Contrat d’édition : 13 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/01122

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Contrat d’édition : 13 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/01122
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ARRET

N° 255

CPAM DE LA GIRONDE

C/

Société [4]

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 13 MARS 2023

*************************************************************

N° RG 21/01122 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IAMW – N° registre 1ère instance : 19/02466

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 19 novembre 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

CPAM DE LA GIRONDE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Mme [T] [X] dûment mandatée

ET :

INTIMEE

Société [4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

M.P. : Mme [N] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me WILBERT, avocat au barreau de PARIS substituant Me Olivia COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 05 Décembre 2022 devant Monsieur Renaud DELOFFRE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Mars 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Renaud DELOFFRE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Elisabeth WABLE, Président,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 13 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Madame [N] [B] conseillère de vente au sein de la société [4], a établi le 15 septembre 2018 une déclaration de maladie professionnelle au titre d’une épicondylite du Coude gauche.

Elle y mentionnait une première constatation médicale au 20 août 2018.

Il y était joint un certificat médical initial du 22 août 2018 faisant état d’une épicondylite gauche non fissuraire et la date du 22 août comme lère constatation médicale de la maladie.

La caisse primaire d’assurance maladie a adressé le 25 septembre 2018 un courrier à la société [4] pour l’informer de la transmission de cette déclaration en faisant état du cmi visant une épicondylite gauche non fissuraire et une date de MP du 22 août 2018.

La caisse primaire d’assurance maladie a diligenté une instruction

Au terme du colloque médico administratif le médecin conseil a fait mention d’une première constatation médicale à la date du 20 août 2018.

Par courrier du 3 janvier 2019, la caisse primaire d’assurance maladie a informé l’employeur de la clôture de l’instruction et de la possibilité de consulter les pièces du dossier avant la prise de décision devant intervenir le 24 janvier 2019.

Figurait sur ce courrier l’indication que la date de la maladie professionnelle était le 22 août 2018 ainsi qu’un numéro de dossier 182822338.

Par courrier du 24 janvier 2019, la caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge au titre de la législation professionnelle une “tendinopathie des muscles épicondyliens du coude gauche inscrite au tableau n°57”.

Figurait sur ce courrier l’indication que la date de la maladie professionnelle était le 20 août 2018 ainsi qu’un numéro de dossier 180820334.

Par courrier recommandé du 22 mars 2019 la société [4] a saisi la commission de recours amiable d’une demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge.

Par décision du 12 juin 2019, la commission de recours amiable a débouté la société [4].

La société [4] a saisi le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Lille le 5 août 2019.

Par conclusions reprises oralement à l’audience, la société [4] sollicitait de:

A titre principal

-dire que la caisse primaire d’assurance maladie était tenue de respecter les obligations mises à sa charge par les dispositions des articles R441-10 et suivants du code de sécurité sociale -constater que la caisse primaire d’assurance maladie en ne l’informant pas préalablement à la clôture de l’instruction du changement de la date administrative de la maladie, n’a pas respecté son obligation de loyauté à l’égard de l’employeur

En conséquence

-dire que la caisse primaire d’assurance maladie n’a pas respecté les obligations mises à sa charge par les dispositions des articles R441-10 et suivants du code de sécurité sociale violant en cela le principe du contradictoire

A titre subsidiaire

-constater que les conditions du tableau 57B tenant au délai de prise en charge et de la liste limitative des travaux ne sont pas remplies

-constater que la caisse primaire d’assurance maladie n’a pas soumis le dossier de Mme [N] [B] au crrmp

En conséquence

-dire et juger la décision de prise en charge de la maladie du 20 août 2018 inopposable à elle A titre infiniment subsidiaire

-constater que la caisse primaire d’assurance maladie ne démontre aucunement la continuité de symptômes et de soins prescrits par elle

-constater dès lors que la présomption d’imputabilité ne saurait s’appliquer en l’espèce dès lors que le défaut de continuité de symptômes et de soins est démontré

En conséquence

-dire et juger que les prétentions soins et arrêts doivent être déclarés inopposables à elle postérieurement au terme du certificat médical initial prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 14 septembre 2018.

Par conclusions reprises oralement à l’audience , la caisse primaire d’assurance maladie demandait au Tribunal de :

-débouter la société [4] de ses demandes et confirmer la décision de la commission de recours amiable du 11 juin 2019

Par jugement en date du 19 novembre 2020, le Tribunal a décidé ce qui suit :

– DIT inopposable à la société [4] la décision de prise en charge de la maladie de Mme [N] [B] du 20 août 2018

-CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde aux dépens

-RAPPELLE que le délai dont disposent les parties pour, le cas échéant, interjeter appel du présent jugement est d’un mois à compter du jour de sa notification.

-DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille.

Le jugement est motivé comme suit :

Il est constant que le non-respect du caractère contradictoire d’une procédure rend la décision inopposable à l’employeur.

En l’espèce la société [4] relève à juste titre qu’elle a été informée le 3 janvier 2019 par la caisse primaire d’assurance maladie de la clôture de l’instruction et de la possibilité de consulter les pièces du dossier avant la prise de décision devant intervenir le 24 janvier 2019. Il était visé dans le cadre de ce courrier que la date de la maladie était le 22 août 2018, date reprise d’ailleurs sur l’ensemble des courriers antérieurs d’information(cf recours à délai complémentaire d’instruction, courrier de transmission de la déclaration)

Or force est de constater que par courrier du 24 janvier 2019, la caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge au titre de la législation professionnelle une “tendinopathie des muscles épicondyliens du coude gauche inscrite au tableau n°57” avec datation de la maladie au 20 août 2018.

La caisse primaire d’assurance maladie se défend du moyen articulé de non-respect du contradictoire en faisant état de ce que l’avis du médecin conseil qui figure sur la fiche de liaison médico administrative (et qui mentionne la date du 20 août) suffit à garantir le respect du contradictoire et elle n’est pas tenue de communiquer les pièces médicales prises en compte par le médecin conseil pour la fixation de la DPCM; néanmoins la problématique posée n’est pas celle de la communication des éléments médicaux ayant permis au médecin de retenir la date du 20 août mais celle de savoir si la caisse primaire d’assurance maladie pouvait changer la DPCM postérieurement à l’avis de clôture.

Or s’il est constant que la caisse peut modifier la maladie déclarée ainsi que la DPCM déclarée, le médecin conseil étant maître de qualifier la maladie ou la DPCM, elle doit en informer l’employeur.

Or si les mentions apposées sur la fiche du colloque médico administratif figurant au dossier font état de cette date, il ne peut être considéré que l’information ait été loyale dès lors que cette information est contredite par la mention apposée sur le courrier de clôture..

Dès lors en visant une DPCM en date du 22 août 2018 mais en prenant en charge une maladie datée du 20 août 2018, la caisse primaire d’assurance maladie n’a pas respecté le principe du contradictoire de sorte que la décision sera déclarée inopposable à la société [4] sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens qui apparaissent dès lors surabondants.

Notifié à la caisse le 21 janvier 2021, ce jugement a fait l’objet d’un appel de sa part par courrier recommandé avec accusé de réception de son directeur expédié au greffe de la Cour le 10 février 2021.

Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 8 mars 2022 et soutenues oralement par sa représentante, la caisse demande à la Cour :

D’INFIRMER le jugement dont appel,

Et, statuant à nouveau, de :

CONSTATER que la Caisse a respecté le principe du contradictoire en l’espèce,

Et, par conséquent, de DECLARER opposable à la société [4] la prise en charge de la maladie professionnelle du 20 août 2018 dont a été reconnue atteinte sa salariée, Madame [N] [B].

Elle fait en substance valoir que l’employeur avait parfaitement la possibilité de consulter le dossier ce qui lui aurait permis de constater que la date de première constatation médicale retenue par le praticien-conseil de la caisse était le 20 août 2020, qu’elle n’a modifié la date de la maladie professionnelle qu’à l’issue de la phase contradictoire et a permis à l’employeur de consulter le dossier et d’émettre des observations, qu’en ce qui concerne la condition de prise en charge prévu au tableau datées du 31 mars 2022, l’employeur indique que Madame [B] était en congés du 30 juillet au 14 septembre 2018 de telle sorte qu’elle n’était plus exposée au risque depuis le 30 juillet 2018, que cette information n’apparait nulle part dans l’instruction du dossier, que le document versé en pièce 12 par l’employeur ne revêt aucun caractère formel, qu’il s’agit d’une impression écran d’un logiciel interne, qu’il n’est pas avéré que Madame [B] a effectivement pris ses congés à cette date et qu’elle n’était plus exposée au risque, que la condition relative au délai de prise en charge est respectée compte tenu de ce qui précède, qu’en ce qui concerne la réalisation des travaux prévus à la liste limitative du tableau l’assurée a précisé dans le « questionnaire assuré » qu’elle réalisait des travaux comportant des mouvements répétés de flexion/extension du poignet gauche entre 1h et 3h par jour, plus de 3 jours par semaine, lors de la mise en rayon des accessoires ou pour cintrer les pyjamas, des travaux comportant de nombreuses saisies manuelles et/ou manipulations d’objets entre 1h et 3h par jour, entre 1 et 3 jours par semaine lors du changement des plateaux, perroquets ou picots , des travaux comportant des mouvements de rotations du poignet plus de 3h par jour, plus de 3 jours par semaine lorsqu’elle enlevait les papiers placés à l’intérieur des chaussures et précise également qu’elle se servait du bras gauche ayant très mal au bras droit du fait de sa tendinopathie, que dans son questionnaire, l’employeur a confirmé les informations fournies par l’assurée, précisant ainsi qu’elle effectuait (pièce 6) des travaux comportant des mouvements répétés de flexion/extension du poignet entre lh et 3h par jour, entre 1 et 3 jours par semaine, des travaux comportant des saisies manuelles et/ou manipulation d’objets entre lh et 3h par jour, entre 1 et 3 jours par semaine , des travaux comportant des mouvements de rotations du poignet entre 1h et 3h par jour, entre 1 et 3 jours par semaine, que dès lors, la dernière condition du tableau est remplie.

Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 5 décembre 2022 et soutenues oralement par avocat, la société [4] demande à la Cour de :

CONFIRMER le jugement rendu 19 novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Lille.

Juger que la caisse primaire d’assurance maladie était tenue de respecter les obligations mises à sa charge par les dispositions des articles R.441-10 et suivants du Code de la sécurité sociale.

Juger que la Caisse primaire de la Gironde, en n’informant pas préalablement à la clôture de l’instruction la société [4] du changement de la date administrative de la maladie n’a pas respecté son obligation de loyauté à l’égard de l’employeur ;

En conséquence,

JUGER que la Caisse primaire de la Gironde n’a pas respecté les obligations mises à sa charge par les dispositions des articles R.441-10 et suivants du Code de la sécurité sociale, violant en cela le principe du contradictoire dans le cadre de l’instruction du dossier de Madame [N] [B].

A titre subsidiaire,

Vu les dispositions de l’article L.461-1 du Code de la sécurité sociale, Vu les dispositions du tableau 57B des maladies professionnelles,

JUGER que les conditions du tableau n°57B des maladies professionnelles tenant au délai de prise en charge et à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies ;

JUGER que la Caisse Primaire n’a pas soumis le dossier de Madame [N] [B] au CRRMP en application des dispositions de l’alinéa 3 de l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale.

En conséquence,

JUGER que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du 20 août 2018 déclarée par Madame [N] [B] est inopposable à la société [4].

Elle fait en substance valoir que :

S’il est constant que la caisse peut modifier la maladie déclarée ainsi que la DPCM déclarée, le médecin conseil étant maître de qualifier la maladie ou la DPCM, elle doit en informer l’employeur.

Or si les mentions apposées sur la fiche du colloque médico administratif figurant au dossier font état de cette date, il ne peut être considéré que l’information ait été loyale dès lors que cette information est contredite par la mention apposée sur le courrier de clôture.

Dès lors en visant une DPCM en date du 22 août 2018 mais en prenant en charge une maladie datée du 20 août 2018, la caisse primaire d’assurance maladie n’a pas respecté le principe du contradictoire de sorte que la décision sera déclarée inopposable à la société [4] sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens qui apparaissent dès lors surabondants. »

Pièce 11 précitée : Jugement du TJ de LILLE du 19 novembre 2020

En effet, toute la procédure d’instruction de la Caisse a été réalisée concernant la pathologie datée du 22 août 2018, date du certificat médical initial.

Pièce 3 précitée : Courrier CPAM du 25 septembre 2018 Pièce 5 précitée : Courrier CPAM du 17 décembre 2018

De même, par courrier du 3 janvier 2019, la Caisse Primaire a informé l’employeur de la clôture de l’instruction et de la possibilité de consulter les pièces du dossier de la salariée concernant la pathologie le 22 août 2018.

Pièce 6 précitée : Courrier CPAM du 3 janvier 2019

Or, à la lecture de la décision de prise en charge, la Caisse indique comme date de la pathologie le 20 août 2018.

Pièce 7 précitée : Décision de prise en charge

Par une analyse très pertinente et conforme aux règles applicables, le Tribunal Judicaire de Lille précise bien que le médecin conseil était seul décisionnaire de la date de première constatation médicale et que la Caisse Primaire pouvait (depuis le 1er juillet 2018) modifier la date administrative de la maladie professionnelle.

Cependant, le Tribunal rappelle que ces règles ne font pas obstacle à ce que la Caisse Primaire informe loyalement l’employeur et ce avant que l’instruction ne soit terminée et la décision rendue.

En effet, la date de la pathologie constitue un élément substantiel, de sorte que l’avis du médecin conseil fixant la date de première constatation médicale ne peut valoir information de l’employeur par la Caisse.

D’autant que comme l’insiste le Tribunal Judiciaire, il ne peut y avoir information loyale dès lors qu’il y a contradiction entre les mentions sur le colloque médico-administratif et la lettre de clôture de l’instruction invoquant une autre date de maladie.

C’est d’autant plus à tort que la Caisse Primaire allègue dans ses écritures qu’elle ne peut modifier la date de la maladie avant la décision finale aux motifs que cela rendrait inopérant la phase de contradictoire et la possibilité de l’employeur de discuter la date de première constatation médicale fixée par le médecin conseil, alors même qu’elle rappelle que la Cour de cassation a consacré la valeur probante du colloque médico-administratif sur l’avis du médecin conseil qui s’impose à elle …

Il est d’évidence que bien au contraire, le principe du contradictoire exige que la Caisse Primaire informe l’employeur de tous les aspects du dossier avant de rendre sa décision et non après !

Aussi, le simple fait pour la Caisse de procéder à la modification de la date de la maladie sur le courrier de prise en charge est une violation du principe de l’information loyale incombant à la Caisse Primaire.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la société [4] est bien fondée à solliciter de la Cour de céans qu’elle confirme le jugement rendu par le Tribunal Judicaire de Lille et déclare inopposable à son égard la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie déclarée par Madame [N] [B], ainsi que toutes ses conséquences.

B ‘ A titre subsidiaire, sur le non-respect des conditions fixées au tableau n°57B

L’article L. 461-1, alinéa 2 du code de la sécurité sociale dispose :

« Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».

Chaque tableau a pour objet de définir précisément chacune des maladies susceptibles d’ouvrir droit à réparation professionnelle. Il est numéroté et comprend trois colonnes :

la première désigne la maladie,

la deuxième fixe le délai de prise en charge,

la troisième décrit la nature des travaux devant être à l’origine de la pathologie.

Pour prétendre à la réparation professionnelle, le salarié doit établir que toutes les conditions posées par les trois colonnes du tableau sont remplies.

Pièce 10 précitée : Décision CRA

Pourtant, tel qu’il ressort de l’état des absences, le dernier jour travaillé de Madame [B] est le 29 juillet 2018, de telle sorte qu’elle a en réalité cessé d’être exposée au risque à compter du 30 juillet 2018.

Pièce 12 : Etat des absences

Dans ces circonstances, la salariée avait donc jusqu’au 12 août 2018 pour faire médicalement constater sa pathologie.

Dans ces conditions, à la date de première constatation médicale du 20 août 2018, le délai de prise en charge était manifestement dépassé.

Il en ressort que la condition tenant au délai de prise en charge n’est pas remplie, de telle sorte que la Caisse primaire aurait dû saisir le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour ce motif, ce qu’elle n’a pas fait.

En conséquence, il conviendra de déclarer la décision de prise en charge de l’affection déclarée par Madame [B] au titre d’une épicondylite gauche inopposable à la société [4].

2 ‘ Sur l’absence de respect de la liste limitative des travaux a) En droit

La troisième condition réside dans l’exposition aux risques du salarié, c’est-à-dire par l’accomplissement des travaux prévus au tableau de la maladie concernée.

Elle a répondu de manière identique en ce qui concerne le temps journalier moyen de réalisation des travaux et mouvements des coudes droit et gauche.

En ce qui concerne le coude droit le CRRMP a retenu que :

« D’après l’employeur, la salariée travaille 25 heures par semaine sur 4 jours.

Il s’agit d’un poste adapté en suivant les instructions du médecin du travail, poste polyvalent :

caisse : décintrer les vêtements, biper, les mettre dans une poche et encaisser;

cabine : accueil, compter les articles, donner la plaquette et orienter le client puis récupérer les vêtements qui ne vont pas ;

livraison : sortir les articles des sachets et les trier dans une penderie ;

rayon : implanter les produits, modifier l’emplacement des produits si besoin ;

retouche : procéder à la retouche des pantalons et vestes de costumes.

(.-»)

Le comité considère qu’il s’agit d’une activité à temps partiel et que les gestes décrits sont variés et ne mettent pas en évidence d’hyper sollicitation du coude droit (pas de répétitivité, pas de cadence soutenue, pas de préhensions en force associées à des flexions/extensions et prono supinations, pas de port de charges) pouvant expliquer de façon directe la relation avec la pathologie déclarée.

En conséquence, le CRRMP considère que les éléments de preuve d’un lien de causalité direct entre la pathologie déclarée et l’exposition professionnelle incriminée ne sont pas réunis dans ce dossier. »

Pièce 17 : Avis défavorable du CRRMP (coude droit)

La société [4] s’étonne que la Caisse Primaire ait pu considérer que la condition tenant à la liste limitative des travaux n’était pas respectée pour le coude droit dominant mais que cela ne posait pas de difficulté pour le coude gauche !

La Cour de céans ne manquera de constater que le CRRMP n’a nullement analysé le poste de travail occupé par Madame [B] durant le mi-temps thérapeutique dont elle a bénéficié pendant moins de trois mois, mais a retenu une activité à temps partiel compte tenu du temps de travail de la salariée de 25 heures sur 4 jours par semaine.

Surtout, le CRRMP a relevé l’existence de gestes et postures polyvalentes ne comportant pas d’hyper sollicitation du coude droit, précisant « pas de répétitivité, pas de cadence soutenue, pas de préhensions en force associées à des flexions/extensions et prono supinations, pas de port de charges ».

Au regard de l’analyse des gestes réalisées au quotidien par Madame [B] avec ses deux membres supérieurs, il doit aisément être admis que la condition tenant à la liste limitative des travaux réalisés ne pouvait davantage être réunie concernant le coude gauche non dominant.

A tout le moins, la Caisse Primaire aurait dû soumettre au CRRMP les deux maladies tant pour le coude dominant que le coude non dominant et la caisse ne rapporte nullement la preuve du respect de la condition tenant à la liste limitative des travaux en ce qui concerne la maladie concernant le coude gauche.

MOTIFS DE L’ARRET.

SUR LE MOYEN D’INOPPOSABILITE DE FORME TENANT AU NON RESPECT PAR LA CAISSE DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE ET DE LA LOYAUTE DE LA PROCEDURE D’INSTRUCTION.

vu les articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ;

Attendu, selon le second de ces textes, que dans les cas où elle a procédé à une instruction conformément au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’ employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief ainsi que la possibilité de venir consulter le dossier qui comprend, en application du premier, au titre des éléments médicaux relatifs à la victime, les divers certificats médicaux ainsi que l’avis du médecin conseil ;

Qu’il résulte notamment de ce texte que l’employeur doit être en mesure de prendre connaissance des éléments susceptible de lui faire grief en ce qui concerne la date de première constatation médicale de la maladie ( 2e Civ., 7 novembre 2019, pourvoi n° 18-21.408) et qu’il appartient aux juges du fond de vérifier, en cas de contestation, si les pièces du dossier constitué par la caisse ont permis à l’ employeur d’être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue ( 2e Civ., 9 mars 2017, pourvoi n° 15-29.070, Bull. 2017, II, n° 52).

Attendu qu’en l’espèce le certificat médical initial du 22 août 2018 faisait état d’une épicondylite gauche non fissuraire et de la date du 22 août comme celle de la lère constatation médicale de la maladie.

Que la caisse primaire d’assurance maladie a adressé le 25 septembre 2018 un courrier à la société [4] pour l’informer de la transmission de cette déclaration en faisant état du cmi visant une épicondylite gauche non fissuraire et une date de MP du 22 août 2018.

Que par courrier du 3 janvier 2019, la caisse primaire d’assurance maladie a informé l’employeur de la clôture de l’instruction et de la possibilité de consulter les pièces du dossier avant la prise de décision devant intervenir le 24 janvier 2019.

Que figurait sur ce courrier l’indication que la date de la maladie professionnelle était le 22 août 2018 ainsi qu’un numéro de dossier 182822338.

Que par courrier du 24 janvier 2019, la caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge au titre de la législation professionnelle une “tendinopathie des muscles épicondyliens du coude gauche inscrite au tableau n°57”.

Que figurait sur ce courrier l’indication que la date de la maladie professionnelle était le 20 août 2018 ainsi qu’un numéro de dossier 180820334.

Attendu que si la date de première constatation médicale retenue finalement par la caisse n’est pas identique à celle figurant sur le certificat médical initial et le courrier de clôture, l’employeur disposait, en prenant connaissance du colloque médico-administratif, de la possibilité d’être suffisamment informé à la fois sur la date du 20 août 2018 retenue par le praticien conseil et donc finalement retenue par la caisse mais également sur les conditions dans lesquelles cette date avait été retenue par le médecin-conseil puisqu’il était indiqué dans l’avis de ce dernier figurant au colloque que le document ayant permis de fixer la date de première constatation médicale de la maladie déclarée était une échographie du Docteur [V].

Que l’employeur a donc été parfaitement informé de la date finalement retenue et des raisons pour lesquelles elle l’avait été et que le principe du contradictoire n’a donc aucunement été méconnu par la caisse.

Que la caisse ayant par ailleurs parfaitement le droit entre la clôture et la décision de prise en charge de modifier la date retenue par elle au titre de la première constatation médicale de la maladie et ayant respecté le principe du contradictoire, il s’ensuit qu’en retenant dans la décision de prise en charge une date différente de celle figurant au courrier de clôture la caisse n’a nullement fait preuve de déloyauté, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges.

Qu’il convient donc de dire non fondé les moyens d’inopposabilité de forme soutenus par la société [4] et de débouter cette demande de sa demande d’inopposabilité en tant qu’elle repose sur des moyens tenant à l’irrégularité de la procédure d’instruction diligentée par la caisse.

SUR LES MOYENS D’INOPPOSABILITE DE FOND TIRES DE L’ABSENCE DE CARACTERE PROFESSIONNEL DE LA MALADIE.

Attendu qu’il résulte des articles L.461-1 et L.461-2 du Code de la sécurité sociale que sont présumées d’origine professionnelle les affections énumérées aux tableaux prévus à l’article R.461-3 du Code de la sécurité sociale lorsqu’il est établi que celui qui en est atteint a été exposé de façon habituelle au cours de son travail, dans les conditions prévues au tableau correspondant, à l’action d’agents nocifs ;

Attendu qu’il résulte de ce texte et de l’article 1353 du Code Civil qu’il appartient au salarié ou à la caisse subrogée dans ses droits d’établir autrement que par ses seules affirmations que les conditions du tableau sont remplies.

Qu’il résulte de ces textes que les déclarations du salarié peuvent être retenues à titre d’éléments de preuve mais à condition d’être corroborées par d’autres éléments du débat et notamment des présomptions graves précises et concordantes en application de l’article 1383 du Code Civil ( en ce sens s’agissant d’accidents du travail 2e Civ., 16 septembre 2010, pourvoi n° 09-15.672 2e Civ., 18 novembre 2010, pourvoi n° 09-17.276; 2e Civ., 28 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.372 ;2e Civ., 28 mai 2014, pourvoi n° 13-16.968 et en ce sens s’agissant d’une maladie professionnelle 2e Civ., 23 septembre 2021, pourvoi n° 20-15.724).

Attendu que le tableau 57 B prévoit ce qui suit en ce qui concerne l’affection en cause :

DÉSIGNATION DES MALADIES

DÉLAI
de prise en charge

LISTE LIMITATIVE DES TRAVAUX
susceptibles de provoquer ces maladies

tendinopathie d’insertion des muscles épicondyliens associée ou non à un syndrome du tunnel radial.

14 jours

Travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d’extension de la main sur l’avant-bras ou des mouvements de pronosupination.

Attendu qu’il résulte des articles 6 et 9 précités du code de procédure civile que l’allégation non contestée est tenue pour vrai et que le juge n’a pas à vérifier l’exactitude d’un fait allégué s’il n’est pas contesté ( sur ce point voir le Dalloz Action « Droit et Pratique de la procédure civile » édition 2021/2022 n°321-93 p 1061 et la doctrine et la jurisprudence citées sur ce point en notes 1 et 2).

Attendu que la caisse fait valoir dans ses écritures, sans être contestée, que dans son questionnaire, qu’elle reproduit, l’assurée indique que son dernier jour de travail est le 21 août 2018.

Qu’il est donc établi que l’assurée a déclaré que son dernier jour de travail était bien cette dernière date.

Que cette affirmation de l’assurée est corroborée par le fait qu’un arrêt de travail résultant du certificat médical initial est prescrit à partir du 22 août 2018 tandis que l’employeur ne justifie aucunement, par la production d’une copie d’écran des absences de la salariée contestée par la caisse, que le dernier jour de travail de l’intéressée soit le 29 juillet 2018.

Que la Cour entend dans ces conditions considérer, par voie de présomptions graves précises et concordantes, que la date de cessation de l’exposition de la salariée au risque est le 21 août 2018 ce dont il résulte, la date de première constatation médicale ayant été fixée par la caisse au 20 août 2018, que la condition du tableau tenant au délai de prise en charge est satisfaite.

Attendu ensuite, s’agissant de la condition de la liste limitative des travaux prévue au tableau, que la caisse ne produit pas le questionnaire établie par la salariée mais indique , sans être contestée, que l’assurée a précisé dans son questionnaire qu’elle réalisait des travaux comportant des mouvements répétés de flexion extension du poignet gauche ente 1 h et 3 h par jour plus de 3 jours par semaine, lors de la mise en rayon des accessoires ou pour cintrer des pyjamas, des travaux comportant de nombreuses saisies manuelles et/ou manipulations d’objets entre 1 h et 3 h par jour 1 et 3 jours par semaine lors du changement des plateaux, perroquets et picots et des travaux comportant des mouvements de rotation du poignet plus de 3 heures par jour, plus de 3 jours par semaine lorsqu’elle enlevait les papiers placés à l’intérieur des chaussures et qu’elle a également indiqué qu’elle se servait du bras gauche car elle avait très mal au bras droit du fait de sa tendinopathie.

Que ces affirmations de la salariée figurent en outre dans l’avis de la commission de la commission de recours amiable qui reproduit les déclarations de la salariée dans son questionnaire.

Que la réalité des déclarations prêtées par la caisse à la salariée est donc établie.

Que les déclarations de la salariée concernant son exposition au risque s’agissant de son coude gauche sont contestées par l’employeur dans ses écritures soutenues à l’audience.

Que contrairement à ce que soutient la caisse, elles ne sont pas corroborées de manière certaine par celles de l’employeur dans son questionnaire produit par lui en pièce n° 4 et dans lequel il reconnaît que la salariée occupant le poste était susceptible, si elle était gauchère, d’effectuer des travaux comportant des mouvements répétés de flexion extension du poignet entre 1 heure et 3 heures par jour 1 à 3 jours par semaine mais que si elle est droitière elle n’a pas de raison d’effectuer ces mouvements.

Que l’employeur, sans évaluer le temps journalier moyen, reconnait dans son questionnaire que la salariée occupant le poste est susceptible de réaliser des travaux comportant des mouvements de rotation du poignet ( vissage, serrage) mais subordonne également la réalisation de tels travaux à la qualité de gauchère de la personne occupant le poste.

Que la qualité de gauchère ou de droitière de la salariée étant totalement inconnue et les affirmations de cette dernière sur les gestes qu’elle accomplirait de son bras gauche et notamment celles portant sur l’utilisation par elle de son bras gauche compte tenu de sa douleur au bras droit n’étant corroborées avec certitude par aucun des éléments du débat, il s’ensuit que la prise en charge par la caisse de l’épicondylite du coude gauche de la salariée ne repose finalement que sur les seules affirmations de cette dernière non corroborées par des éléments objectifs et que la caisse succombe donc dans la preuve qui lui incombe de la réalisation par la salariée de travaux ressortissant de la liste limitative du tableau.

Qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ses dispositions déclarant inopposable à l’employeur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Madame [B] au titre d’une épicondylite du Coude gauche sauf à substituer les motifs d’inopposabilité de fond qui précèdent à ceux erronés des premiers juges tirés du non-respect du principe du contradictoire par la caisse et du manquement prétendu de cette dernière à son obligation de loyauté.

Attendu que la caisse succombant en ses prétentions, il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré relatives à la charge des dépens et, y ajoutant, de la condamner aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Déboute la société [4] de sa demande d’inopposabilité en tant que cette dernière est fondée sur des moyens tenant à l’irrégularité de la procédure d’instruction diligentée par la caisse.

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Et y ajoutant,

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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