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ARRÊT N°
FD/FA
COUR D’APPEL DE BESANÇON
– 172 501 116 00013 –
ARRÊT DU 21 MARS 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 17 janvier 2023
N° de rôle : N° RG 21/00615 – N° Portalis DBVG-V-B7F-ELPG
S/appel d’une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 16 février 2021 [RG N° 15/02866]
Code affaire : 54C Demande en paiement du prix formée par le constructeur contre le maître de l’ouvrage ou son garant
S.A.S. SOFIALEX C/ S.C.I. LE GOUM Société FDS ANCIENNEMENT DENOMMEE INFRISA FRANCE, Société DESCASSETTE
PARTIES EN CAUSE :
S.A.S. SOFIALEX, RCS numpéro 408 163 681
Sise [Adresse 4]
Représentée par Me Benjamin LEVY, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Eric-louis LEVY, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
APPELANTE
ET :
S.C.I. LE GOUM, RCS de Besançon numéro 524 920 733
Sise [Adresse 2]
Représentée par Me Philippe REFFAY de la SCP REFFAY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIN, avocat plaidant,
Représentée par Me Ariel LORACH de la SCP LORACH AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
INTIMÉE
Société FDS ANCIENNEMENT DENOMMEE INFRISA FRANCE, inscrite au RCS de Bourg en Bresse sous le numéro 788 599 264
dont le siège social est [Adresse 1]
Représentée par Me Lucie TEIXEIRA, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Flore FOYATIER, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
Société DESCASSETTE (enseigne Intermarché), inscrite au RCS de Besançon sous le numéro 9327 822 820
Sise [Adresse 3]
Représentée par Me Philippe REFFAY de la SCP REFFAY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIN, avocat plaidant,
Représentée par Me Ariel LORACH de la SCP LORACH AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX et Florence DOMENEGO, Conseillers.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre, magistrat rédacteur
ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX, conseiller et Florence DOMENEGO, magistrat rédacteur.
L’affaire, plaidée à l’audience du 17 janvier 2023 a été mise en délibéré au 21 mars 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Au cours de l’année 2013, la SCI LE GOUM a entrepris la construction sur la commune de Morteau d’un magasin Intermarché, dont elle a confié la maîtrise d’oeuvre à la SAS INFRISA FRANCE et le lot n° 3 – gros oeuvre-maçonnerie à la SARL SITES ET TRADITION SOFIALEX, selon devis en date du 28 août 2013 d’un montant de 4 900 000 euros hors taxe et un marché de travaux signé le 8 novembre 2013.
La visite de réception des travaux a été effectuée le 10 novembre 2014, en présence de Mme [J], huissier de justice, laquelle a substitué au procès-verbal de réception signé par les parties un procès-verbal de constat.
Le 29 décembre 2014, la SARL SITES ET TRADITION SOFIALEX a notifié à la SAS INFRISA et à la SCI LE GOUM, son mémoire définitif pour le lot n° 3 pour un montant de 5 123 328,51 euros hors taxe et un solde restant dû de 400 595,04 euros TTC.
Soutenant que la SCI LE GOUM avait refusé d’acquitter cette somme en raison de la présence de désordres dont elle contestait l’imputabilité, la SARL SITES ET TRADITION SOFIALEX, devenue SAS SOFIALEX, a saisi le 8 décembre 2015 le tribunal judiciaire de Besançon lequel a, dans son jugement en date du 16 février 2021, après intervention forcée de la SAS INFRISA FRANCE, devenue SAS FDS, et de sa société d’assurance, la société ELITE INSURANCE COMPANY, et après intervention volontaire de la SAS DESCASSETTE, exerçant sous l’enseigne Intermarché :
– déclaré irrecevables les demandes de la SAS SOFIALEX à l’encontre de la SAS FDS ;
– déclaré irrecevables les demandes de la SCI LE GOUM à l’égard de la SAS FDS ;
– condamné la SCI LE GOUM à payer à la SAS SOFIALEX la somme de 159 269,08 euro HT au titre du solde des travaux ;
– dit que cette somme sera soumise à la TVA en vigueur à la date du fait générateur et augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article L 1343-2 du code civil ;
– débouté la SAS SOFIALEX de sa demande de dommages et intérêts au titre des travaux et au titre de la retenue de garantie ;
– débouté la SAS SOFIALEX de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– débouté la SAS DESCASSETTES de sa demande de dommages et intérêts ;
– débouté la SAS SOFIALEX de ses demandes dirigées contre la société ELITE INSURANCE COMPANY absorbée par la société de droit anglais ARMOUR RISK MANAGEMENT LTD ;
– condamné la SCI LE GOUM à payer à la SAS SOFIALEX la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SCI LE GOUM à payer à la SAS FDS la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code dr procédure civile ;
– débouté la société ELITE INSURANCE COMPANY, la SCI LE GOUM et la SAS DESCASSETTES de leur demande présentée sur le même fondement ;
– condamné la SCI LE GOUM aux dépens, avec distraction au profit des avocats qui le demandent ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu :
– que la SAS SOFIALEX et la SCI LE GOUM avaient modifié en cours d’instance leur posture procédurale à l’encontre la SAS FDS, maître d’oeuvre, de telle sorte que leurs demandes devaient être déclarés irrecevables par application du principe d’estoppel ;
– que la norme AFNOR P 03-001 avait été incluse unilatéralement par la SAS SOFIALEX postérieurement à son devis du 28 août 2013 ; qu’elle ne s’appliquait donc pas à sa relation contractuelle avec la SCI LE GOUM ; que la convention était en fait un marché de forfait pur et simple soumettant à l’accord écrit et préalable du maître d’ouvrage l’exécution de tous travaux supplémentaires ; que la SAS SOFIALEX ne rapportait pas la preuve de l’acceptation par la SCI des deux devis des travaux supplémentaires dont elle demandait le paiement ;
– que la SCI LE GOUM ne rapportait pas la preuve des malfaçons qu’elle imputait à la SAS SOFIALEX pour un montant de 229 424,69 euros ;
– que la SCI LE GOUM ne s’était opposée qu’à la levée de l’engagement de la caution donnée par la société ATRADUS ;
– que la preuve de la faute commise par la SAS SOFIALEX et du préjudice subi par la SAS DES CASSETTES, exploitante de l’Intermarché, n’était pas rapportée .
