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N° RG 21/00924 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KYLK
C2
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP GIROUD STAUFFERT-GIROUD
la SCP LACHAT MOURONVALLE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 14 MARS 2023
Appel d’une décision (N° RG 18/03641)
rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 28 janvier 2021
suivant déclaration d’appel du 19 Février 2021
APPELANTS :
M. [B] [G]
Né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 1]
Mme [W] [L] épouse [G]
née Ie [Date naissance 2] 1958 a [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentés par Me Isabelle STAUFFERT-GIROUD de la SCP GIROUD STAUFFERT-GIROUD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIME :
M. [X], [M] [R]
né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 8] (Algérie)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
représenté par Me Christophe LACHAT de la SCP LACHAT MOURONVALLE, avocat au barreau de GRENOBLE, et par Me Emmanuelle LE TREUT de la SCP de ANGELIS & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 30 janvier 2023 Madame Blatry, Conseiller chargé du rapport, en présence de Madame Clerc, Président de chambre, assistées de Anne Burel, greffier, en présence de Catherine Silvan, greffier Silvan, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Suivant offre préalable acceptée du 22 juillet 2000, la société Lyonnaise de Banque (LB) a consenti aux époux [W] [L]/[B] [G] un prêt in fine de 205.806,17€ remboursable en une échéance unique différée au 15 février 2012, garanti par un contrat d’assurance-vue collectif Heredial gestion alimenté par une prime de 114.336€.
En mai 2006, les époux [G] ont souscrit auprès de la société LB un prêt relais ainsi qu’un prêt en francs suisses.
A la suite de la forte dévalorisation de leur contrat d’assurance-vie, les époux [G] ont consulté en juin 2009 Me Loïc Conrad, avocat, en vue de défendre leurs intérêts.
Sur poursuite des époux [G] en responsabilité de la banque, le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse a, suivant jugement du 5 septembre 2017 :
déclaré les époux [G] irrecevables en leur demande en déchéance du droit aux intérêts du prêt in fine,
débouté les époux [G] de leurs demandes en résiliation de ce prêt, en restitution des sommes versées au titre de l’assurance-vie, en paiement de gains manqués,
condamné la société LB à payer aux époux [G] la somme de 37.708,19€ au titre du manquement de la banque à son obligation de mise en garde dans l’octroi en 2006 d’un prêt relais adossé à un prêt à taux révisable.
Par arrêt du 14 octobre 2014, la cour d’appel de Chambery a infirmé le jugement déféré uniquement sur le quantum de la condamnation de la banque qu’elle a ramené à la somme de 21.500€.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi des époux [G], lesquels ont ensuite été déclarés irrecevables dans leur saisine de la cour européenne de justice.
Estimant que Me [R] engageait sa responsabilité, les époux [G] l’ont, suivant exploit d’huissier du 31 août 2018, fait citer devant le tribunal de grande instance de Grenoble.
Par jugement du 28 janvier 2021, cette juridiction devenue tribunal judiciaire de Grenoble a :
condamné Me [R] à payer aux époux [G] la somme de 48.155,79€ à titre de dommages-intérêts,
rejeté la demande des époux [G] pour résistance abusive,
condamné Me [R] à payer aux époux [G] une indemnité de procédure de 2.000€ et à supporter les dépens de l’instance.
Par déclaration du 19 février 2021, les époux [G] ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 5 janvier 2023, M. et Mme [G] demandent à la cour d’infirmer le jugement déféré sur le quantum de leur indemnisation et de condamner Me [R] à leur payer les sommes de :
256.670,60€ au titre du préjudice né et actuel,
62.400€ arrêtée provisoirement au 30 décembre 2022, outre 400€ par mois jusqu’au paiement effectif pour les loyers non perçus,
10.000€ pour résistance abusive,
10.000€ d’indemnité de procédure en première instance et la même somme en cause d’appel.
Ils font valoir que :
la banque a méconnu ses obligations d’information sur le fondement de l’article L 132-5-1 du code des assurances,
ils n’ont pas reçu une note d’information distincte des conditions générales qui devait leur être transmise par application des dispositions susvisées,
Me [R] n’a jamais compris la différence entre les 3 notices distinctes, à savoir la notice d’information du support organisme de placement collectif en valeurs mobilières choisi, la notice visée à l’article L 132-5-1 du code des assurances et les conditions générales valant note d’information,
il appartenait à Me [R] de les informer, avant toute introduction d’instance, du manquement de la banque au titre du défaut de remise de documents alors que la faculté de rétractation courait toujours leur laissant la possibilité de renoncer à leur contrat,
le contrat de prêt et celui d’assurance-vie sont indivisibles,
si Me [R] avait rempli correctement ses obligations, les juges auraient pu prononcer la caducité à effet rétroactif du contrat de prêt, ce qui implique la remise des parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat,
ainsi le placement aurait été restitué pour la somme de 114.336€, outre les intérêts intercalaires de 11.957,11€ avec les intérêts du prêt in fine de 96.621,07€, soit la somme de 222.914,18€ leur permettant largement de rembourser le prêt in fine pour la somme de 205.806,17€,
tous les autres frais qu’ils ont supportés auraient été évités et la banque devait même leur rembourser un solde de 17.108,01€,
ainsi, ils ont à tort payé la somme de 31.483,27€ au titre des intérêts du prêt in fine, 34.690,58€ de frais d’avocat, la créance au CIC en 2015 de 126.079,47€, les frais de notaire de 1.862,52€, les intérêts pour le prêt BCGE de 2.466,45€, la prime d’assurance mobilière de 4.008,46€,
libérés de tout engagement bancaire, ils auraient pu investir dans un troisième piller suisse pour obtenir une importante réduction d’impôts de 38.971,84€,
ces diverses sommes, additionnés au solde de 17.108,01€ que devait leur reverser la banque, leur préjudice s’établit à la somme de 256.670,60€,
du fait de la faute de Me [R], ils ont enduré un véritable calvaire qui dure depuis plus de 13 ans,
sa faute les a entraînés dans une spirale judiciaire sans fin qui leur laissera des séquelles impérissables,
ainsi, leurs demandes en réparation de leurs préjudices financier et moral sont parfaitement fondées,
la résistance abusive de Me [R] doit également être indemnisée,
avec le montant du préjudice financier, ils auraient pu acheter un bien immobilier à visée locative qui leur aurait rapporté un complément de revenus compris entre 750 et 850€ par mois.
Par conclusions du 19 décembre 2022, Me [R] demande à la cour de réformer le jugement déféré et de :
1) à titre principal, déclarer irrecevable la demande des époux [G] au titre d’un prétendu préjudice locatif et les débouter de l’ensemble de leurs prétentions,
2) subsidiairement, confirmer le jugement déféré,
3) en tout état de cause, condamner les époux [G] à lui payer une indemnité de procédure de 5.000,00€.
Il expose que :
il n’a pas commis de faute,
les époux [G] ne rapportent pas la preuve de ce qu’ils n’auraient pas été en possession des documents visés par l’article L.132-5-1 du code des assurances, de sorte qu’il n’est pas établi qu’ils auraient pu se prévaloir de la prorogation du délai de renonciation,
c’est donc à tort que le tribunal a estimé que les documents exigés par la loi n’auraient pas été remis aux époux [G],
concernant une éventuelle non conformité du contrat d’assurance-vie, il ressort de la procédure contre la banque, qu’aucune faute contre celle-ci n’a été retenue,
il n’est pas établi que, même s’il avait soulevé l’argument de la prolongation du délai de renonciation, cet argument aurait permis d’emporter la conviction des juges,
les époux [G] ne démontrent pas le caractère certain de la perte de chance qu’ils invoquent,
le détail du préjudice financier invoqué par les époux [G] est tout aussi confus qu’en première instance,
si les deux contrats avaient pu être remis en cause, les époux [G] auraient eu à rembourser le montant du capital emprunté, soit 205.000€, et faire face à l’endettement né de l’octroi des prêts en 2006, ce qu’ils ne démontrent pas alors que leur taux d’endettement était de 96%,
le remboursement des prêts contractés ultérieurement dont les époux [G] sollicitent l’indemnisation est sans lien avec les manquements allégués à son encontre,
si par impossible une faute était retenue à son encontre, le préjudice financier en lien certain et direct avec un défaut d’information, ne peut être retenu qu’à la différence entre la prime initialement versée et la valeur du placement arrêtée au mois de juin 2006, soit la perte de rendement de 48.155,79€,
les prétentions locatives émises postérieurement au délai de l’article 908 sont irrecevables,
elles sont en tout état de cause mal fondées en l’absence de production du moindre document,
leur préjudice moral résulte avant tout de leur acharnement procédural et de la souscription d’emprunts parfaitement disproportionnés à leurs revenus,
son refus, parfaitement légitime de reconnaître une responsabilité, ne saurait constituer une résistance abusive.
La clôture de la procédure est intervenue le 10 janvier 2023.
MOTIFS
1/ sur les demandes de M. et Mme [G]
sur la responsabilité de Me [R]
Les époux [G] reprochent à M. [R], qu’ils avaient consulté suite à l’importante dévalorisation de leur contrat d’assurance-vie donné en garantie du prêt in fine souscrit auprès de la société LB, un défaut de conseil au titre des conséquences à tirer de l’absence de remise de documents par la banque concernant leur faculté de rétractation de la dite convention.
La responsabilité de l’avocat, pour être retenue, suppose la démonstration d’une faute de celui-ci en lien de causalité avec les préjudices allégués.
L’avocat, investi d’un devoir de compétence, est tenu d’accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client.
Il est soumis à une obligation particulière d’information et de conseil.
L’article L.132-5-1 du code des assurances dispose que toute personne qui a signé une proposition d’assurance ou un contrat a la faculté d’y renoncer par lettre avec accusé de réception dans un certain délai et que le défaut de remise d’un projet de lettre destiné à faciliter l’exercice de cette faculté de rétractation, outre d’une note d’information sur les dispositions essentielles du contrat, sur les conditions d’exercice de la faculté de renonciation et sur le sort de la garantie décès dans cette hypothèse entraîne de plein droit la prorogation de ce délai de renonciation.
En l’espèce, il est établi que la société LB, en remettant aux époux [G] un unique document intitulé «’conditions générales valant note d’information’» (pièce R) qui ne reprend pas les conditions d’exercice de la faculté de renonciation, a commis une faute.
A cet égard, il convient de relever que Me [R], dans la procédure devant la cour d’appel de Lyon, a expressément soulevé le manquement de la banque à son obligation d’information en ne remettant pas les deux documents prévus par l’article L .132-5-1 du code des assurances ( page 4 de l’arrêt du 14 octobre 2014).
En l’absence de remise de ces documents, le délai de renonciation s’est trouvé prorogé et, à la date de la consultation de Me [R] en 2009, les époux [G] pouvaient encore user de la faculté de renonciation au contrat d’assurance-vie.
Ainsi, Me [R], en n’informant pas les époux [G] de leur faculté de renonciation au contrat d’assurance-vie et en préférant mettre en ‘uvre une seule procédure en responsabilité contre la banque, a commis une faute en lien de causalité avec une perte financière alléguée par les époux [G].
sur la réparation des préjudices des époux [G]
A titre liminaire, il sera retenu que la demande au titre de pertes locatives, déjà présentée en première instance, est recevable.
Toutefois, loin de la multiplication des demandes financières des époux [G] dont certaines totalement hypothétiques, le fait de ne pouvoir renoncer en 2009 au contrat d’assurance vie leur a fait perdre la seule chance de retrouver la totalité de leur mise de fonds de 114.336€ et ce conformément aux dispositions de l’article L. 132-5-1 du code des assurances qui précise que la renonciation entraîne la restitution de l’intégralité des sommes versées par le contractant.
Dès lors, c’est à bon droit que le tribunal a condamné Me [R] à payer à M. et Mme [G] la somme de 48.155,79€ correspondant à la perte enregistrée par rapport à la mise initiale de fonds.
Par ailleurs, les époux [G] ne peuvent imputer à Me [R] la charge d’un préjudice moral alors qu’ils ont multiplié imprudemment la souscription de crédits et se sont retrouvés dans une situation de perte d’emploi totalement étrangère à l’intervention de leur conseil.
Enfin, en l’absence de démonstration d’une résistance abusive de Me [R] qui pouvait légitimement contester sa responsabilité, c’est à juste titre que le tribunal a débouté les époux [G] de leur demande en dommages-intérêts à ce titre.
Par voie de conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
3/ sur les mesures accessoires
Aucune considération d’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, Me [R] sera condamné aux dépens de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare recevable la demande de M. [B] [G] et de Mme [W] [L] épouse [G] au titre d’une perte locative,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Me [X] [R] aux dépens de la procédure d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT