Contrat d’édition : 24 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09521

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Contrat d’édition : 24 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09521
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 24 MARS 2023

(n°46, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/09521 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDWOK

Décision déférée à la Cour : jugement du 16 mars 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 5ème chambre 1ère section – RG n°19/09931

APPELANT

M. Jean [U]

Né le 9 décembre 1959 à [Localité 4]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044

Assisté de Me Alexis CHABERT plaidant pour la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de LYON, case 794

INTIMEE

Fondation [J] [O], prise en la personne de son président, M. [J] [O], domicilié en cette qualité au siège situé

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocate au barreau de PARIS, toque  K0065

Assistée de Me Alexis DEVILDER plaidant pour le Cabinet MARIN – RIVIERE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 16 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :

– débouté M. Jean [U] de ses demandes,

– débouté la fondation [O] de ses demandes reconventionnelles pour procédure abusive,

– rejeté toutes autres demandes,

– condamné M. Jean [U] à payer à la fondation [O] la somme de 3’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. Jean [U] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

Vu l’appel interjeté le 20 mai 2021 par M. Jean [U],

Vu les conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 janvier 2022 par M. [U] qui demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 anciens et 1966 du code civil, de :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16 mars 2021 sauf en ce qu’il a débouté la fondation [O] de sa demande reconventionnelle à le voir condamner pour procédure abusive,

Statuant de nouveau,

– condamner la fondation [O] à verser à M. Jean [U] la somme de 441 244 euros, à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel,

– condamner la fondation [O] à verser à M. Jean [U] la somme de 15 000 euros, à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

En tout état de cause,

– condamner la fondation [O] à verser à M. Jean [U] la somme de 10 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 octobre 2021 par la fondation [O] qui demande à la cour de :

– déclarer recevable mais infondé l’appel de M. [U],

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris rendu le 16 mars 2021 sauf en ce qu’il a dit que la procédure engagée par M. [U] n’était pas abusive et en ce qu’il a débouté la Fondation [O] de ses demandes à ce titre,

En conséquence,

– dire et juger que la Fondation [O] n’a pas engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de M. [U],

– condamner M. [U] :

– à une amende civile de 3 000 euros pour procédure abusive,

– à verser à la Fondation [O] 3 000 euros de dommages et intérêts au même titre,

– débouter M. [U] de ses plus amples demandes,

– condamner M. [U] à verser à la Fondation [O] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– le condamner aux dépens d’appel,

Vu l’ordonnance de clôture du 29 septembre 2022 ;

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que M. [U] est écrivain et réalisateur et que la fondation [O] est une personne morale reconnue d’utilité publique qui ‘uvre dans le milieu artistique afin d’aider les jeunes comédiens et auteurs de talent, et qui organise chaque année depuis 2010 le concours «’Jeune Auteur’».

Dans le cadre de ce concours, les candidats devaient écrire une pièce de théâtre en respectant un certain nombre de contraintes (écriture en langue française, deux à six personnages et un seul décor, durée maximum de 1h30).

Lors de sa deuxième édition de ce concours en 2011, la Fondation [O] a diffusé un appel d’offre dans les termes suivants :

«’Le prix Jeune Auteur 2011 de la fondation JM [O] récompensera l’auteur d’une pièce de théâtre choisie par un jury qualifié et reconnu. La fondation attribuera à l’auteur choisi une bourse (5 000 euros) et assurera le montage et l’exploitation de l”uvre choisie’», suivi des conditions d’exigibilité au concours.

M. [U] a participé au concours en soumettant au jury de la fondation [O] le texte d’une pièce de théâtre intitulé « Ciel, mon urne’».

Le jury lui a décerné le prix et il a reçu la bourse de 5’000 euros. En revanche la pièce n’a pas été montée.

Après plusieurs échanges infructueux entre les parties, M. [U] a, par l’intermédiaire de son avocat et par courrier du 3 janvier 2013, mis en demeure la Fondation [O] de :

– remettre en ligne, sur le site de la Fondation, toutes les informations et documentations visant la remise du prix décerné telles qu’elles figurent sur la page dédiée de la SACD du 4 octobre 2011,

– mettre en ‘uvre les engagements de production de la pièce «’Ciel, mon urne’» et mettre à disposition réelle les moyens tels qu’annoncés au profit des lauréats sélectionnés,

– l’indemniser de tous chefs de préjudice qu’i1 pourrait solliciter pour le retard pris par la Fondation dans l’exécution de ses engagements.

Par courrier du 17 novembre 2013 la fondation [O] indiquait à l’avocat de M. [U] avoir mis tout en ‘uvre pour mettre en place la production de la pièce de «Ciel, mon urne» et qu’elle «’s’était engagée, uniquement pour la période d’un an à aider M. [U] pour la mise en scène de sa pièce, sous la condition de trouver un metteur en scène et une salle disponible’».

C’est dans ce contexte que M. [U] a, selon acte d’huissier du 24 décembre 2014, fait assigner la fondation [O] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris pour obtenir à titre principal le paiement d’une provision de 400 000 euros et à titre subsidiaire la désignation d’un expert pour procéder à 1’évaluation du coût de la production, du montage et de 1’exploitation de la pièce ainsi que de son manque à gagner.

Par ordonnance du 6 mars 2015, le juge des référés a dit n’y avoir lieu a référé eu égard de contestations sérieuses soulevées par la fondation [O].

Par acte d’huissier du 9 août 2019, M. [U] a fait assigner la fondation [O] devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire de Paris, en réparation de ses préjudices subis du fait des fautes contractuelles de la fondation [O].

C’est dans ces circonstances qu’a été rendu le jugement dont appel.

Pour conclure à l’infirmation du jugement, M. [U] fait valoir que l’offre de gain formulée par la Fondation [O] est une offre ferme, dont l’acceptation entrainait la formation d’un contrat qu’elle devait exécuter, le concours mis en place par l’intimée pouvant s’analyser comme un contrat de jeu d’adresse, que l’obligation de délivrer le prix au vainqueur du concours implique une obligation de résultat de monter la pièce lauréate. A titre subsidiaire, il fait valoir que la fondation [O] n’a pas exécuté l’obligation de moyens qu’elle invoque.

L’intimée réplique qu’elle n’était tenue que d’une simple obligation de moyens, son rôle consistant à rechercher et mettre en contact un metteur en scène, des acteurs intéressés, une salle de spectacle et un ou des producteurs, alors que l”uvre de M. [U] n’a pas trouvé d’écho, cette obligation étant aléatoire et le montage et la production de la pièce de théâtre en cause étant également subordonnés au rôle actif de l’auteur qui pourtant a refusé d’admettre les difficultés rencontrées et d’accepter les solutions proposées. Elle ajoute que son obligation de moyens doit s’apprécier au regard de sa qualité de fondation d’utilité publique et du cadre de mécénat dans lequel le concours a été organisé et qu’en tout état de cause, elle a tout mis en ‘uvre pour tenter de monter la pièce écrite par M. [U]. Elle conteste enfin l’existence des préjudices allégués par l’appelant.

Ceci étant exposé, il a été dit que la fondation [O] a décerné le prix «’Jeune Auteur 2011’» à M. [U]. L’extrait du site internet de la fondation versé aux débats indique que’: «’Le jury a voté à la majorité pour la comédie «’Ciel Mon Urne’» de Jean [U]. Une bourse de 5’000 euros sera attribuée à M. [U] lors d’une cérémonie en septembre 2011 organisée par la SACD et sa pièce sera produite en 2012 par la fondation’».

La cérémonie officielle de remise du prix a eu lieu à la SACD le 7 novembre 2011 et M. [U] a reçu une bourse de 5 000 euros. La pièce de théâtre n’a quant à elle jamais été montée ni a fortiori exploitée.

Il n’est pas contesté en l’espèce que les parties sont liées contractuellement suite à la participation de M. [U] au concours précité. La fondation [O] considère que le défaut de montage/production de la pièce de théâtre de M. [U] n’engage pas sa responsabilité puisqu’elle n’était tenue que d’une obligation de moyens et qu’elle a mis tout en ‘uvre pour que cette pièce de théâtre soit jouée.

