Avocat en Propriété intellectuelle : nouvelle intervention remarquable de Maître Mojica

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Avocat en Propriété intellectuelle : nouvelle intervention remarquable de Maître Mojica

République française

Au nom du peuple français

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PARIS

ARRET DU 20 DECEMBRE 2012

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/17189

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2011 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 07/16169

APPELANT :

Monsieur Christoph SESEKE

assisté de : Maître Nicolas CONTIS de la SELARL KALLIOPE (avocat au barreau de PARIS, toque : P0412)

ayant son siège social 88 avenue de Niel

assistée de : Stefan STADE (avocat au barreau de STRASBOURG)

COMPOSITION DE LA COUR :

Monsieur Edouard LOOS, Conseiller

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER,

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

En 2000, la société allemande RÖLD & PARTNER GmbH (société RP) de Nuremberg (dont l’objet est le commissariat aux comptes et aussi, mais c’est contesté, l’expertise comptable selon les uns ou le conseil fiscal selon Monsieur SESEKE), et les trois associés de B. se sont rapprochés en vue d’intégrer la selarl française d’avocats au réseau international interdisciplinaire RÖLD & PARTNER (3.000 salariés dans le monde). Le 30 novembre 2000, outre un contrat de coopération, Messieurs BROSEMER, RUPP et SESEKE d’une part et la société RP d’autre part, ont souscrit une convention stipulant que la société RP entrera au capital de la selarl B. Associés à hauteur de 49 % dans le

cadre d’une augmentation de capital, laquelle a été réalisée par l’AGE du 8 décembre 2000, le nouveau capital divisé en 2.000 parts étant alors réparti entre Messieurs BROSEMER, RUPP et SESEKE à raison de 340 parts chacun (soit 17 % chacun et ensemble 51 %) et 980 parts désormais détenues par la société RP, soit 49 %.

Le 1er décembre 2000, aux termes d’une promesse d’achat entre la société RP et Messieurs BROSEMER, RUPP et SESEKE, la société RP s’est aussi engagée à racheter les parts détenues dans la société BRS par ces derniers, l’option pouvant être levée à compter du 30 juin 2003, ledit engagement étant ultérieurement réitéré dans un avenant du 31 octobre 2002 à la convention de coopération du 30 novembre 2000, en y ajoutant les parts détenues dans les deux autres sociétés B. Expertises et C. Audit, la date de cession ne pouvant, désormais, être antérieure au 30 juin 2007.

Le 18 décembre 2000, le Conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Paris a été informé des deux augmentations de capital (1997 intégrant Monsieur SESEKE et 2000 intégrant la société RP). Par décision du 20 mars 2001, notifiée le 27 mars suivant et complétée par un courrier du 25 avril 2001, il a rejeté la demande d’approbation des modifications des statuts de la société BRS Associés et l’attribution des parts sociales en résultant, aux motifs que :

– d’une part, l’intégration de Monsieur SESEKE ne pourra être envisagée que lorsqu’il aura préalablement obtenu son inscription au Barreau de Paris

– d’autre part, la société RP, étant une société de commissariat aux comptes, ne peut figurer en tant que telle, dans une structure d’avocats inscrite au Barreau.

Après avoir annulé la décision du conseil de l’Ordre au seul motif du défaut de respect du principe du contradictoire (le Conseil ayant statué sans entendre préalablement les intéressés), la cour d’appel de Paris, par arrêt du 28 novembre 2001, a également refusé d’approuver la modification des statuts de la selarl BRS & Associés aux motifs que :

– d’une part, Monsieur SESEKE n’étant pas inscrit au Barreau de Paris, l’intégration de la société RP aurait pour conséquence que les professionnels en exercice au sein de la société (soit les seuls Messieurs B. et R. ne détenant ensemble que 34 % du capital) détiendraient moins de la moitié du capital, en contravention avec les termes de l’article 5 de la loi (n° 90-1258) du 31 décembre 1990,

– d’autre part, au surplus en toute hypothèse, la profession de commissaire aux comptes qu’exerce la société Röld & Partner n’étant pas l’une des professions libérales juridiques ou judiciaires visées à l’article 5-5° de la loi du 31 décembre 1990, cette société ne saurait se prévaloir desdites dispositions pour accéder à la qualité d’associé minoritaire d’une société d’exercice libéral de droit français ayant pour objet l’exercice de la profession d’avocat.

