Responsabilité de l’Avocat : 23 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00265

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Responsabilité de l’Avocat : 23 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00265
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ORDONNANCE DU 23 MARS 2023

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2023, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00265 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUEU

NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

Monsieur [O] [M]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Etienne ARNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1305

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :

La SELARLU [H] AVOCATS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me [Z] [H], avocat au barreau de PARIS, toque : P0110

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 22 Février 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 23 Mars 2023 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

Par une décision contradictoire en date du 23 avril 2021, après avoir recueilli les observations respectives des parties, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a notamment :

‘ fixé le montant total des honoraires dus par M. [O] [M] à Me [H] avocats, à la somme de 40.122 euros toutes taxes comprises au titre de l’année 2019;

‘ constaté que cette somme avait été réglée partiellement à hauteur de 7.998 euros ;

‘ dit que M. [O] [M] versera à la Selarlu [H] la somme de 32.124 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter de la date de notification de la décision l’y condamnant en tant que de besoin sous le bénéfice accordé de l’exécution provisoire.

Cette décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 23 avril 2021.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception posté le 11 mai 2021, Me Etienne Arnaud, avocat associé, agissant en qualité de conseil de M. [O] [M] a indiqué former un recours contre ladite décision auprès du Premier président de cette cour d’appel, en application de l’article 176 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.

Par courriers recommandés du 05 décembre 2022, les parties ont été convoquées à l’audience du 22 février 2023.

En l’absence de distribution du pli postal concernant la Selarlu [H], destinataire inconnue à l’adresse, à la requête de M. [O] [M] qui y a été invitée par le greffe, cette société d’avocats a été citée à comparaître à l’audience par acte de commissaire de justice remis à l’étude le 18 janvier 2023.

”’

Lors de ladite audience, les parties, représentées, ont fait plaider le bénéfice de leurs conclusions écrites respectives remises au greffe, auxquelles il y a lieu de se reporter pour un plus ample exposé des faits et de leurs prétentions.

Il sera seulement rappelé que dans un premier temps, la Selarlu [H] a soulevé l’irrégularité du recours, en faisant valoir qu’une lettre recommandée non signée n’était pas valable et qu’il est très important de savoir qui fait un courrier, alors qu’on peut imiter un papier à en-tête ou s’en servir à l’insu de l’avocat comme ce client l’a lui-même fait au cours de la procédure d’information.

En réponse à l’exception de nullité soulevée par la Selarlu [H], tenant à l’absence de signature apportée sur l’acte de recours, M. [O] [M] a fait valoir qu’aucun grief n’était démontré et qu’il n’existait pas de doute sur l’identité de son auteur, concluant à la recevabilité de celui-ci.

Aux termes de ses conclusions remises au greffe, soutenues à l’audience, le conseil de M. [O] [M] a demandé à cette juridiction de:

‘ juger le recours du 10 mai 2021 recevable;

‘ infirmer la décision du bâtonnier datée du 23 avril 2021 ;

statuant à nouveau :

‘ rejeter la demande de fixation des honoraires à 14.106 € dans son intégralité;

‘ rejeter la demande de fixation des honoraires à 35.809 € et fixer les honoraires dus au titre de la facture n° 20190057 à la somme de 5.388 euros TTC

à titre reconventionnel:

‘ ordonner à M. [Z] [H] et à la Selarl [H] de rembourser les sommes de 12.000 euros au titre des factures n°2019-00001 et 2019-0002 et de 12.635,02 euros au titre de la facture 19081 du 07 juin 2018.

Oralement, M. [O] [M] a rappelé la procédure devant le bâtonnier de l’ordre des avocats, observant qu’en 2019, à la fin du dossier, lui a avait été adressée une note correspondant à moins d’un mois de diligences à hauteur à 35.000 euros, montant réduit par le bâtonnier mais qu’il convenait de diminuer encore. Il soutenait, en effet, que les diligences mentionnées étaient assorties de temps beaucoup trop importants. Il a aussi souligné avoir déjà payé des dizaines de milliers d’euros de factures pour cette affaire et ne pas être de mauvaise foi.

”’

Quant à elle, aux termes de ses conclusions remises au greffe, soutenues à l’audience, la Selarlu [H] a demandé à cette juridiction de:

‘ à titre principal, déclarer irrecevable l’appel formé contre la décision du bâtonnier du 23 avril 2021 et confirmer la décision du bâtonnier;

‘ à titre subsidiaire, le dire mal-fondé;

‘ en tout état de cause, condamner M. [O] [M] à payer à la Selarlu [H] avocats la somme de 49.915 euros TTC et 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Oralement, la Selarlu [H] a souligné n’avoir pas jusqu’ici rencontré de problèmes d’honoraires avec ce client. Elle a rappelé être intervenue pour la défense des intérêts de M. [O] [M] durant toute l’information judiciaire, dès la mise en examen en 2015, obtenant plusieurs résultats extraordinaires, comme faire récuser un juge d’instruction, faire condamner l’association Que choisir en diffamation, obtenir la mainlevée la saisine de deux millions ainsi que sur des dividendes pour 500.000 euros.

Cet avocat a expliqué que les relations avec son ancien client s’étaient subitement dégradées lorsque sa fille a été mise en examen, ce qu’il a très mal vécu alors qu’il voulait absolument qu’elle soit mise hors de cause. Il a décrit son client est un homme habile, classé parmi les premières fortunes françaises, qui s’était du jour au lendemain, retrouvé sans rien.

S’agissant des diligences contestées, il a expliqué avoir dû à la demande du client, qui n’avait pas écouté ses conseils, faire à la fois une demande en nullité et une note aux fins de non-lieu, ce qui avait impliqué de s’enfermer pendant trois semaines pour faire ces actes, dans un dossier tentaculaire qui représentait 50 tomes.

L’avocat a ajouté que son travail n’avait pas été surfacturé d’une minute et qu’il était déçu de la décision du bâtonnier qui avait réduit de moitié ses demandes, précisant ne pas avoir lui-même fait appel par lassitude et par ce qu’il trouvait que c’était très moche de faire des choses pareilles, même quand on s’est brouillé avec le client.

Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 23 mars 2023.

SUR CE

La présente ordonnance sera rendue contradictoirement entre les parties qui ont toutes deux comparu, étant représentées à l’audience.

Sur la régularité du recours :

En matière de contestation d’honoraires d’avocats, l’article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d’Etat.

Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, dont la section V est intitulée ‘Contestations en matière d’honoraires et débours’.

En cette matière, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144).

L’article 277 de ce décret prévoit en outre qu’ ‘Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret.’

C’est l’article 176 dudit décret qui prévoit la possibilité d’exercer un recours contre la décision du bâtonnier , son aliéna 1er énonçant : ‘La décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, qui est saisi par l’avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le délai de recours est d’un mois.’.

Ces dispositions ne font référence à aucune mention qui serait obligatoire, ni même à la nécessité d’une signature. Par ailleurs, l’exigence d’une signature manuscrite n’est pas rendue applicable par d’autres dispositions, au recours instauré en matière de contestation d’honoraires.

Au cas présent, le présent recours a été formalisé au moyen d’un courrier à en-tête du cabinet d’avocat Arnaud & Deconinck. Il a été adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception mentionnant le nom de l’expéditeur, soit Etienne Arnaud avocat. Aux termes du courrier, cet avocat précise écrire en qualité de conseil de M. [O] [M], défendeur à une procédure de taxation d’honoraires qui a fait l’objet de la décision datée du 23 avril 2021 et notifiée le même jour transmise en pièce jointe. Il y exprime clairement la volonté de celui-ci d’exercer le recours prévu à l’article 176 du décret précité à l’encontre de cette décision. Enfin, il est indiqué au bas dudit courrier le nom et la qualité de son auteur, soit ‘Etienne Arnaud avocat associé’.

Dans ces conditions, il apparaît que l’absence de signature manuscrite apposée sur le recours ainsi entrepris importe peu et n’entache pas sa régularité, dès lors que son existence n’est pas sérieusement contestable, ni l’identité de son auteur, soit celle l’avocat de M. [O] [M].

Il en découle que l’exception de nullité du recours sera rejetée et celui-ci déclaré recevable.

Sur les honoraires contestés :

Il sera rappelé qu’il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.

Le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ( cf. Cass. 2ème Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.271, 2ème Civ., 29 juin 2017, pourvoi n° 16-18.459 et 2ème Civ., 14 juin 2018, pourvoi n° 17-19.709).