Aux termes de l’article 1134 ancien code civil applicables au litige «’Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.’»

Selon l’article 1147 ancien du même code «’le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.’»

Il est constant que le défaut de versement du gain promis dans le cadre d’un appel d’offre pour un concours caractérise l’inexécution d’une obligation de résultat lorsque le gain est déterminé et tangible tel qu’une somme d’argent. En l’espèce, M. [U] a d’ailleurs reçu une bourse de 5 000 euros.

S’agissant de la pièce de théâtre et faisant sienne l’argumentation du tribunal, l’intimée fait valoir n’elle n’avait qu’une obligation de moyens qu’elle a respectée. Pour autant, tant le règlement du concours que la formule employée par la fondation [O] qui « assurera le montage et l’exploitation » sont significatifs d’un engagement certain auprès de M. [U].

Il s’agit donc d’une obligation de résultat, et non pas une simple obligation de moyens, la fondation [O] s’étant engagée, non seulement à verser au lauréat une somme d’argent mais aussi à assurer le montage et l’exploitation de sa pièce de théâtre sans aucune réserve ni aucune condition qu’elle soit temporelle ou matérielle, et aucun aléa n’a été mis en évidence à l’annonce du gain.

La fondation intimée ne peut dès lors s’exonérer de sa responsabilité au motif qu’elle aurait une mission d’utilité publique qui l’empêcherait de produire une pièce de théâtre, alors au demeurant qu’il entre précisément dans son objet social (article 1 de ses statuts) de «’contribuer matériellement, par l’octroi de bourses, la participation à des productions théâtrales et l’organisation de parrainage par des personnalités reconnues du monde des arts et de la culture, à la formation de jeunes talents, dans le but de contribuer ainsi à leur intégration harmonieuse dans la vie professionnelle’».

Elle ne peut pas plus soutenir que M. [U] n’aurait pas ‘uvré en vue de procéder au montage de sa pièce de théâtre, aucune obligation n’étant mise à la charge des lauréats par le règlement du concours «’Jeune Auteur 2011 » qui est le seul auquel M. [U] a participé et qui est celui qu’il a remporté.

En conséquence, le jugement doit être infirmé en ce qu’il a dit que la fondation [O] n’a commis aucun manquement à son obligation de moyens et a débouté M. [U] de ses demandes.

La fondation [O] a donc engagé sa responsabilité envers M. [U] qui peut prétendre à la réparation de son préjudice.

Le préjudice matériel subi par l’appelant ne saurait cependant, comme celui-ci le soutient, correspondre au coût du montage de sa pièce de théâtre, soit à la somme estimée de 441’244 euros. En effet le seul préjudice qu’il subit correspond, ainsi que le soutient la fondation [O], à une perte de chance, qui n’est pas invoquée ni a fortiori démontrée. En conséquence, M. [U] sera débouté de sa demande d’indemnisation au titre de son préjudice matériel.

En revanche, l’inexécution de ses obligations par la fondation [O] a causé un préjudice moral certain à M. [U] résultant notamment du discrédit porté sur son ‘uvre et sa personne et la cour dispose des éléments suffisants pour lui allouer à ce titre la somme de 10’000 euros à titre de dommages intérêts.

Sur les demandes incidentes de la fondation [O]

La Fondation [O] qui succombe ne saurait prétendre ni au versement de dommages intérêts pour procédure abusive ni au paiement par M. [U] d’une amende civile.

Sur les autres demandes

Le sens du présent arrêt commande d’infirmer les dispositions du jugement dont appel relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Partie perdante, la fondation [O] sera condamnée aux entiers dépens.

Enfin, M. [U] a dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16 mars 2021 sauf en ce qu’il a débouté la fondation [O] de ses demandes reconventionnelles.

Statuant à nouveau,

Dit que la fondation [O] a manqué à son obligation contractuelle envers M. Jean [U].

Condamne la fondation [O] à payer à M. Jean [U] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Condamne la fondation [O] à payer à M. Jean [U] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Condamne la fondation [O] aux entiers dépens.

La greffière La présidente

 


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