Responsabilité de l’Avocat : 13 octobre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02625

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Responsabilité de l’Avocat : 13 octobre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02625
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02625 – N°Portalis DBVH-V-B7F-IDNI

SL-AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

05 juillet 2021

RG:18/01728

[B]

C/

[I]

Grosse délivrée

le 13/10/2022

à Me Sonia HARNIST

à Me Philippe PERICCHI

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 05 Juillet 2021, N°18/01728

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Septembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2022.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Madame [K] [B]

née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Sonia HARNIST de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [X] [I]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Laurent HUGUES de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER PUCHOL, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 13 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [K] [B] exerçait une activité d’artisan horloger au sein de la SARL Atelier Central d’Horlogerie (ci-après la SARL ACH) dont elle était l’une des associés.

Par actes des 8 juin 2009 et 2 septembre 2011, Mme [B] s’est porté caution solidaire à l’égard de la banque HSBC, en garantie de l’ensemble des engagements de la SARL ACH, dont un prêt d’un montant de 25 000 euros.

Par acte sous seing privé du 10 mars 2015, Mme [B] a cédé ses parts sociales de la SARL ACH à M. [V] [S] et à la SAS Aigle investissements.

L’acte de cession de parts sociales a été rédigé par Maître [X] [I] en tant qu’avocat unique des contractants, lequel stipule : ‘II est précisé que les cédants n’accorderont aucune garantie d’actif ni de passif, de sorte que les cessionnaires devront faire leur affaire personnelle du paiement de l’ensemble de ses dettes, en ce compris l’emprunt bancaire en cours’.

Le 31 mars 2016, la SARL ACH a été placée en liquidation judiciaire.

Le 4 juillet 2016, la banque HSBC a assigné Mme [B] devant le tribunal de commerce de Draguignan en sa qualité de caution, en paiement des sommes que lui devait la SARL ACH.

Mme [B] a fait dénoncer cette assignation à M. [S] et à la SAS AIGLE, cessionnaires des parts sociales, et les a appelés en garantie en s’appuyant sur la clause de cet acte.

Le 13 juin 2017, le tribunal de commerce de Draguignan a rejeté la demande de garantie formulée par Mme [B] et l’a condamnée à payer les sommes dues par la SARL ACH.

Estimant que la clause de l’acte de cession de parts sociales du 10 mars 2015 a été inefficace à la libérer de ses dettes, Mme [B] a, par acte d’huissier de justice du 6 avril 2018, fait assigner Maître [I] devant le tribunal de grande instance de Nîmes aux fins d’obtenir, sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du code civil et au bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation de ce dernier au paiement des sommes de

– 13 154,68 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2016 ;

– 6 461,54, augmentée des interêts au taux de 4,10 % à compter du 15 février 2016 ;

– 293,26 euros et de 1 500 euros ;

outre la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement contradictoire du 5 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a rejeté l’intégralité des demandes présentées par Mme [B], a rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formulée par M. [I], a condamné Mme [B] aux dépens et au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile avec exécution provisoire.

Le tribunal a retenu que la responsabilité de l’avocat ne pouvait être engagée en l’absence de caractérisation d’une faute à défaut de preuve de ce que le conseil avait été averti de l’existence du cautionnement et de ce que la libération du cautionnement relatif à l’emprunt bancaire était une condition de l’accord à la cession.

Par déclaration du 7 juillet 2021, Mme [B] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 23 mars 2022, la procédure a été clôturée au 25 juillet 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 6 septembre 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 13 octobre 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2021, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de :

– condamner Maître [I] à lui payer les sommes de 13 154,68 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2016, de 6 461,54 euros augmentée des intérêts au taux de 4,10 % à compter de la même date et de 293,60 euros et de 1 500 euros ;

– condamner Maître [I] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle fait essentiellement grief au tribunal d’avoir fait l’impasse sur l’erreur commise par l’avocat dans la rédaction de la garantie de prise en charge du passif et soutient qu’il résulte de l’acte lui-même que le conseil avait connaissance de l’engagement de caution souscrit par Mme [B]. Elle excipe à cet égard de l’inutilité de la clause dans le cas contraire puisque la société cessionnaire était nécessairement tenue au paiement de l’emprunt bancaire dont il suffisait de préciser l’existence dans l’acte de cession.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 14 décembre 2021, l’intimé demande à la cour de :

– dire que Mme [B] n’apporte pas la triple démonstration nécessaire pour engager la responsabilité d’un professionnel du droit d’une faute en lien de causalité avec un préjudice direct et certain et de confirmer le jugement déféré, au besoin par substitution de motifs ;

– à défaut, dire que la réparation de la perte de chance alléguée doit être mesurée à la chance perdue et ne saurait être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée et d’écarter toute prétention ignorant ce principe indemnitaire ;

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et condamner Mme [B] à lui payer la somme de 6 000 euros par application des dispositions de l’article 1382 devenu 1240-1 du code civil ;

– en tout état de cause, condamner reconventionnellement Mme [B] à lui payer la somme supplémentaire de 5 000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [B] aux entiers dépens de l’instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de Maître Philippe Pericchi, Selarl Avoue Pericchi, avocat postulant.