Le 12 avril 2005, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi à l’encontre de l’arrêt précité en constatant que Monsieur SESEKE ne remplissait pas les conditions pour devenir associé de la société BRS, ce constat étant suffisant pour refuser la modification des statuts.

Entre temps, la société BRS & Associés a adopté, par assemblée générale extraordinaire du 1er avril 2003, une nouvelle dénomination sociale, soit B. Röld & Partner , laquelle sera ultérieurement à nouveau modifiée pour devenir BRS & Partners , et le 5 avril 2005 Messieurs BROSEMER, RUPP et SESEKE ont notifié à la société RP la levée de l’option d’achat dont ils bénéficiaient au titre de l’avenant précité du 31 octobre 2002, à effet du 30 juin 2007.

***

Les 3 et 27 avril 2006, Messieurs BROSEMER, RUPP et SESEKE ont attrait la société RP devant le

tribunal de commerce de Paris afin, essentiellement, de voir déclarer parfaite la vente de leurs parts sociales. Le 25 mai 2007, Messieurs B. et R. ont transigé avec la société RP et se sont désistés en cours d’instance, celle ci se poursuivant avec le seul Monsieur SESEKE.

Par jugement du 11 septembre 2007, le tribunal de commerce de Paris s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris.

Dans le dernier état de ses prétentions devant le tribunal de grande instance, Monsieur SESEKE s’opposait à la nullité des conventions et demandait, outre les frais irrépétibles :

– à titre principal, de constater qu’il avait valablement cédé à la société RP, 350 parts de BRS & PARTNERS, outre la propriété économique de 84 parts de la selarl d experts comptables B. Expertises’ et 122 parts de la selarl de commissaires aux comptes et d’experts comptables C. Audit en précisant qu’à défaut d’accord des parties, le prix devait être fixé à dire d’expert, désigné dans les conditions de l’article 1843-4 du code civil, lequel devra appliquer les critères retenus dans la convention des parties,

– subsidiairement, d’ordonner à la société RP de lui fournir dans les 15 jours sous astreinte, un rapport détaillé et circonstancié exposant les solutions de substitution qu elle propose en application de l’engagement des parties de substituer une nouvelle clause valide à celle qui serait déclarée invalide.

La société RP a demandé la nullité de l’ensemble des conventions des 30 novembre et 1er décembre 2000 et la BRS & PARTNERS, demandant la même nullité, a indiqué qu’aucun projet de cession ne lui a été notifié et que la cession des parts sociales n’a pas fait l’objet d’un agrément.

Par jugement contradictoire du 6 septembre 2011 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré recevable l’exception de nullité pour cause illicite et a prononcé l’annulation de l’ensemble des conventions passées les 30 novembre 2000, 1er décembre 2000 et 31 octobre 2002 pour cause illicite en déboutant Monsieur SESEKE de l’ensemble de ses demandes et les défenderesses du surplus des leurs, y compris l’indemnisation des frais irrépétibles.

Monsieur SESEKE a interjeté appel le 22 septembre 2011 en intimant la seule société RP. Celle ci a, par acte du 23 avril 2012, assigné afin d’appel provoqué, la société BRS & PARTNERS.

La clôture de l’instruction de l’affaire, initialement prévue pour le 13 septembre 2012, a été prononcée le 10 octobre suivant.

