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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 06 AVRIL 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2023, 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00294 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYGY
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Monsieur [YE] [P]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Madame [C] [YE]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentés par Me Géraldine VALLAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1532
Demandeurs au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Maître [M] [EK]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Stéphane LATASTE, avocat au barreau de PARIS, toque : J086
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 09 Mars 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 06 Avril 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Par un courrier daté du 15 octobre 2020, adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, Me [M] [EK] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris d’une demande de fixation d’honoraires en en exposant les éléments, dans les termes suivants :
‘Dans cette affaire, Madame [C] [YE] m’a confié la défense de ses intérêts, sur la vive recommandation de Monsieur [I] [T], psychothérapeute.
Dans un premier temps, Madame [C] [YE] devait régler la succession de sa mère, mais se trouvait en conflit avec sa propre fille, titulaire de la quotité disponible de par testament de sa grand-mère.
II s’agissait de renouer un dialogue, qui permettait de trouver un accord sur le règlement de la succession, l’estimation d’une maison à [Localité 7] et la vente de cette maison confiée à des agences immobilières.
Je suis parvenue à trouver un consensus, avec le concours de mon confrère, Maître [PI] [L], avocat à la cour de Versailles, au cours d’entretiens téléphoniques, par des correspondances et lors d’un rendez-vous contradictoire, le 9 octobre 2020, dans la maison de [Localité 7], en présence de toutes les parties.
Un accord a pu être trouvé sur le fondement d’une mise en vente de la maison par un mandat de vente à deux agences. Ce bien constitue le principal actif de la succession.
Dans un deuxième temps, Monsieur et Madame [YE] m’ont fait part d’une difficulté relative à leur changement de régime matrimonial de séparation de biens, en communauté universelle, confié à Maître [K] [WJ], notaire à [Localité 8], qui n’avait pas terminé les formalités de cette procédure, depuis plus de deux ans.
Grâce à mes interventions auprès de Maître [K] [WJ] tant téléphoniques qu’écrites, le changement de régime matrimonial des époux [YE] est maintenant effectif. Je joins à ce dossier l’acte de mariage, portant transcription du changement de régime matrimonial.
Dans un troisième temps, Madame [C] [YE] m’a fait part d’un litige
concernant la succession de sa tante, Madame [F] [O].
Elle m’a demandé de suivre cette affaire, qui n’était pas encore contentieuse, mais elle était en conflit avec ses cousins germains.
Je suis donc intervenue auprès des différents notaires, des cohéritiers, des agences immobilières
J’ai assisté le 25 juin 2020, à l’inventaire du mobilier et à l’estimation par des agences immobilières de l’appartement.
A ce jour, toutes les difficultés ont été aplanies, puisque les héritiers ont trouvé un consensus et l’acte de notoriété a été établi.
Les mandats de vente peuvent être signés et le versement d’une assurance-vie est à demander.
Je précise qu’à la demande de Monsieur [I] [T], psychothérapeute, qui m’avait décrit la situation financière difficile de Monsieur et Madame [YE], j’ai proposé une convention d’honoraires, fixant à 200 € HT mon honoraire au temps passé, ainsi qu’un honoraire de résultat de 15% du prix de vente de l’immeuble situé à [Localité 7] . Monsieur et Madame [YE] ont signé la convention d’honoraires datée du 29 janvier 2019, ainsi que mes conditions générales.
Je précise que compte tenu de mon ancienneté et de mon expérience, ce taux horaire est extrêmement faible et qu’à ce jour, je n’ai demandé aucun honoraire depuis le début de ce dossier.
Monsieur et Madame [YE] ont décidé de mettre fin à ma mission, par courrier électronique du 12 octobre 2020.
Ainsi, je vous saisis afin de voir fixer le montant de mes frais et honoraires.
Je reste à votre entière disposition pour tout renseignement complémentaire.’.
”’
Après avoir recueilli les observations des parties, par décision rendue le 25 mai 2021, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris a :
‘ fixé à la somme de neuf mille (9.000) euros hors taxes, le montant total des honoraires dus à Me [M] [EK] par M. et Mme [YE],
‘ condamné en conséquence M. et Mme [YE] à verser à Me [M] [EK] la somme de 9.000 euros hors taxes, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, outre la T.V.A. au taux de 20 %, la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ débouté les parties de toutes autres demandes, plus amples complémentaires,
‘ prononcé l’exécution provisoire de la décision.
