Responsabilité de l’Avocat : 18 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00393

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Responsabilité de l’Avocat : 18 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00393
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ORDONNANCE DU 18 AVRIL 2023

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2023 , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00393 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEAXO

NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère, à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Axelle MOYART, Greffière présente à l’audience et au prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

Monsieur [R] [U]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Comparant en personne

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :

Maître [W] [N]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparant en personne

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire , statuant par mise à disposition au greffe,

et après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 21 Mars 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 18 Avril 2023 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

Au mois de mars 2018, M. [R] [U] a confié la défense de ses intérêts à Me [W] [N] dans le cadre d’une procédure qu’il souhaitait engager à l’encontre de son ancien employeur.

Le 2 mars 2018, une convention d’honoraires a été conclue entre les parties qui prévoyait une facturation au temps passé sur la base d’un honoraire forfaitaire fixe de 1 000 euros HT, soit 1 200 euros TTC, et un honoraire de résultat indexé sur l’indemnisation définitive obtenue et égal à 18 % HT des sommes obtenues que ce soit dans le cadre d’une décision judiciaire ou d’une solution transactionnelle négociée du litige.

Par courrier reçu le 16 mars 2021, Me [N] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris d’une demande en fixation de la totalité des honoraires sollicités auprès de son client à hauteur de la somme de 2 000 euros HT et du solde des honoraires dus à hauteur de la somme de 1 750 euros HT, outre 1 000 euros au titre des dispositions du code de procédure civile.

Par décision contradictoire du 29 juin 2021, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris a :

– fixé à la somme de 2 000 euros HT (deux mille euros hors taxes) soit 2 400 euros TTC (deux mille quatre cents euros toutes taxes comprises) le montant total des honoraires dus par M. [U] à Me [N] ;

– constaté un règlement d’ores et déjà intervenu à hauteur de la somme de 300 euros TTC,

– condamné M. [U] à payer à Me [N] la somme de 2 100 euros TTC (deux mille cents euros toutes taxes comprises) à titre d’honoraires restant dus ;

– dit que M. [U] pourra s’acquitter de cette dette en 6 mensualités chacune d’un montant de 350 euros TTC, la première devant intervenir dans le mois de la notification de la décision ;

– dit qu’à défaut de respect d’une seule échéance, la totalité du solde sera immédiatement exigible, sans mise en demeure préalable, avec intérêts au taux légal, outre les frais de signification des présentes ;

– débouté les parties de toutes autres demandes, plus amples ou complémentaires.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception du 30 juin 2021 dont Me [N] a accusé réception le 1er juillet 2021 et M. [U] le 2 juillet 2021.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 15 juillet 2021, le cachet de la poste faisant foi, M. [U] a formé un recours contre cette décision.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 21 mars 2023 par lettres recommandées avec avis de réception du 26 décembre 2022 dont Me [N] a accusé réception le 29 décembre 2022 et qui est revenue avec la mention ‘pli avisé et non réclamé’ pour M. [U].

Les deux parties ont comparu à l’audience du 21 mars 2023.

A l’audience, M. [U] a sollicité l’infirmation de la décision déférée en ce qu’elle a fixé à la somme de 2 000 euros HT, soit 2 400 euros TTC, le montant total des honoraires dus à Me [N] et l’a condamné au paiement de la somme de 2 100 euros TTC.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, Me [N] demande au délégataire du premier président de :

– confirmer la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats en ce qu’elle a condamné M. [U] à lui payer la somme de 2 100 euros HT à titre d’honoraires restant dus ;

– infirmer cette décision en ce qu’elle a accordé à M. [U] la possibilité de s’acquitter de cette dette en 6 mensualités chacune d’un montant de 350 euros TTC ;

Et y ajoutant,

– condamner M. [U] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

SUR CE

Sur la recevabilité du recours

Me [N] soulève l’irrecevabilité du recours pour défaut de motivation et de critique de l’ordonnance déférée au visa de l’article 933 du code de procédure civile.

Certes le recours de M. [U] ne contient pas les chefs de la décision critiqués.

Mais, il est constant que dans les procédures d’appel sans représentation obligatoire, la déclaration d’appel qui ne mentionne, ni les chefs de jugement critiqués, ni l’objet de l’appel opère dévolution pour le tout.

En effet, l’article 933 du code de procédure civile, de même que l’ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d’appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d’accomplir les actes de la procédure d’appel.

Les modalités de rédaction de la déclaration d’appel prévues aux articles 562 et 933 et suivants du code de procédure civile, présentent un tel degré d’exigence dans les formalités à accomplir par l’appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire, qu’il constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n’est pas tenu d’être représenté par un professionnel du droit.

Il s’ensuit en l’espèce que le recours de M. [U] qui ne mentionne ni les chefs critiqués ni l’objet de l’appel opère dévolution pour le tout, et que la demande rendant à voir déclarer ce recours irrecevable est rejetée.

Sur les honoraires

M. [U] expose avoir indiqué à Me [N], avocat au barreau de Paris, lors de leur premier rendez-vous qu’il avait très peu de moyens financiers. Il reconnaît avoir signé une convention d’honoraires le 2 mars 2018, mais estime que l’avocat lui réclame des sommes indues. Il affirme avoir été mal défendu par Me [N] lors de l’audience de plaidoirie devant le conseil de prud’hommes. Il reconnaît que des diligences ont été effectuées, mais expose qu’il ne peut payer aucun honoraire car il est au chômage et ne perçoit plus d’allocations de pôle emploi.

En réplique, Me [N] rappelle qu’une convention d’honoraires a été conclue entre les parties. Il soutient avoir effectué de nombreuses diligences durant trois années, tant en première instance, qu’en appel, dont il justifie. Il expose avoir consacré au dossier de M. [U] 60 heures de travail (20 heures pour la procédure de première instance et 40 heures pour la procédure d’appel). Il soutient qu’un forfait d’un montant de 1 000 euros HT avait été convenu entre les parties pour la procédure de première instance et qu’en l’absence de convention signée pour la procédure d’appel, les honoraires doivent être fixés selon les critères définis à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

Le recours de M. [U] qui a été effectué dans le délai d’un mois prévu par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est recevable.

La procédure de recours contre les décisions du bâtonnier en matière d’honoraires est une procédure spéciale régie par les articles 174 et suivants du décret précité qui ne s’applique qu’aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats.

Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement à son devoir d’information sur les conditions de sa rémunération ou, plus généralement, à son obligation de conseil.

Il s’ensuit que, dans ce cadre juridique applicable au présent litige, le défaut de compétence et le manquement allégués de l’avocat à son devoir de conseil ne peuvent pas conduire à une réfaction de ces derniers dans une proportion appréciée par le juge.

Selon l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

‘Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’

En l’espèce, Me [N] produit un document intitulé ‘CONVENTION D’HONORAIRES’ signé par M. [U] le 2 mars 2018 (pièce de l’intimée n° 2).

Il est précisé à l’article 1 que M. [U] a chargé Me [N] d’assurer la défense de ses intérêts devant le conseil de prud’hommes de Paris dans le cadre d’un litige qui l’opposait à ses anciens employeurs, les SARL Sebe et Marguerite.

Aux termes de l’article 4, les parties sont convenues d’une rémunération fixe forfaitaire d’un montant de 1 000 euros HT, soit 1 200 euros TTC, et d’un honoraire de résultat ‘variable, indexé

sur l’indemnisation définitive obtenue et égal à 18 % hors taxes des sommes obtenues que ce soit dans le cadre d’une décision judiciaire ou d’une solution transactionnelle négociée du litige.’

Il était également prévu à l’article 6 une clause de dessaisissement qui stipule que ‘Dans l’hypothèse où le client souhaiterait dessaisir l’avocat, les diligences déjà effectuées seront rémunérées par référence au taux horaire usuel de Maître [N], soit 200 euros hors taxes…’

L’article 7 prévoit qu’en cas d’appel du jugement par une des parties, un avenant sera proposé au client pour les honoraires de la procédure d’appel.

La convention d’honoraires conclue entre les parties ne concernait donc que la procédure de première instance devant le conseil de prud’hommes.

En application des dispositions de l’article 1103 du code civil, dans sa version en vigueur issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

M. [U] n’invoque et ne justifie nullement d’un vice du consentement au moment de la signature de cette convention, de sorte que cette dernière doit recevoir application.

Il est constant que Me [N] a mené la mission qui lui avait été confiée à son terme.

S’agissant de la procédure de première instance, Me [N] justifie, notamment, avoir effectué les diligences suivantes :

– rédaction d’une mise en demeure adressée le 26 février 2018 à la société Business Entertainment,

– requête afin de saisine du conseil de prud’hommes du 16 mars 2018,

– audience de conciliation et orientation du 26 avril 2018,

– étude des conclusions adverses,

– rédaction des conclusions en réponse et récapitulatives du 12 juillet 2018 pour l’audience du 19 juillet 2018,

– audience du bureau de jugement du 19 juillet 2018.

Le forfait convenu entre les parties d’un montant de 1 000 euros HT, soit 1 200 euros TTC, est tout à fait raisonnable au regard des nombreuses diligences réalisées et justifiées dans le cadre de la procédure de première instance.

Il y a donc lieu de fixer à la somme de 1 000 euros HT, soit 1 200 euros TTC, le montant des honoraires dus par M. [U] à Me [N] à ce titre.

S’agissant de la procédure d’appel, il est constant qu’aucun avenant à la convention d’honoraires n’a été régularisé entre les parties et qu’aucune convention d’honoraires n’a été conclue, de sorte qu’il sera fait application des critères précités définis à l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, qui dispose notamment que : ‘Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’

Me [N] produit une note d’honoraires n° 21-567 datée du 11 février 2021 d’un montant de 2 100 euros TTC, déduction faite de la provision versée d’un montant de 300 euros TTC, se décomposant comme suit :

– 1 000 euros HT au titre de ‘Forfait procédure Conseil de prud’hommes’,

– 1 000 euros HT au titre de ‘Forfait procédure d’appel CA de Paris’.

Il justifie, notamment, avoir effectué les diligences suivantes :

– acte de saisine de la juridiction d’appel le 31 août 2018,

– étude des conclusions adverses,

– rédaction de trois jeux de conclusions d’appelant en date des 1er octobre 2018, 25 février 2020 et 19 novembre 2020,

– sommation de communiquer du 29 novembre 2018 et itérative sommation de communiquer du 17 janvier 2019,

– conclusions en vue du rabat de l’ordonnance de clôture du 19 novembre 2020,

– audience de plaidoirie du 11 décembre 2020,

– nombreux échanges de correspondances avec son client.

Le forfait d’un montant de 1 000 euros HT, soit 1 200 euros TTC, appliqué à cette procédure d’appel, identique à celui de première instance, est tout à fait raisonnable au regard des nombreuses diligences réalisées et justifiées dans le cadre de cette procédure.

Il y a donc lieu de fixer à la somme de 1 000 euros HT, soit 1 200 euros TTC, le montant des honoraires dus par M. [U] à Me [N] à ce titre.

Au total, les honoraires dus par M. [U] à Me [N] seront donc fixés à la somme de 2 000 euros HT, soit 2 400 euros TTC.

Eu égard au règlement déjà effectué par M. [U] à Me [N] de la somme de 300 euros TTC, il y a lieu de condamner M. [U] à payer à Me [N] la somme de 2 100 euros TTC, la décision déférée étant confirmée de ce chef.

Sur les délais de paiement

M. [U] a indiqué à l’audience que sa situation financière ne lui avait pas permis de respecter l’échéancier de paiement qui lui avait été accordé par le bâtonnier et n’a sollicité aucun délai de paiement.

Me [N] s’est opposé à tout nouveau délai de paiement.

Il y a lieu de constater que M. [U] a déjà bénéficié de larges délais de paiement et n’a pas respecté l’échéancier de règlement fixé par le bâtonnier de Paris dans la décision déférée.

Il y a donc lieu d’infirmer la décision du bâtonnier de Paris du 29 juin 2021 sur l’octroi de délais de paiement à M. [U].

Sur les autres demandes

M. [U], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Compte tenu de la situation actuelle de M. [U], justifiée par note en délibéré du 30 mars 2023 autorisée par la délégataire du premier président, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l’intimé les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’engager dans la présente instance pour assurer la défense de ses intérêts.

PAR CES MOTIFS

Statuant en dernier ressort, par décision contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

Rejette la fin de non recevoir du recours formé par M. [R] [U] à l’encontre de la décision du bâtonnier de Paris du 29 juin 2021 ;

Confirme la décision déférée du bâtonnier de Paris en date du 29 juin 2021, sauf sur l’octroi de délais de paiement à M. [R] [U] ;

Statuant à nouveau des chefs de la décision infirmée et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à l’octroi de délais de paiement au profit de M. [R] [U];

Condamne M. [R] [U] aux entiers dépens ;

Rejette toute autre demande ;

Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec avis de réception.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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