Lors de l’audience des plaidoiries du 8 novembre 2012, certaines parties ayant de nouveau conclu en sollicitant la révocation de l’ordonnance ayant prononcée la clôture, celle ci a été rabattue, les nouvelles écritures des parties ont été admises au dossier avec l’accord des autres, la clôture a, de nouveau, été prononcée et les débats ont eu lieu sans désemparer à la demande expresse de toutes les parties.

Vu les ultimes écritures de fond signifiées le 10 octobre 2012, par Monsieur SESEKE réclamant 10.000 € de frais irrépétibles à l’encontre, chacun, de la société RP et de la société BRS RÖLD & PARTNERS et poursuivant :

– à titre principal, la constatation de la cession, à la date du 30 juin 2007 des 350 parts de BRS & PARTNER, outre les 7 parts qu’il détient en propriété juridique , la propriété économique de 84 parts de la société BRS Expertises et de 122 parts de la société COM Audit, et la condamnation de la société RP à lui en payer le prix qui sera fixé conformément à la convention des parties et, en cas de contestation, […] par l’expert à désigner dans les conditions procédurales de l’article 1843-4 du code civil à l’initiative de la partie la plus diligente, le prix devant être fixé par l’expert en

application de la clause de prix stipulée dans cette même convention’,

– subsidiairement, la condamnation de la société RP à lui fournir dans les 15 jours sous astreinte de 500 € par jour de retard, un rapport détaillé et circonstancié exposant les solutions de substitution qu’elle propose en application de l’article 12-3 du contrat de coopération et de l’article 13-4 de l’avenant, selon lesquels les parties se sont engagées à assurer le remplacement d’une disposition invalide par une disposition valide correspondant, dans toute la mesure du possible, à l’objectif de la disposition invalide en priant en outre, la cour de dire que les débats se poursuivront une fois remis ledit rapport’ ;

Vu les dernières conclusions de fond de la société RÖLD & PARTNER GmbH (société RP) signifiées le 13 septembre 2012, réclamant l’indemnisation de ses frais non compris dans les dépens tant en première instance qu’en appel en sollicitant 10.000 € pour chaque degré de l’instance en priant la cour de déclarer recevable l’appel provoqué et de dire l’arrêt à intervenir commun à la société BRS & PARTNERS et, poursuivant pour le surplus :

– à titre principal, la confirmation du jugement, sauf en ce qu’il a rejeté sa demande au titre des frais de procédure, tout en priant la cour de dire que les conventions sont, tant individuellement que dans leur ensemble, entachées d’une nullité absolue pour cause illicite s’opposant à toute exécution ainsi qu’à toute confirmation ou renégociation,

– subsidiairement, prononcer au besoin la nullité absolue des articles

. 8.1 du contrat de coopération du 30 novembre 2000,

. 8 de l’avenant du 31 octobre 2002 au contrat de coopération,

– subsidiairement encore, concernant les sociétés B. Expertises et C. Audit, le constat de ce qu’aucune preuve de la propriété économique alléguée des parts sociales n’est rapportée,

– plus subsidiairement, concernant les trois sociétés, le constat de l’absence d’agrément de la société RP par les associés concernés entraînant la nullité de toute prétendue cession,

– encore plus subsidiairement, la résolution de toutes les conventions de coopération avec Monsieur SESEKE pour inexécution par ce dernier de ses propres obligations, en ayant quitté le cabinet B. avant le 30 juin 2007 au mépris de son engagement,

– à titre infiniment subsidiaire, la fixation du prix en fonction de la seule application de l’article 1843-4 du code civil sans référence et sans application de la clause de prix stipulée dans l’avenant du 31 octobre 2002 ;

Vu les dernières conclusions de fond signifiées le 8 novembre 2012, par la société BRS & PARTNERS, intimée provoquée, réclamant 5.000 € de frais irrépétibles (à l’encontre de Monsieur SESEKE) et poursuivant :

– à titre principal, la confirmation du jugement, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles,

– subsidiairement, priant la cour de dire que l’article 8 du contrat de coopération du 30 novembre 2000 et l’article 8 de l’avenant du 31 octobre 2002 au contrat de coopération, sont frappés de nullité absolue,

– plus subsidiairement, le constat que la cession des parts sociales alléguées par Monsieur SESEKE n’a pas fait l’objet d’un agrément entraînant corrélativement la nullité de la prétendue cession,

– encore plus subsidiairement, la résolution de toutes les conventions de coopération avec Monsieur SESEKE pour inexécution par ce dernier de ses propres obligations ;

SUR CE, la cour :

Considérant que Monsieur SESEKE poursuit essentiellement la mise en oeuvre de la cession de parts prévue à la promesse d’achat du 1er décembre 2000, modifiée par l’avenant du 31 octobre 2002, démontrant ainsi implicitement que les conventions correspondantes ne sont toujours pas exécutées, contrairement à ce qu’il affirme sans le prouver, étant au surplus observé que, dans le dispositif de ses écritures, l’appelant ne soulève pas, devant la cour, l’irrecevabilité de l’exception de nullité invoquée par les intimées ;

Qu’il ressort de l’analyse des conventions ci dessus visées qu’elles constituent un ensemble indivisible organisant les rapports de la société allemande RÖLD & PARTNER GmbH (société RP) avec les associés originels de la selarl française d’avocats dénommée (en dernier lieu) BRS & PARTNERS en conséquence de l’intégration de la société RP au capital social ;

Que la finalité de l’ensemble contractuel est ainsi, essentiellement, la participation de la société RP au capital social de la selarl d’avocats BRS & PARTNERS, ladite finalité n’ayant pas été significativement modifiée par le transfert, le 6 mars 2003, à un autre avocat allemand des parts déjà détenues par la société RP, ledit transfert ne concernant pas les nouvelles parts, objet de la promesse d’achat litigieuse, d’autant que :

– d’une part, la licéité de la cause s’analyse au jour de la souscription de l’engagement,

– d’autre part, la validité de l’engagement d’achat pris par la société RP ne dépend pas de l’usage qu’elle pourrait faire ultérieurement de la propriété des parts sociales qui seraient nouvellement acquises ;

Qu’il n’est pas contesté que la société RP exerce l’activité de commissariat aux comptes étant au surplus observé que, dans le préambule du contrat de coopération du 30 novembre 2000, les parties la qualifient de société d experts comptables et de conseillers fiscaux ;

Considérant que c’est par une analyse pertinente des faits et des conventions, que la cour adopte, que les premiers juges ont estimé qu’une société de commissariat aux comptes ne peut être assimilée à une profession juridique ou judiciaire au sens de l’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, dans sa version applicable à la cause, et en ont déduit que l’ensemble des conventions ci dessus visées étaient contraires à l’ordre public économique français interdisant à une société non juridique ou judiciaire de participer au capital d’une société d’exercice libéral d’avocats ;

Que les conventions étant atteintes par la nullité dans leur ensemble, la demande subsidiaire de Monsieur SESEKE de proposition de remplacement d’une clause invalide par une clause valide équivalente, est inopérante ;

Que, dès lors, la cause impulsive et le motif déterminant de chacune des conventions de l’ensemble contractuel ci dessus décrit, étant fondé sur une cause illicite, le jugement doit être confirmé ;

Considérant que la société nouvellement dénommée BRS & PARTNERS n’ayant pas contesté son assignation en appel provoqué, la décision à intervenir lui sera opposable ;

Que l’équité ne commande pas d’allouer des indemnités au titre des frais irrépétibles, les demandes correspondantes devant, dès lors, être rejetées ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Déclare le présent arrêt commun à la société BRS & PARTNERS,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

Condamne Monsieur Christoph SESEKE aux dépens,

Admet la SCP BAECHLIN et Maître François TEYTAUD, avocats postulants, au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, POUR LE PRESIDENT EMPÊCHé,

B. REITZER E. LOOS

 

 

assisté de : Maître Nicolas CONTIS de la SELARL KALLIOPE (avocat au barreau de PARIS, toque : P0412)


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