Responsabilité de l’Avocat : 11 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00571

·

·

Responsabilité de l’Avocat : 11 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00571
Ce point juridique est utile ?

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ARRET DU 11 AVRIL 2023

(N° /2023, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00571 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2YB

Décision déférée à la Cour : Décision du 07 Décembre 2020 -Bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 5] – RG n° 21/330861

APPELANT

Monsieur [U] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Yasmina BEN ECHEYKH, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Maître Stéphanie ORBEC-BARTHE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Comparante en personne, assistée de Me Valérie SCHNEIDER MACOU, avocat au barreau de PARIS, toque : G0040

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Laurence CHAINTRON, Conseillère à la cour d’appel de Paris, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M Michel RISPE, Président de chambre

Mme Laurence CHAINTRON, Conseillère

Mme Sylvie FETIZON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Eléa DESPRETZ

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Michel RISPE, Président de chambre et par Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors du prononcé.

****

A compter de l’année 2016, Me [N] [X] a été le conseil régulier de M. [U] [T], tant à titre personnel, qu’à titre professionnel en sa qualité de dirigeant de plusieurs sociétés.

Me [X] était également le conseil de Mme [Y] [L], sa conjointe, et de M. [W] [T], son fils, dans le cadre de la gestion de leurs différentes société familiales, notamment, la société CPC, la SCI [Adresse 4] et la société Samplus.

Dans le cadre de la gestion de ces dossiers, l’avocate avait mis en place un document google drive qui permettait à ses clients de suivre leurs dossiers, et notamment, les diligences accomplies, l’état des procédures en cours et le montant des honoraires facturés.

Au mois de janvier 2020, les consorts [T] et leurs diverses sociétés ont dessaisi Me [X] de l’ensemble des dossiers confiés.

Dans le présent litige qui concerne uniquement M. [U] [T], aucune convention d’honoraires n’a été signée entre les parties.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 7 avril 2020, Me [X] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris d’une demande en fixation de la totalité de ses honoraires à hauteur de la somme de 1 830 euros HT.

Par décision contradictoire rendue le 7 décembre 2020, le délégué du bâtonnier a :

– fixé à la somme de 1 830 euros HT (mille huit cent trente euros hors taxes) le montant total des honoraires dus à Me [X] par M. [T] ;

– condamné en conséquence M. [U] [T] à verser à Me [X] la somme de 1 830 euros HT (mille huit cent trente euros hors taxes) avec intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 30 janvier 2020, outre la TVA au taux de 20 %, ainsi que les frais d’huissier de justice, en cas de signification de la décision ;

– débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

– prononcé l’exécution provisoire de la décision.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception en date du 08 décembre 2020.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 décembre 2020, le cachet de la poste faisant foi, M. [T] a formé un recours contre la décision précitée.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 02 décembre 2022 par lettres recommandées avec avis de réception en date du 27 octobre 2022 dont elles ont accusé réception le 28 octobre 2022.

A l’audience du 02 décembre 2022 à laquelle a comparu l’intimée, l’affaire a été renvoyée au 10 mars 2023.

M. [T] a été convoqué à l’audience du 10 mars 2023 par lettre recommandée avec avis de réception en date du 02 décembre 2022 dont il a accusé réception le 07 décembre 2022.

M. [T], représenté à l’audience du 10 mars 2023, a indiqué à la délégataire du premier président qu’il se désistait de son recours à l’encontre de la décision du bâtonnier dans les dossiers ‘[O]’ et ‘[H]’, mais sollicitait l’infirmation de cette décision en ce qu’elle a fixé les honoraires de diligences dus dans le dossier ‘cession de parts DMR’ à la somme de 1 200 euros HT.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, Me [X] demande au délégataire du premier président de :

– confirmer la décision du 07 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

– condamner M. [T] à lui verser une somme de 1 830 euros HT, soit 2 196 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2020, date de la mise en demeure,

– condamner M. [T] à lui verser une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts,

– condamner M. [T] à l’amende civile prévue à l’article 559 du code de procédure civile,

– condamner M. [T] à lui verser une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

SUR CE

Sur le désistement d’appel dans les dossiers ‘[O]’ et ‘[H]’:

Le désistement d’appel est régi par les dispositions du code de procédure civile communes à toutes les juridictions, notamment en matière de contestation d’honoraires d’avocat.

En application des dispositions de l’article 401 de ce code, le désistement d’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.

En l’espèce, il sera constaté que le désistement d’appel de M. [T] dans les dossiers ‘[O]’ et ‘[H]’ a été exprimé expressément et sans réserve, alors qu’il n’avait été précédé, ni d’un appel incident, ni d’une demande incidente.

Par voie de conséquence, ce désistement d’appel a immédiatement produit son effet extinctif, sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’acceptation de la partie adverse.

Au surplus, Me [X] a indiqué à l’audience qu’elle acceptait le désistement d’appel de M. [T] dans les dossiers ‘[O]’ et ‘[H]’.

Il sera donc constaté le désistement d’appel de M. [T] dans ces deux dossiers dans les termes du dispositif ci-après, ce désistement emportant, notamment, acquiescement à la décision du bâtonnier de [Localité 5] du 7 décembre 2020 en ce qu’il a fixé dans la motivation de la décision déférée le montant des honoraires dus par M. [T] à Me [X] aux sommes respectives de 130 euros HT dans le dossier ‘de [R]’ et de 500 euros HT dans le dossier ‘[H]’.

Sur les honoraires dans le dossier ‘cession de parts DMR’ :

M. [T] sollicite l’infirmation de la décision déférée en ce qu’elle a fixé le montant des honoraires de diligences de Me [X] à la somme de 1 200 euros HT dans le dossier ‘cession de parts DMR’. Il reproche à l’avocate, un manquement à son obligation de loyauté, un manque de prévisibilité des factures émises et un défaut de compétence et de célérité. Il estime enfin que les diligences accomplies par l’intimée étaient inutiles.

En réplique, Me [X] sollicite la confirmation de la décision déférée. Elle expose être intervenue dans l’intérêt de M. [T] afin de rédiger un acte de cession de parts sociales de la société DMR. Elle soutient avoir consacré à ce dossier 15 heures de travail et justifier de l’ensemble de ses diligences. Elle affirme avoir facturé sur la base d’un forfait de 1 200 euros HT l’ensemble des diligences accomplies.

Le recours de M. [T] qui a été effectué dans le délai d’un mois prévu par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est recevable.

La procédure de recours contre les décisions du bâtonnier en matière d’honoraires est une procédure spéciale régie par les articles 174 et suivants du décret précité qui ne s’applique qu’aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats.

Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement à son devoir d’information sur les conditions de sa rémunération ou, plus généralement, à son obligation de conseil.

Il s’ensuit que, dans ce cadre juridique applicable au présent litige, le défaut de compétence et le manquement allégué de l’avocate à son obligation de loyauté comme d’information quant à la prévisibilité de ses honoraires ne peut pas conduire à une réfaction de ces derniers dans une proportion appréciée par le juge.

Les parties s’accordent sur l’absence de signature d’une convention d’honoraires.

Ainsi, à défaut d’une telle convention d’honoraires, il convient pour fixer les honoraires dus à Me [X], de faire application des dispositions de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 qui dispose notamment que : ‘ Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’

Me [X] verse aux débats une note d’honoraires n° 204/2020 en date du 22 janvier 2020 d’un montant de 1 200 euros HT, soit 1 500 euros TTC au titre de la ‘rédaction de l’acte de cession de parts sociales de la société DMR (Forfait de 1 200 euros HT) qui mentionne : ‘A titre indicatif, il est précisé que le taux horaire de Maître [N] [X] est de 300 euros HT, ramené à titre exceptionnel à 350 euros HT.’

M. [T] ne conteste pas la réalisation des diligences revendiquées par l’avocate dans ses écritures, pour un temps total de travail de 15 heures, à savoir :

– échanges client,

– recueil et études de documents,

– rédaction de l’acte de cession de parts sociales (pièce de l’intimée n° 8),

– entretiens téléphoniques et correspondances.

Toutefois, la contestation par le requérant du caractère manifestement inutile de ces diligences doit être examinée.

Il résulte en effet de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et de l’article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qu’il rentre dans le pouvoir du bâtonnier, et sur recours, du premier président, saisi d’une demande de fixation des honoraires, de refuser de prendre en compte les diligences manifestement inutiles de l’avocat.

Il appartient donc à M. [T] de démontrer l’inutilité des diligences de l’avocate qui s’entend d’une inutilité manifeste telle qu’elle épuise tout débat, toute discussion sur les diligences en cause, viciées dès leur origine.

En l’espèce, M. [T] n’a développé à l’audience aucun argument de nature à étayer sa demande tendant à voir constater l’inutilité des diligences de Me [X].

Ce moyen sera donc rejeté.

Comme le relève pertinemment l’intimée dans ses écritures, la rédaction d’un acte de cession de parts sociales implique nécessairement l’analyse de nombreuses pièces.

La décision déférée sera par conséquent confirmée en ce que le bâtonnier a fixé dans la motivation de sa décision le montant des honoraires dus par M. [T] à Me [X] à la somme de 1 200 euros HT au titre de ce dossier.

Au regard de l’ensemble de ces observations, la décision déférée sera par conséquent confirmée en ce qu’elle a fixé les honoraires dus à Me [X] par M. [T] à la somme totale de 1 830 euros HT et l’a condamné au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 janvier 2020, outre la TVA au taux de 20 %.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et d’amende civile :

Il n’est pas établi que l’usage par M. [T] d’une voie de recours soit constitutif d’un abus.

Il n’y a donc pas lieu de le condamner au paiement de dommages-intérêts sur ce fondement.

La preuve n’étant pas rapportée que M. [T] a agi en justice de manière dilatoire ou abusive, il n’y a pas lieu de le condamner à payer une amende civile.

Les demandes formées de ces chefs par Me [X] seront par conséquent rejetées.

Sur les autres demandes :

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [T] à payer à Me [X] la somme de 500 euros à ce titre.

Enfin, M. [T] partie perdante, sera condamné aux dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire, et par mise à disposition de la décision au greffe,

Constate le désistement d’appel de M. [U] [T] à l’encontre de la décision du bâtonnier de [Localité 5] du 07 décembre 2020 dans les dossiers ‘[O]’ et ‘[H]’ ;

Dit que ce désistement emporte acquiescement à ladite décision du bâtonnier du 07 décembre 2020 dans les dossiers ‘[O]’ et ‘[H]’ ;

Confirme la décision du bâtonnier du 07 décembre 2020 ;

Condamne M. [U] [T] à payer à Me Stéphanie Orbec-Barthe la somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Condamne M. [U] [T] aux dépens ;

Rejette toute autre demande ;

Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x