mis un terme à la mission de Me [Y] [R] avant la fin de la procédure de divorce dans le cadre de laquelle elle la représentait, il convient donc de fixer le montant de l’honoraire en fonction des diligences accomplies par l’avocat dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée et dès lors que celles-ci n’apparaissent pas manifestement inutiles.

Dans le cadre de l’exécution de la mission, Me [Y] [R] a émis trois factures respectivement en dates des :

-7 janvier 2018, pour 1.980 euros hors taxes correspondant à 1 heure 30 pour l’étude du dossier, à 2 heures pour étudier les conclusions et pièces adverses, 2 heures pour trois rendez-vous dont le premier offert, 2 heures 30 pour des conclusions en réplique, 30 mn pour communication des pièces, 1 heure pour dossier de plaidoirie, 1 heure 30 pour des courriers et courriels(ramenés amiablement), et des entretiens téléphoniques non facturés ;

– 21 mars 2019 pour 900 euros hors taxes concernant notamment une audience du 10 janvier 2019 (1 heure 30), 17 courriels et SMS ( 2 heures), des courriers de procédure (6) ramenés amiablement à 1 heure 30 et des entretiens téléphoniques non facturés,

– 30 octobre 2019 pour 2.430 euros hors taxes concernant la procédure d’appel, soit 3 heures pour l’étude des conclusions, 2 heures de rendez-vous, 4 heures pour des conclusions en réplique 1 et 2, 30 mn pour communication des pièces, 2 heures 20 pour des courriers, courriels et SMS (ramenés amiablement), et 1 heure 30 (ramenés amiablement) pour des entretiens téléphoniques dont 54 mn le lundi 28 octobre 2019.

Au demeurant, en voie d’appel, comme devant le bâtonnier de l’ordre des avocats, Mme [H] [L], qui a réglé sans réserve la première de ces factures, ne critique pas la réalité des diligences visées dans ces trois factures. Elle se borne à invoquer l’absence d’un décompte détaillé.

Or, l’absence de compte détaillé ne saurait justifier une absence de rémunération, dès lors que des diligences ont bien été accomplies.

En outre, comme le bâtonnier de l’ordre des avocats l’a fort justement relevé, le détail des diligences apparaît clairement sur les factures émises.

Le magistrat délégataire du Premier président constate encore que les diligences ainsi indiquées dans ces trois factures sont aussi reprises dans une fiche récapitulative détaillée établie en date du 26 décembre 2019.

Les écritures élaborées dans le cadre du litige sont produites, soit des conclusions d’intimée notifiées le 29 mai 2019 de 16 pages, et des conclusions n°2 d’intimée de 21 pages.

La réalité des échanges téléphoniques et par courriels est justifiée par la copie de différents messages.

Ainsi, au vu des pièces produites au débat, il apparaît que les durées de temps passé revendiquées par Me [Y] [R] sont parfaitement justifiées alors que le taux de rémunération horaire, conforme aux prévisions de la convention, correspond à l’expérience de 19 ans de cette avocate spécialisée en ce domaine.

C’est, dans ces conditions et fort de ces constats que le magistrat délégataire du Premier président ne peut que partager à l’examen des pièces qui lui sont soumises, que le bâtonnier a pu, de façon pertinente, évaluer à 5.220 euros hors taxes le montant des honoraires devant revenir à Me [Y] [R] au titre de ce contentieux familial, compte tenu du temps passé par celle-ci.

Alors qu’il apparaît que ce faisant le bâtonnier a fait une juste appréciation des honoraires devant revenir à Me [Y] [R] pour l’ensemble de ses diligences, à hauteur en tout de 5.220 euros euros, sa décision sera en conséquence confirmée sur ce point.

Alors qu’il n’est pas discuté que le total des honoraires versés par Mme [H] [L] à Me [Y] [R] s’établit à 1.980 euros hors taxes, il est contant que reste due par Mme [H] [L] une somme de 3.240 euros hors taxes (5220-1980).

Le décision sera donc aussi confirmée en ce qu’elle a condamné Mme [H] [L] à payer à Me [Y] [R] une somme de 3.240 euros hors taxes au titre des honoraires restant dus, outre la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 %, les intérêts au taux légal à compter de la saisine du bâtonnier et les frais éventuels de signification de la décision .

S’agissant du caractère abusif du recours intenté par Mme [H] [L], invoqué par Me [Y] [R], il sera rappelé que l’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de faute tenant notamment à la malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équivalente au dol.

Dès lors qu’en l’espèce, Me [Y] [R] n’a pas établi le caractère abusif de l’exercice du recours par Mme [H] [L] , ni n’a démontré l’existence d’un préjudice qui en serait résulté pour elle, sa demande de dommages et intérêts à ce titre sera rejetée.

Les dépens seront mis à la charge de Mme [H] [L], partie perdante.

La solution du litige eu égard à l’équité commande d’accorder à Me [Y] [R] une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile qui sera fixée à 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en dernier ressort, par ordonnance rendue contradictoirement, prononcée par mise à disposition au greffe,

‘ confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;

‘ déboute Me [Y] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour recours abusif;

‘ condamne Mme [H] [L] aux dépens d’appel ;

‘ condamne Mme [H] [L] à payer à Me [Y] [R] une somme de mille cinq cents (1.500) euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

‘ dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;

‘ rejette toute demande plus ample ou contraires des parties.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

 


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