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CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 novembre 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 810 FS-D
Pourvoi n° S 19-24.632
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022
1°/ M. [OV] [C], domicilié [Adresse 45],
2°/ M. [CO] [D],
3°/ Mme [ZA] [GO], épouse [D],
tous deux domiciliés [Adresse 33],
4°/ M. [ZJ] [E],
5°/ Mme [GC] [E],
tous deux domiciliés [Adresse 34],
6°/ M. [PO] [Y],
7°/ Mme [PJ] [Y],
tous deux domiciliés [Adresse 17],
8°/ M. [ZG] [B], domicilié [Adresse 43],
9°/ M. [PM] [O],
10°/ Mme [GS] [O],
tous deux domiciliés [Adresse 20],
11°/ M. [YX] [U],
12°/ Mme [GJ] [PD], épouse [U],
tous deux domiciliés [Adresse 31],
13°/ Mme [GD] [W], domiciliée [Adresse 3],
14°/ Mme [YM] [K],
15°/ M. [GP] [K],
tous deux domiciliés [Adresse 9],
16°/ M. [PL] [R], domicilié [Adresse 22],
17°/ M. [T] [J], domicilié [Adresse 3],
18°/ M. [GK] [I],
19°/ Mme [AC] [I],
tous deux domiciliés lieu-dit [Adresse 41],
20°/ M. [OV] [GN],
21°/ Mme [YO] [ZR], épouse [GN],
tous deux domiciliés [Adresse 28],
22°/ M. [PT] [PG],
23°/ Mme [PI] [PG],
tous deux domiciliés [Adresse 8],
24°/ Mme [S] [CF], domiciliée [Adresse 40],
25°/ M. [GF] [GM],
26°/ Mme [PF] [GM],
tous deux domiciliés [Adresse 23],
27°/ M. [ZD] [AG],
28°/ Mme [X] [YS], épouse [AG],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
29°/ M. [PV] [CG],
30°/ Mme [ZB] [HB], épouse [CG],
tous deux domiciliés [Adresse 32],
31°/ M. [ZK] [GL],
32°/ Mme [F] [GL],
tous deux domiciliés [Adresse 15],
33°/ M. [YX] [ZC],
34°/ Mme [BT] [ZC],
tous deux domiciliés [Adresse 11],
35°/ M. [GH] [PK], domicilié [Adresse 2],
36°/ M. [ZG] [YZ], domicilié [Adresse 5],
37°/ M. [YY] [YW],
38°/ Mme [ZB] [YW],
tous deux domiciliés [Adresse 25],
39°/ Mme [BZ] [YU], domiciliée [Adresse 42],
40°/ M. [ZE] [YU], domicilié [Adresse 1],
41°/ M. [G] [GU],
42°/ Mme [BZ] [OW], épouse [GU],
tous deux domiciliés [Adresse 24],
43°/ M. [OV] [GI],
44°/ Mme [ZL] [GI],
tous deux domiciliés [Adresse 6],
45°/ M. [PE] [GV], domicilié [Adresse 18],
46°/ M. [CP] [PB],
47°/ Mme [P] [H], épouse [PB],
tous deux domiciliés [Adresse 27],
48°/ M. [HA] [YT],
49°/ Mme [YV] [YT],
tous deux domiciliés [Adresse 19],
50°/ M. [GX] [ZH],
51°/ Mme [V] [GR], épouse [ZH],
tous deux domiciliés [Adresse 10],
52°/ M. [PC] [ZM],
53°/ Mme [GS] [ZM],
tous deux domiciliés [Adresse 44],
54°/ M. [GT] [OZ],
55°/ Mme [ZL] [OZ],
tous deux domiciliés [Adresse 36],
56°/ M. [CE] [YR], domicilié [Adresse 13],
57°/ M. [PN] [PR], domicilié [Adresse 7],
58°/ M. [PA] [PR], domicilié [Adresse 26],
59°/ M. [ZJ] [BU],
60°/ Mme [ZI] [N], épouse [BU],
tous deux domiciliés [Adresse 21],
61°/ M. [YX] [PS],
62°/ Mme [S] [PS],
tous deux domiciliés [Adresse 35],
63°/ M. [ZO] [GE],
64°/ Mme [ZF] [GE],
tous deux domiciliés [Adresse 39],
65°/ M. [T] [PU],
66°/ Mme [GZ] [PU],
tous deux domiciliés [Adresse 30],
67°/ M. [PH] [OT],
68°/ Mme [OY] [M], épouse [OT],
tous deux domiciliés [Adresse 12],
ont formé le pourvoi n° S 19-24.632 contre l’arrêt rendu le 24 octobre 2019 par la cour d’appel de Douai (3e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société [CA] [CN] et [GG] [L], société civile professionnelle, notaires associés d’une société civile professionnelle titulaire d’un office notarial, dont le siège est [Adresse 29],
2°/ à M. [OU] [GY], domicilié [Adresse 14],
3°/ à M. [ZN] [GY], domicilié [Adresse 16],
4°/ à M. [HA] [A], domicilié [Adresse 14],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de MM. [C], [B], [PK], [YZ], [R], [J], [GV], [YU], [YR], [PN] et [PA] [PR], de Mmes [W], [CF], [YU], de M. et Mme [D], M. et Mme [E], M. et Mme [Y], M. et Mme [O], M. et Mme [U], M. et Mme [K], M. et Mme [I], M. et Mme [GN], M. et Mme [PG], M. et Mme [GM], M. et Mme [AG], M. et Mme [CG], M. et Mme [GL], M. et Mme [ZC], M. et Mme [YW], M. et Mme [YU], M. et Mme [GU], M. et Mme [GI], M. et Mme [PB], M. et Mme [YT], M. et Mme [ZH], M. et Mme [ZM], M. et Mme [OZ], M. et Mme [BU], M. et Mme [PS], M. et Mme [GE], M. et Mme [PU] et M. et Mme [OT], de de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [CA] [CN] et [GG] [L], de MM. [OU] et [ZN] [GY] et de M. [A], et l’avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l’audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 24 octobre 2019), en 2006 et 2010, la société JPB promotion (JPB) a acquis des parcelles en vue de l’extension d’un établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) exploité par la société [Adresse 37] et a commercialisé l’opération dite [Adresse 37] II par la vente en l’état futur d’achèvement de chambres, dont il était prévu que les acquéreurs les donneraient à bail à la société [Adresse 37] en qualité de loueurs en meublé professionnels et non professionnels, sous le bénéfice d’un dispositif de défiscalisation.
2. M. [OX], notaire, a reçu des investisseurs mandat de procéder à la régularisation des actes d’acquisition de lots meublés, d’emprunt auprès des établissements de crédit, de bail commercial et de convention de prêt à usage des parties communes avec la société [Adresse 37].
3. A la suite du placement en redressement judiciaire, en 2013, de la société JPB et, en 2014, de la société [Adresse 37], dont les actifs ont été repris par une société qui a renoncé au projet d’extension et transféré l’autorisation d’ouverture de lits sur un autre site, ainsi que de l’arrêt définitif du chantier [Adresse 37] II, M. [C] et soixante-sept investisseurs (les investisseurs) ont assigné en indemnisation la SCP notariale [CN]-[L] (la SCP), venant aux droits de M. [OX], MM. [ZN] et [OU] [GY] et M. [HA] [A] (les avocats), membres de la SCP d’avocats [GY].
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. Les investisseurs font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires, au titre de leur préjudice matériel, dirigées contre M. [ZN] [GY], alors :
« 1°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans leurs dernières conclusions d’appel (p. 27 et 29), les investisseurs soutenaient que les avocats du cabinet [GY], [GW], [Z] ayant garanti directement les différents résultats économiques et fiscaux de l’opération litigieuse, ils devaient être condamnés solidairement à en assurer les résultats, quand bien même ils n’auraient commis aucune faute ; qu’en se bornant à énoncer qu’elle ne peut retenir aucune faute particulière dès lors que la garantie accordée est explicitement à visée fiscale, la cour d’appel n’a pas répondu aux conclusions des exposants faisant valoir que la garantie était promise et due même en l’absence de faute, méconnaissant ainsi les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que l’avocat rédacteur d’acte est garant de sa validité et de son efficacité et doit informer son client des conséquences de l’opération projetée ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le cabinet [GY] [GW], et notamment Me [ZN] [GY], qui a participé à l’élaboration du montage juridique et fiscal mis en oeuvre pour assurer la construction de l’immeuble [Adresse 37] II, et a perçu plus de 90 000 euros d’honoraires à ce titre, n’avait pas manqué à son devoir de conseil en s’abstenant, d’une part, d’informer les investisseurs sur les risques financiers et juridiques inhérents à l’opération litigieuse et, d’autre part, d’assurer l’efficacité juridique de l’opération de construction de l’immeuble [Adresse 37] II, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, devenu article 1231-1 du même code. »
Réponse de la Cour
5. Ayant relevé que la mission confiée à M. [ZN] [GY] consistait à garantir que le projet présentait les caractéristiques nécessaires pour faire bénéficier les acquéreurs du statut de loueur en meublé non-professionnel, dans une perspective de défiscalisation, et retenu que l’absence de bénéfice du statut fiscal résultait, non pas d’un manquement de l’avocat à ses obligations professionnelles, dont celle d’information et de conseil, mais du refus de l’exploitant repreneur de mettre en oeuvre sur le site les autorisations reçues des organismes de tutelle, la cour d’appel, qui a répondu, pour les écarter, aux conclusions prétendument délaissées et a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.
Mais sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches
Enoncé du moyen
6. Les investisseurs font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires, au titre de leur préjudice matériel, dirigées contre la SCP, alors :
« 1°/ que le notaire est tenu d’éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours ; qu’en statuant comme elle l’a fait, motifs pris « qu’il est vain, au titre du devoir d’information et de conseil qui ne s’attache qu’à l’efficacité des actes qu’il dresse, de lui reprocher ce qui relève manifestement de circonstances extérieures à sa pratique, ce professionnel ne pouvant en toute hypothèse tout prévoir », la cour d’appel a statué par des motifs impropres à exclure que le notaire ait manqué à son devoir de conseil en s’abstenant d’informer les investisseurs sur les risques juridiques de l’opération tenant à la perte de l’agrément d’EHPAD ou à son transfert par l’exploitant des lieux, à l’absence de bail commercial conclu avec la société [Adresse 37] et aux contraintes juridiques et structurelles du projet de construction d'[Adresse 37] II, eu égard aux autorisations d’exploitation des autorités de tutelle et des plans de construction ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°/ que le manquement du notaire à son devoir de conseil prive les parties de la possibilité d’apprécier les risques que leur fait courir la conclusion de l’acte et, en conséquence, de contracter en connaissance de cause ; qu’en statuant comme elle l’a fait, motifs pris qu’il “est vain, au titre du devoir d’information et de conseil qui ne s’attache qu’à l’efficacité des actes qu’il dresse, de lui reprocher ce qui relève manifestement de circonstances extérieures à sa pratique, ce professionnel ne pouvant en toute hypothèse tout prévoir”, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à exclure que les manquements du notaire à son devoir conseil aient fait perdre aux investisseurs une chance de ne pas conclure les actes litigieux ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil. »