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N° RG 22/02811 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JFBM
COUR D’APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 08 NOVEMBRE 2022
DEMANDEUR AU RECOURS :
Monsieur [W] [S]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne
DÉFENDEUR AU RECOURS :
Maître [V] [N]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Adrienne DURAND, avocat au barreau de Rouen
DEBATS :
A l’audience publique du 04 octobre 2022, devant Mme Elvire GOUARIN, présidente de chambre à la cour d’appel de Rouen, magistrat spécialement déléguée suivant ordonnance de madame la première présidente de la cour d’appel de Rouen, assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier ;
après avoir entendu les observations des parties présentes, la première présidente a mis l’affaire en délibéré au 08 novembre 2022.
DECISION :
CONTRADICTOIRE
Rendue publiquement le 08 novembre 2022, par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signée par Mme GOUARIN, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.
EXPOSE DU LITIGE
Par requête reçue à l’ordre le 29 avril 2022, Me [V] [N] a sollicité la taxation des frais et honoraires dus par M. [W] [S] à hauteur de la somme de 600 euros TTC.
Par ordonnance rendue le 20 juillet 2022, le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Rouen a :
– fixé à la somme totale de 500 euros HT soit 600 euros TTC le montant des honoraires dus à Me [N] par M. [S] ;
– dit que M. [S] sera tenu de payer à Me [N] la somme de
600 euros TTC ;
– dit que la décision est assortie de l’exécution provisoire ;
– dit que l’ordonnance sera notifiée aux parties par le secrétariat de l’ordre ;
– rappelé que la décision pourra être, à l’expiration des délais de recours, rendue exécutoire par simple ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Rouen.
L’ordonnance a été notifiée à M. [S] par lettre recommandée distribué le 22 juillet 2022.
Par lettre recommandée expédiée le 17 août 2022, M. [S] a formé un recours à l’encontre de l’ordonnance de taxe.
Par conclusions déposées le 30 septembre et le 4 octobre 2022 et développées oralement à l’audience du 4 octobre 2022, M. [S] demande à la juridiction du premier président de :
– débouter l’ensemble des demandes de Me [G] ;
– débouter la demande de 40 euros liée aux frais de saisine ;
– condamner Me [N] pour préjudice moral subi ;
– condamner Me [N] pour procédure abusive ;
– condamner Me [N] en demande reconventionnelle à l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Me [N] aux dépens ;
– infirmer la décision de M. le bâtonnier.
Au soutien de son recours, M. [S] fait principalement valoir que lors du rendez-vous avec Me [N], qui a eu lieu le 4 juin et non le 31 mai 2021 comme mentionné sur la facture, il n’a reçu aucune information relative aux tarifs pratiqués, que Me [N] a rempli et signé la demande d’aide juridictionnelle à sa place et à la place de son épouse, qu’en l’absence de négociation préalable, il n’a pas signé la convention d’honoraires qui lui a été adressée à la suite de la décision lui accordant une aide juridictionnelle partielle et qu’il a dessaisi Me [N] de ses intérêts le 11 octobre 2021. Il souligne que lors de la procédure de taxation l’avocate n’a produit aucun justificatif et renvoyé une fiche de renseignements incomplète. Il estime en conséquence que les honoraires de Me [N], qui a manqué à son devoir d’information, ne sauraient excéder la somme de 60 euros.
Par conclusions déposées le 4 octobre 2022 et développées oralement, Me [N] demande à la juridiction du premier président de :
– déclarer M. et Mme [S] mal fondés en leur appel ;
– les débouter de leurs demandes ;
– confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
– les condamner solidairement à lui régler la somme de 40 euros correspondant aux frais de saisine de M. le bâtonnier pour la taxation de ses honoraires ;
– les condamner solidairement au paiement de la somme de 1 000 euros pour procédure abusive et vexatoire ;
– les condamner solidairement au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner solidairement aux dépens.
A l’appui de ses prétentions, le conseil de Me [N] fait principalement valoir que M. [S] a pris rendez-vous en vue de faire appel d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire, qu’il a indiqué que les époux pouvaient prétendre à l’aide juridictionnelle de sorte qu’un dossier a été rempli et déposé et que l’existence d’un mandat n’est en conséquence pas contestable. Elle indique qu’à la suite de la décision accordant à M. et Mme [S] l’aide juridictionnelle partielle, une convention d’honoraires complémentaires a été adressée à ces derniers qui ont refusé de la signer et qu’un projet de conclusions a été rédigé afin de gagner du temps sur les délais contraints de la procédure d’appel. Elle fait valoir qu’elle a effectué des diligences qui doivent lui être réglées à hauteur du temps réellement passé et qu’aucun règlement n’a été effectué au titre de l’aide juridictionnelle dans la mesure où M. [S] l’a dessaisie du dossier.
MOTIFS
Le recours formé par M. [S] dans le mois suivant la notification de l’ordonnance de taxe est recevable au regard des exigences de l’article 176 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.