Cependant, la saisine du bâtonnier de l’ordre des avocats implique l’existence préalable d’un différend portant sur le montant ou le recouvrement de l’honoraire, ce qui n’est pas le cas lorsque celui-ci a été payé librement et en toute connaissance de cause. Dans ces circonstances, le bâtonnier n’est pas fondé à réduire l’honoraire alors que son principe et son montant ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d’une convention.

Il en est encore ainsi lorsque le client n’a effectué qu’un règlement partiel de la facture d’honoraires et qu’il s’est engagé à payer le solde à l’issue d’un certain délai, puisque ce règlement partiel emporte acceptation de la facture après service rendu (cf. Cass. 2e Civ., 7 janvier 2010, pourvoi n° 08-13.180).

S’il entre dans les pouvoirs du bâtonnier, et sur recours, du premier président de la cour d’appel, saisis d’une demande de fixation des honoraires, de refuser de prendre en compte certaines diligences, encore est-il nécessaire pour ce faire de pouvoir constater leur inutilité manifeste. (cf. Cass. 2ème Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-10.787, Bull. 2016, II, n° 10 ; 2ème Civ., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-23.508, 2ème Civ., 3 mai 2018, pourvoi n° 17-16.131)

En outre, la procédure spéciale ainsi mise en ‘uvre n’étant applicable qu’aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats, le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client, qui résulterait d’un manquement à l’un quelconque de ses devoirs. Dès lors, ils ne peuvent pas être amenés à sanctionner un avocat à l’encontre duquel une faute est opposée. Ils ne peuvent pas davantage réparer un préjudice allégué par le client à raison du comportement de l’avocat.

”’

Saisi par courrier daté du 24 septembre 2020 émanant de la Selarlu [H] qui lui demandait de fixer ses honoraires dus par M. [O] [M] à hauteur de 57.193 euros toutes taxes comprises dont 7.998 euros avaient été réglés, le bâtonnier de l’ordre des avocats, après avoir recueilli les explications des parties, a rendu sa décision, à l’encontre de laquelle le présent recours a été formé, retenant notamment que :

‘Il appartient au Bâtonnier de statuer dans les limites de sa saisine, c’est-à-dire dans le cadre des honoraires facturés par la Selarlu [H] AVOCATS en Février et Novembre 2019, ainsi que de la demande reconventionnelle de Monsieur [M].

S’agissant de la facture de février 2019 d’un montant de 22.104 Euros TTC il est établi que Monsieur [M] a réglé la somme de 7.998 Euros, laissant ainsi subsister un solde de 14.106 Euros TTC.

Cette retenue s’expliquerait par compensation avec une somme d’un même montant perçue à tort par Maître [H] lorsqu’il a prélevé une somme de 53.624 Euros sur des fonds appartenant à Monsieur [M] et déposés sur un compte à la CARPA.

Ce prélèvement n’a pu intervenir qu’après que Monsieur [M] ait expressément donné son accord écrit.

Monsieur [M], homme d’affaires avisé ne peut utilement soutenir avoir été trompé, ou même surpris et ne saurait prétendre aujourd’hui contesté sa signature quelles qu’aient été les diligences que cet honoraire de 53.624 Euros TTC représentaient.

Ni la retenue qu’il a effectuée, ni la demande reconventionnelle qu’il formule quant au caractère excessif de cette somme de 53.624 Euros ne sauraient par conséquent être en l’état prises en compte.

S’agissant de la facture du 14 Novembre 2019 d’un montant de 35.809 Euros TTC, il est impossible de suivre totalement Maître [H] quant au temps de travail allégué.

Il apparaît excessif notamment de soutenir avoir consacré plus de 15 Heures à l’étude d’un dossier déjà largement connu, ou près de 100 heures à la rédaction d’actes demandant certes une grande attention mais ne présentant pas de difficultés exceptionnelles.

Le temps de travail allégué sera donc ramené de 141 heures et 10 minutes à 70 heures, soit 35 heures s’agissant de Maître [H] et 35 heures s’agissant de son collaborateur.

Les taux horaires allégués, soit 262 HT s’agissant de Maître [H] et 187 euros HT s’agissant de son collaborateur ne sont pas excessifs.

La demande de Monsieur [M] quant à la restitution des provisions versées dans le cadre d’affaires de presse relèvent de pures affirmations qui, en l’absence de toute explication ne sauraient être prises en compte.