”’
Cette décision a fait l’objet d’une notification par voie postale dont les époux [YE] ont accusé réception le 27 mai 2021.
Suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception postée le 27 mai 2021, le conseil des époux [YE] a formé, auprès du Premier président de cette cour, un recours à l’encontre de ladite décision.
Des convocations ont été adressées le 09 décembre 2022 aux parties par le greffe afin qu’elles comparaissent à l’audience du 09 mars 2023.
”’
Représentés lors de ladite audience, les époux [YE] ont fait plaider qu’ils demandaient le bénéfice de leurs conclusions écrites remises au greffe le 09 mars 2023, aux termes desquelles ils sollicitent de cette juridiction qu’elle infirme partiellement la décision entreprise, et statuant à nouveau :
‘ à titre principal, juge qu’il n’y a pas lieu au versement d’honoraires à Me [M] [EK] compte tenu de l’absence de toute justification par celle-ci;
‘ à titre subsidiaire, fixe à la somme de 3.600 euros hors taxes le montant total des honoraires dus par eux à Me [M] [EK];
‘ en tout état de cause, condamne Me [M] [EK] à leur payer la somme de 3.600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de leurs demandes, ils ont précisé avoir signé la convention d’honoraire qui prévoyait un honoraire de résultat de 15% et portait sur la vente d’un appartement, après avoir refusé de signer un premier projet de convention comportant un honoraire de résultat de 30 %.
Ils ont fait observer qu’il y avait eu trois missions dans ce dossier alors que l’avocate était intervenue un peu partout sans qu’on le lui demande.
Ils ont fait valoir qu’il n’y avait eu aucun relevé de diligences sauf à la fin, un an après l’exécution des diligences prétendues, et sans qu’il soit précis.
Ils ont souligné l’incohérence entre la réalité des diligences effectuées et la fiche de temps passé considérant qu’il était inadmissible de facturer autant. Ils sont contesté certaines diligences qui n’avaient servi à rien et pour lesquelles l’avocate n’était pas missionnée.
Au final, ils ont demandé que le temps de travail soit diminué de moitié étant donné que la majorité des diligences n’avaient pas été exécutées, soit à 18 heures de diligences effectives correspondant à un solde d’honoraires de 3.600 euros hors taxes. Ils ont précisé qu’une plainte pénale pour abus de faiblesse ou abus de confiance avait été déposée. Concernant l’honoraire de résultat, rejeté en première instance, ils ont sollicité la confirmation de la décision du bâtonnier sur cet aspect.
En réponse, lors de la même audience, Me [M] [EK], représentée par son conseil, a fait demander la confirmation de la décision du bâtonnier, la reconnaissance du principe du droit à un honoraire de résultat restant à fixer au moment de la réalisation de la vente immobilière, la condamnation des époux [YE] à lui payer une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Me [M] [EK] a fait observer qu’elle avait une ancienneté de 45 ans de barreau et avait été recommandée par un ami d’amis qui est psychothérapeute, alors qu’il existait un conflit familial intense entre la fille et ses parents. Elle a indiqué qu’une deuxième difficulté, au titre d’un changement de régime matrimonial, qui devait être dénoncé aux héritiers s’était présentée alors que la fille de ses clients était partie vivre en Inde et ne voulait plus avoir aucun contact avec ses parents.
Elle a précisé avoir sollicité un taux horaire réduit de 250 euros malgré son ancienneté mais avoir, en contrepartie, demandé un honoraire de résultat de 15 %, et s’est référée à la clause de dessaisissement contenue dans la convention d’honoraire
Elle a décrit diverses diligences, comme d’avoir organisé toutes les réunions avec le commissaire-priseur, toutes étant entièrement reprises et détaillés dans le tableau produit.
Elle a souligné que pendant presque un an, les clients n’avaient pas tari d’éloges.
Relevant que tant que l’immeuble ne serait pas vendu, elle ne serait pas payée, elle a demandé qu’il soit dit que l’honoraire de résultat était dû sur la base de 15% du fruit que Mme [YE] retirera de la vente.
Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 06 avril 2023.
SUR CE
La présente décision sera rendue contradictoirement entre les parties, toutes deux comparantes à l’audience.
En matière de contestation d’honoraires d’avocats, l’article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d’Etat.
Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, dont la section V est intitulée ‘Contestations en matière d’honoraires et débours’.
En cette matière, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144). L’article 277 de ce décret prévoit en outre qu’ ‘Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret.’.
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
En effet, selon l’article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable à l’espèce, ‘Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.’
Toutefois, le dessaisissement de l’avocat avant la fin du litige rend, en principe, inapplicable la convention d’honoraires initialement conclue, en sorte les honoraires dus pour la mission effectuée doivent alors être fixés selon les critères définis à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, sous réserve, le cas échéant, des stipulations de la clause de la convention d’honoraires prévoyant la rémunération de l’avocat en cas de dessaisissement (Cf . Cass. 2ème Civ., 7 avril 2011, pourvoi n°10-17069).
En outre, la procédure spéciale ainsi mise en ‘uvre n’étant applicable qu’aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats, le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client, qui résulterait d’un manquement à l’un quelconque de ses devoirs.
Dès lors, ils ne peuvent pas être amenés à sanctionner un avocat à l’encontre duquel une faute est opposée. Ils ne peuvent pas davantage réparer un préjudice allégué par le client à raison du comportement de l’avocat. Il en est notamment ainsi alors qu’est allégué un manquement de l’avocat à ses obligations d’informer sa cliente ( cf. Cass. 2ème Civ., 6 mai 2010, Bull. n 87 ; 2ème Civ., 10 juin 2010, n°09-11.914 ; 2ème Civ., 26 mai 2011, n° 10-12.728 ; 2ème Civ., 4 octobre 2012, n°11-23.642 , 2ème Civ., 6 mars 2014, n°13-15.513).
De même, le juge de l’honoraire n’a pas le pouvoir d’apprécier le bien-fondé des diligences effectuées par l’avocat, sauf s’il est démontré que celles-ci auraient été manifestement inutiles.
”
Il apparaît que le recours formé par les époux [YE] est recevable, pour avoir été intenté dans le délai requis, soit celui d’un mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier attaquée, conformément aux prévisions de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 précité.
”’
Saisi par le courrier de Me [M] [EK] visé supra, le bâtonnier de l’ordre des avocats, après avoir recueilli les explications des parties, a rendu sa décision, à l’encontre de laquelle le présent recours a été formé, en retenant exactement :
‘Constate qu’il existe une convention d’honoraires signée le 29 janvier 2020.
Constate qu’il n’est pas démontré que cette convention vienne en remplacement d’une précédente convention.
Constate également contrairement à ce que soutiennent les époux [YE] qu’ils ont bien chargé Maître [EK] de suivre les opérations du règlement de la succession de la tante de Madame [YE] – mails des 18/06,25/06,26/06, pouvoir du 910/2020, et qu’on ne peut pas considérer, comme ils le font, que Maître [EK] s’est emparée de ce dossier.
Constate en ce qui concerne le changement de régime matrimonial, qu’il est incontestable que Maître [EK] est intervenue pour débloquer une situation qui était enlisée depuis plus d’une année, en raison du conflit sévère existant entre la mère et la fille, et du fait que Madame [YE], tout comme le notaire, ignorait l’adresse de sa fille, en sorte qu’il était impossible de poursuivre les formalités; l’intervention de Maître [EK] auprès du notaire – pour obtenir les renseignements nécessaires afin de convaincre l’avocat de la fille de la nécessité de communiquer son adresse, pour que les notifications légales puissent lui être faites, a été déterminante et a pu faire aboutir le dossier, ainsi qu’il résulte de l’acte de mariage
des époux, comportant la transcription du nouveau régime matrimonial à la date du 7/10/2020.
Considère donc que les arguments soutenus sur l’inutilité des diligences ne sont donc pas pertinents.
Constate enfin, en ce qui concerne les opérations de règlement de la succession de la mère de Madame [YE], qu’après avoir assuré Maître [EK] de leur grande reconnaissance, et l’avoir laissé ‘uvrer dans leur intérêt, sans bourse délier, et suivre les opérations d’expertise, Madame [YE] – critiquant lors du dernier rendez-vous la collaboratrice de l’avocat de sa fille- et alors que tout était enfin organisé pour permettre la vente de la maison de [Localité 7], a mis brutalement fin à la mission de son avocat, en sorte que le dossier est revenu à son état initial, et qu’il est frappant de constater que Madame [YE] a eu la même attitude en ce qui concerne le refus de donner mandat pour la vente de l’appartement dépendant de la succession de sa tante.
Considère en cet état qu’il est trop facile de mandater un avocat, qui prend en compte la situation économique de son client, et le facture sur la base d’un taux horaire particulièrement raisonnable, de bénéficier de surcroît de sa délicatesse, puisqu’il accepte de ne demander le paiement de ses honoraires qu’à l’achèvement du dossier, et quand cet événement est enfin sur le point d’aboutir, de le révoquer en contestant les diligences que l’on a approuvées, en mettant en cause sa probité et en contestant tout ce qui a été fait, tous les temps passés et en n’hésitant pas à déposer plainte pénale contre lui pour abus de confiance et escroquerie.
Considère au vu des documents versés aux débats, des feuilles de temps, de la justification des diligences , qu’il y a éléments suffisants pour apprécier et fixer les honoraires de diligences dus à Maître [EK] par Monsieur et Madame [YE], à la somme de 9.000 € HT, correspondant à 45 heures , l’heure et demie consacrée à la préparation du dossier pour fixation des honoraires, n’a pas à être prise en compte, et les condamne en conséquence au paiement de cette somme, paiement qui sera assorti de la TVA au taux de 20%.
Considère, sur la demande provisionnelle formée au titre de l’honoraire de résultat, que la vente de l’immeuble de [Localité 7] n’ayant pas à ce jour été réalisée, Il ne peut donc être statué en l’état sur cette demande.
Considère que l’attitude des époux [YE] a conduit Maître [EK], qui s’est fait assister dans cette procédure, à exposer des frais irrépétibles qui seront appréciés à la somme de 2.000 €, et que les époux [YE] seront en conséquence condamnés au paiement de cette somme, par application des dispositions de l’article 700 du CPC.’.
”’
Sur la convention d’honoraires conclue entre les parties :
Il résulte de diverses correspondances produites au débat que Me [M] [EK] s’est vue confier par les époux [YE] la défense de leurs intérêts notamment à l’effet de les assister pour dénouer un litige familial, régler une succession, et réaliser des biens immeubles.
La convention signée entre les parties en date du 29 janvier 2020 prévoit un honoraire fixe, déterminé en fonction du temps passé et d’un taux horaire de 200 euros hors taxes, outre un honoraire de résultat ainsi défini : ‘A l’issue de la vente du bien immobilier situé à [Localité 7], Maître [M] [EK] demandera un complément d’honoraires de 15 % HT du prix de vente de cet immeuble, étant rappelé que le litige porte sur la vente de ce bien indivis.’.
Reste que les parties s’accordent sur le fait que l’avocat a été dessaisi par ses clients, avant le terme de sa mission, alors que la convention stipule spécialement en cas de dessaisissement la clause suivante :
‘Dans l’hypothèse où Monsieur et Madame [YE] souhaiteraient dessaisir et transférer leur dossier à un autre avocat, ces derniers s’engagent, à régler sans délai les honoraires, ainsi que les frais, débours et dépens dus pour les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement.
A défaut d’accord sur le montant de l’honoraire complémentaire de résultat dû malgré le dessaisissement, les parties sont convenues de s’en remettre à l’arbitrage du Bâtonnier de l’ordre des avocats à la Cour d’Appel de PARIS dans les conditions prévues par l’article ci-dessous: ” contestations “.’.
Sur la fixation de l’honoraire de diligence :
Compte tenu des dispositions de la convention, il y a lieu de prendre en compte les diligences que Me [M] [EK] justifie avoir effectuées par pour le compte de ses clients, étant observé que ceux-ci contestent l’importance du temps passé revendiqué par leur avocate.
L’évaluation qui doit être effectuée à ce titre doit porter sur le travail effectivement réalisé en adéquation avec la nature et l’importance du dossier, pour apprécier le temps qui, raisonnablement, devait y être consacré.
Selon une note de frais établie en date du 15 octobre 2020, Me [M] [EK] décrit comme suit ses diligences :
o Étude des trois dossiers :
[YE] c/ [G] [YE]
[YE] changement de régime matrimonial
[YE] c/ Succession [O]
o Rendez-vous au Cabinet des :
– 9 décembre 2019
– 18 février 2020
– 17 juin 2020
o Démarches auprès des notaires :
– Maître [K] [WJ], notaire à [Localité 8], pour le changement de régime matrimonial;
– Maître [J] [E], notaire à [Localité 6], pour le règlement de la succession de Madame [O].
– Maître [W] [SU], notaire à [Localité 7], pour obtenir les actes de notoriété et de succession de Monsieur [I] [O] et de Madame [A] [O]
– Maître [U] [IR], notaire à [Localité 4], pour le suivi de la succession de Madame [F] [O]
o Démarches auprès des agences immobilières pour l’estimation du bien de [Localité 4]:
[MX] [Z], [Y] [B]
[N] [V], Paris-Neuilly-Immobilier
o Rendez-vous contradictoire dans l’appartement : [Adresse 3] avec les cohéritiers de la succession de [S], les agences immobilières et prisée du commissaire-priseur.
o Rendez-vous contradictoire dans la maison : [Adresse 1], avec Madame [G] [YE], Maître [D] [X], collaboratrice de Maître [PI] [L], trois agences immobilières.
o Correspondances avec :
Monsieur et Madame [YE]
Monsieur [CH] [O]
Maître [K] [WJ], notaire
Maître [J] [E], notaire
Maître [W] [SU], notaire
Maître [U] [IR], notaire
Maître [PI] [L], avocat
Madame [MX] [Z], agent immobilier
Monsieur [N] [V], agent immobilier.
HT: 200 € x 46,5 heures : 9.300 euros
TVA 20 % : 1.800 euros
TOTAL TTC : 11.160 euros.
Aux termes de la fiche de diligences renseignée par Me [M] [EK] lors de la saisine du bâtonnier de l’ordre des avocats, celle-ci a fait notamment état des élements suivants :
‘ Nombre d’années d’exercice: 45 ans
‘ Mention d’un certificat de spécialisation ou d’un champ de compétence : Droit fiscal, Droit immobilier, Droit des personnes
‘ Type de dossier traité et/ou nature de l’affaire (juridique – judiciaire) : juridique
‘ Montant du litige :
‘1.800.000 euros (valeur de l’appartement de [Localité 4])
‘ + 400.000 euros (montant de la valeur de la maison indivise de [Localité 7])
‘ + 800.000 euros (montant de deux assurances-vie souscrites auprès de la CNB par Madame [F] [O])
3.000.000 euros
‘ Difficultés de l’affaire : …
‘ Rendez-vous (nombre et durée) :
9 décembre 2019 : 2 heures
18 février 2020 : 1 h 30
17 juin 2020 : 3 h 30
Durée totale: 7 heures
‘ Entretiens téléphoniques : (nombre et durée)
16 entretiens téléphoniques :
Durée totale : 7,65 heures
‘ Lettres adressées et reçues :
Lettres adressées: 44
Lettres reçues: 148
‘ Examen du dossier, recherches (type, nombre et durée) :
Examen des différends échanges entre les parties, les notaires, Maître [W] [SU], Maître [K] [WJ], Maître [R] [E], Maître [U] [IR], les documents transmis par ces derniers
Autres diligences : judiciaires :
Travaux écrits en judiciaire (assignations, conclusions, …) : Procédures (1ère instance, incidents, appel):
Visites en prison (nombre et durée) : 0
Audiences (nombre, durée, incidents plaidoiries) : 0
Démarches diverses : (nombre et durée) (instructions, expertises…) :0.
Autres diligences : juridiques (préciser leur type et leur nature) :
Etude de l’ensemble des actes transmis par les notaires (actes de succession, actes de elle
notoriété, procurations)
Démarches auprès de plusieurs agences immobilières.
Rendez-vous contradictoire entre les parties et les agences immobilières, le commissaire-priseur dans l’appartement de [Localité 4], le 25 juin 2020.
Rendez-vous entre les parties, Maître [PI] [L], les agences immobilières dans la maison de [Localité 7], le 9 octobre 2020.’.
Me [M] [EK] produit aussi un tableau récapitulatif des correspondances échangées par voie électronique entre les protagonistes, une fiche détaillée des temps passés ventilés par diligences, l’acte de mariage des époux [YE] comportant la retranscription en date du 07 octobre 2020 de leur acte de changement de régime matrimonial reçu le 31 octobre 2018, une copie du testament de feue [H] [O], divers courriels échangés avec des notaires et agents immobiliers.
Force est de constater qu’à hauteur d’appel, comme devant le délégataire du bâtonnier, les époux [YE] n’ont pas sérieusement remis en cause la réalité des diligences accomplies, se bornant à procéder par voie de simples affirmations, sans verser le moindre élément susceptible d’étayer leurs critiques.
Au contraire, compte tenu de l’ensemble des pièces produites à hauteur d’appel, lesquelles corroborent le relevé des diligences et sont conformes à la complexité de l’affaire, le temps passé par Me [M] [EK] à hauteur de 45 heures retenu par le bâtonnier de l’ordre des avocats, doit être considéré comme parfaitement raisonnable, alors que celui-ci a fait une exacte appréciation des faits et documents de l’espèce et a appliqué l’accord des parties quant au taux horaire convenu.
De ce qui précède, il résulte que la décision du bâtonnier doit recevoir confirmation de ce chef.
Sur la demande au titre de l’honoraire de résultat :
Il résulte de l’article 10 alinéa 5 de ladite loi, dans sa rédaction issue de la loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 applicable à la cause que : ‘Toute fixation d’honoraires, qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire, est interdite.
Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu’.
Lorsqu’il est ainsi défini en fonction du résultat, l’honoraire ne peut, pour cette raison précisément qu’il est indissociable du résultat obtenu, et aux termes d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, être réclamé que lorsqu’il a été mis fin à l’instance ‘par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable’ (2 Civ. : 25 octobre 2018, pourvoi n° 17-24.085 – 4 février 2016, pourvoi n° 14-23.960 – 10 juillet 2008, pourvoi n° 07-16.173 -13 septembre 2007, pourvoi n° 06-20.161 – 10 novembre 2005, pourvoi n° 04-15.661, Bull., II, n 285 – 10 mars 2004, pourvoi n°01-16.910).
Ainsi, l’honoraire de résultat prévu par la convention ne se comprend que si le résultat défini par la convention est définitif. Il n’est dû à l’avocat que lorsqu’il a été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, à la fin d’une négociation ou dans les conditions prévues par la convention. Tel n’est pas le cas d’une condamnation provisionnelle ou d’un jugement assorti de l’exécution provisoire ou d’une décision, même revêtue de l’exécution provisoire s’il en est interjeté appel.
Au cas présent, il résulte de la convention que l’honoraire de résultat ne sera dû qu’ ‘A l’issue de la vente du bien immobilier situé à [Localité 7] (Essonne)’ et qu’à ‘A défaut d’accord sur le montant de l’honoraire complémentaire de résultat dû malgré le dessaisissement, les parties sont convenues de s’en remettre à l’arbitrage du Bâtonnier de l’ordre des avocats à la Cour d’Appel de PARIS dans les conditions prévues par l’article ci-dessous: ” contestations “‘.
Il est constant que la vente du bien concerné n’est pas encore intervenue.
Le bâtonnier de l’ordre des avocats a estimé devoir écarter la demande provisionnelle formée au titre de l’honoraire de résultat, alors que la vente de l’immeuble de [Localité 7] n’ayant pas à ce jour été réalisée, il ne pouvait donc être statué en l’état sur cette demande.
En effet, de ce qui précède, il résulte que la demande fondée sur l’honoraire de résultat ne pouvait être, en l’état, que réservée.
La décision du bâtonnier sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires :
Les dépens seront mis à la charge des époux [YE] [YE], parties perdantes.
En équité et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, il n’est pas justifié d’allouer d’indemnité au titre des frais irrépétibles.
Il y a lieu de rejeter le surplus des demandes
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Condamne les époux [YE] aux dépens ;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE