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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 25 MAI 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2023, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00179 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDLHO
NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère, à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Axelle MOYART, Greffière présente à l’audience et au prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Monsieur [N] [O]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Charlie DESCOINS, avocat au barreau de PARIS, toque : R099 substituée par Me Rachel NAKACHE, avocat au barreau de PARIS
Madame [D] [O]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Charlie DESCOINS, avocat au barreau de PARIS, toque : R099 substituée par Me Rachel NAKACHE, avocat au barreau de PARIS
Demandeurs au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Maître [L] [H]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Comparant en personne
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe,
et après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 11 Avril 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 25 Mai 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
Au cours de l’année 2018, M. [N] [O] et Mme [D] [O] ont confié à Me [L] [H] la défense de leurs intérêts dans le cadre d’une procédure d’appel à l’encontre d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc le 6 novembre 2017.
Le 10 octobre 2018, Me [H] a transmis à ses clients une convention d’honoraires qui prévoyait des honoraires forfaitaires d’un montant de 2 500 euros HT et un honoraire de résultat d’un montant de 10 % HT.
Par courriel du 30 octobre 2018, M. et Mme [O] ont donné leur accord sur le montant de ces honoraires.
Le 29 novembre 2018, M. et Mme [O] ont dessaisi l’avocat de sa mission.
Par courrier reçu le 5 octobre 2020, Me [H] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris d’une demande en fixation de ses honoraires à la somme de 4 000 euros HT. Il sollicitait également leur condamnation à lui payer la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par décision réputée contradictoire rendue le 17 février 2021, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris a :
– fixé à la somme de 4 000 euros HT le montant total des honoraires dus conjointement et solidairement par M. et Mme [O] à Me [H] ;
– constaté qu’aucun règlement même partiel n’est intervenu ;
En conséquence,
– condamné conjointement et solidairement M. et Mme [O] à régler à Me [H] la somme de 4 000 euros HT ;
– dit que cette somme sera majorée de la TVA au taux de 20 %, des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 novembre 2019, d’une somme de 700 euros sur le fondement de l’article 700 ainsi que les frais éventuels de signification de la décision si elle s’avérait nécessaire ;
– prononcé l’exécution provisoire de la décision.
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 17 février 2021 dont elles ont accusé réception le 18 février 2021.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 10 mars 2021, le cachet de la poste faisant foi, M. et Mme [O] ont formé un recours contre la décision du bâtonnier.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 2 février 2023 par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 15 novembre 2022 dont M. [O] a accusé réception le 22 novembre 2022, Mme [O] le 18 novembre 2022 et qui est revenue avec la mention ‘Destinataire inconnu à l’adresse’ pour Me [H].
Par courrier du 23 novembre 2022, le greffe de cette cour a demandé à M. et Mme [O] de faire citer Me [H] pour l’audience du 2 février 2023.
Par exploit d’huissier du 21 décembre 2022 signifié à personne, M. et Mme [O] ont fait citer Me [H].
A l’audience du 2 février 2023, l’affaire a été renvoyée au 11 avril 2023.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, M. et Mme [O] demandent à la délégataire du premier président de :
– les recevoir en leurs conclusions et les déclarer bien fondés,
Ce faisant,
– infirmer la décision entreprise et fixer le montant des honoraires dus à Me [H] à la somme de 2 500 euros HT, soit 3 000 euros TTC,
– le condamner à la restitution du trop perçu, soit 2 500 euros TTC,
– le condamner au paiement d’une somme de 1 000 euros HT par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, Me [H] demande, au visa de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, à la délégataire du premier président de: A titre principal
– confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue le 17 février 2021 par le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris,
– y ajoutant, condamner solidairement ou, à défaut in solidum, M. et Mme [O] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter la charge des entiers dépens.
SUR CE
Sur les honoraires
M. et Mme [O] sollicitent l’infirmation de la décision déférée en ce qu’elle a fixé à la somme de 4 000 euros HT le montant des honoraires dus à Me [H] et demandent que ces honoraires soient ramenés à la somme de 2 500 euros HT.
