Responsabilité de l’Avocat : 21 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01011

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Responsabilité de l’Avocat : 21 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01011
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 21 MARS 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01011

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2019 du Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 18/11026

APPELANT

Monsieur [G] [F]

Chez [X]

[Localité 2]

Représenté par Me Nadine RAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0412

INTIMES

Monsieur [B] [E]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane LATASTE de la SELARL PBA LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : J086

S.C.P. D’AVOCATS [E] ET ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane LATASTE de la SELARL PBA LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : J086

Madame [M] [L] en qualité d’administrateur ad hoc de Monsieur [B] [E]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane LATASTE de la SELARL PBA LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : J086

Monsieur [Z] [N] en qualité de commissaire à l’éxécution du plan de la SCP d’Avocats [E] et Associés

[Adresse 3]

[Localité 6]

Défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, et devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI

ARRET :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 21 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

En novembre 2008, M. [G] [F] a chargé M. [B] [E], avocat membre de la SCP [E] et associés, de le représenter dans une instance judiciaire qu’il souhaitait intenter à l’encontre des sociétés Generali et Banque de gestion privée Indosuez pour manquement à leur obligation d’information pré-contractuelle dans le cadre de la souscription d’un contrat d’assurance-vie le 10 février 2000, pour un capital porté à 124 225 euros ayant fortement diminué pour s’établir à 61 022,23 euros au 30 septembre 2008.

M. [E] a transmis à son client un projet d’assignation de ces sociétés le 6 octobre 2010. Celle-ci n’a toutefois été délivrée que le 11 mai 2012.

Les défenderesses à l’action ont conclu à titre principal à la prescription de l’action et M. [E] a notifié des conclusions de désistement d’action le 8 avril 2013, désistement accepté en défense et déclaré parfait par le juge de la mise en état le 2 septembre 2013.

La société [E] et associés a fait l’objet d’un redressement judiciaire le 29 septembre 2016 et un plan de continuation de dix ans a été homologué par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 octobre 2017.

C’est dans ce contexte que, par actes du 17 septembre 2018, M. [F] a fait assigner la société d’avocats [E] et associés, M. [E], Mme [M] [L] en qualité d’administrateur ad hoc de M. [E] et M. [Z] [N], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société [E] et associés aux fins de voir reconnaître leur responsabilité professionnelle.

Par jugement du 2 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

– condamné in solidum la société d’avocats [E] et associés et M. [E] à payer à M. [F] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– débouté M. [F] du surplus de ses demandes indemnitaires,

– condamné in solidum la société d’avocats [E] et associés et M. [E] aux dépens,

– condamné in solidum la société d’avocats [E] et associés et M. [E] à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 2 janvier 2020, M. [F] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 25 novembre 2022, M. [F] demande à la cour de :

– débouter M. [E], la société [E] et associés et M. [L] ès qualités de leur fin de non-recevoir.

en conséquence,

– dire et juger son action non prescrite et donc recevable,

– confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu les fautes de la société [E] et de M. [E],

– confirmer le jugement en ce qu’il les a condamnés in solidum au paiement des sommes de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts et 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

infirmant le jugement et statuant à nouveau,

– dire et juger qu’il a subi une perte de chance à raison du recours manqué,

en conséquence,

– condamner in solidum la société [E] et associés et M. [E] à lui payer la somme de 124 225 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance,

– les condamner in solidum au paiement de la somme de 62 000 euros au titre d’un profit correspondant à un rendement minimum de 5% sur 10 ans, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance,

– les condamner in solidum au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance,

– débouter la société [E] et M. [E] de l’intégralité de leurs demandes,

– les débouter de leur appel incident,

– déclarer opposable à M. [N], commissaire à l’exécution du plan de la société [E] et associés, et à Mme [L], administrateur ad hoc de M. [E], l’arrêt à intervenir,

– condamner in solidum la société [E] et M. [E] au paiement de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner in solidum aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 17 mars 2021, M. [B] [E], la SCP d’avocats [E] et associés et Mme [M] [L] ès qualités demandent à la cour de :

