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Le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, dispose que le certificat est délivré si, dans l’Etat membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande: a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ; b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité (…) ; c) le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat ; d) l’autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament.
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 26 MAI 2023
(n°80, 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/17890 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CEPE2
Décision déférée à la Cour : décision du 13 juillet 2021 – Institut National de la Propriété Industrielle – Numéro national et référence : 17C1045
REQUERANTE
Société DANA-FARBER CANCER INSTITUTE INC. société de droit américain, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 4]
[Localité 4]
ETATS-UNIS D’AMERIQUE
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD – SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J 125
Assistée de Me François JONQUERES plaidant pour SIMMONS & SIMMONS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque J 031
EN PRESENCE DE
MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (INPI)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Mme Virginie LANDAIS, Chargée de Mission
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 23 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
Le Ministère public a été avisé de la date d’audience;
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu la décision rendue le 13 juillet 2021 par le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui rejette la demande n° 17C1045 formée le 14 novembre 2017 par la société de droit américain Dana-Farber Cancer Institute Inc. aux fins de se voir délivrer, au fondement du règlement (CE) n°469/2009, un certificat complémentaire de protection (CCP) pour le produit ‘Atezolizumab’.
Vu le recours à l’encontre de cette décision remis au greffe de la cour par la société Dana-Farber Cancer Institute Inc. le 11 octobre 2021.
Vu les conclusions (n°4) déposées le 10 février 2023 par la société Dana-Farber Cancer Institute Inc. qui demande à la cour d’annuler la décision du directeur général de l’INPI ayant refusé la délivrance du CCP n°17C1045, décider qu’il n’est pas opportun de référer des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne, à titre infiniment subsidiaire, référer la question suivante à la Cour de justice de l’Union européenne : « Le test Teva/Royalty Pharma est-il satisfait dans le cas d’un brevet de base revendiquant un anticorps ou une méthode d’utilisation d’un anticorps en tant que médicament, lorsque le brevet de base divulgue l’antigène cible, les méthodes de fabrication des anticorps ainsi que l’effet technique lié à l’utilisation de l’anticorps en tant que médicament, et lorsqu’il est établi que l’homme du métier, à la date de priorité du brevet de base, savait comment fabriquer des anticorps capables de se lier à l’antigène cible ‘ ».
Vu les dernières observations écrites du directeur général de l’INPI déposées au greffe le 15 février 2023 pour l’audience du 23 février 2023, tendant au rejet des débats des pièces n° 6, 8, 9 et 10 de la requérante comme nouvelles, au rejet du recours, la décision attaquée étant selon lui bien fondée en ce qu’elle a refusé de faire droit à la demande de CCP faute pour celle-ci de répondre aux exigences de l’article 3a) du règlement (CE) n°469/2009, le produit objet de la demande de CCP n’étant pas protégé par le brevet de base et, à titre subsidiaire, de poser à la Cour de justice de l’Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
[1] [a] Dès lors qu’un produit qui relève d’une définition fonctionnelle décrite dans les revendications du brevet de base et qui est une caractéristique nécessaire à la solution du problème technique, n’est pas protégé par ce brevet, au sens de l’article 3, a) du règlement n° 469/2009 s’il a été développé après la date de dépôt de la demande de brevet au terme d’une activité inventive autonome, comment doit-on comprendre le sens du terme « autonome » et comment doit-il être apprécié ‘ Cette notion envisagée sous l’angle de l’article 3, a) répond-elle aux mêmes critères d’examen que la notion d’activité inventive sous l’angle de la brevetabilité ‘
[b] Que faut-il entendre par la notion de développement du produit mise en exergue dans l’affaire Royalty Pharma ‘ Cette notion a-t-elle un lien avec les caractéristiques du produit mises en exergue dans l’autorisation de mise sur le marché ‘
[2] Suffit-il qu’un produit relève de l’étendue de la protection pour être considéré comme étant spécifiquement identifiable dans le brevet de base au sens de l’article 3, a) du règlement n° 469/2009 ‘ A défaut, quels sont les critères à prendre en compte pour le reconnaître spécifiquement identifiable ‘
[3] Dès lors que la protection conférée par le certificat complémentaire de protection s’étend au seul produit couvert par l’autorisation de mise sur le marché du médicament dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, dans quelle mesure les caractéristiques techniques essentielles du produit telles que définies dans l’autorisation de mise sur le marché, doivent-elles se retrouver dans le fascicule du brevet de base pour conclure qu’il y est spécifiquement identifiable ‘.
Le ministère public ayant été avisé de la date de l’audience du 23 février 2023.
SUR CE, LA COUR :
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées de la société requérante et du directeur général de l’INPI.
La société Dana-Farber Cancer Institute Inc. (Dana-Farber) a déposé le 14 novembre 2017 la demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n°17C1045 fondée sur le règlement (CE) n°469 /2009 portant sur le produit ‘Atezolizumab’.
Le brevet de base invoqué dans cette demande est le brevet européen n°00955878 déposé le 23 août 2000 sous priorité d’un brevet US 19990150390P du 23 août 1999, publié sous le n°EP1210424 (EP 424) et délivré le 7 février 2007 sous le titre ‘nouvelles molécules B7-4 et leurs utilisations’.
La demande de CCP fait également référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire octroyée le 21 septembre 2017 sous le N°EU1/17/1220, à la société Roche Registration Ltd. pour une spécialité pharmaceutique dénommée ‘Tecentriq’ ayant pour principe actif l’Atezolizumab, anticorps monoclonal anti-PD-L1 approuvé pour traiter certains cancers du poumon, de la vessie et du système urinaire.
La procédure d’examen engagée par l’INPI a abouti à une décision de rejet en date du 13 juillet 2021 de la demande de CCP au motif que :
– d’une part, le produit, objet du CCP, n’est pas protégé par le brevet de base n° EP 1 210 424 (article 3 a) du règlement n° 469/2009 du 6 mai 2009),
-d’autre part, la société requérante s’est abstenue de choisir entre les deux demandes de CCP qu’elle a déposées pour le même produit « Atezolizumab », l’une sur le fondement du brevet EP 1 210 424 (brevet de base du CCP litigieux) et l’autre sur le brevet n°EP 1 210 428 et ce, alors qu’un même titulaire ne peut se voir octroyer plusieurs CCP pour le même produit (article 3 c) dudit règlement).
La requérante conteste cette décision qu’elle demande à la cour d’annuler.
Sur la demande de rejet des pièces
La société Dana-Farber soutient en réponse à la demande du directeur général de l’INPI tendant au rejet des débats des pièces n° 6, 8, 9 et 10, que celles-ci ont été communiquées devant la cour afin de l’éclairer sur le contexte technique du dossier et ne sont pas à écarter des débats, l’examinateur de l’INPI qui a statué sur le rejet de la demande de CCP ayant connaissance des articles scientifiques objets des pièces n° 8, 9 et 10 concernant la technique du ‘phage display’ dans la mesure où cette technique est décrite dans le brevet de base et que la pièce 6, qui est une note rédigée par un spécialiste de l’immunologie, ne fait que reprendre pour les rendre accessibles des techniques et des notions scientifiques bien connues. Elle ajoute qu’aucun texte ne s’oppose à la communication de pièces nouvelles devant la cour dans le cadre d’un recours en annulation et qu’une telle interdiction contreviendrait au principe du droit au procès équitable en application des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Elle relève que le directeur général de l’INPI communique lui-même des pièces nouvelles devant la cour.
Néanmoins, selon les dispositions de l’article L. 411-4, premier alinéa, du code de la propriété intellectuelle, le directeur général de l’INPI prend les décisions prévues par le présent code à l’occasion de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle.
L’article R. 411-19 de ce code précise que les recours exercés à l’encontre des décisions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 411-4 sont des recours en annulation.
Il résulte de ces textes que la cour d’appel, saisie d’un recours en annulation d’une décision du directeur général de l’INPI, qui n’emporte pas d’effet dévolutif, ne peut que rejeter le recours ou annuler la décision déférée et doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où celle-ci a été prise. Elle ne peut donc prendre en compte les pièces nouvelles produites devant elle, ce sans que soit méconnu le droit au procès équitable tel que prévu à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la requérante étant à même de critiquer la légalité de la décision prise par le directeur général de l’INPI au vu des pièces qu’elle a choisi de lui fournir lors de l’examen du titre de propriété industrielle.
Aussi, il convient de rejeter des débats les pièces n°6, 8, 9 et 10 communiquées par la société Dana-Farber devant la cour étant relevé que le directeur général de l’INPI indique dans ses dernières observations retirer les pièces qu’il a produites pour la première fois devant la cour soit un article intitulé ‘introduction aux techniques utilisées en biochimie – préparation des anticorps’ (pièce 21) et un article en ligne de l’Inserm (pièce 27).
Sur le fond
Au soutien de son recours, la société Dana-Farber fait tout d’abord valoir que par déclaration de renonciation en date du 5 octobre 2022, elle a expressément renoncé à sa demande de CCP n° 17C1055 portant sur le même produit et que la question de savoir si le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat (article 3 c) du règlement) n’a plus lieu d’être.
Elle fait ensuite valoir que le produit correspondant à l’anticorps ‘Atezolizumab’ est bien décrit de manière fonctionnelle dans le brevet EP 424 et donc protégé par le brevet de base au sens de la jurisprudence européenne applicable en la matière et que, dès lors, l’homme du métier pouvait l’obtenir, à partir d’opérations de routine, parfaitement maîtrisées au jour du dépôt de sa priorité soit le 23 août 1999. Elle ajoute que l’Atezolizumab n’a pas été développé après le dépôt du brevet de base au terme d’une activité inventive autonome.
Évoquant les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur l’interprétation des dispositions de l’article 3 a) du règlement (CE) n°469 /2009 du 6 mai 2009 et ce qu’il convient d’entendre par ‘produit protégé par un brevet de base en vigueur’, la requérante observe que la CJUE, dans l’arrêt [U] [T] du 12 décembre 2013 (C-493/12) a validé la possibilité de délivrer un CCP portant sur un anticorps défini de manière fonctionnelle par le brevet de base, que dans l’arrêt Teva du 25 juillet 2018 (C-121/17), la CJUE a confirmé que pour bénéficier des dispositions de l’article 3 a), un produit ‘doit être spécifiquement identifiable, à la lumière de l’ensemble des éléments divulgués par ledit brevet », « du point de vue de l’homme du métier et sur la base de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base’, pour en déduire que lorsque l’anticorps est fonctionnellement défini dans le brevet de base, ce sont les caractéristiques thérapeutiques/pharmacologiques du produit protégé par le CCP, telles que définies dans l’AMM, qui sont importantes et qu’afin de déterminer si cet anticorps est bien couvert par ledit brevet, au sens des dispositions de l’article 3 (a) du Règlement, ce qui importe est que ces caractéristiques thérapeutiques/pharmacologiques soient revendiquées par le brevet de base. Elle ajoute que l’arrêt Royalty Pharma du 30 avril 2020, (C-650/17) requiert pour qu’un produit soit considéré comme couvert par le brevet de base, que celui-ci soit seulement identifiable, et non identifié, en tant que tel dans ledit brevet et que le produit doit être identifiable à partir des éléments indiqués dans ce brevet sans qu’il soit besoin que l’anticorps soit explicitement identifié.
Elle ajoute qu’il ressort des arrêts de la Cour de cassation du 1er février 2023 rendus dans les affaires [O] que les informations divulguées dans le brevet de base (exemples, dessins, description…) ainsi que les connaissances générales de l’homme du métier doivent être évaluées et appréciées afin de déterminer si le produit est spécifiquement identifiable pour l’homme du métier.
Elle considère alors que l’homme du métier qui est un spécialiste de l’immunologie, spécialité biologique et médicale, qui étudie l’ensemble des mécanismes de défense de l’organisme contre les antigènes (agents pathogènes extérieurs), connaissait et maîtrisait les méthodes de caractérisation des anticorps et savait parfaitement obtenir un anticorps humain ou murin, puis l’humaniser, en suivant des techniques de routine comme celles du phage display et des hybridomes, puis de l’ADN recombinant, afin d’identifier et de générer un anticorps tel que l’atezolizumab. Elle soutient que le directeur général de l’INPI a commis une erreur dans l’interprétation des faits de l’espèce en considérant qu’une véritable activité inventive autonome était nécessaire afin de produire un anticorps alors même que les protocoles permettant d’isoler et de sélectionner les hybridomes contenant lesdits anticorps sont décrits dans le brevet de base et connus de l’homme du métier.
La société Dana-Farber tire également argument du brevet Genentech, visé par le directeur général de l’INPI dans la décision de rejet critiquée, déposé en 2008 et qui identifie l’atezolizumab, ce brevet ayant été maintenu à la suite de la procédure d’opposition en raison de l’existence de la propriété de la réactivité croisée de l’atezolizumab laquelle était la caractéristique technique de l’anticorps permettant de justifier l’existence d’une activité inventive, puis révoqué par la chambre des recours de l’OEB, pour considérer que celui-ci apporte la preuve que les techniques par hybridome et avec phage display puis l’humanisation par la méthode de l’ADN recombinant étaient connues de l’homme du métier avant la date de priorité du brevet EP 424.
Elle soutient ensuite que les enseignements du brevet EP 424 conduisaient l’homme du métier à identifier et générer l’atezolizumab à partir des techniques connues, l’Office européen des brevets considérant que les méthodes pour la génération et l’identification d’anticorps dirigé contre un antigène donné constituent des techniques de routine pour l’homme du métier. Elle en déduit que l’identification et la production d’un nouvel anticorps lorsque l’antigène cible est déjà connu n’implique aucune activité inventive et encore moins une activité inventive autonome.
Elle soutient alors que le brevet de base EP 424 couvre expressément les anticorps humains ou humanisés et identifie la cible de l’atezolizumab, à savoir sa possibilité de se fixer spécifiquement à la protéine B7-4 (aussi appelée PD-L1). Elle ajoute que le brevet décrit l’identification de la protéine B7-4, que les revendications 17, 21 et 27 du brevet EP’ 424 revendiquent expressément des anticorps anti-PD-L1 ainsi que leur utilisation pour moduler une réponse immunitaire chez un sujet, et que les méthodes de production de tels anticorps sont décrites dans la description du brevet et illustrées dans la partie expérimentale. Elle considère qu’à partir des enseignements du brevet EP’424, la technique des phages display, ou celle des hybridomes, suivies de celle de l’ADN recombinant, seront mises en oeuvre afin d’aboutir à l’identification de l’anticorps humanisé atezolizumab, lesquelles méthodes étaient parfaitement connues et maîtrisées à la date de priorité dudit brevet, comme démontré ci-dessus.
Elle soutient encore que le directeur général de l’INPI en soulevant plusieurs arguments qu’il sait inexacts a manqué à son devoir de neutralité au long de la procédure ce qui justifie également d’annuler la décision entreprise.
Elle ajoute qu’elle est légitime à obtenir une tel CCP, l’objet du règlement n° 469/2009 étant d’encourager et de récompenser la recherche, et de permettre aux sociétés qui contribuent à l’innovation dans le secteur pharmaceutique qu’elles soient des instituts de recherche ou des laboratoires pharmaceutiques, d’amortir leurs investissements.
Elle conclut au terme de l’ensemble des observations qui précèdent que la décision du directeur général de l’INPI qui lui a refusé l’octroi d’un CCP pour l’atezolizumab sur la base du brevet EP 424, ne peut qu’être annulée.
Le directeur général de l’INPI rappelle la jurisprudence européenne (arrêts [U] [T], Teva et Royalty Pharma précités) pour considérer que la CJUE a dit pour droit qu’un produit n’est pas spécifiquement identifiable s’il est développé après la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, au terme d’une activité inventive autonome.
Il soutient que le brevet de base a pour seul objet la découverte d’un antigène, la protéine PD-L1 et que si des revendications 17, 21 et 27 visent des anticorps susceptibles de se fixer à la protéine PD-L1 pour inhiber le signal immunosuppresseur PD-L1, aucune indication n’est donnée sur les anticorps se liant à l’antigène, lesquels n’étaient nullement identifiables à la date du dépôt du brevet ou à la date de priorité. Il précise que plusieurs anticorps dirigés contre la protéine PD-L1, présentant des caractéristiques propres et différentes les uns des autres, ont été élaborés et ont été mis sur le marché, suite à des études pharmacologiques poussées et que l’Atezolizumab, qui est un des anticorps se liant à la protéine B7-4 (antigène PD-L1) possède des caractéristiques qui seront différentes de celles d’un autre anticorps ayant cette même fonction. Il conclut qu’à partir du brevet de base, l’homme du métier devait donc mettre en oeuvre une activité inventive autonome pour développer et identifier spécifiquement l’anticorps que constitue l’Atezolizumab.
Il considère que la préparation d’anticorps monoclonaux suppose la mise en oeuvre d’un processus complexe afin d’obtenir leur production (par criblage, isolation, clonage), leur mise en culture le plus souvent in vivo, leur sélection et leur purification, toutes ces étapes nécessitant la mise en oeuvre de techniques très coûteuses en termes d’installations, de réactifs, de temps et de main d’oeuvre et qu’il fallait donc mettre en oeuvre une véritable activité inventive autonome pour découvrir l’Atezolizumab, le brevet de base n’étant pas explicite sur la méthode à utiliser pour identifier l’Atezolizumab puisqu’il vise à la fois des anticorps chimériques et humanisés, ce brevet identifiant en effet deux méthodes, la technique de l’immunisation des mammifères et la technique du phage display pour générer des anticorps murins ou humains sans toutefois identifier les anticorps et ne permettent pas d’identifier de manière spécifique les anticorps monoclonaux humanisés anti PD-L1 ou anti B7-4.
Il conclut qu’à supposer que deux techniques de fabrication de l’anticorps étaient privilégiées dans le brevet de base, à savoir la technique d’immunisation de mammifère et la technique du phage display, ces dernières conduisaient à des hybridomes ou, tout au plus à des anticorps murins ou humains, mais nullement à des anticorps humanisés, que toutes les étapes nécessaires à l’identification de l’Atezolizumab ne sont pas décrites dans le brevet et ne procèdent pas d’une déduction directe et sans ambiguïté pour l’homme du métier et que le produit Atezolizumab n’était donc pas spécifiquement identifiable au terme du brevet et qu’à partir du brevet de base, l’homme du métier devant mettre en oeuvre une activité inventive autonome pour rendre identifiable l’Atezolizumab.
Il précise que, de manière surabondante, la décision critiquée a ajouté que la délivrance de brevets ultérieurs (brevet américain Genentech et brevet européen Hoffmann-Laroche) confirmait que le brevet de base (EP 424), déposé à un stade précoce de la recherche sur de tels anticorps, ne portait pas de manière nécessaire et spécifique sur l’Atezolizumab, ces circonstances n’étant toutefois pas les fondements de la décision de rejet.
Le directeur général de l’INPI conclut, au terme de ses observations, que la décision déférée est fondée en ce qu’elle a rejeté la demande de CCP faute pour celle-ci de satisfaire à l’article 3 a) du règlement (CE) n°469/2009.
Ceci exposé, il importe de rappeler que l’article 3, intitulé ‘Conditions d’obtention du certificat’, du règlement (CE) n°469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, dispose :
‘Le certificat est délivré si, dans l’Etat membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande:
a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ;
b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité (…) ;
c) le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat ;
d) l’autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament.’
L’article 2 prévoit, quant au ‘Champ d’application’ du CCP, que : ‘ Tout produit protégé sur le territoire d’un Etat membre et soumis, en tant que médicament, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’autorisation administrative (…) peut , dans les conditions et selon les modalités prévues par le règlement, faire l’objet d’un certificat.’
Préalablement, l’article 1 de ce règlement précise, sous l’intitulé ‘Définitions’: ‘Aux fins du présent règlement on entend par :
a) ‘médicament’ : toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal ;
b) ‘produit’: le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament ;
c) ‘brevet de base’ : un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un certificat;
(…)’ .
Il découle du règlement précité que, pour faire l’objet d’un CCP, le produit, c’est-à-dire le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament, doit être protégé par un brevet de base en vigueur et avoir obtenu, en tant que médicament, une AMM en cours de validité, celle-ci devant être la première pour le produit.
La protection par le brevet doit couvrir le produit en tant que tel mais aussi, selon l’article 1c) du règlement, un procédé d’obtention ou une application dudit produit.
La CJUE, par les arrêts Medeva, [U] [T], Teva et Royalty Pharma, invoqués dans le cadre du présent recours, a défini la portée de la protection du produit par un brevet de base en vigueur qui conditionne, au sens de l’article 3a) du règlement, l’obtention d’un CCP pour ce produit.
La CJUE précise, dans l’arrêt [U] [T] ( C-493/12, 12 décembre 2012) qu’il n’est pas nécessaire que le principe actif soit mentionné dans les revendications de ce brevet au moyen d’une formule structurelle. Lorsque ce principe actif est couvert par une formule fonctionnelle figurant dans les revendications d’un brevet délivré par l’Office européen des brevets, cet article 3, sous a) ne s’oppose pas en principe à la délivrance d’un certificat complémentaire de protection pour ce principe actif, à la condition toutefois que, sur la base de telles revendications, interprétées notamment à la lumière de la description de l’invention, ainsi que le prescrivent l’article 69 de la convention sur la délivrance de brevets européens et le protocole interprétatif de celui-ci, il est possible de conclure que ces revendications visaient, implicitement mais nécessairement, le principe actif en cause, et ce de manière spécifique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Pour la mise en oeuvre de cette règle, la CJUE indique, dans l’arrêt Teva (C-121/17, 25 juillet 2018), qu’il convient de vérifier si l’homme du métier, sur le fondement de ses connaissances générales et à la lumière de la description et des dessins de l’invention, peut comprendre que le produit est une caractéristique nécessaire pour la solution du problème technique divulguée par le brevet (point 48) et d’avoir uniquement égard à l’état de la technique à la date du dépôt ou à la date de priorité de ce brevet, de sorte que le produit puisse être identifié de façon spécifique par l’homme du métier à la lumière de l’ensemble des éléments divulgués par ledit brevet (point 49) et de l’état de la technique à la date du dépôt ou de priorité de ce brevet (point 51) .
Dans l’arrêt Royalty Pharma ( C-650/17, 30 avril 2020), la CJUE rappelle (point 37) que pour déterminer si un produit donné est protégé par un brevet de base en vigueur au sens de l’article 3, sous a) du règlement n°469/2009, il convient de vérifier, lorsque ce produit n’est pas explicitement mentionné dans les revendications de ce brevet, si ledit produit est nécessairement et spécifiquement visé dans l’une de ces revendications. A cette fin, deux conditions cumulatives doivent être remplies. D’une part, le produit doit nécessairement relever, pour l’homme du métier, à la lumière de la description et des dessins du brevet de base, de l’invention couverte pas le brevet. D’autre part, l’homme du métier doit être en mesure d’identifier ce produit de façon spécifique à la lumière de l’ensemble des éléments divulgués par ledit brevet, et sur la base de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du même brevet.
Afin de déterminer si la seconde des conditions cumulatives visées au point 37 est satisfaite, la CJUE préconise de rechercher (point 40) si l’objet du CCP concerné est compris dans les limites de ce que l’homme du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt ou de priorité du brevet de base, de déduire directement et sans équivoque du fascicule de ce brevet tel qu’il a été déposé, en se fondant sur ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité et à la lumière de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité. Ce dont il s’ensuit (point 47) qu’un produit faisant l’objet d’un CCP ou d’une demande de CCP qui a été développé, après la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, au terme d’une activité inventive autonome, ne saurait être considéré comme relevant de la protection conférée par ce brevet.
La CJUE dit alors pour droit :
1) L’article 3, sous a) du règlement (CE) n°469/2009 (…) doit être interprété en ce sens qu’un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu’il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l’une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l’invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l’enseignement dudit brevet, dès lors qu’il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l’ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l’homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l’état de la technique à cette même date.
2) L’article 3, sous a) du règlement (CE) n°469/2009 doit être interprété en ce sens qu’un produit n’est pas protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsque, bien que relevant de la définition fonctionnelle donnée dans les revendications de ce brevet, il a été développé après la date de dépôt de la demande du brevet de base, au terme d’une activité inventive autonome.
En la cause, le brevet de base invoqué par la société Dana-Farber au soutien de sa demande de CCP pour l’atezolizumab est le brevet européen n°00955878 déposé le 23 août 2000 sous priorité d’un brevet US 19990150390P du 23 août 1999, publié sous le n°EP1210424 (EP 424) et délivré le 7 février 2007 sous le titre ‘nouvelles molécules B7-4 et leurs utilisations’et, en particulier, les revendications 17, 21 er 27 de ce brevet qui revendiquent des anticorps anti-PD-L1 ainsi que leur utilisation dans la modulation d’une réponse immunitaire chez un sujet.
La revendication 17 vise ‘tout « anticorps qui se lie de manière sélective à un polypeptide selon la revendication 12 » , cette dernière se réfère à un polypeptide :
– qui est codé par une molécule d’acides nucléiques constituée d’une séquence nucléotidique qui est identique à 90 % au moins à un acide nucléique selon la séquence nucléotidique de la SEQ ID N° 1 ou 3 et
– qui comprend une séquence d’acides aminés qui est identique à 90% au moins à la séquence d’acides aminés de la SEQ ID N° : 2 ou 4 dans lequel le polypeptide co-stimule la prolifération des cellules T en fournissant un second signal délivré par le récepteur des cellules non-T dans une cellule T qui a reçu un signal délivré par les cellules T par interaction avec un antigène ou un activateur polyclonal.
La revendication n°21 protège l’utilisation d’un anticorps qui se lie à un polypeptide B7-4 de la SEQ ID N° 2 ou 4 pour la préparation d’un médicament pour moduler la réponse immunitaire chez un sujet.
La revendication n°27 couvre un « anticorps qui se lie de manière sélective à un polypeptide de la SEQ ID N° : 2 ou 4 ».
Il est précisé dans la partie descriptive du brevet notamment aux paragraphes 115, 116 et 117 et [118] que :
[0115] « des cellules productrices d’anticorps peuvent être obtenues du sujet et utilisées pour préparer des anticorps monoclonaux par des techniques standards, telles que la technique d’hybridome décrite à l’origine par [Z] et [E] (1975, Nature 256 :495-497) ».
[0116] « N’importe lequel des nombreux protocoles bien connus utilisés pour fusionner des lymphocytes et des lignées cellulaires immortalisées peut être appliqué dans le but de générer un anticorps monoclonal anti-B7-4 ».
[0117] « Comme alternative à la préparation d’hybridomes sécrétant des anticorps monoclonaux, un anticorps monoclonal anti-B7-4 peut être identifié et isolé par criblage d’une banque d’immunoglobulines combinatoires recombinantes (par exemple, une bibliothèque de présentation sur phage d’anticorps) avec un B7-4 pour ainsi isoler les membres de la bibliothèque d’immunoglobulines qui se lient à un polypeptide B7-4. Des kits pour générer et cribler des bibliothèques de phage display sont disponibles dans le commerce (par exemple, la Pharmacia Recombinant Phage Antibody Catalog, N° de catalogue 27-9400-01 ; et le Stratagène SurfZAP’ Trousse d’affichage de phages, N° de catalogue 240612). De plus, des exemples de méthodes et de réactifs particulièrement adaptés à une utilisation dans la génération et le criblage d’une bibliothèque d’affichage d’anticorps peuvent être trouvés ».
[0118]’De plus, les anticorps anti-B7-4 recombinants, tels que les anticorps monoclonaux chimériques et humanisés, comprenant à la fois des portions humaines et non humaines, qui peuvent être fabriqués en utilisant des techniques d’ADN recombinant standard, entrent dans le cadre de l’invention. De tels anticorps monoclonaux chimériques et humanisés peuvent être produits par des techniques d’ADN recombinant connues dans l’art, par exemple en utilisant des méthodes décrites dans Robinson et al. Publication de brevet internationale PCT/US86/02269 ; [C], et al. demande de brevet européen 184 187 ; [R], M., demande de brevet européen 171 496; [A] et al. demande de brevet européen 173 494 ; [I] et al. demande PCT WO 86/01533; [N] et al. brevet américain n° 4 816 567; [N] et al. demande de brevet européen 125 023 ; [Y] et al. (1988) Science 240:1041-1043; [H] et al. (1987) PNAS 84:3439-3443; [H] et al. (1987) [B] [P]. 139:3521-3526 ; [V] et al. (1987) PNAS 84:214-218; [F] et al. (1987) Canc. Rés. 47:999-1005; [M] et al. (1985) Nature 314:446-449; et [L] et al. (1988) [B] [S] Cancer Inst. 80:1553-1559); [A], S.L. (1985) Science 229:1202-1207; Oi et al. (1986) BioTechniques 4:214; Brevet américain de [K] 5 225 539; [W] et al. (1986) Nature 321:552-525; [D] et al. (1988) Science 239:1534; et [X] et al. (1988) [B] [P]. 141:4053-4060.’
L’exemple 8 décrit ainsi une méthode de génération d’anticorps murins contre B7-4 et apporte des précisions complémentaires.
L’exemple 9 complète le précédent avec la génération d’anticorps entièrement humains contre B7-4, par la technique hydridoma, comme l’enseignent les paragraphes 292 à 295.
L’atezolizumab est un anticorps monoclonal humanisé, anti PD-L1, de type IgG1 à Fc modifié, produit dans des cellules d’ovaire de hamster chinois par la technique d’ADN recombinant.
Ainsi qu’il a été exactement constaté dans la décision attaquée, il ne résulte ni des revendications du brevet, ni de la description du brevet à la lumière de laquelle, ainsi que le prescrivent l’article 69 de la CBE et le protocole interprétatif de celui-ci, doivent être interprétées les revendications, que le principe actif de l’atezolizumab serait spécifiquement visé par le brevet.
S’il n’est pas contesté que l’atezolizumab est un anticorps se liant à un polypeptide B7-4 de la SEQ ID N°2 ou 4 (PD-L1) qui relève d’une définition fonctionnelle couverte par le brevet de base, il n’est aucunement montré par la requérante, qui procède par affirmation, que l’homme du métier se trouvait en mesure, à la date du dépôt ou de priorité du brevet de base (23 août 1999), d’identifier ce produit de façon spécifique, au vu des enseignements du brevet, et sur la base de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du même brevet.
Le brevet de base porte sur la découverte d’un antigène et décrit la protéine B7-4 (PD-L1) comme une protéine impliquée dans la prolifération des cellules T et la modulation des réponses immunitaires mais ne donne aucune indication sur l’anticorps se liant à l’antigène lesquels n’étaient pas identifiables à la date de priorité.
En effet, comme le soutient à juste titre le directeur général de l’INPI, de très nombreux anticorps peuvent se lier à un même antigène, l’identification d’un anticorps qui pourra faire l’objet d’un médicament susceptible de donner lieu à une AMM nécessitent de nombreux tests pharmacologiques et un anticorps tel l’atezolizumab qui est un anticorps qui se lie à la protéine B7-4 possède des caractéristiques différentes de celles d’autres anticorps ayant cette même fonction.
Si le brevet de base mentionne bien des protocoles génériques permettant de fabriquer des anticorps, il vise à la fois les anticorps chimériques et les anticorps humanisés et n’enseigne pas à l’homme du métier la direction dans laquelle il doit orienter ses recherches. Ce fait ne permet donc pas de conclure que l’atezolizumab, anticorps humanisé, y était identifiable par l’homme du métier.
Deux techniques, celle du phage display (paragraphe 117) et celle des hybridomes (paragraphe 115 du brevet, exemples 8 et 9 et paragraphes 292 et 295) sont exposées dans le brevet de base pour générer des anticorps murins ou humains et apparaissent maîtrisées à la date de priorité du brevet de base.
Néanmoins, s’agissant de la première, outre que le brevet n’est pas explicite sur cette technique, une fois la bibliothèque de phage display créée, d’autres étapes sont nécessaires telles le criblage des clones, leur quantification, leur maturation aux fins de stabilisation, leur culture, purification et sélection afin de conserver ceux qui permettent d’inhiber la voie des PD1-PDL1 et enfin de procéder à des expériences in vivo pour conserver ceux qui ont la capacité d’exercer un effet thérapeutique attendu. Ces étapes ne sont nullement décrites dans le brevet et il n’est pas démontré par la requérante qu’il s’agit pour l’homme du métier d’une simple opération de routine même longue et fastidieuse.
La seconde peut permettre l’isolement et la sélection des hybridomes mais n’expose pas la technique de caractérisation d’un anticorps qui nécessite d’autres étapes fastidieuses d’identification et de sélection des hybridomes, d’isolement et de purification pour aboutir à un anticorps murin ou humain qui n’est pas une simple opération de routine comme une simple purification d’une molécule chimique.
Aussi, il ne peut être déduit de ces deux techniques indiquées dans le brevet de base qui conduisent à isoler et sélectionner des hybridomes ou à créer des bibliothèques de phage display pour aboutir à des anticorps murins ou humains, que l’Atezolizumab était spécifiquement identifiable par l’homme du métier, alors que des travaux de recherche sont encore nécessaires pour parvenir aux anticorps humanisés, le brevet de base n’explicitant nullement comment aboutir à de tels anticorps monoclonaux humanisés anti PD-L1 ou anti B7-4.
Le paragraphe 118 de la description est à ce titre insuffisant, les publications scientifiques listées dans ce paragraphe n’ayant pas été invoquées dans le cadre de la procédure de délivrance du CCP devant le directeur général de l’INPI, la société Dans Farber se bornant à invoquer une publication de M. [G] [K] qui ne figure pas audit paragraphe, et il n’est pas établi que ces publications font référence à des anticorps humanisés, aucune conséquence ne pouvant être tirée de cette seule liste.
La société Dana-Farber ne soutient pas utilement que l’absence de description explicite des étapes dans le brevet de base s’explique par le fait qu’il s’agit de méthodes de biologie moléculaire usuelles qui font partie des connaissances générales de l’homme du métier qui n’ont nullement besoin d’être précisées. Les décisions de l’OEB que la société Dana-Farber cite à ce titre sont inopérantes à démontrer comme elle le soutient à tort, que la production et la sélection d’hybridomes permettaient inévitablement à l’homme du métier de produire des anticorps monoclonaux. Ces décisions, comme le démontre le directeur général de l’INPI sans être démenti, concernent en effet des circonstances différentes (antisérum remplacé par un anticorps monoclonal T-906/91) ou ne font qu’établir que les techniques de production et de sélection d’hybridomes étaient des techniques de routines courantes (T-431/96 et T-877/03), la production et la sélection d’hybridomes n’étant qu’une étape pour la production d’un anticorps humanisé.
Les directives de l’OEB de 2021 selon lesquelles : ‘ l’objet d’une revendication définissant un nouvel anticorps qui se lie à un antigène connu n’implique pas d’activité inventive à moins qu’un effet technique surprenant ne soit démontré dans la demande … Si un nouvel anticorps se lie au même antigène que des anticorps connus, l’activité inventive n’est pas reconnue au seul motif que le nouvel anticorps est structurellement différent des anticorps connus …’ et citées par la requérante, sont tout aussi inopérantes n’étant pas contemporaines de la date de priorité du brevet de base invoqué, et surtout en ce qu’elles visent la découverte d’un nouvel anticorps se liant au même antigène, d’autres anticorps se liant à cet antigène étant déjà connus.
Les brevet Genentech (EP 539 B9) dont la date de dépôt est le 8 décembre 2009 et de priorité le 9 décembre 2008, et le brevet US correspondant (US 8 217 149) portant sur l’identification de l’Atezolizumab délivrés bien ultérieurement au brevet de base, peuvent être un indice venant corroborer la complexité des recherches à effectuer pour aboutir à cet anticorps humanisé et que cet anticorps a été développé après la date de dépôt de la demande du brevet de base, au terme d’une activité inventive autonome.
Contrairement à ce que soutient la société Dana-Farber, la circonstance que ces brevets visent le brevet de base EP 424 et utilisent les techniques du phage display ou des hybridomes pour développer l’Atezolizumab, ne démontre pas que l’homme du métier savait mettre en oeuvre ces techniques équivalentes décrites dans le brevet EP 424 à la date de priorité du brevet de base (23 août 1999), afin d’identifier et de générer l’Atezolizumab, alors que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, un produit n’est pas spécifiquement identifiable s’il est développé après la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, au terme d’une activité inventive autonome. A cet égard, à supposer que le brevet européen Genentech (EP 539 B9) déposé en 2009 a été invalidé par la chambre des recours de l’OEB pour défaut d’activité inventive, ce fait ne caractérise pas plus que cet anticorps était spécifiquement identifiable dans le brevet de base à sa date de priorité en août 1999.
L’Atezolizumab ne peut être en conséquence regardé comme un ‘produit protégé par un brevet de base en vigueur’ au sens des dispositions de l’article 3 a) du règlement (CE) n°469/2009 et la requérante ne saurait dès lors prétendre à l’octroi d’un CCP pour ce produit sur la base du brevet européen n°EP 424 invoqué dans sa demande.
Contrairement à ce que soutient la société Dana-Farber, statuer ainsi n’est pas contraire aux objectifs du règlement (CE) n°469/2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments qui vise à apporter au titulaire d’un brevet de médicament une compensation pour le délai durant lequel, dans l’attente de l’obtention d’une AMM, il n’a pu exploiter son brevet. En l’espèce, la société Dana-Farber, dont le brevet de base ne vise pas un produit entendu au sens strict de substance active mais, ainsi qu’il a été vu, un antigène, a pu l’exploiter en le cédant en licence à des laboratoires pharmaceutiques qui ont ensuite entrepris les recherches et consenti les investissements ayant permis le développement de substances actives, au nombre desquels l’Atezolizumab, pour lesquelles des brevets ont été délivrés et des AMM octroyées.
Dans l’arrêt [U] [T], la CJUE a précisément souligné qu’ au regard de l’objectif du règlement n°469/2009 qui est d’encourager la recherche et, pour ce faire, viser à permettre un amortissement des investissements effectués dans cette recherche (…) un refus opposé à une demande CCP pour un principe actif qui n’est pas visé de manière spécifique par un brevet (…) invoqué au soutien d’une telle demande pourrait se justifier ( …) dans la mesure où le titulaire du brevet en cause n’a pas entrepris de démarches tendant à approfondir et à préciser son invention de manière à identifier clairement le principe actif susceptible d’être exploité commercialement dans un médicament répondant aux besoins de certains patients . Dans une telle configuration, octroyer un CCP au titulaire du brevet alors même que, n’étant pas titulaire de l’AMM du médicament développé au-delà des spécifications du brevet source, ce titulaire dudit brevet n’a pas réalisé d’investissement dans la recherche portant sur ce volet de son invention initiale reviendrait à méconnaître l’objectif du règlement (point 43) .
La société Dana-Farber n’invoque pas utilement que lui refuser l’octroi d’un CCP pour l’Atezolizumab sur la base du brevet de base invoqué reviendrait à créer une discrimination entre la recherche fondamentale et celle qui est réalisée à des stades plus avancés du processus de développement d’un médicament. A l’inverse, faire droit à sa demande lui procurerait, ainsi qu’il est mis en évidence par la CJUE, un avantage qui ne serait pas conforme à l’objectif du règlement qui est d’encourager la recherche et de permettre un amortissement des investissements réalisés pour cette recherche.
Il résulte des motifs qui précèdent que la requérante n’est pas davantage fondée à soutenir que le directeur général de l’INPI a manqué à son devoir de neutralité tout au long de la procédure, celui-ci n’ayant fait qu’appliquer les dispositions du règlement (CE) n°469/2009 au vu de la nombreuse jurisprudence de la CJUE rendue en la matière.
Le recours formé à l’encontre de la décision du directeur général de l’INPI qui a rejeté la demande de CCP formée par la société Dana-Farber, portant sur l’Atezolizumab est en conséquence rejeté.
En l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne sur les questions soulevées, il n’y a pas lieu de saisir la CJUE d’une question préjudicielle.
Il n’y a pas lieu de statuer sur le motif de rejet de la demande de CCP fondé sur l’article 3 c) du règlement 469/2009, la requérante ayant expressément renoncé à sa demande de CCP n° 17C1055 portant sur le même produit.
PAR CES MOTIFS :
Rejette des débats les pièces n°6, 8, 9 et 10 communiquées par la société Dana-Farber Cancer Institute Inc.,
Donne acte au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle du retrait des débats des pièces 21 et 27,
Rejette le recours de la société Dana-Farber Cancer Institute Inc.,
Rejette toute autre demande,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe et par lettre recommandée avec accusé de réception à la société Dana-Farber Cancer Institute Inc. et au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle.
La greffière La présidente