Contrat d’édition : 23 mars 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00267

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Contrat d’édition : 23 mars 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00267
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N° 114

CG

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Copies exécutoires délivrées à :

– Me Jourdainne,

– Me Algan,

le 23.03.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 23 mars 2023

RG 21/00267 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 2021/57, rg 2019 001533 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 26 mars 2021 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 20 juillet 2021 ;

Appelante :

La Société Vittorial Conseil, Eurl, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 018101 B dont le siège social est sis [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;

Ayant pour avocat la Selarl Groupavocats, représentée par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de Papeete ;

Intimée :

La Société de Transport d’Energie en Polynésie, Saem, au capital de 1 800 000 000 FCP, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 8518 B dont le siège social est situé [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;

Représenté par Me Vaitiare ALGAN, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 8 novembre 2022 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 23 février 2023, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l’ordre judiciaire aux fins d’exercer à la cour d’appel de Papeete en qualité d’assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

La société TEP est une société anonyme dont les actions sont majoritairement détenues par la Polynésie française. Elle a pour objet la construction et la gestion d’installations de transport de l’énergie électrique en Polynésie française.

En 2015, la société TEP a souhaité changer ses logiciels de gestion électronique de documents et son référentiel documentaire, notamment dans l’objectif de renforcer la sécurité et la confidentialité dans sa structure, et s’est rapprochée pour cela de la société Vittoria Conseil.

La société Vittoria Conseil, EURL immatriculée au RCS depuis le 16 avril 2008, intervient comme prestataire dans le domaine des technologies de l’information et de la communication.

Par lettre de commande en date du 27 mai 2015 la société TEP a commandé à la société Vittoria Conseil un audit diagnostic organisation, prestation qui a été livrée au mois de septembre 2015.

Le 21 septembre 2015 la société TEP et la société Vittoria Conseil ont conclu un contrat d’assistance en régie.

Le 24 novembre 2015, la société Vittoria conseil a adressé à la société TEP un devis n° 15308 pour une étude fonctionnelle et technique pour un montant de 2 881 500 XPF.

Ce devis était accepté par la société TEP par lettre de commande en date du 2 décembre 2015.

Un autre devis était établi le même jour par la société Vittoria Conseil, devis n° 15311 portant en référence ‘portail collaboratif et GED’ pour un montant de 14 371 340 XPF, lequel était accepté par lettre de commande n° 2756-15-AD-LC de la société TEP le 10 décembre 2015.

Après avoir réglé la somme de 12 934 206 XPF sur ce montant global, la société TEP adressait le 4 juillet 2017 à la société Vittoria Conseil une lettre recommandée avec accusé de réception lui demandant de régler la somme de 1 437 134 XPF au titre des pénalités de retard outre le remboursement de la somme de 12 934 206 XPF qu’elle lui avait réglé, exposant dans ce courrier que le logiciel installé était inexploitable.

En réponse, la société Vittoria Conseil, le 14 septembre 2017, mettait en demeure la société TEP d’avoir à lui régler le montant de la somme de 1 437 134 XPF au titre des soldes de factures impayées et du contrat de maintenance Jalios.

Sur saisine de la société TEP, le président du tribunal de première instance de Papeete, par ordonnance de référé en date du 16 novembre 2017 a désigné M. [R] en qualité expert.

Ce dernier a rendu son rapport le 1er mars 2019.

Par requête et acte d’huissier en date du 13 août 2019, enregistrés le 19 août 2019 au greffe du tribunal de première instance de Papeete, la SA Transport d’Energie électrique en Polynésie (TEP) a assigné la SARL Vittoria Conseil aux fins de :

– constater l’inexécution des obligations contractuelles de la société Vittoria Conseil qui lui a ainsi causé un préjudice,

– condamner la société Vittoria Conseil à lui verser la somme de 16 940198 Fr. CFP au titre de la réparation des préjudices intrinsèques et extrinsèques subis,

– condamner la société Vittoria Conseil à lui verser la somme de 400 000 Fr. CFP au titre des frais irrépétibles, outre les dépens dont distraction d’usage.

Par ordonnance du 9 décembre 2019, le juge de la mise en état a constaté l’incompétence du tribunal civil de première instance de Papeete au profit du tribunal mixte de commerce de Papeete, ordonné la transmission du dossier par les soins du greffe au tribunal mixte de commerce de Papeete , réservant les demandes des parties et les dépens.

Par jugement en date du 26 mars 2021 le tribunal mixte de commerce de Papeete a :

Condamné la SARL Vittoria Conseil à payer à la SAEM TEP la somme de 8 000 000 francs CFP au titre de la réparation des préjudices intrinsèques et extrinsèques subis,

Condamné la SAEM TEP à payer à la SARL Vittoria Conseil la somme de 1 437 134 Fr. CFP au titre de diverses factures,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 407 du code de procédure civile,

Laissé aux parties la charge de leurs dépens.

Par requête d’appel en date du 20 juillet 2021 la SARL Vittoria Conseil a relevé appel de cette décision en demandant à la cour de :

Déclarer l’appel recevable.

Infirmer le jugement du tribunal mixte de commerce de Papeete en date du 26 mars 2021 en ce qu’il a condamné la société Vittoria Conseil à payer à la SAEM TEP la somme de 8 000 000 XPF au titre de la réparation des préjudices liés à un manquement au devoir de conseil,

Dire et juger que la société Vittoria Conseil n’a pas manqué à son obligation de conseil,

Condamner la société TEP, à payer à la société Vittoria Conseil, la somme de 500 000 XPF au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamner la société TEP aux entier dépens.

Par ses dernières conclusions en date du 13 mai 2022 la SARL Vittoria Conseil demande à la cour de :

Déclarer l’appel recevable,

Infirmer le jugement du tribunal mixte de commerce de Papeete en date du 26 mars 2021 en ce qu’il a condamné la société Vittoria Conseil à payer à la SAEM TEP la somme de 8 000 000 XPF au titre de la réparation des préjudices liés à un manquement au devoir de conseil,

Dire et juger que la société Vittoria Conseil n’a pas manqué à son obligation de conseil,

Condamner la société TEP, à payer à la société Vittoria Conseil, la somme de 500 000 XPF au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamner la société TEP aux entier dépens.

Par ses dernières conclusions en date du 19 août 2022 la société TEP, au visa des articles 1146 et suivants du code civil tel qu’applicable en Polynésie française, demande à la cour de :

Au principal,

lnfirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dire que la société Vittoria Conseil n’a pas exécuté et a mal exécuté ses obligations contractuelles,

Dire que cette inexécution a causé un préjudice à la société TEP,

En conséquence,

Condamner la société Vittoria Conseil à payer à la société TEP la somme de 16.940.193 Fcfp au titre de la réparation des préjudices intrinsèques et extrinsèques subis,

Débouter la société Vittoria Conseil de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement seulement en ce qu’il a condamné la société Vittoria Conseil a payer à la société TEP la somme de 8.000.000 Fcfp au titre de la réparation des préjudices intrinsèques et extrinsèques subis,

Infirmer le jugement seulement en ce qu’il a condamné la société TEP à payer à la société Vittoria Conseil la somme de 1.437.134 Fcfp,

Statuant à nouveau,

Débouter la société Vittoria Conseil de l’ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

Condamner la société Vittoria Conseil à payer à la société TEP la somme de 400.000 Fcfp au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 400.000 Fcfp au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction d’usage.

Une première ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre. Une deuxième été adressée aux parties le 8 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. L’exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l’effet d’y répondre.

MOTIFS DE LA DECISION :

Aux termes des dispositions de l’article 1142 du code civil tel qu’applicable en Polynésie française toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur et, aux termes de l’article 1147 du même code, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts ; soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cuase étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

D’autre part, aux termes des dispositions des articles 1149 et 1150 du code civil tel qu’applicable en Polynésie française les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé. Cependant le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est pas exécutée.

Sur le retard dans l’exécution de l’obligation contractuelle de la société Vittoria Conseil :

Le contrat conclu le 10 décembre 2015 entre les parties prévoyait le détail de diverses prestations décomposées de la façon suivante :

– expertise conseil-pilotage et suivi de projet ( jour) : dix unités au prix unitaire de 120 000 XPF soit au total 1 020 000 XPF ( HT),

– une licence Jalios Agora 50 utilisateurs JCMS édition PME 3.0 SP5 basée sur JCMS 9 SP2 et correspond à l’offre JCMS-édition PME standard. Livraison en devPack au prix de 800 000 XPF,

– une licence module Jdrive Jalios au prix de 600 000 XPF,

– une licence module Smatphone Jalios au prix de 360 000 XPF,

– une licence modules formulaires dynamiques Jalios au prix de 360 000 XPF,

– une licence module messagerie instantannée au prix de 360 000 XPF,

– une licence module Jmag Jalios au prix de 360 000 XPF,

– une conception et intégration graphique douze unités au prix unitaire de 120 000 XPF soit au total 1 440 000 XPF,

– une conception et développement (standart et pré-personnalisé) : cinquante unités au prix unitaire de 100 000 XPF soit au total 4 250 000 XPF (HT),

– une formation utilisateur accompagnement : dix unités au prix unitaire de 180 000 XPF soit au total 1 800 000 XPF,

– déplacement partenaire comprenant hébergement et demi-pension : 800 000 XPF,

– un contrat de maintenance Jalios annuel 568 000 XPF.

Le total des prestations ainsi prévues représentait la somme de 12 718 000 XPF HT soit 14 371 340 XPF TTC.

La lettre de commande mentionnait en outre : ‘début des travaux en janvier 2016. Fin des travaux estimés à fin avril 2016.’

Un feuillet intitulé ‘conditions générales’ était annexé à cette lettre de commande. Les conditions de facturation et de paiement y étaient notamment précisées à savoir 40% à la commande, 10% sur situation mensuelle d’avancement et 20 % à la réception des travaux. Le délai de remise de documents était indiqué comme étant 4 mois, des pénalités de retard étant prévues d’un montant de 0,5% par semaine complète de retard sans pouvoir excéder un maximum de 10% du montat total de la commande. Il était également indiqué que tous les travaux supplémentaires feraient l’objet d’un devis complémentaires et d’une commande ou seraient consignés sur les procès verbaux ou attestations dûment signés par le fournisseur.

La société Vittoria avait donc l’obligation de fournir l’ensemble de la prestation prévue à la société TEP dans le délai convenu et, au delà d’un retard de 20 semaines, fusse pour une inexécution partielle, elle devenait donc redevable d’une pénalité de retard de 10% du montant total de la commande soit 1 437 134 Fr. CFP.

Il ressort du rapport d’expertise que la mise en place du logiciel n’a pas été finalisée à la fin du mois d’avril 2016 , ce qu’au demeurant aucune des parties conteste.

L’expert a ainsi mentionné ‘en termes de livraison de logiciel, il apparaît que les applicatifs ont été effectivement livrés dans les délais prévus ou presque :

le 28 juin 2016 : recette projet Alios,

le 1er septembre 2016 : fourniture cahier et recette partiel.’

Il ajoutait en outre que l’applicatif, bien que fonctionnel, n’était pas opérationnel puisque Documind n’avait pas été transféré.

Aucune force majeure n’étant invoquée, la société Vittoria conseil était dès lors redevable des pénalités de retard, sauf à établir que ce retard était imputable à la société TEP.

Si la société Vittoria argue de la résistance de sa cocontractante à la mise en place d’une formation ‘administrateurs’ les échanges de courriels versés aux débats démontrent tout au contraire que la société TEP s’est adaptée aux contraintes de la société Vittoria quant à la définition de ces dates de formation et la société Vittoria soutient en outre que cette prestation a été dispensée de sorte qu’elle ne peut arguer de cet argument pour imputer le retard à la faute de la société TEP.

D’autre part, si elle s’était heurtée à un obstacle pour le respect des délais contractuels il lui appartenait à minima de mettre en garde son cocontractant et/ou d’établir des avenants de sorte à ne pas être redevable des pénalités de retard prévues.

Tel n’a pas été le cas en l’espèce où elle ne justifie d’aucune action de la société TEP ayant empêché la livraison au mois d’avril tel que prévu au contrat.

Quant au changement de direction au mois d’avril 2016, l’expert n’a relevé aucun élément concret permettant d’étayer les affirmations de la société Vittoria selon lesquelles ‘ l’absence de communication ainsi que le manque de ressources ont été les éléments bloquants essentiels.’ Tout au plus est-il fait état d’une orientation demandée au mois de septembre 2016 par la nouvelle direction sur la GED plus que sur l’espace collaboratif. La société TEP justifie en outre, par la production d’un courriel en date du 21 octobre 2016 avoir finalement souhaité continuer sur la base du projet initial au vu des remarques formulées par la société Vittoria conseil par courriel de la veille.

Aucun des éléments versés aux débats ne permet donc d’établir que l’absence de finalisation du projet au mois d’avril 2016 soit imputable à la société TEP de sorte que sur le principe, la société Vittoria Conseil est redevable d’intérêts de retard.

Afin d’en déterminer le montant, il appartient à la société TEP d’établir la durée de ce retard; si cet élément n’est pas précisé, il ressort du rapport d’expertise que le 1er septembre 2016 a eu lieu la ‘fourniture cahier et recette partiel’ ce qui s’entend d’une prestation prévue au contrat dans la mesure où aucune modification à ce titre n’est invoquée et ce qui établit, pour cette prestation un retard de 17 semaines.

L’expert a également relevé que ‘les autres outils qui devaient être installés ne l’ont jamais été (tel que file système Standard Jalios équivalent de l’explorateur windows). S’il explique que cela n’a pas été le cas parce que la GED a été priorisée et que la ruprture des relations a bloqué le projet, aucune information datée en ce sens n’est donnée par la société Vittoria à qui il appartient d’établir que ce défaut d’installation est imputable à son co contractant.

Partant de cet élément et compte tenu de l’absence d’installation totale et finalisée à la date de l’expertise, la société Vittoria Conseil est redevable d’intérêts de retard tel que prévus à l’article 5 des conditions générales annexées à la lettre de commande en date du 10 décembre 2015 à savoir 10% du montant maximum de la commande soit 1 437 134 Fr. CFP.

Sur l’exécution de la prestation :

Il sera observé en liminaire que la société TEP sollicite, à titre de dommages et intérêts non le coût intégral de l’installation, mais le montant des prestations prévues à la lettre de commande en date du 10 décembre 2015 qu’elle estime n’avoir pas été finalisées à savoir:

La conception et l’intégration graphique :

A ce titre la société Vittoria était tenue d’une obligation de résultat vis à vis de la société TEP ce qui s’entend de l’installation complète et opérationnelle tel que défini par l’expert dans le cadre des opérations d’expertises.

Si l’expert a pu relever l’absence de migration de Documind sur Jalios il a été admis lors des opérations d’expertise que la société TEP devait faire la bascule grâce à des outils de ‘moulinette’ fournie par VC ; la TEP n’étant apparamment pas au courant de cela au début du projet, l’expert expose que c’est finalement Vittoria Conseil qui a fait le travail.

Si le retard est acquis, le défaut d’installation de cette partie ne peut être soutenu au vu des éléments tels que retenus par l’expert.

Lors des opérations d’expertise, Vittoria Conseil et la société TEP ont confirmé que la GED était la fonction la plus aboutie. Si la société TEP a pu faire part de ses demandes de mise en place de filtres supplémentaire sur cet outil, force est de constater qu’elle ne justifie d’aucune doléance auprès de la société Vittoria lors de l’installation de cet applicatif.

Il y a lieu de remarquer que lors de l’examen de la GED , la société TEP a mis en avant les insuffisances qu’elle reproche à ce système pour justifier le fait de ne pas avoir basculé Documind vers la GED, reconnaissant par là même être à l’origine de cette absence de finalisation et ce, sans justification de réclamation quelconque sur le dysfonctionnement du produit.

Le module GESQUAL a bien été installé mais restait, lors des opérations d’expertise, non finalisé dans la mesure où ont pu être constaté plusieurs problèmes de liens de subordination pour les demandes de congés, ainsi que des bugs pour ajouter la période de congés. L’expert a pu noter que les comptes rendus de réunion permettaient de retenir en outre que la société TEP désirait que GESQUAL reprenne ses chartes graphiques ce qui n’a pas été effectué par Vittoria Conseil.

Il était mentionné au cahier des spécifications fonctionnelles et techniques du portail collaboratif et référentiel documentaire de la TEP que, pour l’intégration graphique, Vittoria Conseil se baserait sur les gabarits fournis par l’application dans une première approche, la personnalisation graphique devant être faite dans un deuxième temps.

Au vu de l’absence de finalisation de ce module GESQUAL, nécessaire à la gestion de la société, il ne peut dès lors être considéré que le poste de commande ‘conception et intégration graphique’ a été livré correctement et c’est à juste titre que la société TEP considère cette prestation déficiente.

La conception et le développement :

Ce poste, à défaut d’être détaillé dans la commande, doit s’entendre du développement finalisé du produit acquis par la société TEP ce qui, pour les raisons qui ont été détaillées, ne peut être considéré comme acquis étant ajouté que l’expert a pu constater en sus que l’espace collaboratif n’était pas installé.

S’il est exact, ainsi que le fait valoir la société Vittoria, qu’aucune remarque négative n’avait été émise par la société TEP avant le courrier en date du 4 juillet 2017, cet élément est inopérant dès lors que c’est à elle qu’il appartient d’établir qu’elle n’a pu réaliser l’obligation qui était la sienne du fait du comportement de la société TEP.

Aucun élément probant n’étant produit à ce titre, il y a lieu de considérer que ce poste de prestation n’a pas été réalisé du fait de la société

Vittoria Conseil.