CONCLUSION

A défaut de convention entre les parties, les honoraires sont fixés conformément aux dispositions de l’article 10 de la Loi du 31 Décembre 1971 et de celles de l’article 10 du décret du 12 Juillet 2005 en fonctions de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire des frais exposés ainsi que des diligences accomplies et vérifiées.

La retenue de 14.106 Euros TTC effectuée par Monsieur [M] sur la facture de Février 2019 n’est pas fondée.

Le temps de travail justifiant la facture du 14 Novembre 2019 est excessif et sera ramené à 70 Heures soit 35 heures effectuées par Maître [H] et 35 heures effectuées par son collaborateur.

Les taux horaires de 262 Euros HT s’agissant de Maître [H] et 167 Euros

HT s’agissant de son collaborateur ne sont pas excessifs.’.

”’

A hauteur d’appel, les parties réitèrent les demandes dont elles avaient respectivement saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats et auxquelles celui-ci a ainsi répondu.

L’essentiel du litige porte sur le règlement de deux factures n°2019/0010 du 14 février 2019 d’un montant de 22.104 euros, dont le reliquat est de 14.105,70 euros et n°2019/0057 du 14 novembre 2019 d’un montant de 35.809 euros. Ces factures concernent une mission d’assistance de M. [O] [M] faisant l’objet de poursuites au plan pénal.

Précédemment entre 2015 et 2018, M. [O] [M] a réglé 401.719,88 euros toutes taxes comprises à titre d’honoraires à son avocat (alors le cabinet Henri Leclerc) correspondant aux facture émises pour cette période. Pour 2019, le montant total des sommes facturées s’est élevé à 77. 221,30 euros, par la Selarlu [H] quia a succédé au cabinet Henri Leclerc, au sein duquel Me [H] exerçait.

Le litige concerne, par ailleurs, deux procédures respectivement initiées par M. [O] [M] contre le magazine l’Express, qui a donné lieu à la rédaction d’une plainte avec constitution de partie civile contre le directeur de la publication et deux journalistes, et contre la société France télévisions (Télématin), qui a fait l’objet d’une assignation à jour fixe devant le juge civil. Ces procédures ont donné lieu à l’émission des factures n° 2019-0002, n° 2019-0021 et n° 2019-0001.

Concernant la facture du 14 février 2019 d’un montant de 22.104 euros :

M. [O] [M] soutient de nouveau qu’il disposait d’un avoir auprès de son avocat pour lui avoir versé en juillet 2018 une somme de 53.624,40 euros au moyen d’un prélèvement qu’il a autorisé depuis un compte client ouvert auprès de la Caisse des règlements pécuniaires d’avocats.

Il ne conteste pas avoir dûment autorisé ce règlement à hauteur de 53.624,40 euros et précise qu’il s’agissait bien de régler ainsi diverses honoraires.

Néanmoins, de ses propres calculs, il soutient que ce versement excédait de 14.106 euros, ce dont il était débiteur à l’égard de son conseil.

Pour preuve de ses dires, il se réfère à un courriel qu’il a adressé le 25 février 2019 à la Me [H] (sa pièce n°1), dans les termes suivants :

‘De : [O] [M] [mailto: [Courriel 5]]

Envoyé : lundi 25 février 2019 15:46 À : ‘[Z] [H]’

Objet : Règlement des honoraires

Importance : Haute

Cher [Z],

Pour faire suite à votre dernière facture d’honoraires, je vous informe avoir envoyé ce jour un règlement légèrement modifié conformément à mes courriers du 27.08.2018 et du 3.09.2018 en copie ci-jointes. En effet vous vous étiez trompé sur les honoraires de Belgique et vous n’avez pas contesté ma rectification. Votre nouvelle facture de 22 104 € TTC est donc ramenée à :

22 104 € – 14 106 € = 7 998 € que je vous règle ce jour par chèque.

Et je n’ai pas déduit de vos honoraires la séance théâtrale organisée avec la Juge le dimanche 10 et lundi 11 juin 2018 et intitulée : “Vous avez demandé à être entendus ce jour, qu’avez-vous à déclarer ‘ ” C’est le dimanche 10 juin au soir que vous m’aviez envoyé votre déclaration par WhatsApp et j’ai remarqué le 11 au matin comment la juge se marrait lors de l’audition en écoutant votre déclaration.

Bonne journée

Amitiés

[O]’.

Si le courriel comporte une annexe détaillant les diligences facturées, les courriers visés en date des 27 août et 03 septembre 2019 ne sont pas communiqués.

En revanche, il résulte d’un courriel échangé entre les parties en date du 13 juillet 2018, que l’avocat avait bien réclamé à son client la même somme que celle que celui-ci a réglée et ce au titre du reliquat dû : ‘Pour récapituler : 18.000 (dossier [U])+ 13.000 ([C]) +6.667 ([W]) +17.020 (Belgique) = 54.687 ht – 10.000 soit 44.687 euros ht, ce qui correspond à 53.624,40 euros ttc. Si vous êtes d’accord, je vous fais parvenir le document à signer et les virements peuvent intervenir aussitôt.’.

Il se déduit en tout cas du courriel émanant de M. [O] [M], que celui-ci n’a pas contesté devoir les honoraires ainsi facturés au titre des diligences détaillées dont il avait connaissance et qu’il a effectué un règlement, fût-il partiel, après service rendu.

Il en résulte que toute contestation relative au montant de cette facture était irrecevable et que M. [O] [M] a échoué à démontrer qu’il aurait détenu une créance au titre d’un trop versé à son avocat.

Aussi, l’appréciation du bâtonnier sera-t-elle confirmée quant au solde restant dû à ce titre par M. [O] [M] à hauteur de 14.106 euros toutes taxes comprises.

Concernant la facture du 14 novembre 2019 d’un montant de 35.809 euros :

A l’appui de sa demande d’infirmation de la décision du bâtonnier à ce titre, M. [O] [M] fait valoir que dès le 18 novembre 2019, il a contesté devoir le montant facturé alors que certaines diligences étaient fantaisistes. Il explique qu’acculé, à quelques jours de l’expiration d’un délai de trois mois visé à l’article 175 du code de procédure pénale, il avait fini par valider le contenu de la note déposée auprès du juge d’instruction ainsi que celui de la requête en nullité.

Il considère que la motivation retenue par le bâtonnier est très sommaire, alors que celui-ci a divisé par moitié les 141 heures et 10 minutes facturées pour les ramener à 70 heures.

Il estime que s’agissant d’une information judiciaire suivie depuis le début par Me [Z] [H] et consultée à ce titre au fur et à mesure de son avancement pour un total de plus de 450 heures, l’absence de nouvelle pièce versée depuis, celui-ci ne pouvait pas revendiquer 45 heures d’étude du dossier. Il soutient qu’il est communément admis qu’un bon lecteur lit environ 80 pages par heure, en sorte que les 45 heures 20 facturées représenteraient donc environ la lecture de 3.624 pages de notes aux fins de non-lieu.

S’agissant des 74 heures 50 correspondant à la rédaction des observations aux fins de non-lieu qui lui ont été facturées pour 22.816,60 euros toutes taxes comprises. Il juge invraisemblable cette évaluation au titre d’un document de 24 pages, soit plus de 3 heures de travail par page, alors que la note contient trois pages de rappel des chefs de mise en examen, sept pages de présentation des faits et quatorze pages de discussion sur l’absence de charges, dont chacune d’entre elles contient au moins pour moitié un rappel in extenso des chefs de mise en examen et pour moitié une discussion juridique.

Il demande de réduire à douze heures, le temps passé pour ces diligences, réparties pour six heures par intervenant, soit 1.572 euros pour Me [Z] [H] (6 heures x 262 euros) et 1.122 euros pour Me [F] [P] (6 heures à 187 euros), soit un total de 2.694 euros hors taxes ou 3.232.8 euros toutes taxes comprises.

Concernant la rédaction de la requête en nullité, facturée pour un total de 19 heures 40 de travail, soit 7.833,20 euros toutes taxes comprises, M. [O] [M] estime ici aussi déraisonnable l’évaluation du temps passé dont il demande qu’il soit réduit à 4 heures pour chacun des deux intervenants, ce qui correspond en tout à 2.155,20 euros toutes taxes comprises.

Au total, il entend donc que le montant initial de 35.809 euros toutes taxes comprises soit ramené à la somme de 5.388 euros toutes taxes comprises.

”’

La Selarlu [H] souligne que M. [O] [M] a, par courriel du 07 janvier 2020 , d’ores et déjà acquiescé à un paiement de 9.252 euros visant sa pièce n° 10, page 4.