Par déclaration en date du 9 avril 2021, la SAS SOFIALEX a relevé appel de cette décision, intimant exclusivement la SCI LE GOUM.
Dans ses dernières conclusions transmises le 23 décembre 2022, la SAS SOFIALEX demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– declaré irrecevables ses demandes à l’encontre de la SAS FDS ;
– l’a deboutée du surplus de ses demandes au titre des travaux, et au titre de la retenue de garantie ;
– l’a deboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– ordonné la capitalisation des intérêts uniquement à compter du jugement et non pas à
compter de la mise en demeure du 2 avril 2015 ;
– confirmer le jugement en qu’il a :
– condamné la SCI LE GOUM à lui payer à la somme de 159 269,08 euros hors taxe au titre du solde des travaux ;
– dit que cette somme sera soumise à la TVA en vigueur à la date du fait générateur et augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
– debouté la SCI LE GOUM de sa demande portant sur les travaux de reprise des désordres ;
– debouté la SAS DESCASSETTE de sa demande de dommages et intérêts ;
– condamné la SCI LE GOUM à lui payer la somme de 3 000 euros sur lefondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SCI LE GOUM aux dépens distraits au profit des avocats qui le demandent ;
– dire que la norme NF P03-001 est applicable au marché ;
– juger en conséquence que les contestations de la SCI LE GOUM relatives à son mémoire définitif se heurtent à la forclusion et que, ce faisant, ses réclamations formulées dans son mémoire définitif sont devenues irrévocables et exigibles ;
– condamner en conséquence la SCI LE GOUM et la société FDS, in solidum ou non ou qui mieux le devra entre elles, au paiement de la somme de 400 595,04 euros TTC due en principal ;
– condamner la société SCI LE GOUM et la société FDS, in solidum ou non ou qui mieux le devra entre elles, au paiement des intérêts moratoires tels qu’issus de la norme NF P 03-001 à compter de la réception de la première mise en demeure, soit à compter du 2 avril 2015 ;
– prononcer la capitalisation des intérêts moratoires ;
– subsidiairement, juger que ses demandes sont tant recevables que bien fondées dès lors que le marché conclu entre les parties a le caractère d’un marché à forfait imparfait ;
– juger que les travaux supplémentaires, hors marché initial, réalisés étaient tant indispensables que réalisés sur ordre du maître de l’ouvrage et de sa maîtrise d’oeuvre ;
– condamner en conséquence la SCI LE GOUM et la société FDS, in solidum ou non ou qui mieux le devra entre elles, au paiement de la somme de 400 595,04 euros TTC ;
– condamner la société SCI LE GOUM et la société FDS, in solidum ou non ou qui mieux le devra entre elles, au paiement des intérêts moratoires tels qu’issus de l’article 20.8 de la norme NF P 03-001 (taux légal +7) à compter de la réception de la première mise en demeure, soit à compter du 2 avril 2015, somme à parfaire ;
– prononcer la capitalisation des intérêts moratoires ;
– en tout état de cause, constater que la SCI LE GOUM reconnaît le bien-fondé des travaux supplémentaires de la société SOFIALEX tant dans leur principe que dans leur quantum au regard de son livre de compte faisant état d’une créance de 400 595,68 euros ;
– juger que la SCI LE GOUM n’a pas introduit d’action, au titre des réserves, dans le délai d’un an à compter de la réception intervenue le 10 novembre ;
– prononcer la rétention abusive de la retenue de garantie ainsi que le caractère abusif de l’opposition à sa mainlevée ;
– juger en conséquence que faute d’avoir agi dans le délai d’un an à compter de la réception, la SCI LE GOUM est irrecevable en ses prétentions relatives aux levées de réserves ;
– condamner la SCI LE GOUM à lever son opposition à la mainlevée de la retenue de garantie s’élevant à 245 000 euros HT, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– juger que les demandes reconventionnelles de la SCI LE GOUM sont tant irrecevables que mal-fondées ;
– juger le caractère tant infondé qu’injustifié de la demande de la société DESCASSETTE ;
– dire que la SCI LE GOUM tente de s’enrichir sans cause ;
– débouter en conséquence la SCI LE GOUM de ses demandes reconventionnelles ;
– condamner la SCI LE GOUM à la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement du solde du marché et pour refus de libérer le montant de la retenue de garantie ;
– condamner la SCI LE GOUM à verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner la SCI LE GOUM et la société FDS, solidum ou non ou qui mieux le devra entre elles, aux entiers dépens de première instance et d’appel, distraits au profit de M. Benjamin Levy, avocat au barreau de Besançon.
A l’appui de ses demandes, la SAS SOFIALEX soutient principalement que la norme NF P 03-001 est applicable dans son intégralité dans ses relations contractuelles avec la SCI LE GOUM ; que le contrat de marché conclu est en conséquence un contrat à forfait imparfait ; qu’elle était donc autorisée à demander un supplément de prix en cas de surcroît de dépenses sans solliciter au préalable un écrit du maître d’ouvrage ; que les travaux supplémentaires réalisés étaient impératifs compte-tenu des erreurs de conception et de la carence de l’attributaire du lot n° 4 ; que sa demande en paiement était donc bien fondée ; qu’elle avait procédé par ailleurs aux reprises nécessaires et n’était pas tenue de l’étanchéité de la cuve de spincklage ; que le défaut de planéité dépassant les tolérances admises n’était pas établi ; que la demande reconventionnelle de la SCI LE GOUM ne pouvait en conséquence aboutir ni justifier le maintien de la retenue de garantie ; que la faute qu’elle aurait commise et le préjudice subi par la SAS DESCASSETTE n’étaient pas plus établis.
Dans leurs dernières conclusions transmises 19 décembre 2022, la SCI LE GOUM, intimée et appelante incidente, et la SAS DESCASSETTE, intervenant volontairement, demandent à la cour de :
– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a :
– déclaré irrecevable les demandes de la société SOFIALEX à l’encontre de la société FDS ;
– fixé le solde dû par la SCI LE GOUM à la société SOFIALEX à la somme de 159 269,08 € Ht au titre du solde des travaux, outre intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du Code Civil ;
– débouté la SCI LE GOUM de sa demande portant sur les travaux de reprise des désordres et au titre de la retenue de garantie ;
– débouté la SA DESCASSETTE de sa demande de dommages et intérêts ;
– débouté la SCI LE GOUM et la SAS DESCASSETTE de leur demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;
– déclaré irrecevable les demandes de la SCI LE GOUM à l’égard de la société FDS ;
– condamné la SCI LE GOUM à payer à la société SOFIALEX une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et à la SAS FDS une somme de 1 000 euros sur le même fondement ;
– condamné la SCI LE GOUM aux dépens ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société SOFIALEX de sa demande en paiement de la somme de 400 595,04 euros TTC en principal, outre intérêts moratoires, tels qu’issus de la norme NFP 03-001 à compter de la réception de la première mise en demeure, soit le 2 avril 2015 et juger que le total du marché s’élève à la somme de 4 948 803,52 € HT sur lequel 4 789 534,44 € HT ont été payés, soit un solde de 159 269,80 € HT
-l ‘infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :
– juger que le montant des plus-values supportées par la société LE GOUM suite aux malfaçons ;
de la société SOFIALEX s’est élevé à la somme de 229 424,69 euros HT ;
– fixer le solde dû, après compensation, par la société SOFIALEX à la SCI LE GOUM, à 70 185,61 euros HT ;
– condamner la société SOFIALEX au paiement de la somme de 70 185,61 euros HT, sauf à parfaire ;
– juger que ce montant de 70 185,61 euros HT entre dans la retenue de garantie dont la société ATRADIUS CREDIT INSURANCE, assure le règlement de la contrepartie financière ;
– juger que dans l’hypothèse où les travaux supplémentaires réclamés par la société SOFIALEX sont liés à l’inadaptation du projet, décrits dans le dossier de consultation des entreprises, puis les marchés et enfin la direction et la coordination des travaux, de l’assistance aux opérations de réception, que le maître d”uvre engage sa responsabilité tant vis-à-vis de la société SOFIALEX que la SCI LE GOUM.
– juger que dans l’hypothèse où la contrepartie des travaux mal exécutés par la société
SOFIALEX ne serait pas mise à sa charge par suite de l’absence de justification du fait de la maîtrise d”uvre, en lien avec la vérification des mémoires et l’assistance à la réception du maître de l’ouvrage, la société FDS engage sa responsabilité vis-à-vis de la société SCI LE GOUM ;
– condamner la société FDS à relever et garantir la SCI LE GOUM, sauf condamnation directe au profit de la société SOFIALEX, de l’ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, en principal, intérêts et frais, notamment du chef destravaux supplémentaires réclamés par la société SOFIALEX et de leurs conséquences, ou de la contrepartie des réserves et désordres affectant les travaux de la société SOFIALEX ;
– condamner la société FDS à payer à la SCI LE GOUM une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– juger que le préjudice de la SAS DESCASSETTE s’élève à 355 638 € HT ;
– condamner la société SOFIALEX à payer à la société DESCASSETTE la somme de 355 638 euros HT à titre de dommages et intérêts ;
– condamner la société SOFIALEX à payer à la SCI LE GOUM une somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société SOFIALEX à payer à la SAS DESCASSETTE une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société SOFIALEX et la société FDS aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Paul LORACH, avocat aux offres de droits.
La SCI LE GOUM et la SAS DESCASSETTE font principalement valoir que la norme NF P 03-001 n’a pas été contractuellement retenue par les parties ; que le contrat est dès lors un contrat de marché à forfait, réglementé par l’article 1793 du code civil ; que les travaux supplémentaires devaient donc être autorisés par écrit et le prix convenu avec le maître d’ouvrage ; que les deux devis n°14.02.0669 et n°14.06.0755 n’étaient donc pas dus à défaut d’avoir été autorisés par le maître d’ouvrage et de constituer des travaux impératifs nécessités par des défauts de conception de l’ouvrage ; que la demande en paiement de la SAS SOFIALEX est donc mal fondée ; que les malfaçons dans l’exécution par cette dernière de son lot maçonnerie-gros oeuvre sont au contraire établies ; qu’elles ont justifié des reprises à hauteur de 229 424,69 euros ; que ces dernières ont également conduit à un report de l’activité commerciale de la SAS DESCASSETTE, locataire des lieux dans lesquels elle exploite un centre commercial Intermarché, lui occasionnant un préjudice ; que les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts sont en conséquence bien fondées.
Dans ses dernières conclusions transmises le 7 décembre 2022, la SAS FDS, intimée sur appel provoqué de la SCI LE GOUM, demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– déclaré irrecevables les demandes de la SAS SOFIALEX à son encontre ;
– déclaré irrecevables les demandes de la SCI LE GOUM à son encontre ;
– condamné la SCI LE GOUM à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– subsidiairement, rejeter toutes demandes de condamnation, à payer ou garantir, de la SAS SOFIALEX et de la SCI LE GOUM au titre des travaux supplémentaires visés à l’appui des cinq devis suivants :
– devis n°14.05.730 du 15 mai 2014 d’un montant de 23 664,33 euros HT ;
– devis n°14.06.741 du 4 juin 2014 d’un montant de 18 473,49 euros HT ;
– devis n°14.09.796 du 5 septembre 2014 d’un montant de 6 665,70 euros HT ;
– devis n°14.02.0669 du 26 février 2014 d’un montant de 155 149,99 euros HT ;
– devis n°14.06.0755 du 19 juin 2014 d’un montant de 19 375 euros HT ;
– rejeter la demande de condamnation de la SCI LE GOUM à son encontre au titre des prétendues malfaçons qu’elle invoque ;
– débouter les sociétés SOFIALEX et DESCASSETTE et la SCI LE GOUM de toutes autres demandes ;
– condamner en tout état de cause solidairement la société SOFIALEX et la SCI LE GOUM à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du codede procédure civile ;
– condamner la SCI LE GOUM aux entiers dépens.
La SAS FDS fait principalement valoir que la SAS SOFIALEX et la SCI LE GOUM ont tenu une posture procédurale contradictoire à son encontre ; que le principe d’estoppel était donc parfaitement établi et justifiait pleinement l’irrecevabilité des demandes présentées contre elle ; que sur le fond, elle n’a commis aucune faute dans le cadre de la maîtrise oeuvre qui lui était confiée et que les demandes en paiement à son encontre sont en conséquence malfondées.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 décembre 2022 .
MOTIFS DE LA DÉCISION :
– sur l’irrecevabilité des demandes présentées à l’encontre la SAS FDS :
Aux termes de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.
Selon le principe d’estoppel, une partie ne peut se prévaloir d’une position contraire à celle qu’elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d’un tiers, sous peine de voir ses demandes déclarées irrecevables. (Cass assemblée plénière – 27 février 2009 n° 07-19841).
En l’espèce, les premiers juges ont retenu la contradiction dans la posture procédurale de la SCI LE GOUM à l’égard du maître d’oeuvre au motif qu’elle l’avait assigné en intervention forcée aux fins de la garantir d’éventuelles condamnations avant de ne plus la solliciter dans ses conclusions n° 5 puis de la requérir de nouveau dans ses dernières conclusions. Ces derniers ont également retenu une telle atteinte au principe de loyauté des débats par la SAS SOFIALEX à l’égard du même maître d’oeuvre qu’elle avait d’abord mis hors de cause dans ses premières conclusions avant de solliciter sa garantie dans ses dernières conclusions.
Si la SCI LE GOUM fait grief aux premiers juges d’avoir déduit de ces éléments l’irrecevabilité de ses demandes à l’encontre de la SAS FDS, ces derniers ont cependant retenu à raison que les revirements relevés dans ses conclusions étaient de nature à induire en erreur son adversaire sur ses prétentions et sur les moyens que ce ce dernier devait opposer pour assurer la défense de ses droits.
Contrairement à ce que soutient la SCI LE GOUM, une telle contradiction doit s’apprécier au regard du litige opposant les parties au cours d’une même instance et non être circonscrite aux seuls débats devant les premiers juges, peu important en l’état que le maître de l’ouvrage n’ait pas présenté les mêmes contradictions dans ses conclusions à hauteur de cour. ( Cass Civ 2ème – 15 mars 2018 n° 17-21.991)
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes présentées par la SCI LE GOUM à l’encontre de la SAS FDS.
Si la SAS SOFIALEX conteste également l’irrecevabilité de ses demandes présentées à l’encontre de la SAS FDS, cette dernière ne contredit pas n’avoir sollicité la condamnation de la SAS FDS, avec laquelle elle n’entretenait aucun lien contractuel, que le 6 décembre 2018, soit plus de 16 mois après l’intervention forcée à la cause de cette société, en contradiction avec les précédentes conclusions qu’elle avait notifiées.
Une telle attitude procédurale, alors même que la SAS SOFIALEX était la demanderesse à l’instance, est déloyale et ne pouvait qu’induire en erreur son adversaire sur ses prétentions et la défense à y apporter, attitude qu’elle a reproduit en appel en n’intimant pas la SAS FDS puis en sollicitant sa condamnation in solidum avec la SCI LE GOUM dans ses dernières conclusions.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré également irrecevables les demandes de la SAS SOFIALEX à l’égard de la SAS FDS et le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce sens.
– Sur la nature du marché de travaux :
Aux termes de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En l’espèce, la SAS SOFIALEX s’est vu confier par la SCI LE GOUM le lot n° 3 gros oeuvre-maçonnerie pour un montant de 4 900 000 euros hors taxe, selon devis en date du 28 août 2013 et marché de travaux signé le 8 novembre 2013.
Si la SAS SOFIALEX fait grief aux premiers juges d’avoir improprement qualifié ce contrat de contrat de marché à forfait pour rejeter sa demande en paiement de travaux supplémentaires, ces derniers ont cependant retenu à raison que cette société ne rapportait pas la preuve de l’intention des deux parties de faire dépendre leurs relations contractuelles de la norme AFNOR P 03-001 – édition 2000.
En effet, ni le devis ni le marché de travaux ne mentionnent l’application d’une telle norme dans l’exécution de leurs obligations respectives aux termes des différents articles les composant.
Quant au cahier des clauses administratives particulières (CCAP), si ce dernier, qui constitue bien un document contractuel dans la liste mentionnée dans le contrat de marché, quand bien même l’exemplaire produit n’est pas signé, et qui définit les relations entre le maître de l’ouvrage et les ‘entrepreneurs attributaires des marchés’, fait expressément référence dans certains paragraphes, ces mentions visent spécifiquement à en exclure l’application.
Ainsi, l’article 3 précise que ‘par dérogation à la norme NF P 03-001, il est convenu que le silence du maître de l’ouvrage, ou le défaut de réponse à un quelconque document ou notification de l’entrepreneur, ne vaudra en aucun cas acceptation ou reconnaissance implicite de la demande ou du droit invoqué par l’entrepreneur’. L’article 4 relatif à la rémunération de l’entrepreneur indique quant à lui que ‘ les articles 7.7, 9.1.2., 9.1.3 et 9.3 de la norme NF 03-001 sont inapplicables’.
Si la SAS SOFIALEX soutient que nonobstant de telles mentions, sa lettre du 8 novembre 2003 est venue compléter le marché de devis et a contractualisé cette norme, une telle argumentation ne saurait cependant prospérer.
En effet, si cette société a certes apposé à côté de sa signature sur le contrat de marché la mention ‘sous réserve des termes de notre lettre réf 13.10.001 du 8 novembre 2013″, l’identité de la date de rédaction de ladite lettre, adressée par pli recommandé, avec la date de signature du contrat de marché témoigne d’une part qu’une telle mention a manifestement été portée alors même que la SCI LE GOUM avait d’ores et déjà signé le document le 25 septembre 2013 et qu’elle n’a pu en conséquence, par sa seule signature, acquiescer à l’intégration de cette lettre dans les pièces contractuelles fondant le marché de travaux.
Par ailleurs, si cette lettre déplore effectivement les dérogations portées par le CCAP à la norme et rappelle que son offre de prix n’a été consentie que’selon les règles du jeu définies par le DCE et les prescriptions habituelles des marchés privés matérialisées par le CCAG NFP 03001 sans dérogation’, elle ne comprend cependant ni dans son objet ‘ observations sur vos envois successifs’ ni dans le paragaphe ‘conclusions’ une quelconque revendication de la SAS SOFIALEX pour voir modifier les articles litigieux du contrat et établir un nouveau contrat de marché aux conditions qu’elle estimait devoir régir leurs relations contractuelles et qui auraient pu faire l’objet de pourparlers précontractuels.
Compte-tenu des ambiguïtés ci-dessus relevées, il ne peut être déduit qu’à la réception du contrat de marché et de la lettre l’accompagnant, la SCI LE GOUM a accepté les nouvelles conditions imposées unilatéralement par la SAS SOFIALEX.
L’appelante ne justifie pas plus de l’accord qu’aurait pu donner la SCI LE GOUM pour renoncer aux dispositions spécifiques qu’elle avait incluses expressément dans le CCAP pour déroger à la norme AFNOR NF P 03-001 et qui fondaient le socle de son engagement financier.
Un tel accord ne peut en effet résulter du silence du maître de l’ouvrage. Les règles établies par la norme revendiquée ne prévalent par ailleurs pas sur les dispositions de l’article 1793 du code civil ( Cass civ 3ème 11 mai 2006 n°04-18 902) et sur la liberté contractuelle garantie à l’article 1134 du code civil, contrairement à ce que soutient l’appelante.
Enfin, l’appelante ne peut se prévaloir de la mauvaise foi de la SCI LE GOUM dès lors que le contrat et l’ensemble des pièces l’articulant lui ont été adressées préalablement et qu’elle a pu en prendre pleinement connaissance avant de signer son engagement.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que le contrat liant la SCI LE GOUM à la SAS SOFIALEX était un contrat de marché forfaitaire pur et simple régi par les dispositions de l’article 1793 du code civil.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.