Ils exposent avoir été mis en relation avec Me [H] le 1er septembre 2018 à la suite du retrait de leur précédent conseil, Me [F], dans le cadre de la procédure d’appel d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc le 6 novembre 2017, alors que Me [F] avait déjà conclu à deux reprises devant la cour. Ils allèguent que la mission confiée à Me [H] était d’introduire une procédure d’exécution forcée du jugement rendu et de signifier des conclusions récapitulatives devant la cour d’appel avant le 30 octobre 2018. Ils précisent qu’à la date du 29 octobre 2018, Me [H] n’avait toujours pas étudié leur dossier, il a déposé ses conclusions devant la cour sans les leur avoir préalablement soumises et le projet de conclusions reçu le 29 octobre 2018 n’était qu’un simple ‘copier coller’ des conclusions précédemment prises par Me [F] auxquelles il avait ajouté des montants exagérés avec des taux de TVA à 20 % sur des sommes déjà affectées de la TVA. Ils contestent une facturation des diligences au temps passé et subsidiairement, estiment que le temps de travail facturé par Me [H] est excessif et doit être ramené à 10 heures de travail sur la base d’un taux horaire de 250 euros HT, soit un montant d’honoraires de 2 500 euros HT.
En réplique, Me [H] soutient que compte tenu de son dessaisissement par ses clients, ses honoraires doivent être fixés selon les critères de l’article 10 de la loi n° 71-1130 au temps passé.
Il allègue avoir facturé ses diligences, dont il justifie, sur la base d’un taux horaire de 250 euros HT inférieur à celui qui avait été annoncé dans la convention d’honoraires soumise à l’accord de ses clients. Il soutient avoir commencé l’étude du dossier de ses clients dès le mois de septembre 2018, avoir soumis son projet de conclusions à l’accord de ses clients le 30 octobre 2018 dans la matinée et enfin avoir rédigé deux jeux de conclusions, alors que Me [F] n’en avait établi qu’un. Il expose exercer la profession d’avocat depuis 2001. Il allègue que le dossier présentait plusieurs difficultés d’ordre juridique en matière de droit de la construction et d’assurance, eu égard à la nécessité d’une nouvelle présentation du préjudice et des demandes de condamnation et enfin de devoir conclure à très bref délai. Il soutient avoir précisément informé ses clients du montant de ses honoraires lors de l’entretien du 10 octobre 2018.
Le recours formé par M. et Mme [O], selon les formes et délai prévus par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, est recevable.
Le présent litige a pour objet la fixation des honoraires de diligences de Me [H].
La procédure de recours contre les décisions du bâtonnier en matière d’honoraires est une procédure spéciale régie par les articles 174 et suivants du décret précité qui ne s’applique qu’aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats.
Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement à son devoir d’information sur les conditions de sa rémunération ou, plus généralement, à son obligation de conseil.
Il s’ensuit que, dans ce cadre juridique applicable au présent litige, le défaut d’information quant à la prévisibilité du montant des honoraires, le manque de rigueur, de travail et qualité des prestations de l’avocat, comme les erreurs alléguées quant au taux de TVA applicable, ne peuvent pas conduire à une réfaction de ses honoraires dans une proportion appréciée par le juge.
Selon l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :
‘Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’
En l’espèce, il est constant que Me [H] a transmis à ses client le 10 octobre 2018 une convention d’honoraires qui prévoyait des honoraires forfaitaires d’un montant de 2 500 euros HT et un honoraire de résultat d’un montant de 10 % HT.
S’il n’est pas contesté que M. et Mme [O] n’ont pas signé cette convention d’honoraires, il ressort des pièces versées aux débats que par mail du 30 octobre 2018, les requérants ont indiqué à l’avocat : ‘Concernant la convention d’honoraires, nous vous confirmons par ce présent mail, notre accord pour le forfait d’honoraires de 2 500 euros + les honoraires de résultat de 10 % sur les sommes réglées et une facture d’honoraires de 4 000 euros pour la réalisation d’une saisie immobilière contre Monsieur [U] (dans l’hypothèse où la saisie va au bout)’, de sorte qu’ils ont donné leur accord sur le montant des honoraires proposé par l’intimé.
Il est constant que Me [H] a été dessaisi du dossier par M. et Mme [O] le 29 novembre 2018 avant la fin de sa mission puisque les parties s’accordent sur le fait qu’il a été dessaisi après avoir établi et déposé des conclusions dans l’intérêt de ses clients devant la cour d’appel de Rennes, de sorte que comme l’a retenu à juste titre le bâtonnier de Paris, la convention d’honoraires conclue entre les parties est inapplicable.
Ainsi, à défaut de convention d’honoraires applicable entre les parties, il convient pour fixer les honoraires dus à Me [H] de faire application des dispositions de l’article 10 précité de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
Le 3 décembre 2018, Me [H] a émis une facture n° 832 d’un montant de 4 000 euros HT, soit 4 800 euros TTC, qui précise les diligences suivantes :
‘- 15/09/2018 pré-analyse du dossier 2 heures,
– 10/10/2018 rendez-vous 2 heures,
– 15/10/2018 analyse du dossier (jugement, rapport d’expertise, conclusions adverses) 4 heures,
– 22/10/2018 rédaction de conclusions : 3 heures,
– 29/10/2018 rédaction de conclusions : 2 heures,
– lecture de plus de 30 mails – rédaction de mails et de courriers 3 heures’,
soit au total 16 heures de travail (pièce de l’intimé n° 2).
Il est constant que M. et Mme [O] n’ont procédé à aucun règlement.
Le taux horaire de 250 euros HT revendiqué par l’avocat n’apparaît pas excessif au regard de son ancienneté puisqu’il exerce la profession d’avocat depuis l’année 2001 et ce taux n’est du reste pas contesté par les requérants.
Par des motifs dont les débats devant la cour n’ont pas altéré la pertinence et qu’il convient d’adopter, le bâtonnier de Paris a fait une juste application des règles de droit, comme une exacte appréciation des faits et documents de l’espèce, en retenant que :
‘Monsieur [H] démontre la complexité du litige tant sur le plan purement technique puisqu’il s’agit de droit de la construction, que sur le plan procédural avec cette problématique particulière de l’entreprise et de l’assurance de celle-ci.
L’analyse des écritures d’appel prises par les différentes parties confirme d’ailleurs cette difficulté.
Contrairement aux affirmations des consorts [O], les temps revendiqués par Maître [H] pour l’analyse du dossier, les rendez-vous, les rédactions de conclusions et lectures diverses valorisées au total à 16 heures paraissent en totale adéquation avec les nécessités du dossier et ses particularités.
Cette valorisation totale à 16 heures est d’ailleurs relativement modeste et tient compte évidemment du fait que certains passages des différentes conclusions prises sont forcément similaires dans le cadre des parties dites récapitulatives.
‘
Il ne peut être nié, du moins sérieusement que des diligences ont été accomplies par leur avocat devant la cour et cela dans un délai très bref puisqu’ils étaient appellants de sorte que ce travail effectué mérite une rémunération laquelle calculée à hauteur de 4 000 euros paraît tout à fait proportionnée.’
Par ailleurs, il ne saurait être contesté que Me [H] qui succédait à un précédent confrère a nécessairement dû étudier l’ensemble du dossier des époux [O], ce qui ressort clairement des écritures déposées devant la cour d’appel de Rennes.
Le courriel adressé par Mme [O] à Me [H] le 29 octobre 2018 tend à démontrer que, comme le soutient Me [H], il avait omis de modifier le nom de l’avocat plaidant sur le jeu de conclusions n° 2 puisque Mme [O] lui indiquait : ‘En 1ère page des conclusions, vous avez mis : Avocat plaidant : Maître [F] [R] ”’. Cette demande est de nature à corroborer le fait que Me [H] a bien établi deux jeux de conclusions et non un seul devant la cour d’appel.
En tout état de cause, le temps de travail revendiqué par l’avocat est amplement justifié par les pièces versées aux débats.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, c’est à juste titre que le bâtonnier de Paris a fixé le montant des honoraires dus à Me [H] par M. et Mme [O] à la somme de 4 000 euros HT et les a condamnés au paiement de cette somme.
La décision déférée est donc confirmée de ce chef, mais infirmée sur la condamnation conjointe et solidaire des époux [O] qui seront condamnés in solidum au paiement de cette somme majorée de la TVA au taux de 20 % avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 novembre 2019.
Sur les autres demandes
M. et Mme [O], parties perdantes, seront condamnés aux dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles ont été contraintes d’engager dans la présente instance pour assurer la défense de leurs intérêts. Elles seront par conséquent déboutées de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, publiquement, par ordonnance contradictoire, et par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée du bâtonnier de Paris en date du 17 février 2021 en toutes ses dispositions sauf sur la condamnation conjointe et solidaire de M. [N] [O] et Mme [D] [O] au paiement des honoraires dus à Me [L] [H] ;
Statuant à nouveau du chef de la décision infirmée et y ajoutant,
Condamne in solidum M. [N] [O] et Mme [D] [O] à payer à Me [L] [H] la somme de 4 000 euros HT majorée de la TVA au taux de 20 % avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2019 ;
Condamne M. [N] [O] et Mme [D] [O] aux entiers dépens ;
Rejette toute autre demande ;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE