Responsabilité de l’Avocat : 7 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/07537

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Responsabilité de l’Avocat : 7 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/07537
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N° R.G. Cour : N° RG 22/07537 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OTL7

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU 07 Mars 2023

contestations

d’honoraires

DEMANDEUR :

Me [L] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante

DEFENDERESSE :

Mme [P] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante

Audience de plaidoiries du 17 Janvier 2023

DEBATS : audience publique du 17 Janvier 2023 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d’appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 07 Mars 2023 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

””

EXPOSE DU LITIGE

En mars 2020, Mme [P] [M] a pris attache avec Me [L] [B] dans le cadre d’un appel contre une décision du juge des affaires familiales.

Aucune convention d’honoraires n’a été régularisée entre les parties.

Le 25 janvier 2022, Mme [M] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Lyon d’une contestation d’honoraires.

Celui-par par décision du 25 septembre 2022 a :

– dit que Me [B] doit restituer la somme de 2 400 €,

– ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 1 500 €.

Cette décision a été notifiée à Mme [M] et à Me [B] par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception dont elles ont toutes deux accusé réception le 11 octobre 2022.

Par courrier recommandé du 10 novembre 2022, Me [B] a formé un recours contre cette décision.

A l’audience du 17 janvier 2023 devant le délégué du premier président, les parties ont présenté leurs observations ou s’en sont remises à leurs écritures, qu’elles ont soutenues oralement.

Dans son courrier du 10 novembre 2022, Me [B] n’a pas motivé son recours.

Dans son mémoire déposé au greffe le 20 décembre 2022, Mme [M] demande au délégué du premier président de confirmer la décision du bâtonnier et sollicite le remboursement de 2 400 € par Me [B].

Lors de l’audience et dans son mémoire déposé lors de l’audience, Me [B] sollicite l’infirmation de la décision du bâtonnier, le rejet des demandes, fins et conclusions de Mme [M] et la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 1 875 € au titre du solde de ses honoraires et une somme de 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle affirme qu’un accord a été trouvé avec Mme [M] sur le montant des honoraires à hauteur de 250 € HT pour chaque heure et qu’une première facture de provision pour 8 heures de travail soit 2 000 € HT a été adressée à Mme [M] qui a procédé à son paiement.

Elle détaille les diligences engagées au soutien de l’appel formé contre la décision du juge aux affaires familiales du 11 décembre 2020 faisant état d’une durée de 15 heures 30 qui leur a été consacrée. Elle indique que Mme [M] n’a pas cessé de la contacter téléphoniquement durant la période de son intervention, comportement qu’elle dit expliquer sa décision de mettre fin à son mandat.

Elle soutient que les différentes écritures déposées devant la cour ont bien été communiquées à Mme [M].

Dans son courriel du 16 décembre 2022, reçu au greffe le 20 décembre 2022, et dans ses observations orales, Mme [M] sollicite la confirmation de la décision du bâtonnier qui oblige Me [B] à lui rembourser la somme de 2 400 €.

Elle considère être victime d’une injustice en ce que Me [B] ne l’a pas correctement et suffisamment informée du coût prévisible de ses diligences, et indique que si effectivement un travail a été effectué par l’avocat, il s’est réduit à un strict minimum. Elle propose de couvrir ces diligences par une somme de 250 €. Elle maintient sa demande de remboursement intégral et s’oppose à tout autre paiement d’un solde d’honoraires.

Elle reproche à Me [B] de ne pas l’avoir reçue à son cabinet et surtout d’être demeurée sans répondre à ses demandes pour obtenir des nouvelles de l’avancement de son appel ou sans prendre en compte son opinion sur l’orientation à prendre dans le cadre des conclusions d’appel. Elle précise que les dernières conclusions déposées par Me [B] n’ont pas été validées par elle et que cet avocat n’est pas allé plaider son dossier devant la cour d’appel.

Pour satisfaire aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux mémoires et courriers régulièrement déposés ci-dessus visés.

MOTIFS

Attendu que la recevabilité du recours formé par Me [B] n’est pas discutée et les dates de notification et de recours ne peuvent y conduire ;

Attendu que dans son courrier du 13 janvier 2022 reçu le 25 janvier 2022, Mme [M] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Lyon de demandes de réparation et de remboursement intégral des honoraires versés dans le cadre d’une facture de provision émise en avril 2021 ;

Qu’elle argumentait alors ces demandes sur des reproches adressés à Me [B] qui, après ne pas avoir répondu à ses appels ou à ses demandes, ne lui a transmis qu’avec retard les conclusions prises par son ex-compagnon, et fondées sur l’envoi de conclusions en réponse qu’elle considérait comme bâclées et qu’elle n’avait pas approuvées ;

Qu’elle déplorait en outre que Me [B] l’ait laissée dans le flou lorsqu’elle a lui a indiqué qu’elle ne souhaitait plus intervenir à son profit et qu’elle a été seule à venir devant la cour, sans pouvoir se défendre seule ;

Attendu qu’elle entendait être dédommagée pour les nombreux désagréments occasionnés par cette collaboration ;

Attendu qu’à titre liminaire et explicatif, il convient de rappeler comme cela a été relevé lors de l’audience que le juge de l’honoraire ne peut pas se prononcer directement ou indirectement sur la responsabilité de l’avocat ou sur le respect de ses obligations déontologiques ; qu’il ne lui appartient pas davantage de déterminer les éventuelles fautes disciplinaires invoquées par son client ou de statuer sur la satisfaction de ce dernier au regard du résultat obtenu ;

Qu’il en est de même s’agissant des appréciations respectives concernant les rapports entretenus entre l’avocat et son client, comme des conditions dans lesquelles le professionnel a entendu mettre fin à son mandat, ce débat ne pouvant conditionner la détermination du montant des honoraires ;

Attendu que le premier président ou son délégué saisi d’un recours contre sa décision, exerçant alors comme le bâtonnier les pouvoirs du juge de l’honoraire déterminés par l’article 174 du décret du 27 novembre 1971, ne dispose pas plus de pouvoir juridictionnel que le bâtonnier pour statuer sur des allégations concernant le respect par l’avocat de ses obligations concernant en particulier l’information sur l’avancement de l’affaire ou l’écoute ou la pleine coopération avec le client ;

Attendu que les différents reproches adressés sont en tout état de cause insusceptibles de rendre possible une réfaction des honoraires facturés et/ou susceptibles d’être justifiés dans le cadre de la taxation ;

Attendu que si le bâtonnier a rappelé avec pertinence dans sa décision qu’en tant que juge de l’honoraire, il n’avait pas les pouvoirs juridictionnels pour juger de la qualité du travail de l’avocat ou d’éventuels manquements de ce dernier, sauf en cas d’inutilité manifeste, il a manqué à son office en ne déterminant pas les honoraires dus en fonction des rares éléments communiqués et en retenant de manière péremptoire que les diligences engagées par Me [B] étaient manifestement inutiles ;

Qu’en effet, les simples développements du courrier de Mme [M] objectivaient que des diligences avaient été engagées par Me [B] pour d’une part, relever appel et ensuite soutenir ce recours devant la cour par l’intermédiaire de conclusions ;

Attendu que surtout Mme [M] lui avait bien précisé qu’elle avait comparu seule devant la cour sans pouvoir présenter ses propres observations, ce qui interdisait au bâtonnier de présumer que le confrère désigné ensuite par la cliente allait devoir réaliser les mêmes diligences, en tout cas sans s’enquérir si la cour avait ou non rendu un arrêt et vidé sa saisine ;

Attendu qu’il convient de rappeler que peuvent seulement être écartées les diligences manifestement inutiles au regard des règles de droit ou de procédure c’est à dire des actes objectivement insusceptibles de produire le moindre effet juridique, et aucun élément de la motivation du bâtonnier n’était apte à caractériser cette absence totale d’effet potentiel de celles engagées par Me [B], notamment s’agissant de la déclaration d’appel et des conclusions d’appelante ;

Que Mme [M] ne lui avait d’ailleurs pas soutenu que les diligences engagées par Me [B] devaient ainsi être qualifiées, les reproches de cette dernière portant sur un sujet bien différent ; qu’il était indifférent que Me [B] ait ou non communiqué ses conclusions à la relecture de sa cliente pour déterminer si elles constituaient des diligences inutiles ;

Attendu que Mme [M] est infondée à solliciter une annulation du coût des diligences qu’elle reconnaît comme ayant été engagées, car cette position confine à une demande d’indemnisation qui échappe par nature au pouvoir juridictionnel du juge de l’honoraire ;

Attendu que conformément à l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 visés par le bâtonnier, sauf urgence ou force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat doit conclure par écrit avec son client une convention d’honoraires ;

Que si la loi du 6 août 2015 a prévu en modifiant ce texte l’obligation de soumettre à la signature du client une convention d’honoraires sauf urgence ou force majeure, cette convention ne constitue pas une condition de validité de la demande d’honoraires mais un mode de preuve de l’accord des parties sur les modalités de rémunération de l’avocat ;

Attendu qu’ainsi, l’absence de convention d’honoraires ne prive ainsi pas l’avocat de la possibilité de réclamer la couverture de ses diligences, sauf à rajouter que les honoraires doivent être fixés en application de l’article 10 du 31 décembre 1971 selon les critères de l’article susvisé soit : les usages, la situation de fortune du client, les difficultés du litige, les frais de l’avocat, sa notoriété et les diligences accomplies ;

Attendu que Me [B] n’est d’abord pas fondée à soutenir l’existence d’un accord exprès de sa cliente pour être rémunérée suivant un taux horaire de 250 € HT, car sa facture de provision est insusceptible de manifester l’existence d’une convention d’honoraires et de la dispenser d’une telle formalité légale ;

Que Mme [M], qui souligne sans être contestée avoir eu du mal à communiquer avec son avocate qui ne l’a pas reçue lors d’un rendez-vous, est ainsi légitime à relever l’absence de convention d’honoraires et qu’elle s’est trouvée en difficulté pour discuter er déterminer le coût prévisible de la procédure d’appel dont elle avait saisie Me [B] ;

Attendu que s’agissant de ce taux horaire, il convient de retenir le montant de 180 € HT au regard des seuls éléments soumis à notre appréciation, constitués de :

– différents actes de procédure permettant de vérifier la difficulté du litige, limité à la fixation de la contribution à l’entretien et l’éducation d’un enfant,

– une partie des diligences accomplies,

– comme l’ampleur des revenus et des charges de Mme [M] décrits comme étant composés en 2021 de ressources mensuelles de 2 360 € (1 700 + 660 € de revenus locatifs), outre une pension alimentaire de 700 € pour l’entretien et l’éducation de sa fille et de charges mensuelles de 2 366,49 € ;

Qu’aucun élément objectif n’est fourni par les parties concernant la notoriété de l’avocat et sur les causes et circonstances qui ont conduit Mme [M] à s’adresser à Me [B] ;

Attendu que s’agissant des diligences engagées dont il a été rappelé lors de l’audience qu’elles devaient être appréciées dans leur coût par le juge de l’honoraire, il convient de retenir celles établies par les pièces et circonstances nécessaires inhérentes à la procédure mise en oeuvre, notamment par la fourniture par Mme [M] et par Me [B] de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon le 10 février 2022 :

– entretien téléphonique de prise de contact annoncé comme ayant duré une heure, ce qui n’a pas été contesté par Mme [M],

– déclaration d’appel formalisée par Me [B] le 5 février 2021, après étude du dossier dont la durée nécessaire concernant à la fois l’étude des pièces envoyées par Mme [M], de la décision du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lyon du 11 décembre 2020 est retenue à hauteur de deux heures,

– rédaction des premières conclusions d’appel d’une longueur de sept pages et visant 7 pièces pour lesquelles une durée de trois heures de travail doit être retenue,

– échanges de courriels ayant conduit à la modification de ces conclusions comme en justifient les pièces produites par Me [B], avec une durée d’une heure de travail correctement évaluée par cette dernière,

– analyse des conclusions et pièces adverses déposées par l’intimé, estimée avec pertinence à une durée d’une heure,

– rédaction des conclusions en réponse d’une longueur de 8 pages et visant 17 pièces, comportant des paragraphes spécifiques en réponse aux moyens adverses sur les demandes nouvelles en appel, ces différences peu importantes devant conduire à retenir une durée d’une heure,

– suivi de la mise en état, dans le cadre d’une mise en état électronique par le RPVA, correctement quantifié à une demi-heure compte tenu de la nécessité de vérifier l’arrivée des messages et éventuelles injonctions du conseiller de la mise en état,

– préparation du dossier dit «de plaidoiries» correspondant aux pièces et conclusions qui doivent être remises à la cour au moins quinze jours avant l’audience, cette remise effective s’évinçant de la lecture de l’arrêt du 10 février 2022, qui doit être retenu avec la formalité matérielle de remise par les canaux habituels d’une demi-heure ;

Attendu qu’aucun élément ne justifie l’existence d’un échange téléphonique avec Mme [M] dédié à l’analyse des conclusions de l’intimé et de la rédaction des conclusions en réponse, comme la nécessité de procéder à des recherches de jurisprudence dont la teneur n’est pas même précisée ;

Attendu qu’une durée de 10 heures est ainsi retenue comme proportionnée et pertinente pour faire face aux diligences engagées par Me [B] et ses honoraires doivent en conséquence être fixés à la somme de 2 160 € TTC (10 heures X 180 € HT outre TVA) ;

Attendu qu’il convient en conséquence, en rejetant partiellement le recours formé et la demande présentée par Me [B] dans le cadre de ce recours, d’infirmer la décision du bâtonnier et de condamner Me [B] à restituer à Mme [M] la somme de 240 € au titre de la somme trop versée en couverture de la facture de provision ;

Que le surplus de la demande de remboursement faite par Mme [M] est ainsi rejeté comme correspondant d’ailleurs à une volonté d’être indemnisée ;

Attendu que Me [B] succombe et supporte les dépens inhérents à son recours, comprenant les éventuels frais d’exécution forcée ;

PAR CES MOTIFS

Le délégué du premier président, statuant publiquement et par ordonnance contradictoire,

Rejetons en partie le recours formé par Me [L] [B] et infirmons la décision rendue par le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Lyon le 25 septembre 2022, et statuant à nouveau :

Fixons à 2 160 € TTC le montant des honoraires de Me [L] [B],

Disons que Me [L] [B] doit rembourser à Mme [P] [M] la somme de 240 €,

Rejetons les autres demandes des parties,

Condamnons Me [L] [B] aux dépens inhérents à ce recours.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

 


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