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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 7
ARRÊT DU 23 MARS 2023
(n° , 20 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01488 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCK4
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Décembre 2021 par le tribunal judiciaire de CRETEIL – RG n° 21/00048
APPELANTE
S.A. SOCIÉTÉ D’AMÉNAGEMENT ET DE DÉVELOPPEMENT DES VILLES ET DU DÉPARTEMENT DU VAL DE MARNE S.A.E.M
[Adresse 3]
[Localité 9]
représentée par Me Michaël MOUSSAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : T07
substitué à l’audience par Me Xavier GOSSELIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE – COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Madame [W], en vertu d’un pouvoir général
S.A.R.L. [Localité 10] IMMOBILIER
[Localité 6]
[Localité 10]
représentée par Me Juliette CROS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0587
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Hervé LOCU, Président
Madame Marie MONGIN, Conseillère
Madame Valérie GEORGET, Conseillère
Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
La ZAC Centre Ville a été créée le 11 avril 2016 par la commune de [Localité 10]. L’aménagement de la ZAC a été confié à la Société d’aménagement et de développement des villes et du département du Val de Marne (ci-après SADEV 94).
Par arrêté n°2020/2028 du 23 juillet 2020, le préfet du Val-de-Marne a prescrit l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique de la ZAC et parcellaire. La déclaration d’utilité publique et l’arrête préfectoral de cessibilité ne sont pas encore intervenus.
L’ordonnance d’expropriation a été rendue le 18 septembre 2020.
La parcelle cadastrée section AE n°[Cadastre 2], d’une superficie de 141 m² est un ensemble immobilier en R+2 à usage mixte d’habitation et d’activité.
Est notamment concernée par l’opération la SARL [Localité 10] IMMOBILIER, qui exploite le local commercial situé au rez-de-chaussée dans lequel elle exerce une activité d’agence immobilière en vertu d’un bail commercial consenti le 27 avril 2006.
A défaut d’accord amiable sur la juste indemnité de dépossession à revenir à la SARL, la SADEV 94 qui avait fait une proposition d’offre pour une somme de 70189 euros (pièce N°11) , a saisi le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Créteil par mémoire du 20 avril 2021.
Par un jugement du 23 décembre 2021, après transport sur les lieux le 14 septembre 2021, le juge de l’expropriation de Créteil a :
Annexé à la décision le procès-verbal de transport du 14 septembre 2021 ;
– Retenu la méthode en fonds de commerce pour déterminer l’indemnité d’éviction ;
Fixé l’indemnité due par la SADEV 94 à la SARL [Localité 10] IMMOBILIER au titre de l’éviction du local commercial situé dans l’ensemble immobilier sis [Localité 6] (94) sur la parcelle cadastrée section AE n°[Cadastre 2] à 114.282 euros ;
Dit que cette indemnité de dépossession foncière se décompose de la façon suivante :
74.757 euros au titre de l’indemnité principale ;
8.510 euros au titre de l’indemnité de remploi ;
27.265 euros au titre du trouble commercial ;
3.750 euros HT au titre des frais de déménagement.
Condamné la SADEV 94 à payer à la SARL [Localité 10] IMMOBILIER la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la SADEV 94 aux dépens ;
Rejeté toutes les autres demandes des parties.
La SADEV 94 a interjeté appel du jugement le 24 janvier 2022 portant sur la méthode de valorisation retenue par le premier juge, à savoir en valeur de fonds de commerce, sur les montants fixés au titre de l’indemnité principale et au titre des indemnités accessoires.
Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
1/ adressées au greffe par la SADEV 94, le 19 avril 2022, notifiées le 21 avril 2022 (AR intimé le 22 avril 2022 et AR CG le 22 avril 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
Dire et juger SADEV 94 recevable et bien fondée en son appel,
Y faire droit en infirmant le dit jugement en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau fixer comme suit l’indemnité revenant à l’évincée :
A titre principal : indemnité principale : valeur fonds du droit au bail : néant. Le loyer marché étant inférieur au loyer réel, la valeur du droit au bail est nulle.
A titre accessoire :
Frais de remploi : sans objet
Frais de recherches de nouveaux locaux : 3 mois de loyer, soit 5.146 euros
Trouble commercial / salaires et charges :
9.952 x 3 / 12 = 2.488 euros
124.192 x 1,5 / 12 = 15.524 euros
Soit un total de 18.012 euros.
Frais de déménagement / réinstallation : 3.750 euros
Total indemnité d’éviction : 26.908 euros, sauf à parfaire
A titre subsidiaire :
Indemnité principale : valeur fonds du fonds de commerce : 249.165 x 15% = 37.375 euros
Indemnités accessoires
Frais de remploi :
5% x 23.000 euros = 1.150 euros
10% x 14.587,50 euros = 1.437,50 euros
Total : 2.587,50 euros.
Trouble commercial / salaires et charges :
9.952 x 3 / 12 = 2.488 euros
124.192 x 1,5 / 12 = 15.524 euros
Soit un total de 18.012 euros.
Total indemnité d’éviction : 57.974,50 euros.
2/ déposées au greffe par la SARL [Localité 10] IMMOBILIER, intimée, le 18 juillet 2022, notifiées le 18 juillet 2022 (AR appelant 19 juillet 2022 et AR CG 19 juillet 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
Juger tant recevable que bien fondée la société [Localité 10] IMMOBILIER en sa demande de fixation d’une juste indemnité ;
A TITRE PRINCIPAL :
Confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a fixé le montant de l’indemnité accessoire au titre du trouble commercial à hauteur de 27.265 euros et qu’il conviendra de fixer à un montant actualisé de 33.357 euros sur la base du calcul appliqué et des chiffres retenus par le juge de l’expropriation dans les motifs du jugement ;
En conséquence,
Fixer l’indemnité due par la SADEV 94 à la société [Localité 10] IMMOBILIER au titre de l’éviction des locaux commerciaux sis, [Localité 6] cadastrée AE n°[Cadastre 2] à la somme de 120.544 euros se décomposant comme suit :
Indemnité principale : 74.757 euros
Indemnité accessoire : 8.510 euros
Trouble commercial : 33.537 euros
Frais de transfert de siège : 3.750 euros
SUBSIDIAIREMENT
Fixer l’indemnité due par la SADEV 94 à la société [Localité 10] IMMOBILIER au titre de l’éviction des locaux commerciaux sis, [Localité 6] cadastrée AE n°[Cadastre 2] à la somme de 127.341 euros se décomposant comme suit :
Indemnité principale : 90.000 euros
Indemnité accessoire : 6.236 euros
Trouble commercial : 27.265 euros
Frais de transfert de siège : 3.750 euros
TRÈS SUBSIDIAIREMENT
Fixer l’indemnité due par la SADEV 94 à la société [Localité 10] IMMOBILIER au titre de l’éviction des locaux commerciaux sis, [Localité 6] cadastrée AE n°[Cadastre 2] à la somme de 91.997 euros se décomposant comme suit :
Indemnité principale : 54.656 euros
Indemnité accessoire : 6.236 euros
Trouble commercial : 27.265 euros
Frais de transfert de siège : 3.750 euros
EN TOUT ETAT DE CAUSE
Condamner la SADEV 94 à verser à la société [Localité 10] IMMOBILIER la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel, par application de l’article 700 du code de procédure civile,
Juger que les frais et les dépens d’appel seront intégralement mis à la charge de la SADEV 94.
3/ déposées au greffe par la SARL [Localité 10] IMMOBILIER, intimée, le 20 janvier 2023, notifiées le 20 janvier 2023 (AR appelant non reçu et AR CG non reçu), aux termes desquelles les mêmes demandes que dans les précédentes écritures ont été formulées à la cour.
4/ adressées au greffe par le commissaire du gouvernement, intimé, le 7 juillet 2022, notifiées le 6 juillet 2022 (AR appelant le 7 juillet 2022 et AR intimé le 8 juillet 2022 et vierge), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :
Bien vouloir fixer l’indemnité d’éviction due à la SARL [Localité 10] IMMOBILIER comme suit :
1- A titre principal : indemnisation de la perte du droit au bail :
a] Indemnité principale : Indemnité forfaitaire pour perte du droit au bail : 20.585 euros
b] Indemnité de remploi : 1.029 euros
c] Trouble commercial : 18.012 euros
d] Frais de déménagement et de réinstallation : 3.750 euros
Soit une indemnité totale de 43.376 euros
2 – A titre subsidiaire : indemnisation de la perte du fonds de commerce :
a] Indemnité principale : 249.212 euros x 30 % = 74.764 euros
b] Indemnité de remploi : 6.326 euros
c] Trouble commercial : 18.012 euros
d] Frais de déménagement et de réinstallation : 3.750 euros
Soit une indemnité totale de 102.852 euros.
Article 700 du code de procédure civile et dépens : laissés à l’appréciation du juge.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :
La SADEV 94 fait valoir que :
Concernant la description du bien, l’intimée exploite une activité d’agence immobilière dans l’ensemble immobilier à usage mixte sis [Localité 6] édifié sur la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 2] de 141 m². Au sein de cet ensemble immobilier, l’intimée occupe un local commercial de 61 m².
Concernant la situation locative, le bien exproprié est occupé par l’intimée en vertu d’un bail commercial conclu le 27 avril 2006. Le loyer annuel est de 20.585,92 euros HC/HT, soit 337,46 euros HC/HT.
Concernant la situation d’urbanisme, en application des dispositions des articles L. 213-6 et L. 213-4-a du code de l’urbanisme, la date de référence est celle de la dernière modification du plan local d’urbanisme de la commune de [Localité 10] en date du 5 février 2020. A cette date de référence, l’emprise expropriée était située en zone UEa du Plan local d’urbanisme.
Concernant la nature de l’indemnité principale d’éviction, l’appelant demande que celle-ci soit calculée en valeur de droit au bail et non, comme l’a fait le premier Juge, en valeur de fonds de commerce. I1 est traditionnellement admis que lorsque la clientèle en cause est une clientèle de proximité (boulangerie, boucherie, et plus généralement commerces dits “de bouche”), l’éviction du locataire entraine quasi automatiquement une perte de clientèle, d’où une indemnité calculée d’après la valeur du fonds de commerce. La société expropriée exerce une activité d’agence immobilière, dans un local commercial de superficie relativement réduite, elle ne déplorera pas de perte de clientèle à la suite de son éviction, son indemnité devra représenter la valeur de son droit au bail.
Concernant la clientèle qui ne peut être qualifiée de proximité, la clientèle de l’expropriée est, à l’instar de l’ensemble du marche de l’immobilier, captée directement via internet et les réseaux sociaux, ce qui est amplifié par le fait que l’intimée publie ses annonces sur le site seloger.com, de notoriété hexagonale pour capter une clientèle plus large en termes d’éloignement géographique. L’intimée ne peut prétendre qu’il lui serait impossible de se réinstaller dans un périmètre proche et que faute de pouvoir se relocaliser à proximité, elle perdrait la totalité de sa clientèle. L’intimée expose que sa clientèle n’est nullement captée par internet ou les réseaux sociaux et qu’elle a une clientèle de proximité, alors même que l’intimée propose à la vente des biens qui se situent dans différentes communes proches et que elle ne peut pas prétendre que seuls des habitants de [Localité 10] peuvent acheter un bien sur le territoire de la commune. L’expropriation n’aura pas pour conséquence immanquable d’entrainer la perte de clientèle de la SARL [Localité 10] IMMOBILIER. Le premier juge a admis que si l’intimée se ré-installait dans la même commune mais pas à proximité immédiate, cela n’aura pas pour conséquence de lui faire perdre sa clientèle. Il aurait du retenir la méthode en valeur de droit au bail pour déterminer le montant de l’indemnité principale revenant à l’expropriée. C’est pourtant la méthode en valeur de fonds de commerce qu’il a retenue. Le jugement doit être infirmé sur ce point et la cour doit retenir la méthode en valorisation du droit au bail pour déterminer l’indemnité principale.
Concernant la possibilité pour l’intimée de se ré-installer à proximité, la consistance matérielle du bien, un local commercial de 61 m², rend la réinstallation plus aisée que s’il s’agissait d’un local de très grande superficie ou devant répondre à des exigences particulières susceptibles de complexifier la recherche d’un bien de même nature. Après recherches sur les sites spécialisés, il apparait qu’il existe plusieurs biens pouvant recevoir l’activité de la société [Localité 10] IMMOBILIER. L’intimée pourra aisément trouver un local ou poursuivre son activité. Il est demandé à la cour de constater les possibilités de réinstallation de l’évincée.
Concernant la méthode de calcul de la valeur du droit au bail, le calcul du droit au bail est traditionnellement opéré par application de la méthode dite du différentiel de loyers. Cette méthode consiste à apprécier le préjudice résultant de la nécessité pour le commerçant évincé de trouver un nouveau local, à des conditions financières « normalement » plus élevées. L’intimée applique la méthode par comparaison dans ses écritures, mais celle-ci doit être écartée car elle ne permet pas d’apprécier le préjudice que subit ou non le commerçant évincé. ll est, en l’état, impossible de savoir si ce dernier devra verser un loyer supérieur (ou au contraire inférieur) lorsqu’il se réinstallera dans de nouveaux locaux à la suite de son éviction et, par la même, ne permet pas de quantifier le préjudice subi, si un tel préjudice existe. Le jugement devra être infirmé sur ce point et c’est la méthode classique dite du différentiel de loyer qui doit être retenue. La société évincée paye un loyer annuel de 20.585,92 euros, soit 337,46 euros/m²/an. Le loyer payé est donc supérieur au loyer marché (196 €/m²/an) de sorte que la valeur du droit au bail est nulle. I1 ne sera par conséquent proposé aucune indemnité principale mais exclusivement une indemnité au titre des frais de recherches de nouveaux locaux, correspondant à 3 mois de loyers.
Concernant la valeur du loyer théorique marché, les références produites par l’appelant sont principalement des contrats de baux commerciaux et d’annonces de location extraites du site bureaux-commerces.seloger.com. Il ressort de l’ensemble de ces termes de comparaison, que le loyer théorique marché est incontestablement inférieur au loyer actuellement payé, ce qui résulte également des références citées par le Commissaire du Gouvernement, que l’appelante fait siennes. L’intimée demande que son droit au bail soit évalué à titre principal à la somme de 200.000 euros et à titre très subsidiaire à la somme de 53.760 euros. Les différentes références produites par l’intimée ne sont pas recevables ni pertinentes au regard de la méthode utilisée, la déclaration d’intention d’aliéner du bail de la SARL en date du 6 février 2021 n’a pas été suivie d’une cession et ne peut donc pas constituer un terme de comparaison. Il est de jurisprudence constante que les promesses de vente ne peuvent constituer un terme de référence (RG n° 19/00300), même si la promesse concerne le bien préempté. (RG n° 19/09809). Les références concernant la cession de fonds de commerce ne sont pas pertinentes dans le cadre de la méthode du différentiel des loyers puisqu’elles ne permettent pas de donner des informations relatives au loyer ou déterminant la valeur locative. Les références de l’intimée ne sont pas exploitables, soit elles ne permettent pas de déterminer la valeur locative ou le loyer, ou encore il n’y a pas l’adresse exacte du fonds de commerce.
Concernant le rapport de l’expert, il précise lui-même que le loyer actuel du bien exproprié est supérieur au loyer théorique du marché. La valeur du droit au bail est donc nulle. Le jugement doit être infirmé sur ce point et la cour ne peut allouer aucune indemnité principale à la SARL [Localité 10] IMMOBILIER.
Concernant les indemnités accessoires et le remploi, i1 est admis de manière constante que le montant de l’indemnité de remploi est fixé selon un pourcentage dégressif par rapport à l’indemnité principale (en ce sens : Cass. Civ. 3, Bull. III, n° 124, p. 9 ; Civ. 3ème, 15 novembre 1989, AJPI 1990, p. 334; CA Toulouse, 22 juin 2009, jurisData n° 209/378126). Seule l’indemnité principale peut être prise comme base de calcul de l’indemnité de remploi, selon une jurisprudence ancienne et constante. Il a été démontré que l’intimée ne pouvait pas prétendre, dans le cadre d’une valorisation de son droit au bail, à l’allocation d’une indemnité principale, la valeur dudit droit au bail étant nulle. En conséquence, aucune indemnité de remploi ne peut être envisagée.
Concernant les frais de recherches de nouveaux locaux, l’intimée ne saurait prétendre à une quelconque indemnité principale au titre de son éviction, la valeur de son droit au bail étant nulle. C’est la raison pour laquelle, il est proposé d’allouer à l’évincée une indemnité correspondant à trois mois de loyer au titre des frais de recherches de nouveaux locaux, soit la somme de 5.146 euros.
Concernant le trouble commercial, les parties s’entendent sur la méthode de calcul mais divergent quant au résultat. L’appelante renvoie sur ce point à l’analyse du bilan comptable relatif à l’exercice 2020, produit par l’évincée en première instance. Celui-ci fait ressortir, pour 1’année 2020 :
un résultat de 9.952 euros,
des charges annuelles au titre des traitements et salaires de 124.192 euros.
Il sera ainsi proposé au titre du trouble commercial une indemnité correspondant à 3 mois de bénéfices, et 1,5 mois de salaires et charges, soit :
9.952 x 3/12 = 2.489 euros
124.192 x 1,5/12 = l5.524 euros
Soit un total de 18.013 euros.
Le premier juge avait retenu une indemnité totale de 27.265 euros correspondant à trois mois des bénéfices et trois mois des salaires et charges. Il s’agit d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, le préjudice constitué de la perte des salaires et charges représente les salaires, et les charges correspondantes, que le commerçant évincé devra continuer de verser à son personnel alors que ce dernier, occupé par les opérations de déménagement, ne participe plus (ou moins) à l’activité et à la production de l’entreprise pendant ledit déménagement. Or, le fonds de commerce en cause, une agence immobilière, ne dispose pas d’agencements ou de matériels (archives, bureautique, etc.) tels qu’il puisse raisonnablement être considéré que la durée du transfert soit supérieure à 1,5 mois. Il ressort du devis de déménagement produit par l’intimée que le déménagement est prévu de se dérouler pendant 6 jours. Une indemnisation de la perte de salaires et charges à hauteur de 1,5 mois parait largement satisfaisante. Le jugement doit être infirmé sur ce point et la cour doit retenir une indemnité totale de 18.013 euros.
Concernant les frais de ré-installation, l’intimée demandait en première instance que lui soient allouées la somme de 5.146 euros pour frais de recherche de nouveaux locaux (3 mois de loyers) et la somme de 2.000 euros pour frais de « modification RCS, imprimés commerciaux, information clients et fournisseurs ». La première est acceptée par SADEV 94. Cette indemnité ne saurait naturellement être accordée deux fois. La seconde indemnisation pour recherche de nouveaux locaux doit être rejetée par la cour, car l’intimée ne justifie d’aucun devis à ce titre.
Concernant l’indemnité en valeur de fonds de commerce, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour confirme le jugement entrepris en considérant que l’évincée ne peut se réinstaller sans perte de clientèle et, par suite, que l’indemnité principale lui revenant doit être calculée d’après la valeur de son fonds de commerce.
Concernant l’indemnité principale en valeur du fonds de commerce, l’intimée demandait en première instance de fixer la valeur de son fonds de commerce à hauteur de 90.000 euros, soit 35 % environ du chiffre d’affaires réalisé. Pour justifier sa demande, cette dernière s’appuyait sur le rapport d’expertise de Monsieur [C] qui, n’a pas été établi de manière contradictoire. Ce taux de 35% est le taux maximal proposé par les principales revues spécialisées, allant de 15 à 35% pour l’estimation de ce type de fonds de commerce. L’activité de l’intimée a une rentabilité très faible et de plus la valeur du droit au bail, qui est une des composantes du fonds de commerce, est nulle. Ces éléments ont nécessairement une incidence sur le pourcentage à appliquer à la moyenne du chiffre d’affaires réalisé, à supposer, pour les besoins du raisonnement, que l’indemnité principale représente la valeur de son fonds de commerce. Cette demande doit être rejetée. Pour retenir une indemnité principale, les principales revues spécialisées, [X] [K], Evaluations des Biens, Edition Le Moniteur (12ème édition) et [P] [D] retiennent entre 15 et 35% du chiffre d’affaires annuel. Le premier juge a retenu un pourcentage de 30% en prenant en compte des références qui sont dans une meilleure situation de commercialité et sans tenir compte du fait que la valeur du droit au bail, qui constitue l’une des composantes du fonds de commerce, est nulle ni du fait que le fonds de commerce de l’évincée présente une rentabilité médiocre. Le jugement doit être infirmé sur ce point et la cour doit retenir un pourcentage de 15% en cas d’indemnisation par la valeur du fonds de commerce.
Concernant l’indemnité accessoire de remploi, conformément à la jurisprudence constante des juridictions de 1’expropriation et notamment celle de la Cour, il doit être alloué une indemnité de remploi calculée sur la base des taux suivants, appliqués au montant de l’indemnité principale, a savoir :
5 % sur la fraction de l’indemnité principale comprise entre 0 et 23.000 euros;
10 % au-dela.
Concernant l’indemnité de ré-installation, et de frais de transfert lorsque l’indemnité principale représente la valeur du fonds de commerce. L’intimée demandait en première instance une indemnité à hauteur de 11.646 euros, correspondant à :
4.500 euros pour le déménagement,
2.000 euros pour les frais de modification au RCS, d’imprimés commerciaux et d’information des clients et fournisseurs,
5.146 euros de frais de recherche de nouveaux locaux équivalente à 3 mois de loyers.
Cette demande est incohérente avec une indemnité principale représentant la valeur du fonds de commerce et est injustifiée. De telles demandes ne peuvent prospérer que dans le cadre d’une indemnité principale limitée à la valeur du droit au bail, c’est-à-dire lorsque la réinstallation de l’évincée est possible dans un périmètre lui permettant de conserver sa clientèle. Lorsque, comme en l’espèce, il est sollicité une indemnité principale représentant la valeur du fonds de commerce, ledit fonds est par nature indemnisé pour sa valeur intégrale, en ce compris l’ensemble des éléments corporels, tel que le matériel, les marchandises et les équipements, ainsi que des éléments incorporels, tel que la clientèle, le droit au bail et le nom commercial. I1 n’y a donc pas lieu d’indemniser le coût d’un transfert de matériel qui a d’ores et déjà fait l’objet d’une indemnisation (au titre de la valorisation du fonds de commerce). Ainsi, tous les frais liés au transfert d’activité ne peuvent être indemnisés lorsque l’indemnité principale est calculée d’après la valeur du fonds de commerce. Cette position résulte à la fois de la doctrine et de la jurisprudence. (Cass., Civ, 3ème , 11 janvier 2011, n° 09-16.986). Le jugement doit être infirmé sur ce point.
– Concernant les 2.000 euros au titre de la modification du RCS, cette demande n’est pas justifiée et doit être rejetée. Quant à la demande de 5.146 euros concernant les frais de recherche d’un nouveau local, celle-ci fait ici double emploi avec l’indemnité de remploi. C’est ce qui a été jugé à bon droit aux termes du jugement entrepris et que la Cour confirmera.
La SARL [Localité 10] IMMOBILIER rétorque que :
Concernant le principe d’égalité des armes et de la contradiction guidant le procès civil, prévu à l’articIe R. 212-1 du code de l’Expropriation, la SADEV 94 ne peut pas avoir eu connaissance lors du dépôt de ses conclusions le 20 avril 2022, de la référence nouvelle du local situe [Adresse 12], citée par le Commissaire du Gouvernement 2 mois et demi plus tard, dans ses conclusions déposées le 6 juillet 2022. Dans ses conclusions d’appelant, la SADEV 94 prétend pourtant que cette référence était utilisée en première instance. La cour doit en tirer des conséquences au regard de l’atteinte portée aux droits de l’expropriée, notamment sur l’appréciation du contexte particulier de cette procédure d’expropriation, doublée d’une procédure de préemption de la mairie et d’une pression injustifiée sur la concluante, auquel s’ajoute aujourd’hui le non-respect de l’égalité des armes.
Concernant la description du bien, l’agence immobilière est présente dans les locaux sis [Localité 6] (94) depuis 1978. Elle est exploitée par la SARL [Localité 10] IMMOBILIER depuis 2016, c’est une institution dans la commune bénéficiant d’une clientèle locale fidélisée depuis plusieurs générations sur la commune.
Concernant l’indemnité principale, le principe est celui de la réparation intégrale du préjudice subit par l’exproprié. Lorsque le fonds de commerce ne peut pas être transféré, I’indemnité principale du commerçant qui exerce son activité dans le local exproprié porte sur Ia valeur du fonds de commerce (indemnité de remplacement) évaluée selon la méthode par comparaison, ou celle du chiffre d’affaire annuel moyen des trois dernières années, pondéré par le coefficient propre à chaque activité. ll appartient à l’autorité expropriante d’apporter la preuve de l’existence de locaux permettant la réinstallation du locataire sans perte significative de clientèle. Or ni l’appelante, ni le commissaire du gouvernement dans leurs conclusions n’en rapportent la preuve. Le commissaire du gouvernement souligne au contraire la rareté de locaux similaires situés à proximité immédiate. L’appelante tente de faire appliquer la méthode par différentiel de loyers, pour réduire à néant l’indemnité principale en appliquant d’office la méthode du droit au bail par différentiel du loyer, en arguant que le loyer payé par l’exproprié serait supérieur au loyer du marché et que le différentiel serait de facto négatif. Cette position est lésionnaire et déloyale car l’expropriant a offert une indemnité principale au commerce voisin sis au [Adresse 7] exerçant l’activité d’agence de voyage, considérant que la réinstallation était impossible sans perte de clientèle. (Pièce 11) Il ressort du jugement de première instance que l’exproprié ne peut pas ré-installer son fonds de commerce à proximité immédiate ce qui entraînera une perte de clientèle. L’expropriante n’a pas fourni de nouvelle pièce en appel permettant de démontrer de façon pertinente que l’exproprié pourrait se réinstaller à proximité immédiate de son local actuel. La méthode du différentiel de loyer a été écartée par le premier juge. Le jugement doit être confirmé sur ce point et la cour doit appliquer la méthode par référence à la valeur du fonds.
Concernant les termes de comparaison produits par l’appelante, ils sont incomparables au fonds de commerce en cause car soit ils concernent des locaux d’une supériorité importante, soit ils ne se situent pas dans la même zone géographique alors que la situation du local est stratégique. De plus, la clientèle de l’intimée est une clientèle de proximité contrairement à ce que prétend l’appelante. Les biens commercialisés par l’agence (vente ou location) sont situés à [Localité 10]. La clientèle de la concluante n’est donc aucunement captée par Internet ni par les réseaux sociaux, et cet argument est d’ailleurs particulièrement inopérant depuis la crise sanitaire : tous les commerçants de proximité de [Localité 10] y compris les commerces dits « de bouche » ont aujourd’hui leurs propres sites internet (Pièce n°16) Les clients acquéreurs de l’agence visitent [Localité 10] avant de décider d’y acquérir ou de louer un bien, et c’est donc tout naturellement qu’ils se rendent à l’agence du fait de son emplacement privilégié en coeur de ville tout en bénéficiant de nombreuses places de stationnement. L’agence [Localité 10] IMMOBILIER, est la seule agence indépendante et non franchisée de la commune. La position de l’appelante selon laquelle la profession d’agent immobilier peut s’effectuer totalement via internet est déconnectée de la réalité. Le premier juge a justement retenu que la majorité des biens vendus par l’intimée se situait sur la commune, de même que la majorité des propriétaires ou bailleurs qui confient l’administration de leur bien à l’agence. En appel, seulement deux termes de comparaison produits en première instance ont été conservés, qui ne correspondent pas au local exproprié par leur situation géographique et l’activité qui y est exercée. Seul un nouveau terme de comparaison a été produit par l’appelante dans ses conclusions et celui-ci ne dispose même pas d’une vitrine extérieure ce qui est le cas du local exproprié. Ce local ne bénéficie pas de facteurs de commercialité comparables. Les trois seules références citées par l’appelante n’apportent donc pas la preuve, que le transfert du fonds de commerce de [Localité 10] IMMOBILIER soit possible sans perte de clientèle, compte tenu du caractère exceptionnel de l’emplacement du local en cause. Il n’existe aucun local de remplacement bénéficiant des mêmes caractéristiques exceptionnelles. Le jugement de première instance doit être confirmé sur ce point.
Concernant l’état de santé du gérant de la SARL [Localité 10] IMMOBILIER et la pression exercée sur lui, deux médecins du travail constatent les 17 mars et 19 avril 2022 que celui-ci souffre d’ « un état dépressif réactionnel » qualifié de « très intense » à partir du 12 juillet 2022 (Pièce 27). Cet état d’anxiété serait du à la procédure d’expropriation et à l’incertitude pour l’avenir de la situation économique de la société SARL [Localité 10] IMMOBILIER.
Concernant le mode de calcul de l’indemnité de remplacement, le juge de l’expropriation a retenu le taux de 30% du chiffre d’affaires de l’intimée, proposé par le Commissaire du Gouvernement qui n’a pas appliqué la méthode du différentiel de loyers et a aboutit au même montant que le premier juge soit 74.764 euros par application de la méthode d’évaluation par le chiffre d’affaires, moyenne du chiffre d’affaires TTC (2018-2019-2020) : 249.212 euros x 30% = 74.764 euros ». L’expropriante a proposé de retenir le taux de 15% qui est la valeur la plus basse sans apporter aucune justification acceptable. Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a retenu une indemnité principale de 74.764 euros.
Concernant subsidiairement la valeur du fonds de commerce, plusieurs termes de référence ont été écartés par le premier juge et par le commissaire du gouvernement alors même que ces termes portaient sur la cession de fonds de commerce se situant à proximité du local exproprié. Ces cessions ont donné lieu à une indemnité bien supérieure à celle proposée par l’appelante de 37.375 euros et ce même lorsque le fonds de commerce était en liquidation alors que l’agence immobilière [Localité 10] IMMOBILIER est in bonis. L’indemnité principale ne peut être évaluée à une valeur inférieure à celle de la valeur vénale du fonds de commerce qui a été évalué par l’expert à 90.000 euros.
Concernant la méthode du différentiel de loyer, l’appelante produit des références de loyers dont les valeurs basses sont sans aucune correspondance avec le local de l’exproprié, et se réfère également à des annonces sur seloger.com, et non à des baux dûment signés, pour conclure à une valeur théorique du loyer annuel située entre 112-200 euros/m². L’appelante a retenu arbitrairement certains termes de comparaison et en a exclu d’autre pour retenir la valeur théorique de loyer entre 193-377 euros/m². Il ressort des différentes termes de comparaison un loyer annuel de référence s’établissant à 450 euros/m² pour une surface de 61 m² auquel il convient d’appliquer un coefficient de 7 compte tenu de la rareté de l’emplacement, et donc une indemnité principale d’un montant de [(450-322)x61]x7 = 54.656 euros outre les indemnités accessoires.
Concernant les indemnités accessoires, la cour confirmera le jugement de première instance en ce qu’il a retenu les indemnités suivantes :
74. 757 euros au titre de l’indemnité principale,
8.510 euros au titre de l’indemnité de remploi,
27.265 euros au titre du trouble commercial,
3.750 euros HT au titre des frais de déménagement.
Dans un second jeu de conclusions, la SARL [Localité 10] IMMOBILIER ajoute que :
Concernant la perte de clientèle du fonds de commerce, celle-ci est déjà avérée, l’intimée n’a conclu aucune vente depuis quatre mois. De plus, un courrier des propriétaires informe l’agence qu’ils ne vont pas mettre leur bien en vente auprès de l’agence du fait de la démolition de celle-ci qui entraînera une perte de visibilité de leur bien.
Concernant l’indemnité due à l’intimée, le règlement des indemnités est intervenu par virement CARPA Ie 31 août 2022, à la condition de libération des locaux par [Localité 10] IMMOBILIER au plus tard Ie 30 septembre 2022, l’appelante ayant allégué l’imminence d’études destructives à réaliser en urgence. Or la Cour constatera qu’aucune intervention ni travaux d’aucune sorte n’ont été réalisés à ce jour dans le local, bien que sa démolition programmée et l’absence de réinstallation de [Localité 10] IMMOBILIER à proximité aient déjà provoqué une perte de clientèle habitant [Localité 10], fidèle à l’agence, qui comptait depuis plusieurs années sur la visibilité exceptionnelle de cet emplacement commercial (Pièces n°1 et 33). Il apparait manifestement que Ia commune a décidé en amont de priver [Localité 10] IMMOBILIER de toute possibilité de réinstallation dans le nouveau projet, comme en atteste l’article de presse « [Localité 10] Info » mentionnant sa volonté de privilégier d’autres types de commerces (Pièce n°34).
Le commissaire du gouvernement conclut que :
Concernant la perte de la clientèle du fonds de commerce exproprié, le premier juge a conclu qu’il convenait d’indemniser la perte du fonds de commerce de la société [Localité 10] IMMOBILIER et de retenir la méthode par le chiffre d’affaires pour valoriser le fonds de commerce.
Concernant l’indemnisation de la perte du droit au bail, la valeur du droit au bail s’apprécie en général par la méthode du différentiel de loyer. Cette méthode consiste à calculer l’économie réalisée par le droit au bail actuel par rapport à un loyer pratiqué sur le marché. Il ressort des termes proposés que le prix moyen des offres de prise à bail de biens similaires sur [Localité 10] ou des communes bénéficiant d’un environnement similaire est de 238 euros HT/HC/m²/an, avec une moyenne de 209 euros HT/HC/m²/an sur la commune de [Localité 10]. La partie expropriante propose de retenir un loyer théorique marché de [Cadastre 2] euros HT/HC/m²/ an. Le commissaire du gouvernement propose de retenir un loyer théorique de 250 euros HT/HC/m²/an. Le loyer actuel est de 322 euros HT/HC/m²/an. Le loyer versé est donc supérieur aux offres de location de locaux similaires ou aux récentes transactions sur [Localité 10].
Concernant l’indemnité principale, le loyer du marché étant inférieur au loyer réel, la valeur du droit au bail est nulle. Au regard de la rareté de locaux similaires situés à proximité immédiate, le commissaire du gouvernement propose une indemnité forfaitaire de douze mois de loyers à titre d’indemnité principale pour perte de droit au bail. Une indemnité forfaitaire pour perte du droit au bail de 20.585 euros doit être retenue.
Concernant les indemnités accessoires, une indemnité pour trouble commercial est proposée pour couvrir le préjudice résultant de l’interruption d’activité durant le déménagement et de réinstallation ou à défaut de réinstallation, pendant la période précédant l’arrêt d’exploitation. Le résultat négatif ne concerne que l’exercice 2019 et entraine un résultat négatif sur l’ensemble de la période prise en compte (2018-2019-2020) qui n’est pas représentatif de I’activité de la société [Localité 10] IMMOBILIER. Le juge de première instance et l’appelante s’entendent pour retenir le bilan comptable 2020. Le jugement doit être infirmé en ce qu’il a retenu 3 mois de salaires et charges et le trouble commercial. Le commissaire du gouvernement propose de retenir au titre du trouble commercial la somme de 18.012 euros résultant du même calcul que celui de l’appelante se décomposant comme suit :
3 mois de bénéfice (2020) : 9 952 euros x 3/12 = 2 488 euros ;
un mois et demi de salaires et charges sociales (2020) : 124.192 euros x 1,5/12 =15 524 euros.
Concernant l’indemnisation de la perte du fonds de commerce à titre subsidiaire, le commissaire du gouvernement propose de retenir une indemnisation calculée à partir d’un ratio établi à partir du prix de vente des éléments incorporels sur la moyenne des trois derniers chiffres d’affaires TTC déclarés, cette moyenne était de 23%. En tenant compte de la baisse du chiffre d’affaires et de la faible rentabilité de I’activité, tout en valorisant l’emplacement du fonds exploité en centre-ville, le commissaire du gouvernement propose de retenir une indemnisation de 30 % de la moyenne des chiffres d’affaires TTC déclarés. La moyenne du chiffre d’affaires total retenue est de 249.212 euros TTC, montant retenu au vu des liasses fiscales déposées au titre des exercices clos en 2018, 2019 et 2020. Si cette méthode est retenue, les indemnités dues se décomposeront comme suit :
Indemnité principale en valeur du fonds de commerce : Moyenne CA TTC (2018-2019-2020) : 249.212 euros x 30 % = 74.764 euros.
Indemnités accessoires :
Indemnité de remploi : 6.326 euros, soit 23.000 euros x 5% =1.150 euros. 74.764 euros – 23.000 euros = 51.764 euros x10% = 5.176 euros.
Trouble commercial : 18.012 euros.
Calcul retenu : 3 mois de bénéfice + 1,5 mois de salaires et charges sociales. Bénéfice 2020 soit 9.952 euros x 3/12 mois = 2.488 euros.
Salaires et charges sociales 2020 soit 124.192 euros x 1,5/12 mois = 15.524 euros.
Frais de déménagement et de réinstallation : 3.750 euros (montant accordé en première instance selon devis produit par l’intimée).
SUR CE, LA COUR
– sur la recevabilité des conclusions
Aux termes de l’article R 311-26 du code de l’expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l’appel étant du 24 janvier 2022, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.
À peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.
L’intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.
Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l’ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.
Les conclusions et documents sont produits en autant d’exemplaires qu’il y a de parties, plus un.
Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.
En l’espèce, les conclusions de la SADEV 94 du 19 avril 2022, de la SARL [Localité 10] IMMOBILIER du 18 juillet 2022 et du commissaire du gouvernement du 7 juillet 2022 déposées ou adressées dans les délais légaux sont recevables.
Les conclusions hors délai de la SARL [Localité 10] IMMOBILIER du 20 janvier 2023 sont de pure réplique à celle de la SADEV 94 et du commissaire du gouvernement appelant incident ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont donc recevables au delà des délais initiaux. Les pièces nouvelles N°31 à N°35 sont uniquement complémentaires par rapport aux conclusions déposées dan le délai légal et sont donc recevables.
– AU FOND
1° sur la date de référence et la situation d’urbanisme
Le premier juge a fixé la date de référence en application des articles L 213-6 et L 213-4 du code de l’urbanisme au PLU applicable à la ZAC Centre- ville de [Localité 10] approuvé puis modifié le 5 février 2020 et validé en préfecture le 20 février 2020.
La SADEV 94 retient la date du 5 février 2020; la SARL [Localité 10] IMMOBILIER n’a pas conclu sur ce point; le commissaire du gouvernement retient la date du 20 février 2020.
En application de l’article 213-6 du code de l’urbanisme, le bien exproprié étant soumis au droit de préemption, il convient de confirmer le jugement qui a exactement retenu la date du 20 février 2020, correspondant à l’affichage en préfecture du PLU de [Localité 10] approuvé en conseil du territoire le 5 février 2020.
A cette date de référence, le bien était situé en zone Uea du PLU qui correspond à une zone d’habitat mixte qui accueille des logements et des activités de service, bureaux, commerces et équipements; afin de prendre en compte les spécificités de la ZAC, la zone UE comprend un sous secteur UEa adapté.
2° sur les surfaces et la consistance du fonds de commerce
L’ensemble immobilier construit en 1925 est composé de locaux d’activité et de logements. L’entrée dans le bâtiment se fait par une porte à digicode donnant sur la [Localité 6], situé au centre-ville de la commune de [Localité 10], à proximité de la mairie et de la ligne de bus 308.
Le local à usage commercial situé au rez-de-chaussée est loué par la SARL [Localité 10] IMMOBILIER, opérant une activité d’agence immobilière, en vertu d’un bail commercial du 27 avril 2006. Les parties s’accordent pour retenir un loyer actualisé de 20’585 euros HT/HC soit un prix unitaire de 322 euros HT/HC /m².
Le local commercial est d’une surface non contestée de 64 m². Il est composé de 3 bureaux, dont celui du fond est construit dans une partie extérieure, une salle d’eau, de plusieurs grands VELUX et d’une cheminée. Le sol est carrelé sur l’intégralité.
Il convient de se reporter pour une plus ample description au procès de transport.
L’expert M. [C] mandaté par la SARL [Localité 10] IMMOBILIER (pièce N°14) indique que le bien est situé à proximité immédiate de la poste et du marché, que l’ensemble est en état d’entretien courant.
Il fait état des avantages suivants :
‘très bonne desserte,
‘rue passante,
‘marché à proximité immédiate,
‘parking public à proximité immédiate,
‘bonne visibilité,
‘locaux adaptés à l’activité.
Il précise que la boutique bénéficie d’un emplacement exceptionnel en centre-ville, entre la Poste et le marché.
Il fait également état des inconvénients suivants :
‘absence d’emplacement de stationnement personnels,
‘loyer élevé.
3° sur la méthode d’évaluation
Devant le premier juge, la SADEV 94 et le commissaires du gouvernement ont demandé à titre principal que soit indemnisée la valeur du droit en bail, alors que la SARL [Localité 10] IMMOBILIER a demandé une indemnisation de la valeur pleine de son fonds de commerce.
En appel, les parties formulent les mêmes demandes.
Le premier juge a indiqué que la clientèle de la société SUCCY IMMOBILIER est bien en partie une clientèle de proximité, puisque les biens gérés par l’agence immobilière sont situés pour majorité dans la commune, de même que les propriétaires qui confient l’ administration de leurs biens à l’agence ; que par ailleurs, si une partie de la clientèle est captée par Internet, celle-ci ne peut se réduire aux locataires ou futurs acquéreurs, qui en tout état de cause, après avoir repéré un bien, se rendent dans l’agence située à proximité.
Cependant, il a ajouté, que pour autant il n’est pas établi que le transfert de l’activité de l’agence immobilière dans la même ville mais hors le centre-ville lui fasse perdre sa clientèle ; que néanmoins, la SADEV 94 et le commissaire du gouvernement ne proposent aucun terme de comparaison situé à [Localité 10] susceptible de correspondre avec un local exploité par l’agence immobilière, le commissaire du gouvernement soulignant la rareté des locaux similaires à proximité immédiate, de sorte qu’il n’applique pas un coefficient sur différentiel de loyer, mais une indemnité forfaitaire de 12 mois de loyers ; le premier juge a en conséquence décidé d’indemniser la perte du fonds de commerce.