La formation utilisateur accompagnement :

Il ressort de l’attestation de M. [J] [S], versée aux débats par la société Vittoria Conseil, qu’une semaine de formation avait été mise en place par la société Vittoria Conseil du 1er février 2016 au 5 février 2016, formation animée par un ingénieur de l’éditeur Jalios à laquelle la DSI n’a pas souhaité participer, prétextant l’accompagnement de Vittoria Conseil par la suite.

La société Vittoria Conseil établissant par là même que c’est en raison de la volonté exprimée par la société TEP que les employés n’ont pas suivi cette formation, proposée telle que contractuellement prévue, il ne peut donc être reproché de défaillance à la société Vittoria Conseil à ce titre.

Le contrat de maintenance Jalios annuel :

Ledit contrat de maintenance ne pouvait débuter qu’après l’installation finalisée laquelle n’a jamais été acquise de sorte que cette prestation n’est pas due par la société TEP.

Sur le préjudice de la société TEP :

L’ensemble des postes examinés représente donc la somme de 6 258 000 XPF que la société TEP estime justement ne pas avoir été exécutée par la société Vittoria Conseil et en conséquence ne pas être due sur la somme globale du marché initial.

Son préjudice se trouve donc constitué des sommes effectivement réglées à la société TEP en raison de l’avancement des travaux et de la non exécution de ceux-ci.

La société TEP ne justifie cependant pas avoir réglé spécifiquement ces prestations par avance, ce qui se trouve au demeurant confirmé par le courrier de mise en demeure que lui a adressé la société Vittoria Conseil le 14 septembre 2017 réclamant le montant du contrat de maintenance.

Les paiements devant être faits, selon le contrat liant les parties, en fonction de l’avancement des travaux, il y a lieu de considérer que les 10% non réglés concernent des prestations non réalisées; dès lors, ces 10% restant doivent donc être déduits de la somme correspondant aux travaux non exécutés tels que venant d’être déterminés.

Il sera donc accordé à la société TEP la somme de 4 820 866 XPF en sus des pénalités de retard.

Pour le surplus, la société TEP produit une facture en date du 11 janvier 2018 de la société Copy R innovation pour l’installation d’un nouveau logiciel pour un montant de 5 554 346 XPF comprenant un produit GED -LASERFICHEAS pour 20 utilisateurs et divers produits annexes.Elle y ajoute deux factures complémentaires, en lien avec cette installation pour des montants respectifs de 406 800 XPF et 383 918 XPF, ces deux factures portant des dates au 13 août 2018 et au 17 décembre 2018.

L’expert avait d’ailleurs noté dans sa conclusion que la société TEP utilisait un autre applicatif.

Cependant la société TEP ne peut cumuler au titre de son préjudice le remboursement des prestations qu’elle estime défectueuses dans la commande passée auprès de la société Vittoria Conseil et le remboursement de la mise en place d’un nouveau logiciel ce qui, in fine, reviendrait à faire financer l’installation du logiciel de la société par le prestataire défaillant.

Le préjudice total de la société TEP est donc de 6 258 000 XPF par infirmation de la décision attaquée.

Sur la demande en paiement formée par la société Vittoria Conseil :

L’ absence de finalisation par la société Vittoria Conseil de la livraison de la commande en date du 10 décembre 2015 ne permet pas de justifier sa demande de paiement du solde de auprès de la société TEP qui sera en conséquence rejetée par infirmation de ce chef de la décision attaquée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel. Le jugement de première instance sera cependant infirmé, au vu de l’infirmation prononcée par le présent arrêt, sur la charge des dépens de première instance et la société Vittoria Conseil sera condamnée à les supporter et il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie également les frais et honoraires non compris dans les dépens, tant en première instance qu’en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

Infirme le jugement attaqué en ce qu’il a :

Condamné la SARL Vittoria Conseil à payer à la SAEM TEP la somme de 8 000 000 francs CFP au titre de la réparation des préjudices intrinsèques et extrinsèques subis,

Condamné la SAEM TEP à payer à la SARL Vittoria Conseil la somme de 1 437 134 Fr. CFP au titre de diverses factures,

Laissé aux parties la charge de leurs dépens,

Statuant sur les chefs infirmés :

Condamne la SARL Vittoria Conseil à payer à la SAEM TEP la somme de 6 258 000 francs CFP au titre de la réparation de son préjudice,

Rejette la demande de paiement formée par la société Vittoria Conseil,

Condamne la société Vittoria Conseil aux dépens de première instance,

Confirme le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté la demande au titre des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

Rejette le surplus des demandes,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.

Prononcé à Papeete, le 23 mars 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. GUENGARD

 


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