Contrat d’édition : 21 mars 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01811

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Contrat d’édition : 21 mars 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01811
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SF/CD

Numéro 23/01045

COUR D’APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 21/03/2023

Dossier : N° RG 21/01811 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H4JB

Nature affaire :

Autres demandes relatives à un contrat de réalisation de travaux de construction

Affaire :

SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE

C/

[O] [T] [H] épouse [F],

[W] [X] [F]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 21 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 07 Février 2023, devant :

Madame FAURE, Présidente

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère

Madame de FRAMOND, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Maître BAUCOU, avocat au barreau de PAU

INTIMES :

Madame [O] [T] [H] épouse [F]

née le 23 janvier 1965 à [Localité 5] (Portugal)

de nationalité Portugaise

[Adresse 1]

[Localité 4]

Monsieur [W] [X] [F]

né le 11 février 1962 à [Localité 5] (Portugal)

de nationalité Portugaise

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés et assistés de Maître SABIN de la SELARL PYRENEES AVOCATS, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 27 AVRIL 2021

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU

RG numéro : 19/01159

Début 2018, M. [W] [X] [F] et Mme [O] [T] [H] épouse [F] ont confié un projet de construction de leur maison d’habitation à [Localité 4], à Mme [B] [L], architecte. Un contrat de maîtrise d”uvre était signé le 28 mars 2018, sous la condition suspensive de l’octroi d’un prêt et un devis relatif à la fourniture et la pose de charpente pour ce chantier était établi le 28 mars 2018 par la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE pour un montant de 42 232,20 € TTC.

Courant juin 2018, la demande de prêt des époux [F] a été acceptée et ceux-ci signaient le 9 août 2018 l’acquisition de leur terrain par acte authentique.

Le 28 août 2018, la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE était destinataire d’un courrier de M. et Mme [F] aux termes duquel ceux-ci indiquaient avoir choisi une autre entreprise pour leur couverture charpente et ne s’estimaient pas liés avec elle.

Par acte d’huissier en date du 11 juin 2019, la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE a fait assigner [W] [X] [F] et [O] [T] [H] devant le tribunal de grande instance de Pau devenu tribunal judiciaire, sur le fondement des articles L111-1 et L111-2 du code de la consommation et les articles 1113, 1114, 1130, 1231-1 et 1310 et suivants du code civil, aux fins de déclarer abusive la rupture unilatérale de M. [X] [F] et Mme [T] [H] épouse [F] du contrat les liant à la société DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE ainsi que leur condamnation au paiement de la somme totale de 43 983,46 €.

Suivant jugement contradictoire en date du 27 avril 2021, le juge de première instance a :

– constaté l’absence de contrat entre la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE et M. [X] [F] et Mme [T] [H] épouse [F],

– débouté la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE de l’ensemble de ses prétentions,

– condamné la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE à payer à M. [X] [F] et Mme [T] [H] épouse [F], la somme de 1 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé les dépens à la charge de la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE.

Le juge de première instance a constaté que le devis établi par SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE ne répondait pas aux exigences édictées par l’article L111-1 du code de la consommation et par l’arrêté du 24 janvier 2017, notamment sur le bon pour accord explicite des maîtres d’ouvrage et sur les informations devant y figurer. Faute d’une offre répondant aux critères légaux et d’une acceptation telle que prévue par l’article 1116 du code civil, aucun contrat n’a été conclu.

La SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE a relevé appel par déclaration du 31 mai 2021, critiquant le jugement dans l’ensemble de ses dispositions.

Dans ses dernières écritures notifiées le 11 mai 2022, la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE, appelante, entend voir la cour :

– déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE,

– infirmer totalement le jugement rendu en premier ressort le 27 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Pau,

Statuant à nouveau,

– condamner M. et Mme [F] solidairement au paiement de la somme totale de 43 983,46 € justifiée comme suit :

* 29 528,90 € correspondant à la perte de chance d’effectuer d’autres chantiers,

* 12 669,56 € correspondant à l’acompte de 30 % du montant TTC du devis litigieux (42 232,20 €),

– à défaut, déterminer le seuil d’indemnisation par les époux [F] au bénéfice de la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE,

– condamner M. et Mme [F] solidairement à la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– débouter M. et Mme [F] de l’ensemble de ses demandes.

Au soutien de ses prétentions, la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE fait principalement valoir, sur le fondement des articles L111-1 et L111-2 du code de la consommation, et les articles 16, 1113, 1114, 1116, 1118, 1130, 1231-1, 1128, 1133, 1135, 1137, 1310 et suivants du code civil,

– que le premier juge a relevé des moyens de droit d’office en violation du principe du contradictoire, et alors que les dispositions de l’article R632-1 du code de la consommation ne s’appliquent pas aux dispositions de l’arrêté du 24 janvier 2017 modifié par l’arrêté du 28 février 2017 non codifiées dans ce code ;

– que les dispositions des arrêtés de 2017 sont indifférentes, en particulier la mention “bon pour accord” ou “bon pour travaux” (ou toute formule équivalente) n’est pas une condition de formation du contrat, n’a aucune valeur juridique concernant les actes sous seing privé non soumis à un formalisme imposé par les dispositions législatives ou réglementaires, sauf exceptions prévues par la loi ce que rappelle la jurisprudence, et ce que montrent les autres devis des entreprises intervenues sur le chantier ;

– que la preuve de la formation d’un contrat réside dans la rencontre d’une offre et d’une acceptation par la signature, et en l’espèce, par la signature sur le devis du 6 avril 2018 de Mme [F], la signature des documents type acte d’engagement, marchés travaux, etc, interviennent ultérieurement lors de la phase d’exécution du contrat pour la réglementer ; en outre, les époux [F] ne rapporte pas la preuve de l’exigence de la banque d’un devis signé pour obtenir le prêt, devis signé qu’ils ont retourné à SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE lui faisant croire à l’acceptation du marché ;

– que le respect de l’obligation pré-contractuelle d’information par la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE est démontré en ce que les époux ont reçu, dans le devis, le détail de la quantité, de la description, de l’unité et du prix des travaux qui seraient effectués chez eux, les autres devis des entreprises intervenues sur le chantier ne contiennent pas plus d’informations ; d’autres informations, comme le calendrier prévisionnel permet notamment d’organiser les interventions de tous les artisans, sont inclues ensuite dans le contrat d’engagement, leur absence dans le devis ne pouvant être une cause de nullité du contrat en l’absence de grief démontré ;

– que la perception d’un acompte lors de l’acceptation du devis n’est pas automatique lorsque le chantier est suivi par un architecte ;

– que les époux [F] ne peuvent se prévaloir d’aucune nullité du contrat les caractéristiques de la prestation étant indiquées dans le devis, peu important le motif de leur acceptation ;

– que la rupture unilatérale des époux [F] du contrat les liant à la société DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE doit être considérée comme abusive et justifie leur condamnation à l’indemniser à hauteur de 30 % des travaux commandés ainsi que prévu au devis signé, outre la perte de chance de réaliser les autres chantiers prévus également en novembre 2018 auxquels elle a renoncé pour intervenir sur celui de M. et Mme [F], estimée à 50 % du chiffre d’affaires perdu comme le démontre ses résultats pour l’année 2018/2019.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 8 septembre 2022, M. et Mme [F], entendent voir la cour :

– confirmer le jugement entrepris en l’ensemble de ses dispositions,

à titre subsidiaire,

– rejeter les demandes indemnitaires de la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE,

à titre infiniment subsidiaire,

– limiter l’éventuelle condamnation des époux [F] à la somme de 10 558,05 €,

en toute hypothèse,

– condamner la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE aux entiers dépens,

– la condamner à payer à M. et Mme [F] la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, M. et Mme [F] font valoir, sur le fondement des articles 1113 et 1114 du code civil :

– que le premier juge a pu soulever les dispositions de l’arrêté du 24 janvier 2017 pris en application de l’article L112-1 du code de la consommation et donc inclus dans les dispositions de ce code, permettant de les viser d’office ; en outre, la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE a elle-même, en première instance évoqué les dispositions applicables aux devis, le juge n’a donc pas violé le principe du contradictoire ;

– que les travaux visés par le devis s’inscrivent dans une opération globale et complexe de construction d’une maison individuelle ; que l’offre doit comprendre les éléments essentiels du contrat envisagé (planning précis, assurance souscrite, pénalités en cas de retard) et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut, il ne s’agit que d’une invitation à entrer en négociation. Que l’ensemble de ces informations sont données dans l’acte d’engagement et le cahier des clauses administratives et particulières constituant dès lors le véritable contrat et constituait, pour le maître de l’ouvrage, une condition essentielle formalisant l’accord entre les parties ;

– qu’en l’absence de précision sur le délai de rétractation, le délai de début et de la durée des travaux et les modalités d’exécution du contrat, M. et Mme [F] ne pouvaient en signant ce simple devis, s’engager contractuellement en connaissance de cause ;

– que l’acompte de 30 % prévu au devis était en contradiction avec les conditions prévues ensuite au marché et n’avait d’ailleurs pas été réclamé à juste titre en l’absence de travaux engagés par l’appelante ;

– que le devis a dû être signé pour pouvoir le présenter à la banque dans le cadre de l’obtention du prêt mais que le choix des entreprises n’était pas encore définitivement arrêté, et que c’est par une erreur de l’architecte que ce devis a été retourné à SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE ;

– qu’ils n’ont jamais invoqué l’existence d’un vice du consentement qui suppose que le contrat ait été effectivement formé. Ils invoquent l’absence de consentement et donc l’absence d’existence d’un contrat ;

– à tire subsidiaire, que le montant pris pour base du calcul des dommages et intérêts au titre des 30 % de l’acompte ne peut être que le montant HT de l’acompte correspondant à ce qui lui serait revenu, et non pas la TVA qu’elle reverse ;

– que le préjudice de perte de chance d’effectuer d’autres chantiers n’est aucunement démontré, l’un des chantiers résulte d’un devis du 11 juillet 2018, l’autre du 23 juillet 2018, dates à laquelle l’appelante était informée du refus de signature de M. et Mme [F], et par ailleurs, aucune date pour le début de leurs travaux n’était encore définie et n’empêchait donc d’accepter ces autres chantiers ; et en toutes hypothèses, le préjudice ne pourrait se calculer que sur une marge brute, le chiffre d’affaires n’étant réalisé qu’en exposant des charges qui n’ont pas eu lieu.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle que, en vertu de l’article 954 alinéa 3, selon lequel “La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif” les demandes contenues au dispositif des conclusions tendant à “constater”, “dire et juger”, ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions saisissant la Cour, mais des rappels de moyens.

Sur la demande en paiement de la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE :

Selon l’article 1353 du code civil C’est à celui qui se prévaut de l’existence du contrat d’en rapporter la preuve.

S’agissant d’un contrat entre un commerçant et un particulier, le mode de preuve est libre.

Sur l’existence d’un contrat d’entreprise liant la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE à M. et Mme [F] :

Selon l’article 1113 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur.

Selon l’article 1114 du code civil, l’offre faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.

Hormis le cas des contrats de constructions de maison individuelle sur plan soumis aux dispositions d’ordre public de l’article L. 231-2 de code de la construction et de l’habitation, aucun formalisme n’est exigé pour la conclusion d’un contrat d’entreprise, si ce n’est les obligations d’informations prévues par le code de la consommation en vue d’éclairer le consentement du consommateur.

Ainsi selon l’article L111-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur au moment des faits, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, notamment les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

L’arrêté 24 janvier 2017 visé par le 1er juge prévoit en son article 1 :

I. – Les dispositions du présent arrêté s’appliquent à tout professionnel qui réalise :

– des prestations de dépannage, de réparation et d’entretien dans les secteurs du bâtiment et de l’équipement de la maison, énumérées en annexe ;

– des opérations de remplacement ou d’adjonction de pièces, d’éléments ou d’appareils, consécutives à la mise en ‘uvre des prestations susvisées.

En conséquence, cet arrêté ne vise pas les contrats de construction conclus avec un entrepreneur, pour des travaux de construction d’une maison, contrat régi par le droit commun des articles 1779 et suivants du code civil s’agissant de la validité et de la preuve du contrat, qui relève de la liberté contractuelle quant à sa forme et son contenu.

En l’espèce, M. et Mme [F] ont signé le 28 mars 2018 avec Mme [B] [L] un contrat d’architecte avec mission complète pour la construction de leur maison individuelle sur un terrain qu’il devait acquérir au moyen d’un prêt souscrit auprès du Crédit Agricole.

Il apparaît au vu des pièces produites que M. et Mme [F] ont sollicité des devis de plusieurs entreprises, dont la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE qui établissait un devis le 18 mars 2018 mentionnant :

– l’identité de l’entreprise, et le nom des maîtres d’ouvrage à qui il était destiné,

– l’indication de la nature des travaux (Devis Charpente -Couverture-Zinguerie),

– la quantité de chaque poste en unité ou mètre linéaire,

– la description des travaux, fourniture et pose, et nature des matériaux utilisés,

– le prix unitaire et le prix total de chaque prestation,

– le total HT, le taux de la TVA et le prix TTC de 42 232,20 €.

Il était ajouté le prix HT pour deux prestations en option, non compris dans le devis.

Par ces mentions, le devis émis le 18 mars 2018 par la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE remplit les obligations d’informations nécessaires au maître d’ouvrage pour accepter ou refuser, en toute connaissance de cause le marché de travaux proposé.

Ce devis se termine par la mention : Pour accord, veuillez nous retourner un exemplaire daté et signé. A la signature de ce devis, il vous sera demandé un acompte de 30 % du montant TTC et le restant sera à régler à la fin des travaux.

Figure sur le devis la signature de Mme [F], comparable à celle portée sur le contrat de prêt souscrit en vue de l’acquisition du terrain lieu de la construction.

Ni la mention d’un bon pour accord ni la durée de validité du devis ne sont des conditions de validité du contrat, dès lors que le consentement du maître d’ouvrage est sans ambiguïté quand il appose sa signature sur l’offre de travaux et qu’il manifeste son accord sur la prestation proposée et le prix demandé.

Il est d’ailleurs produit le devis daté du 15 mars 2018 signé avec l’entreprise EURL MARTINS [W] effectivement retenue pour la maçonnerie de leur maison, qui ne comporte ni délai d’exécution, ni bon pour accord, et la seule signature de Mme [F].

La question de la preuve du contrat, en présence de ce devis signé, est donc de savoir la portée de cette signature et de l’accord qu’elle manifeste.

Contrairement à ce qu’affirment M. et Mme [F] sans le démontrer, la présentation d’un devis signé des travaux envisagés n’est pas obligatoire pour solliciter un prêt pour la construction de leur maison individuelle. Ce n’est donc pas en vue de l’obtention du prêt que le devis a été signé par eux.

La date de signature est déterminable puisque le devis est retourné signé de Mme [F] le 6 avril 2018 par mail de l’architecte à l’entreprise. La durée de validité du devis est certes nécessaire à l’information des intimés, mais le litige ne porte pas sur la durée de validité de cette offre et cette information n’a pas été un élément de leur consentement puisque le devis a été signé très rapidement par eux et qu’il n’a jamais été contesté que la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE a maintenu son offre de prix pour les travaux envisagés. L’absence de la durée de validité du devis n’a d’ailleurs pas empêché la banque d’accorder son prêt.

Par le mail du 6 avril 2018, Mme [L] adresse à la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE :

– le devis établi par celle-ci signé du maître d’ouvrage,

– un Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP),

– un acte d’engagement de l’entrepreneur précisant le montant du prix ferme forfaitaire et global conforme au devis, et confirmant, par référence à l’article 5 du CCAP, la réalisation des travaux dans un délai maximum de 10 mois à compter de l’ordre de service délivré au lot 1,

ces deux documents devant être signés et retournés par l’entreprise avant que l’architecte ne les fasse également signer par M. et Mme [F],

– un planning prévisionnel des travaux mentionnant l’intervention de chaque lot, dont le lot 2 de la Charpente prévu dans les 4 mois de l’ouverture du chantier.

Ce Cahier des clauses administratives particulières (CCAP), défini selon une norme AFNOR (Norme Afnor NF P03-001 Marchés privés Cahier types – Cahier des clauses administratives générales applicables aux travaux de bâtiment faisant l’objet de marchés privés dans son édition de décembre 2000, qui a été remplacé par une nouvelle édition d’octobre 2017) constitue un référentiel non obligatoire mais pouvant devenir contractuel s’il est expressément visé au marché de construction, comme en l’espèce. Il définit le contenu précis du contrat et permet de résoudre les difficultés de paiement au cours de l’avancée des travaux. De même que l’acte d’engagement qui est habituellement prévu dans les marchés de travaux publics, n’a pas de caractère obligatoire en contrat de travaux privés mais peut être utilisé en annexe du CCAP pour formaliser le consentement des parties en référence au CCAP et au projet global de construction impliquant d’autres entreprises.

En adressant à la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE le CCAP avec un acte d’engagement en annexe du devis du 18 mars 2018 signé de Mme [F], Mme [B] [L], maître d”uvre du projet de ceux-ci, confirmait à la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE que celle-ci était bien agréée puisque les documents contractuels sur le contenu des obligations de l’entreprise lui étaient adressés pour signature, ce qui n’aurait pas été le cas dans l’hypothèse d’une simple négociation avec les différentes entreprises par comparaison des prix de leurs devis.

Mme [B] [L] a d’ailleurs elle-même considéré que ce devis valait contrat puisqu’elle a envoyé à la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE les documents complémentaires contractuels à signer, qu’elle n’a pas envoyés aux entreprises non retenues.

M. et Mme [F] ne produisent aucun CCAP ni acte d’engagement signés par des entreprises qui n’auraient pas été retenus par la suite dans la construction de leur maison. Ils ne produisent qu’un devis non signé de l’entreprise Charpentes du Soleil daté du 11 juin 2018, qui n’a pas été retenue.

La SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE pouvait donc légitimement considérer que l’envoi des documents contractuels complémentaires par le maître d”uvre, était la confirmation de l’accord donné par M. et Mme [F] du devis constituant le contrat d’entreprise les engageant envers l’appelante.

La SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE a donc retourné le CCAP et l’acte d’engagement signés le 9 avril 2018, conformément au devis signé entre le 18 mars et le 6 avril 2018, constituant bien un contrat liant les parties par la rencontre d’une offre de travaux et l’acceptation de ceux-ci au prix proposé.

Sur la rupture du contrat :

Ni l’acte d’engagement ni le CCAP n’ont été signés en retour par M. et Mme [F], qui ont attendu le mois d’août 2018, pour signifier leur refus de recourir aux prestations de la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE, même si Mme [B] [L] atteste quant à elle avoir informé l’entreprise oralement en juillet de ce refus des maîtres d’ouvrage, soit quand même plus de trois mois après avoir demandé à l’entreprise de signer les documents complémentaires contractuels.

Aucun motif n’a été donné à ce refus, si ce n’est de se réserver le choix d’une autre entreprise moins onéreuse, choisie finalement le 30 septembre 2018 en la personne de l’entreprise BERDOULOU.

M. et Mme [F] ne peuvent en toute bonne foi prétendre que l’absence de réclamation de l’acompte signifiait l’absence de contrat alors que le CCAP signé avec les entreprises prévoyaient expressément en son article 11.2 que l’acompte était à payer dans les 30 jours après remise par l’entreprise d’un avis de situation des travaux au maître d”uvre, donc une fois le chantier commencé, ainsi qu’il ressort notamment du CCAP signé par l’entreprise de gros ‘uvre EURL MARTINS [W] le 27 mai 2018 sur la base du devis de celle-ci signé également par Mme [F].

Il s’ensuit que le 28 août 2018 M. et Mme [F] ont résilié le contrat les liant à la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE de manière abusive en refusant de signer les documents contractuels complémentaires au devis du 18 mars 2018 et le jugement déféré doit être infirmé sur ce point.

Sur le préjudice de la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE :

Celle-ci démontre avoir commandé le 12 avril 2018 à la société SBL PRODUCTIONS les matériaux nécessaires à la construction de la Charpente, l’entreprise attestant que cette commande concernait le chantier [F], pour un total de 7 534,80 € TTC devant être livrée entre mai et novembre 2018. Mais la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE ne démontre pas avoir réglé cette commande ni en avoir été livrée. Aucun préjudice de ce chef n’est donc établi.

La SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE a par contre perdu le marché conclu avec M. et Mme [F] s’élevant à la somme de 35 193,50 € HT. Elle ne peut en réclamer l’acompte de 30 % qui n’était payable que pour le financement des travaux réalisés effectivement et non à la commande. Par contre le préjudice lié à la perte de ce chantier résulte bien de la perte de marge brute (prix de vente des prestations HT moins prix d’achat des matières premières) sur la totalité du contrat signé HT. La marge brute d’après le compte de résultat de l’entreprise est de 28,6 %, ce qui porte le préjudice à la somme de 35 193,50 € x 28,6 % = 10 065,34 €.

M. et Mme [F] demandant de limiter, subsidiairement, le préjudice de la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE au titre de la partie de ce chantier à la somme de 10 558,05 €, c’est ce montant que sera retenu par la Cour.

La SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE justifie également avoir été sollicitée par une entreprise GFC Charpente Couverture pour réaliser en sous-traitance un chantier en novembre 2018, pour M. et Mme [D], pour un total de 32 627,80 € HT refusé par l’appelante parce qu’elle était déjà engagée (attestation de GFC Charpente Couverture). La société SBL Structures Bois indique également avoir proposé en sous-traitance le chantier ARTIGALOBA pour 26 430 € HT devant se dérouler également en novembre 2018 et refusé par la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE pour indisponibilité.

La SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE produit les extraits de son Grand Livre de comptes clients montrant un paiement au titre d’un seul contrat CROUSEILLES réalisé en novembre 2018 pour 27 670 € et des paiements de PYRENBATI en décembre 2018 pour 348 €.

Mais le planning d’intervention exact du lot Charpente pour M. et Mme [F], 4 à 5 mois à compter du début des travaux, n’était pas défini avant août 2018 puisqu’ils étaient dans l’attente de leur prêt et que l’acquisition de leur terrain n’est intervenue que le 9 août 2018. Les travaux du lot Charpente ne pouvaient donc intervenir en réalité avant décembre 2018/janvier 2019.

Néanmoins, restés sans réponse entre avril et août quant au chantier [F] qu’elle pensait devoir réaliser entre novembre et décembre 2018 ou janvier 2019, la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE a effectivement perdu une chance de réaliser d’autres gros chantiers en novembre/décembre 2018, qui se concluent plusieurs mois en amont. Ce n’est par contre que la perte de chance de réaliser des marges brutes sur ces deux chantiers qui peut être là encore retenue puisque les travaux n’ont pas été effectués, et donc la marchandise n’a pas été achetée. La marge brute d’après le compte de résultat de l’entreprise est de 28,6 %. Appliqué aux chantiers non réalisés sur le prix HT, cette marge de l’entreprise s’établit ainsi à la somme de 59 057,80 x 28,6 % = 16 890,53 €. Sur ces chantiers, la perte de chance doit être retenue à hauteur de 25 %, et le préjudice de la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE s’élève donc pour ces pertes de chantier à la somme de 16 890,53 x 25 % = 4 222,63 €.

Ainsi le préjudice total de la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE résultant de la rupture abusive du contrat par M. et Mme [F] s’élève à la somme de (10 558,05 + 4 222,63) = 14 780,68 €, somme que ceux-ci seront condamnés solidairement à payer à la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE.

En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions.

La cour, statuant à nouveau sur les mesures accessoires, déboute M. et Mme [F] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les condamne solidairement à payer à la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [F] devront également payer solidairement les entiers dépens de 1ère instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement rendu le 27 avril 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que M. [W] [X] [F] et Mme [O] [T] [H] épouse [F] ont rompu abusivement le contrat d’entreprise signé par eux avec la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE le 6 avril 2018,

Condamne solidairement M. [W] [X] [F] et Mme [O] [T] [H] épouse [F] à payer à la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE la somme de 14 780,68 € en réparation du préjudice de celle-ci,

Condamne solidairement M. [W] [X] [F] et Mme [O] [T] [H] épouse [F] à payer à la SASU DA CONCEICAO MARTINS CHARPENTE COUVERTURE la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de M. [W] [X] [F] et Mme [O] [T] [H] épouse [F] fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement M. [W] [X] [F] et Mme [O] [T] [H] épouse [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Carole DEBON Caroline FAURE

 


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