LA SADEV 94 demande l’infirmation pour retenir une indemnité selon la méthode du droit au bail.
À l’appui de sa demande, elle indique que si une réinstallation du fonds de commerce est possible dans un périmètre qui permette à l’agence immobilière de conserver sa clientèle, l’indemnité doit être calculée en considération de la valeur du droit au bail du commerçant, alors que dans le cas contraire, l’indemnité est représentée par la valeur de son fonds de commerce ; en l’espèce , la société expropriée exerce une activité d’agence immobilière, dans un local commercial de superficie relativement réduite, elle ne déplorera pas de perte de clientèle à la suite de son éviction, de sorte que son indemnité devra représenter la valeur de son droit au bail ; en effet, la clientèle de la société expropriée ne peut être considérée comme étant de proximité, puisque cette clientèle à l’instar de l’ensemble du marché immobilier, est captée directement via Internet et les réseaux sociaux, comme le démontre le site Internet de l’exproprié et en outre cela est amplifié par le fait que celle-ci publie ses annonnces sur le site seloger.com, de notoriété hexagonale, pour capter une clientèle plus large en termes d’éloignement géographique et enfin celle-ci à la possibilité de se réinstaller à proximité, comme le démontrent les sites spécialisés.
La société [Localité 10] IMMOBILIER rétorque qu’il appartient à l’autorité expropriante d’apporter la preuve de l’existance de locaux permettant la réinstallation du locataire sans perte significative de clientèle, ce qui n’est pas rapportée en l’espèce ; faute de termes de comparaison à [Localité 10], la méthode par différentiel de loyer est en outre inapplicable en l’espèce ; l’expropriée bénéficie de facteurs de commercialité incomparables, à savoir un emplacement stratégique, une agence de proximité qui est une institution de [Localité 10] depuis 1978 et il convient donc de confirmer le jugement sur la méthode retenue de la perte du droit au bail.
Le commissaire du gouvernement indique qu’il n’est pas démontré que l’activité de proximité exercée par l’exploitant ne pourrait pas se poursuivre avec une installation sur un site proche de ses locaux actuels, que l’éviction commerciale entraînerait pour l’occupant la perte de sa clientèle et donc de son fonds de commerce ; que les biens gérés par l’agence sont situés pour majorité dans la commune, mais cette activité peut néanmoins être exercée quelque soit la localisation d’agence de la commune. Le commissaire du gouvernement ajoute que l’essentiel de l’activité est la recherche de biens à vendre et les transactions immobilières, que les technologies d’information ont provoqué des changements fondamentaux dans le circuit d’achat du client, que les conseillers prennent les mandats, effectuent les visites à l’extérieur et ne sont pas ou peu présents ; les acquéreurs de biens sur la commune de [Localité 6] ne sont pas tous originaires de cette commune et l’agence propose également à la vente des biens situés sur d’autres communes ; il propose donc à titre principal, une indemnisation de la perte du droit au bail, et à titre subsidiaire une indemnisation de la perte du fonds de commerce.
La clientèle de la société [Localité 10] IMMOBILIER est en partie une clientèle de proximité, puisque les biens gérés par l’agence sont situés pour majorité dans la commune, de même que les propriétaires qui confient l’administration de leurs biens à l’agence ; en effet, l’agence est située dans un emplacement stratégique de la ville de [Localité 10], et si elle dispose d’un contrat avec le site seloger.com, cela concerne dix annonces uniquement ; il s’agit d’une agence indépendante et non franchisée la proportion de biens situés hors de [Localité 10] est minoritaire ; si effectivement comme l’indique le commissaire du gouvernement les technologies d’information ont provoqué des changements fondamentaux dans le circuit d’achat du client, cependant celle-ci ne peut se réduire au locataire ou futur acquéreur, qui en tout état de cause, après avoir repéré un bien, se rend dans l’agence située à proximité.
Par contre, s’agissant de la perte de clientèle, il n’est pas établi que le transfert de l’activité de l’agence [Localité 10] IMMOBILIER dans la même ville mais hors du centre-ville lui fasse perdre sa clientèle ; en effet, la déclaration de cession du bail commercial mentionne que l’acquéreur pressenti a pour activité « coiffeurs, barbiers et vente de produits capillaires », la cession ne concerne donc pas le transfert du fonds de commerce avec l’activité d’agence immobilière ; il n’est pas en outre démontré que l’activité proximité exercée par l’exploitant ne pourrait pas se poursuivre avec une installation sur un site proche de ses locaux actuels, l’expropriant proposant trois termes situés à [Localité 10] et le commissaire du gouvernement proposant 5 termes de comparaison de fonds de commerce d’agence immobilière dans le Val-de-Marne (du [Localité 10] et commune à proximité), dont un situé à [Localité 6].
En conséquence, la société [Localité 10] pouvant se réinstaller à proximité, certes de manière plus éloignée, mais en conservant sa clientèle, il convient d’infirmer le jugement et de retenir la méthode du droit au bail.
4° sur la fixation de l’indemnité principale
Les parties s’accordent pour retenir un loyer annuel actualisé de 20’585 euros /HT/HC soit un prix unitaire de 322 HT/HC/an.
Les termes de comparaison proposés par les parties sont les suivants :
1° termes de la SADEV 94
ANNONCES :
‘Local commercial de 50 m², [Localité 6], 1000 euros, soit 200 euros/m²/par an également proposé par le commissaire de gouvernement de 140 euros/m² de loyer
‘Local commercial le petit Val Clos de ville, [Localité 10], 1300 euros HT/HC soit 195 euros/m²/par an
Ces annonces comparables en consistance et localisation seront retenues.
CONTRATS DE BAIL COMMERCIAUX
‘Bail commercial du 7 décembre 2020 : local de 64 m² situé à 400 m du local loué par la SARL [Localité 10] IMMOBILIER , loyer annuel de 7200 euros HT/HC soit un prix unitaire de 112 euros HT/HC/m²/AN.
Ce terme comparable en consistance et localisation est retenu
‘bail commercial du 31 octobre 2019 : local de 32 m² à 300 m du local loué par la SARL [Localité 10] IMMOBILIER, loyer annuel de 6000 euros HT/HC soit un prix unitaire de 187 euros HT/HC/an.
Ce terme comparable en consistance et localisation est retenu.
2° termes de [Localité 10] IMMOBILIER
Elle propose les termes suivants :
-bail STEF OPTIQUE, [Adresse 4] : loyer annuel de 39’782 euros HT pour une surface de 65,78 m², soit 605 euros/m² (pièce numéro 17,17-1 et 17-2).
Comme l’indique la SADEV 94, aucune surface n’est mentionnée dans le bail, cette référence non exploitable pour fixer le loyer sera donc écartée.
-loyer du fleuriste, [Adresse 5], loyer annuel de 9878 euros pour une surface de 25 m², soit 395 euros/m² (pièce numéro 18).
Comme l’indique la SADEV 94, l’extrait d’acte de cession du fonds de commerce ne mentionne pas l’adresse du fonds cédé, ou même le nom de la commune ; cette référence non exploitable sera donc écartée.
‘bail maison du ménage, de l’avenue de la Gare : loyer annuel de 11’400 euros pour une surface de 32 m², soit 356 euros/m² (Pièce numéro 20).
La pièce produite ne mentionne pas un loyer de 11’400 euros ; ce terme sera donc écarté.
L’expert mandaté M. [C] estime d’ailleurs que la valeur locative du marché du bien au 2e semestre 2020, pour une surface de 61 m², à 12’250 euros, soit 250 euros/m²/an (Pièce numéro 14).
3° termes du commissaire du gouvernement
Il propose six termes de comparaison sur des offres de prise à bail de locaux commerciaux situés à [Localité 6], élargis sur les communes présentant un environnement de rues commerçantes, consultés le 30 août 2021 est le 12 mai 2022 sur les sites marchands de location de locaux d’activité :
Commune
situation indiquée dans l’annonce
type de locaux
surface
loyer euros/m²/anHT/HC
date de la consultation sur le site
référence
T1
[Localité 6]
local commercial
50
240
44692
bureaux locaux.com
référence [Localité 10] 1/lot 5
T2
[Localité 6]
local commercial
80
195
44437
bureaux locaux.com
référence 94 00 42 104
T3
[Localité 6]
local commercial
404
193
44437
SeLoger
T4
[Localité 13]
boutique de 80 m² avec vitrine+ 2 bureaux (25 m² environ)+ (51 m²’3 bureaux et sanitaires’caves) (21 m²) garage
172
236
44437
SeLoger
référence : 53 90 01
T5
[Localité 13]
boutique
70
377
44437
SeLoger
référence : CI 12-982
T6
[Localité 11]
boutique
64,74
189
44437
SeLoger
référence
email ilot 8-lot 24
Le commissaire de gouvernement indique que les termes numéro 1 et numéro 2 sont situés à environ 1 km de la société expropriée et que le terme numéro 3 est à proximité immédiate; que le terme numéro 1 est situé sur une place de stationnement qui est gratuite, et ou d’autres commerces sont implantés (fleuriste , institut de beauté, boulangerie, restaurant) ainsi que des professions libérales (kinésithérapeutes, ostéopathes, orthophonistes, vétérinaires), avec magasin Auchan et auto-école à proximité ; que ces locaux constituent des références comparables aux locaux expropriées étant occupés par les services à domicile pour personnes âgées dépendantes, ayant été rénovés et desservis par les ligne de bus 103 et 5.
Le commissaire du gouvernement indique que le prix moyen des offres de prise à bail de biens similaires sur [Localité 10] ou des communes bénéficiant d’un environnement similaire est de 238 euros HT/HC/M/AN avec une moyenne de 209 euros HT/HC/M²/an sur la commune de [Localité 10].
Ces termes comparables en consistance et localisation seront retenus.
Au regard des références retenues, il convient de fixer un loyer théorique de 250 euros HT/HC/m²/an , ce qui corrrespond à ce que retient l’expert mandaté par la SARL [Localité 10] IMMOBILIER, M. [C] ; le loyer actuel de la SARL [Localité 10] IMMOBILIER étant de 322 euros HT/HC/m²/an est donc supérieur aux offres de location de locaux similaires ou aux référées récentes de transactions sur [Localité 10].
La valeur du droit au bail est donc nulle.
Au regard de la rareté de locaux similaires situés à proximité immédiate, et de la plus-value tenant un emplacement exceptionnel en centre-ville, entre la poste et le marché tel que souligné par M. [C] (pièce numéro 14) qui a estimé le bien pour la SARL [Localité 10] IMMOBILIER, il convient de retenir la proposition du commissaire du gouvernement d’une indemnité forfaitaire de 12 mois de loyers à titre d’indemnité principale pour perte de droit au bail soit la somme de 20’585 euros et non celle proposée par la SADEV 94 limitée à trois mois.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
5° sur les indemnités accessoires
A sur l’indemnité de remploi
Elle est de 20’585 euros x 5 %= 18’002 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
B sur l’indemnité pour trouble commercial
Les données comptables sont les suivantes :
LIASSES FISCALES
CA HT déclaré/euros
TV collectée déclarée/euros
CA TTC/euros
résultat/euros
salaires et charges sociales/euros
2018
223847
44702
268549
2425
136377
2019
174796
35086
209882
-33103
142355
2020
224338
44868
269206
9952
124192
moyenne CA TTC
249212
-6908, 67
134308
Les parties s’accordent pour retenir l’année 2020.
La SADEV 94 propose au titre du trouble commercial une indemnité correspondant à 3 mois de bénéfice, et 1,5 mois de salaires et charges soit :
1952 x 3/12= 2489 euros
124’192 x 1, 5/12= 15’524 euros
soit un total de 18’013 euros.
LA SARL [Localité 10] IMMOBILIER demande de réactualiser la somme à lecture du bilan 2020 soit un montant de 33’537 euros valeur 2020 :
3 mois de bénéfices : 9952/12 X 3= 2489 euros
3 mois de rémunération personnel et charges : 124 192/12 X 3= 31’048 euros.
Le commissaire du gouvernement formule la même proposition que la SADEV 94 soit une indemnité de 18’012 euros.
Il convient de fixer l’indemnité au titre de trouble commercial selon les usages, en retenant 3 mois de bénéfice et 1, 5 mois de salaires et charges comme suit :
3 mois de bénéfice (2020) : 9952 euros x 3/12= 2488 euros
un mois et demi de salaires et charges sociales (2020) : 124’192 euros x 1,5/12= 15’524 euros soit un total de 18’012 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
C sur les indemnités de recherche de nouveaux locaux, de frais de transfert de siège et diverses
Le premier juge a accordé, sur la base d’un devis( pièce N°19), une indemnité de 3750 euros HT au titre des frais de déménagement.
Les parties demandant la confirmation de ce chef, le jugement sera donc confirmé en ce sens.
L’indemnité totale d’éviction selon l’indemnisation de la perte du droit au bail est donc de : 20’585 (indemnité principale)+ 1029 (de remploi)+ 18’012 (trouble commercial)+ 3750 euros (frais de déménagement et de réinstallation)= 43’376 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
– sur l’article 700 du code de procédure civile
L’équité commande de confirmer le jugement qui a condamné la SADEV 94 à verser à la SCI [Localité 10] IMMOBILIER la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de débouter la SADEV 94 et la SARL [Localité 10] IMMOBILIER de leur demande au titre de l’ article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
– sur les dépens
Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SADEV 94 aux dépens de première instance.
La SARL [Localité 10] IMMOBILIER perdant le procès sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort ;
Statuant dans la limite des appels,
Infirme partiellement le jugement entrepris ;
statuant à nouveau,
Fixe l’indemnité due par la société d’aménagement et de développement des villes du département du Val-de-Marne ( SADEV 94) à la SARL [Localité 10] IMMOBILIER au titre de l’éviction du local commercial situé dans l’ensemble immobilier sis [Localité 6] (94) sur la parcelle cadastrée AE numéro [Cadastre 2] à la somme totale de 43’376 euros se décomposant comme suit :
’20’585 euros au titre de l’indemnité principale
‘1029 euros au titre de l’indemnité de remploi
’18’012 euros au titre de l’indemnité pour trouble commercial
‘3750 euros au titre des frais de déménagement et de réinstallation ;
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’ article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL [Localité 10] IMMOBILIER aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT