Responsabilité de l’Avocat : 8 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09231

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Responsabilité de l’Avocat : 8 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09231
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/09231 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B73UC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Avril 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/05704

APPELANTE

Mme [H] [M]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Benoist ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0111

INTIMES

M. [V] [T]

[Adresse 3]

[Adresse 3]/France

Représenté par Me Carbon DE SEZE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0647

Organisme CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Société MMA IARD Assurances mutuelles

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Carbon DE SEZE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0647

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente, et Mme Estelle MOREAU, Conseillère chargée du rapport, conformément aux articles 804, 805 et 907 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Mme Nicole COCHET, Magistrate honoraire juridictionnel

Greffier, lors des débats : Nora BENDERRADJ

ARRÊT :

– Réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 08 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

Mme [H] [M] a été victime d’un grave accident thérapeutique le 25 août 2001 à l’âge de 27 ans, à l’occasion de l’opération d’une hernie discale réalisée par le docteur [K] à la fondation Adolphe de Rotschild, dont elle conserve les séquelles d’une paraplégie.

Après avoir été examinée par le docteur [U] le 19 août 2002, elle a déposé deux plaintes avec constitution de partie civile contre X, la première le 22 août 2003, déclarée irrecevable pour défaut de consignation, et la seconde, le 18 novembre 2003.

A la suite du dépôt, le 10 mai 2005, du rapport d’expertise des docteurs [O] et [J], désignés par le magistrat instructeur, ayant conclu à l’absence de faute d’imprudence ou de négligence et de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité, une ordonnance de non-lieu a été rendue le 11 juillet 2005.

Mme [H] [M], qui avait confié la défense de ses intérêts à M. [V] [T], avocat, à compter du mois d’avril 2004, l’a dessaisi par courrier du 31 mars 2016.

Par ordonnance du 2 mars 2018, le juge des référés a rejeté la demande d’expertise médicale sollicitée par Mme [H] [M] assistée d’un autre conseil, en l’absence de motif légitime, eu égard aux deux rapports déjà intervenus.

Mme [H] [M] s’est faite examiner par le professeur [Y], qui a déposé son rapport le 7 mars 2018.

C’est dans ces circonstances que, par actes des 16 et 18 avril 2018, Mme [H] [M] a fait assigner M. [V] [T], sa compagnie d’assurances la société Mutuelles du Mans assurances et la Caisse primaire d’ assurance maladie de [Localité 5], devant le tribunal de grande instance de Paris, en responsabilité civile.

Par jugement du 10 avril 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

– débouté Mme [H] [M] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné Mme [H] [M] aux dépens, avec bénéfice du droit prévu par les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– condamné Mme [H] [M] à payer à M. [V] [T] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 26 avril 2019, Mme [H] [M] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 24 mai 2022, Mme [H] [M] demande à la cour de :

– la dire recevable et bien fondée en son appel et réformer le jugement,

– juger que le mandat donné à M. [V] [T] au cours de l’instruction n’a jamais été révoqué et que ce dernier ne justifie pas de l’exécution de son devoir de conseil et d’information relatif à la prescription décennale, auquel sa mission l’obligeait,

– juger que M. [V] [T] a commis une faute en laissant se prescrire l’action qui pouvait être engagée à l’encontre du docteur [K], sans en avertir sa cliente,

– juger que le docteur [K] a manqué à son devoir d’information, ce qui lui a fait perdre une chance d’éviter les séquelles qu’elle conserve depuis cette opération,

– condamner en conséquence le docteur [K] et la Mutuelle du Mans assurance in solidum à l’indemniser à hauteur de 80 % des conséquences dommageables de l’opération réalisée le 25 août 2000,

– ordonner une expertise médicale dans les conditions ci-dessus évoquées et condamner M. [V] [T] et la Mutuelle du Mans assurance in solidum à lui payer une indemnité provisionnelle d’un montant de 200 000 euros, outre une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– très subsidiairement, ordonner une mesure d’expertise médicale plus complète dans les conditions ci-dessus évoquées,

– condamner M. [V] [T] et la Mutuelle du Mans assurance in solidum en tous les dépens, tant de première instance que d’appel.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 20 juin 2022, M. [V] [T] et la société MMA Iard Assurances mutuelles demandent à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– dire que la responsabilité civile professionnelle de M. [T] ne peut être engagée,

en conséquence,

– débouter Mme [H] [M] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [H] [M] à verser à M. [T] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [H] [M] aux entiers dépens.

La Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 5], à laquelle la déclaration d’appel et les écritures de l’appelante ont été signifiées à personne morale notamment selon procès-verbal d’huissier de justice délivré le 30 mai 2022, n’a pas constitué avocat.

L’arrêt sera réputé contradictoire.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 28 juin 2022.

La cour, soulevant d’office la question de la recevabilité de la demande formée à l’égard de M. [K], non partie à la procédure, a invité les parties à formuler des observations par note en délibéré. Le 22 septembre 2022, Mme [M] a indiqué avoir formé par erreur une demande à l’égard de M. [K], en réalité dirigée à l’encontre de M. [T].

SUR CE

Sur la recevabilité des demandes formées à l’égard de M. [K] :

Les demandes formées à l’égard de M. [K], qui n’était pas partie à la procédure en première instance et ne l’est pas davantage en cause d’appel, sont irrecevables.

Sur la responsabilité de l’avocat :

Le tribunal a retenu que Mme [M] ne rapportait pas la preuve de l’existence d’un quelconque mandat confié à M. [T] aux fins de saisine du juge civil en ce que :

– pour justifier d’une telle mission confiée à M. [T] postérieurement à son intervention à l’occasion de l’information judiciaire jusqu’en juillet 2005, Mme [H] [M] produit un courrier dudit avocat, daté du 20 mars 2006, faisant état d’un projet de mandat en ce sens, sous la référence 63395, soumis au règlement préalable d’une provision de 3 000 euros hors taxe selon note d’honoraire numéro 60332 jointe au courrier,

– toutefois, Mme [M] ne communique aucun élément pour justifier du paiement de la provision, ni pour établir qu’une suite favorable a été donnée à cette proposition de mandat,

– aucun échange entre les parties n’est intervenu à ce sujet pendant dix ans, jusqu’à ce que Mme [M] adresse à M. [T] une lettre de dessaisissement en mars 2016,

– il n’est pas démontré que le courrier et la note d’honoraires datés du 9 février 2009 se rapportent à la procédure litigieuse, même s’il s’agit aussi d’une affaire portée contre la fondation Rotschild, dès lors qu’ils portent une référence différente et sont adressés à M. [G] [M],

– la preuve du mandat n’est dès lors pas rapportée et Mme [M] est mal fondée à reprocher à M. [T] de ne pas avoir accompli sa mission.

Mme [M] soutient que :

– M. [T] ne lui a fait régulariser aucun mandat ad litem au début de la procédure pénale,

– malgré l’absence d’instruction écrites, il ne peut être contesté que son objectif était d’obtenir des dommages et intérêts pour les séquelles qu’elle conservait,

– dans une lettre du 15 juillet 2005, adressée à l’issue de la procédure pénale, M. [T] lui a indiqué qu’il restait à sa disposition pour tout renseignement complémentaire, ce qui démontre qu’il ne considérait pas que sa mission était terminée,

– par lettre du 20 mars 2006, M. [T] lui a adressé une demande de provision à valoir sur frais et honoraires en indiquant qu’il avait ‘bien noté qu’à la suite de notre rendez-vous du 14 mars 2006, que vous entendiez reprendre sur le terrain civil, la procédure vous opposant à la fondation Rothschild’ en ajoutant qu’il lui apparaissait ‘opportun de diligenter une procédure en référé aux fins de désignation d’expert, puis une procédure au fond’,

– cette demande de provision a été réitérée par lettre du 9 février 2009 adressée à son père, M. [G] [M],

– des échanges sont intervenus oralement ou par SMS avec le cabinet de M. [T] tout au long des années, et les messages adressés par sa mère, Mme [N] [M], les 30 juin, 24 août et 3 septembre 2015 démontrent que M. [T] était toujours en charge de ses intérêts,

– des règlements d’honoraires ont été effectués en espèces dès le cours de l’instruction, sans justificatifs,

– M. [T] n’a jamais reçu de lettre de sa part le déchargeant de sa mission et il ne l’a jamais informée que celle-ci prenait fin, alors même qu’il s’agit d’une formalité indispensable.

M. [T] et la société MMA Iard Assurances mutuelles répliquent que :

– la seule mission confiée à M. [T] par Mme [H] [M] et qu’il a acceptée concernait la procédure pénale, qui a pris fin avec l’ordonnance de non-lieu rendue le 11 juillet 2005,

– Mme [M] n’a jamais demandé à M. [T] d’engager une action civile et une telle action était sans intérêt au vu de l’ordonnance de non-lieu,

– Mme [M] ne verse aucune pièce susceptible démontrer qu’elle avait mandaté M. [T] sur le plan civil.

L’avocat agissant et représentant son client en justice doit bénéficier d’un mandat ad litem, lequel doit être écrit, sauf dans les cas où la loi ou le règlement en présume l’existence, en application de l’article 8 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005.

Il appartient à Mme [M] recherchant la responsabilité civile professionnelle de M. [T] pour manquement dans l’exécution d’un tel mandat de rapporter la preuve de son existence.

Le mandat ad litem conférant à l’avocat la faculté et le devoir d’exécuter tous les actes nécessaires et utiles au succès du procès à l’exception des actes étrangers à l’instance, le bénéfice d’un mandat ad litem aux fins d’agir au pénal, qui a pris fin avec l’ordonnance de non-lieu rendue le 11 juillet 2005 mettant fin à l’instance pénale, n’est pas de nature à établir l’existence d’un mandat ad litem aux fins d’engager une action au civil, qui relève d’une instance distincte.

Ainsi que l’ont pertinemment retenu les premiers juges, Mme [M] est défaillante dans la charge de la preuve d’un tel mandat dès lors que :

– la lettre du 20 mars 2006 que lui a adressée M. [T], prenant acte de ce qu’elle entendait agir au civil, est accompagnée d’une demande de provision sur honoraires de 3000 euros HT ‘afin d’engager la procédure’, et dont le paiement n’est pas justifié, en sorte qu’à considérer qu’il y ait eu une proposition de mandat, celle-ci n’a pas été acceptée,

– aucun élément ne permet de rattacher le courrier et la note d’honoraires du 9 février 2009 à un tel mandat, dès lors que ces documents portent une référence différente de celle figurant sur la lettre du 20 mars 2006 et sont adressés à M. [G] [M], père de Mme [H] [M], au titre de ‘l’ensemble de la procédure’, et ne mentionnent aucune diligence au civil ; au demeurant, il est fait état d’un forfait de 6 000 euros HT à titre de ‘conseils et assistance’ et sollicité le versement d’une provision de 3 000 euros HT dont le règlement n’est pas établi,

– les messsages téléphoniques adressés par Mme [N] [M], mère de l’appelante, à M. [T] les 30 juin, 24 août et 3 septembre 2015 sont inopérants à démontrer l’existence d’un mandat ad litem confié à M. [T] aux fins d’initier une nouvelle procédure au civil, et accepté par ce dernier.

Mme [T] ne justifiant pas de l’existence d’un mandat ad litem pour agir au civil, est mal fondée à rechercher la responsabilité de l’avocat à ce titre.

Le jugement est donc confirmé.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Mme [M] échouant en ses prétentions doit être condamnée, en sus des condamnations prononcées en première instance, aux dépens d’appel et à payer à M. [T] une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit irrecevable les demandes formées à l’encontre de M. [K],

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne Mme [H] [M] à payer à M. [V] [T] une indemnité de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [H] [M] aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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