– dire et juger que la mission de M. [E] et de la société [E] et associés a pris fin au plus tard à la date de l’ordonnance de mise en état rendue le 2 septembre 2013,

– dire en conséquence prescrite l’action de M. [F] à la date de son assignation, délivrée le 17 septembre 2018,

à titre subsidiaire,

– dire et juger que M. [F] n’établit pas la perte de chance qu’il invoque de voir prospérer l’action engagée par lui contre les sociétés Indosuez et Generali,

– dire et juger qu’il ne justifie pas de l’existence d’un préjudice en relation avec les fautes reprochées,

– le dire en conséquence non fondé en son appel et l’en débouter,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de ses demandes indemnitaires,

et, faisant droit à leur appel incident,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé des condamnations à l’encontre de M. [E] et de la société [E],

– débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes,

– le condamner au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux dépens de première instance et d’appel.

M. [N] ès qualités, auquel la déclaration d’appel et les écritures de l’appelant ont été respectivement signifiées selon actes d’huissier de justice délivrés les 23 juillet 2020 à personne et 10 septembre 2020 à domicile n’a pas constitué avocat. L’arrêt sera réputé contradictoire.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 29 novembre 2022.

SUR CE,

Sur la prescription

M. [E], Mme [L] ès qualités et la société [E] et associés soutiennent que l’action de M. [F] est prescrite, au visa de l’article 2225 du code civil car l’assignation du 17 septembre 2018 a été délivrée hors délai en ce que :

– sa mission a pris fin au plus tard à la date de l’ordonnance rendue le 2 septembre 2013 par le juge de la mise en état, ayant constaté l’extinction de l’instance,

– en toute hypothèse, il avait cédé son cabinet à M. [C] depuis le 1er juillet 2013 et si M. [F] ne l’a pas déchargé de sa mission, lui-même y a mis nécessairement fin en ayant cédé son dossier,

– le fait que la société [E] et associés ait continué à exister juridiquement pour les besoins de sa liquidation est sans incidence puisque son nom ne figure même pas sur l’entête de la lettre invoquée.

M. [F] répond que :

– il n’a été avisé de l’ordonnance prononcée le 2 septembre 2013 que par une lettre en date du 16 septembre 2013 réceptionnée par ses soins au plus tôt le jour suivant soit le 17 septembre 2013 de sorte que, l’assignation en responsabilité à l’encontre de M. [E] et de la société [E] et associés ayant été délivrée le 17 septembre 2018, son action n’est pas prescrite,

– de surcroît, il n’a eu de cesse de le relancer pour connaître les suites de l’audience de mise en état du 8 avril 2013 et a considéré sa responsabilité engagée par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2013,

– la lettre du 16 septembre 2013 était à l’entête de MM. [E] et [C] avocats associés et ce dernier ne lui a jamais été présenté comme successeur du premier de sorte qu’il ne peut se voir opposer une cession dont il ignorait l’existence.

Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel la prescription.

Une fin de non-recevoir peut être proposée en tout état de cause.

La responsabilité de l’avocat au titre de l’exercice de son mandat ad litem relève des dispositions de l’article 2225 du code civil qui dispose que l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

La mission d’assistance ou de représentation en justice de l’avocat prend fin au jour du prononcé de la décision de justice qui termine l’instance pour laquelle il a reçu mandat d’assister ou de représenter son client.

Ainsi, la mission de M. [E] a pris fin le 2 septembre 2013, jour du prononcé de l’ordonnance du juge de la mise en état ayant prononcé son désistement, le fait que cette ordonnance ait été portée à la connaissance de M. [F] dans les jours qui ont suivi étant sans incidence, de sorte que l’action en responsabilité contre l’avocat intentée par acte d’huissier de justice du 17 septembre 2018 qui seul interrompt le délai pour agir doit être déclarée prescrite.

En conséquence, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d’appel doivent incomber à M. [F], partie perdante, lequel est également condamné à payer aux intimés la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l’action de M. [G] [F],

Condamne M. [G] [F] aux dépens,

Condamne M. [G] [F] à payer à M. [B] [E] et la SCP d’avocats [E] et associés la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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