– Sur la demande en paiement :
Aux termes de l’article 1793 du code civil, lorsqu’un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d’oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit et le prix convenu avec le propriétaire.
Ainsi, dans le cadre de l’exécution d’un marché à forfait, les travaux supplémentaires relèvent du forfait s’ils sont nécessaires à la réalisation de l’ouvrage, de sorte que l’entrepeneur ne peut exiger de ce dernier le paiement d’une somme supplémentaire excédant ce qui a été convenu contractuellement pour la réalisation des travaux. (Cass civ 3ème 18 avril 2019 n° 18-18.801)
En l’espèce, la SAS SOFIALEX a sollicité, dans son mémoire définitif du 29 décembre 2014, le paiement d’un solde restant dû de 400 595,04 euros TTC comprenant cinq devis supplémentaires de 23 664,33 euros ( n° 14 05 730 ), de 18 473,49 euros (n° 14. 06741), de 6 665,70 euros (n° 14.09 796), de 155 149,99 euros (n° 14.02.0669 ) et de 19 375 euros (n ° 14.06.0755).
Si les trois premiers devis ont d’ores et déjà été acquittés par le maître de l’ouvrage qui les avait pleinement acceptés, la SAS SOFIALEX fait grief aux premiers juges d’avoir rejeté sa demande en paiement concernant les deux derniers devis alors que la SCI LE GOUM n’était plus recevable à contester le mémoire définitif qu’elle lui avait notifié le 30 décembre 2014 et qu’elle devait en conséquence en assurer l’entier paiement.
Pour justifier de la forclusion qu’elle invoque, la SAS SOFIALEX se prévaut des dispositions de l’article 19.6.2 de la norme AFNOR NF P 03-001, qui prévoient qu’en l’absence de notification d’un décompte définitif rectifié après mise en demeure dans un délai de 15 jours, le maître de l’ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif de l’entreprise.
Or, les motifs ci-dessus détaillés mettent en exergue que les parties ne se sont pas accordées sur l’applicabilité de la norme AFNOR NF P 03-001 au marché de travaux et, à défaut pour l’ensemble des documents fondant le socle contractuel de mentionner spécifiquement les modalités et sanctions prévues à l’article 19.6.2, qui ne revêt aucun caractère d’ordre public, la SAS SOFIALEX ne peut en solliciter l’application.
La contestation élevée par la SCI LE GOUM n’est en conséquence pas forclose.
Elle est au surplus bien fondée dès lors que, comme l’ont retenu à raison les premiers juges, la SAS SOFIALEX ne rapporte pas la preuve de l’autorisation expresse qu’elle aurait eue du maître de l’ouvrage de réaliser d’une part le remplacement des cloisons du rez de chaussée, prévues initialement en agglos, par des prémurs, objet du premier devis contesté, et d’intervenir d’autre part en lieu et place de l’entrepreneur en charge de lot n° 4, défaillant, au titre du réglage des platines, objet du second devis contesté.
Aucun écrit ne vient corroborer la commande, ou à tout le moins, l’acceptation qu’aurait donnée la SCI LE GOUM pour la réalisation de tels travaux.
Si la SAS SOFIALEX se prévaut de l’insuffisance de conception des plans d’exécution et de la nécessité impérative de les corriger et justifie avoir adressé un devis pour y remédier au maître d’oeuvre, avec copie au maître d’ouvrage, le 11 mars 2014, avec relance le 26 mars 2014 et 29 avril 2014, elle ne justifie cependant d’aucune réponse favorable à l’exécution de tels travaux supplémentaires malgré l’insistance dont elle a fait preuve. Une telle preuve ne résulte pas plus du compte-rendu de réunion de chantier n° 36 du 5 mai 2014, ce dernier ne portant aucune injonction de la SCI LE GOUM de réaliser les travaux aujourd’hui litigieux contrairement à ce que l’appelante soutient dans ses conclusions.
Aucun élément ne vient en conséquence établir que le changement dans la nature des ouvrages résulterait de la carence du maître de l’ouvrage à définir ses besoins et de celle subséquente de son maître de d’oeuvre de réaliser sa mission de conception, d’exécution et de synthèse.
Il n’est pas plus démontré que le remplacement des cloisons du rez de chaussée par des prémurs serait constitutif des ‘travaux urgents intéressant la stabilité de l’ouvrage’, seuls travaux que le CCAP autorisait dans son article 5.1 l’entrepreneur à diligenter sans avoir reçu l’agrément du maître d’oeuvre.
Si les travaux sont certes décrits par l’expert [D] sollicités par l’appelante comme indispensables pour ‘être des éléments structurels permettant les reprises de charges de la charpente métallique’, ce que contredit cependant le rapport du bureau d’étude AREBA mandaté par le maître d’oeuvre, aucune urgence ne commandait de s’affranchir de l’autorisation préalable du maître de l’ouvrage.
Cette autorisation n’a manifestement pas été donnée, mais au contraire refusée implicitement. En témoigne ainsi le courrier du 19 mars 2014 du maître d’oeuvre par lequel ce dernier indiquait à la SAS SOFIALEX que sa demande relative au devis n° 14.02.0669 était ‘sans fondement et injustifiée’ et que si elle souhaitait réaliser les cloisons en prémurs, il ne s’opposait pas à cette solution technique ‘sous réserve qu’elle n’occasionne aucun surcoût au maître de l’ouvrage’.
Enfin, en aucune façon l’appelante ne saurait se prévaloir des nouvelles dispositions de l’article 1195 du code civil, permettant à un cocontractant de solliciter la renégociation du contrat en cas de changement imprévisible rendant l’exécution excessivement onéreuse, ces dernières ayant été édictées postérieurement à la conclusion du contrat et à sa réalisation, et ne pouvant en conséquence être rétroactivement appliquées au présent litige.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté la SAS SOFIALEX de sa demande en paiement de ce devis.
Quant à l’intervention pour le compte de l’entreprise en charge du lot n° 4, aucun élément ne permet de déterminer que la SAS SOFIALEX serait intervenue en lieu et place de l’entrepreneur en charge de lot n°4, défaillant, au titre du réglage des platines, et aurait agi sur ordre du maître de l’ouvrage.
Une telle preuve ne résulte en effet aucunement des compte-rendus n° 33 à 36, auquel assistait systématiquement l’entrepreneur ‘défaillant’, lequel effectuait manifestement la réalisation et la reprise de son lot selon les directives du maître d’oeuvre.
Si le compte-rendu n° 36 fait certes état dans le lot de la SAS SOFIALEX de ‘ reprises platines zone 5 file F et zone 2 file A’, celui n° 35 témoigne cependant que le gros oeuvre présentait une non-conformité nécessitant des rectifications de la SAS SOFIALEX sur la zone 3 file A, ne permettant pas d’exclure, en l’absence de tout autre élément, que celles sur la zone 5 et sur la zone 2 constatés lors du compte-rendu suivant relevaient également de désordres liés à la seule intervention de la SAS SOFIALEX.
Aucun devis sur ces ‘travaux supplémentaires’ n’a par ailleurs été soumis et autorisé par le maître de l’ouvrage, qui n’a découvert ces derniers que lors de la réception du mémoire définitif.
C’est donc également à bon droit que les premiers juges ont débouté la SAS SOFIALEX de cette demande en paiement.
Les sommes restant dues par la SCI LE GOUM au titre du solde des travaux, objet du marché à forfait augmenté des trois devis acceptés par le maître de l’ouvrage, s’èlevent à 159 269,08 euros, somme qui portera intérêts non pas à compter du jugement comme retenu par le premiers juges mais à compter du 2 avril 2015, date de la mise en demeure, conformément aux dispositions de l’article 1153 devenu 1231-6 du code civil soulevées à raison par l’appelante.
La capitalisation des intérêts s’effectuera donc à compter du 2 avril 2016, selon les règles de l’article 1154 devenu 1343-2 du code civil.
Le montant de ces derniers ne sera pas fixé au taux légal mais au taux contractuel, lequel n’est pas déterminé par la norme AFNOR NF P 03-001( Taux légal +7) , comme soulevé à tort par l’appelante, mais s’élève à une fois et demi le taux contractuel selon l’article 6.7 du CCAP qui exclut expressément l’article 20.8 de ladite norme.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ces chefs-là.
– Sur les demandes reconventionnelles de la SCI LE GOUM :
En l’espèce, la SCI LE GOUM soutient que la SAS SOFIALEX est responsable des réserves qu’elle a émises le 10 novembre 2014 et qui affectent d’une part, l’étanchéité de la cuve de spinklage dont la mise en oeuvre a été défectueuse, et d’autre part, la planéité du plancher.
Si la SCI LE GOUM fait grief aux premiers juges de l’avoir déboutée de sa demande en paiement de la somme de 229 424,69 euros présentée au titre des reprises nécessaires, ces derniers ont cependant retenu à raison que le maître de l’ouvrage ne rapportait la preuve ni de l’existence de telles malfaçons, ni de leur imputabilité à la SAS SOFIALEX ni encore d’avoir mis en demeure cette dernière de réaliser les reprises nécessaires pour lever les réserves qu’elle avait formulées lors de la réception des travaux.
Aucune pièce n’est ainsi produite à l’appui de ses allégations par la SCI LE GOUM. Elle ne communique qu’un décompte évaluant sa créance (pièce 2), lequel est insuffisant pour déterminer les manquements qu’a pu commettre la SAS SOFIALEX dans l’exécution du lot n° 3 gros oeuvre-maçonnerie.
Si le constat d’huissier du 10 novembre 2014, transmis par la SAS SOFIALEX et incomplet à défaut d’être accompagné des photographies correspondantes, fait certes état de désordres, aucun élément ne permet cependant d’établir que ces derniers auraient perduré au-delà du courrier du 7 janvier 2015 par lequel cette société a indiqué avoir procédé aux reprises concernant les défauts relevant de son lot.
Par ailleurs, l’étanchéité de la cuve de spinklage ne ressort pas comme relevant du lot n° 3, selon l’article 1.3.2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) qui ne prévoyait pas de bac de vidange, mais la création de murets en béton.
Quant au défaut de planéité invoqué, ce défaut a été relevé le 4 juin 2014 par M. [W] [C], géomètre- expert, lequel n’a cependant pas procédé à ses mesures en prenant en compte la tolérance prévue l’article 7.2.2 du DTU 21 NFP 18-201.
Par ailleurs, il n’a pas été mentionné par l’huissier instrumentaire au titre des réserves dans le constat du 10 novembre 2014, valant procès-verbal de réception de telle sorte que ce ‘défaut de conformité apparent’, à le supposer établi, ne saurait être opposé à la SAS SOFIALEX. La SCI LE GOUM ne peut en effet plus s’en prévaloir pour engager la responsabilité de son cocontractant, en application de l’article 1792-6 du code civil. (Cass civ 3ème 9 octobre 1991 n° 87-18.226).
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté la SCI LE GOUM de sa demande reconventionnelle. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.
– Sur la retenue de garantie :
En l’espèce, la SCI LE GOUM a procédé à la retenue de garantie de 5 % et s’est opposée à la main-levée de la caution ainsi prise auprès de la société ATRADIUS CREDIT INSURANCE à l’issue du délai d’un an prévu à l’article 3 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971.
Si la SAS SOFIALEX fait grief aux premiers juges de l’avoir déboutée de sa demande de mainlevée, aucun élément ne permet cependant d’établir que le 6 novembre 2015, la SCI LE GOUM aurait abusivement procédé à cette retenue alors même qu’un contentieux important l’opposait à cette date à la SAS SOFIALEX sur le compte défitinitif du lot n° 3 et sur les défauts et malfaçons pouvant affecter l’immeuble.
Pour autant, à défaut pour la SCI LE GOUM d’être à ce jour créancière de la SAS SOFIALEX, son maintien ne s’impose plus pour garantir la préservation de fonds aux fins de réalisation des travaux, objet du marché à forfait litigieux.
C’est donc à tort que les premiers juges, qui n’ont pas tiré les conséquences des constatations qu’ils avaient faites, ont débouté la SAS SOFIALEX de ce chef de demande.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé et la SCI LE GOUM sera condamnée à procéder à la mainlevée de la retenue de garantie s’élevant à 245 000 euros HT, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé le délai de deux mois, à compter de la signification du présent arrêt, et pour une durée de 6 mois.
– Sur la résistance abusive de la SCI LE GOUM :
Aucun élément ne permet d’établir en l’état que la SCI LE GOUM aurait abusivement refusé de payer le solde des travaux, dès lors qu’elle en a contesté le montant dès la réception du mémoire définitif et que les motifs ci-dessus détaillés constatent le bien-fondé partiel de son opposition.
Tout autant, si la SCI LE GOUM a certes refusé de donner mainlevée de la retenue de 5 % , une telle attitude, notifiée à la SAS SOFIALEX, ne présente cependant pas de caractère abusif dès lors qu’elle se justifiait le 6 novembre 2015 aux fins de garantir l’exécution des travaux dont elle contestait la bonne réalisation.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la SAS SOFIALEX de sa demande en paiement de dommages et intérêts.
– Sur la demande de dommages et intérêts de la SAS DESCASSETTE :
En l’espèce, la SAS DESCASSETTE reproche à la SAS SOFIALEX d’avoir fait différer du 1er octobre au 1er novembre 2014 l’ouverture du magasin Intermarché qu’elle exploite et sollicite en réparation l’allocation de la somme de 355 638 euros TTC à titre de dommages et intérêts.
La SAS DESCASSETTE ne justifie cependant pas de la faute commise à son encontre par la SAS SOFIALEX dont la responsabilité ne peut être recherchée que sur le fondement de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.
En effet, seul le bailleur s’était engagé à garantir à la SAS DESCASSETTE une mise à disposition de lieux loués à compter du 1er octobre 2014 et la SAS SOFIALEX ne saurait en conséquence se voir opposer cette date, laquelle était dépendante certes du gros oeuvre et des maçonnerie réalisés par la SAS SOFIALEX, mais également, d’une part, de l’ensemble des autres corps de métiers en charge des aménagements intérieurs et des installations électriques, sanitaires et climatiques et, d’autre part, de l’aptitude du bailleur, maître de l’ouvrage, à remplir ses propres obligations, sur lesquels l’intimée n’apporte aucune explication.
Aucun élément ne vient en conséquence étayer les allégations de la SAS DESCASSETTE selon lesquelles l’ouverture différée du centre commercial serait imputable à un comportement fautif de la SAS SOFIALEX.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont déboutée la SAS DESCASSETTE de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi, :
– Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Besançon en date du 16 février 2021, sauf s’agissant du taux et de la capitalisation des intérêts devant assortir la condamnation au paiement de la somme de 159 269,08 euros au titre du solde des travaux et rejeté la demande présentée au titre de la retenue de garantie ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant :
– Dit que la somme de 159 269,08 euros, au paiement de laquelle a été condamnée la SCI LE GOUM, portera intérêts au taux conventionnel d’une fois et demie le taux de l’intérêt légal à compter du 2 avril 2015, date de la mise en demeure ;
– Dit que les intérêts se capitaliseront à compter du 2 avril 2016 conformément aux dispositions de l’article 1154 devenu 1343-2 du code civil ;
– Condamne la SCI LE GOUM à procéder à la mainlevée de la retenue de garantie de 245 000 euros HT dans les deux mois de la signification du présent arrêt, sous peine, passé ce délai, d’une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, pendant une durée de 6 mois ;
– Condamne la SCI LE GOUM aux dépens d’appel, avec autorisation donnée à M. [R] [L] et de M. [I] [Y], avocats, de les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI LE GOUM à payer à la SAS SOFIALEX la somme de 4 000 euros et à la SAS FDS la somme de 2 000 euros et la déboute, ainsi que la SAS DESCASSETTE, de leurs demandes présentées sur le même fondement.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,