Elle relève que son client a non seulement validé les deux notes ayant donné lieu à cette facturation mais a aussi tenu à en remercier son avocat.

Elle explique que son client n’a pas été acculé à ce faire mais qu’il a même pu effectuer quelques corrections et ajouts qui ont été intégrés dans la version finale de la note.

La Selarlu [H] indique avoir consacré l’essentiel de son temps au dossier pénal de [O] [M] durant la période qui fait l’objet de la facturation.

Elle précise qu’à partir du mois d’août 2019 plusieurs notes aux fins de non-lieu avaient été déposées par les conseils des autres mis en examen, nécessitant une lecture attentive et que de nombreuses nouvelles plaintes de victimes étaient également apparues dans les cotes ” V ” lors de cette période.

Elle observe qu’un temps de 16 heures 25, sur un mois, ne représente qu’une demi-heure à trois quarts d’heure par jour ouvré, ce qui constitue un minimum parfaitement justifié notamment par la nécessité de connaître précisément les derniers développements avant la rédaction des observations aux fins de non-lieu et d’une requête en nullité d’un acte de procédure.

Sur la rédaction des observations aux fins de non-lieu, la Selarlu [H] souligne le caractère monumental de l’information judiciaire qui nécessite forcément un temps d’élaboration conséquent, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de contester point par point l’existence de charges pour six infractions distinctes.

Elle rappelle que l’impact d’un argumentaire se mesure à sa pertinence et non pas à son volume, la note exposant des arguments déterminants et inédits, que l’on ne retrouve dans aucune des notes déposées par les autres mis en cause.

Enfin, la Selarlu [H] considère que c’est dès lors à tort que la décision entreprise a réduit arbitrairement de moitié le temps facturé.

Concernant la requête en nullité, la Selarlu [H] souligne que M. [O] [M] l’a qualifiée de ‘parfaite’, alors que destinée à dénoncer la partialité du magistrat instructeur tout au long de l’instruction, elle était stratégiquement déterminante. Selon la Selarlu [H], elle a nécessité un travail important justifiant pleinement 20 heures de diligences correspondant à l’analyse d’un courrier adressé par le juge d’instruction à l’ensemble des parties civiles, et à l’élaboration d’une argumentation solide sur un sujet particulièrement sensible.

”’

Il convient d’observer qu’en effet aucune convention conforme aux exigences des dispositions précitées de l’article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa version applicable à l’espèce n’est produite.

Reste que dans une telle hypothèse, comme cela a été rappelé ci-avant, il y a lieu de se prononcer sur les honoraires contestés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

Alors que l’évaluation qui doit être ici effectuée ne doit porter que sur le seul le travail réalisé et l’adéquation de celui-ci avec la nature et l’importance du dossier, force est de constater que la note et la requête ayant donné lieu à la facturation critiquée sont intervenues au terme d’une information conduite pendant cinq ans, dans une affaire particulièrement complexe et délicate.

Force est encore de constater que M. [O] [M] critique le détail des diligences facturées et l’appréciation qu’en a fait le bâtonnier de l’ordre des avocats, en se bornant essentiellement à procéder par voie d’affirmations.

En revanche, le taux horaire pratiqué par la Selarlu [H] n’est pas critiqué et apparaît pour chacun des avocats concernés effectivement très raisonnable, en considération de leur expérience et de leur notoriété.

Par ailleurs, les éléments soumis par la Selarlu [H] pour remettre en cause l’évaluation faite parle bâtonnier de l’ordre des avocats du temps passé ne peuvent pas davantage être retenus au vu des pièces produites, alors que celui-ci a retenu de façon pertinente et raisonnable, un volume global de 70 heures réparties par moitié entre les deux avocats intervenants, ce qui correspond à 18.018 euros toutes taxes comprises à ce titre.

De ce qui précède, il résulte que l’appréciation du bâtonnier doit être confirmée quant au montant des honoraires dus à ce titre.

”’

Concernant les factures n° 2019-0001, n° 2019-0002 et n° 2019-0021 :

M. [O] [M] expose avoir réglé deux factures provisionnelles de 6.000 euros chacune, lesquelles n’ont pas fait l’objet d’une régularisation listant les diligences réellement effectuées.

Il observe que dans le dossier ” Lhéritier c. Télématin “, une troisième facture d’un montant de 6.000 euros toutes taxes comprises a été établie sans qu’elle fasse mention de la provision versée deux mois plus tôt et sans le moindre justificatif de diligences.

Il demande, à titre reconventionnel, le remboursement de la somme de 12.000 euros.

”’

En réponse, M. [O] [M] s’oppose à la demande de M. [O] [M] alors que celui-ci a choisi de payer deux forfaits de 12.000 euros TTC, payables en deux fois 6.000 euros pour chacune de ces procédures de droit de la presse dans lesquelles il était demandeur.

Elle précise que les diligences accomplies pour ces deux procédures et indique qu’il était convenu que l’assignation d’une part et la plainte avec constitution de partie civile d’autre part feraient chacune l’objet d’un premier paiement de 6.000 euros, les audiences de plaidoiries et le travail préparatoire dans chacun de ces dossiers devant donner lieu à un second paiement de 6.000 euros.

S’agissant du dossier Télématin, la Selarlu [H] indique que la seconde facture de 6.000 euros a été réglée sans aucune opposition par son client à la clôture du dossier, conformément au forfait convenu par mail le 04 décembre 2018, se référant à sa pièce n°12.

”’

Il convient d’observer qu’en effet aucune convention conforme aux exigences des dispositions précitées de l’article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa version applicable à l’espèce n’est produite.

Reste que dans une telle hypothèse, comme cela a été rappelé ci-avant, il y a lieu de se prononcer sur les honoraires contestés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

Il apparaît que deux procédures distinctes entreprises par M. [O] [M] contre des organes d’information ont effectivement donné lieu à l’émission des factures n° 2019-0002 ‘[M] – Télématin’ (Demande de provision) en date du 07 janvier 2019 et n° 2019-0021 du 29 mars 2019 ‘[M] – Télématin’ , toutes deux à hauteur de 6.000 euros toutes taxes comprises. En outre, a été établie une autre facture n° 2019-0002 ‘[M] – L’Express’ (Demande de provision) en date du 07 janvier 2019 à hauteur de 6.000 euros toutes taxes comprises est produite.

Toutes ces trois factures comportent la mention ‘payé’ et il n’est pas discuté qu’elles ont été acquittées sans réserves par le client.

Il résulte d’un échange de courriels entre M. [O] [M] et son avocat, que celui-ci a le 04 décembre 2018 effectivement exprimé son accord sur le principe de ces honoraires à hauteur de 24.000 euros en tout.

M. [O] [M] explique sa demande de restitution par le fait qu’il n’aurait pas été effectué au vu détail des diligences accomplies. Reste qu’il n’est pas sérieusement contesté que la procédure dans le dossier Télématin a été menée à terme et a donné lieu de sa part au paiement de 12.000 euros toutes taxes comprises sans aucune réserve, après service rendu, conformément à l’accord intervenu sur un forfait de ce montant.

En revanche, s’agissant de la seconde procédure concernant le dossier contre le journal l’Express, la seule pièce versée au débat est la facture de provision acquittée à hauteur de 6.000 euros. Il n’est produit aucun justificatif des diligences accomplies à ce titre. Dans ces conditions, cette somme devra être restituée à M. [O] [M].

Il résulte de ce qui précède que le solde restant dû par M. [O] [M] doit être ramené à 26.124 euros toutes taxes comprises [( 14.106+18.018) ‘ 6.000].

Dès lors, la décision du bâtonnier sera infirmée afin de prendre en compte le solde réel restant dû par M. [O] [M] à la Selarlu [H] comme s’établissant à 26.124 euros toutes taxes comprises, somme au paiement de laquelle M. [O] [M] sera donc condamné, celle-ci étant assortie des intérêts dans les conditions définies au dispositif.

”’

Sur les demandes accessoires :

Les dépens seront mis à la charge de M. [O] [M] qui a échoué pour l’essentiel de son recours.

Par ailleurs, il n’est pas contraire à l’équité de laisser les frais irrépétibles à la charge des parties.

Il y a lieu de rejeter le surplus des demandes

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,

Déclare recevable le recours interjeté par M. [O] [M] ;

Infirme la décision déférée,

statuant à nouveau,

Condamne M. [O] [M] verser à la Selarlu [H] la somme de 26.124 euros toutes taxes comprises, au titre du solde des honoraires restant dus, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de notification de la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats;

Condamne M. [O] [M] aux dépens;

Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;

Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

 


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