Aux termes de l’article 10 de la loi n °71-1130 du 31 décembre 1977 modifié par la loi n°2015-990 du 6 août 2015, les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client (…). Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relatif à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Il n’est en l’espèce pas contesté que M. [S] a sollicité l’intervention de Me [N] pour relever appel du jugement rendu le 17 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Rouen dans le cadre du litige opposant M. et Mme [S] à la société Aviva Assurances et à M. [H].
Il est également constant qu’un rendez-vous a eu lieu le 4 juin 2021, à l’issue duquel Me [N] a réuni les pièces nécessaires et rempli et déposé une demande d’aide juridictionnelle pour chacun des appelants.
L’existence d’un mandat donné par M. [S] à Me [N] ne saurait en conséquence être sérieusement contestée.
Les parties conviennent qu’à la suite de la décision du bureau d’aide juridictionnelle ayant accordé à M. [S] une aide juridictionnelle partielle fixant la contribution de l’Etat à 25 %, une convention d’honoraires complémentaires a été adressée à M. [S], lequel a refusé de la signer et a dessaisi Me [N] de la défense de ses intérêts par message électronique du 11 octobre 2021.
Le défaut de signature d’une convention ne saurait priver l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat et des diligences de celui-ci.
La facture émise le 5 avril 2022 pour un montant total de 600 euros TTC est précise et détaillée et correspond aux prestations suivantes :
– rendez-vous du 4 juin 2021 : 100 euros HT,
– dépôt des dossiers d’aide juridictionnelle, correspondances, mail et appels téléphoniques : 100 HT,
– préparation de conclusions : 300 euros HT.
La réalité de ces prestations n’est pas contestée, peu important l’erreur de date commise dans la facture, dès lors que M. [S] reconnaît que le rendez-vous a bien eu lieu, que les dossiers d’aide juridictionnelle ont été déposés conformément au mandat donné à l’avocat en ce sens et qu’un projet de conclusions, qui est versé aux débats, a été rédigé à partir des documents transmis par l’intéressé.
La circonstance que M. [S] a choisi, pour des raisons qui lui appartiennent, de décharger Me [N] de la défense de ses intérêts, ne saurait le dispenser du paiement des sommes dues en contrepartie des diligences dont il est justifié.
Si Me [N] a pu indiquer, dans un message en réponse adressé à
M. [S] le 11 octobre 2021, qu’elle n’entendait pas comptabiliser le travail de rédaction du projet de conclusions, cette indication ne vaut pas renonciation expresse et non équivoque à solliciter le paiement des prestations effectuées dès lors qu’elle était implicitement subordonnée au paiement de la facture de 240 euros correspondant aux diligences relatives au premier rendez-vous et au dépôt des dossiers au bureau d’aide juridictionnelle.
M. [S] soutient qu’il n’a pas été informé des tarifs pratiqués par Me [N] préalablement au premier rendez-vous et en déduit qu’il n’est redevable d’aucune somme à ce titre.
Le juge de l’honoraire n’a cependant pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement à son obligation d’information préalable sur les conditions de sa rémunération (Civ, 2e, 16 juillet 2020 n°1918145).
M. [S] n’est en conséquence pas recevable à se prévaloir d’un éventuel manquement de Me [N] à son devoir d’information sur les conditions de sa rémunération pour obtenir la réduction des honoraires.
Les diligences dont la réalité n’est pas discutée et le temps passé justifient en conséquence la confirmation de l’ordonnance ayant fixé à la somme de 600 euros TTC le montant des honoraires dus par M. [S] à Me [N].
M. [S], dont les contestations ont été rejetées, sera débouté de l’ensemble des demandes indemnitaires, au demeurant non chiffrées, formées à l’encontre de Me [N].
Les demandes de condamnations formées par Me [N] à l’encontre de Mme [S] seront rejetées dès lors que cette dernière n’a pas été appelée dans la cause et qu’aucune décision ne saurait être rendue à son encontre.
Si Me [N] sollicite le paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, elle n’établit pas l’abus du droit d’exercer une voie de recours de M. [S], lequel ne peut se déduire du seul échec de son action en l’absence de caractérisation d’une intention maligne, d’une erreur grossière ou d’une légèreté blâmable dans l’appréciation de ses droits.
Il convient en conséquence de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Les dépens de la présente instance seront supportés par M. [S] conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de Me [N] les frais irrépétibles exposés tant à l’occasion de la saisine du bâtonnier à hauteur de la somme de 40 euros qu’à l’occasion de la présente instance.
Aussi M. [S] sera-t-il condamné à lui verser la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et débouté de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,
Déclare recevable le recours de M. [W] [S] ;
Confirme dans toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 20 juillet 2022 par le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Rouen dans le litige opposant Me [V] [N] à M. [W] [S] ;
Déboute M. [W] [S] de ses demandes de dommages et intérêts ;
Déboute Me [V] [N] de ses demandes formées à l’encontre de Mme [S] ;
Déboute Me [V] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne M. [W] [S] aux dépens ;
Condamne M. [W] [S] à verser à Me [V] [N] la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [W] [S] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
La greffière, La présidente de chambre,