L’intimé conteste avoir commis un quelconque manquement à ses obligations professionnelles dans la mesure où il est resté dans l’ignorance des engagements de caution personnellement souscrits par Mme [B] de sorte qu’il ne peut lui être fait grief de ne pas les avoir évoqués dans la clause litigieuse. Il soutient que le silence fautif de Mme [B] à cet égard emporte précisément rupture du lien causal avec le préjudice allégué et conclut à l’inexistence de la perte de chance.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de l’avocat :

L’avocat, en sa qualité de professionnel du droit, est tenu d’une obligation d’information, de conseil et de diligence à l’égard de ses clients et il lui incombe de se renseigner sur les éléments de fait et de droit nécessaires à la réalisation de la mission qui lui est confiée.

En sa qualité de rédacteur d’acte, il lui appartient d’en assurer la validité et la pleine efficacité en prenant soin de l’adapter selon la situation des parties et leurs prévisions.

La charge de la preuve de l’exécution de l’obligation d’information et de conseil pèse sur l’avocat.

La clause litigieuse insérée à l’acte rédigé par l’avocat est libellée comme suit :

‘Les cédants n’accorderont aucune garantie d’actif, ni de passif, de sorte que, les cessionnaires devront faire leur affaire personnelle du paiement par la société de l’ensemble de ses dettes, en ce compris l’emprunt bancaire en cours’.

L’appelante reproche précisément au premier juge d’avoir inversé la charge de la preuve et soutient qu’il résulte de l’acte litigieux de cession de parts sociales préparé par l’avocat que celui-ci avait connaissance de ce que Mme [B] était caution de la SARL ACH.

Elle considère qu’il se déduit du libellé de la clause afférente à l’absence de garantie de passif par le cédant que le conseil avait été nécessairement informé de l’existence des engagements de caution de Mme [B] en se prévalant de l’inutilité de la clause dans le cas contraire puisque la société cessionnaire ne pouvait qu’être tenue au paiement de l’emprunt bancaire au regard de la transmission de l’intégralité du capital.

L’avocat conteste avoir été informé des deux engagements de caution personnellement souscrits par Mme [B] et avoir été saisi de la mission de rédiger l’acte de cession dont les conditions avaient été négociées directement entre les parties.

Contrairement aux affirmations de l’appelante, aucune pièce versée aux débats ne permet d’établir que l’avocat avait été informé des actes de cautionnement personnellement souscrits par Mme [B] en garantie du solde débiteur du compte bancaire et d’un emprunt bancaire souscrit par la société cédée et du fait que la caution entendait faire de sa libération une condition de son accord à la cession.

Il en découle qu’aucune faute n’est caractérisée à l’égard de l’avocat rédacteur d’acte qui n’avait pas à interroger sa cliente sur un cautionnement éventuel dont il avait été tenu dans l’ignorance.

Les conditions d’engagement de la responsabilité civile professionnelle ne sont donc pas réunies en l’absence de la preuve d’une faute imputable à l’avocat et il n’est lors pas nécessaire d’envisager la question de l’existence du lien causal entre le prétendu manquement du professionnel du droit et le préjudice allégué auquel le tribunal s’est livré de manière surabondante.

La décision sera ainsi confirmée en ce qu’elle a débouté Mme [B] de l’intégralité de ses prétentions.

Sur le caractère abusif de la procédure :

Le droit d’agir en justice et l’exercice d’une voie de recours ne dégénèrent en abus que dans l’hypothèse de malice ou mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol mais l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute.

Il ne peut en l’espèce être reproché à Mme [B] d’avoir agi à l’encontre de M. [I], ni d’avoir interjeté appel de la décision l’ayant déboutée de ses prétentions, en l’absence de preuve d’une mauvaise foi de sa part non caractérisée en l’espèce de sorte que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée par voie de confirmation de la décision déférée.

Sur les autres demandes :

Succombant en son appel, Mme [B] sera condamnée à en régler les entiers dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, lesquels seront directement distraits au profit de Maître Philippe Pericchi, Selarl Avoué Pericchi, avocat, sur son affirmation de droit sur le fondement de l’article 699 de ce même code.

Mme [B] sera également condamnée à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celui-ci en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa prétention du même chef en ce qu’elle succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré dans l’intégralité de ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [K] [B] aux entiers dépens de l’appel, avec distraction directe au profit de Maître Philippe Pericchi Selarl Avoué Pericchi, avocat ;

Condamne Mme [K] [B] à payer à M. [X] [I] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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