Clause pénale : 11 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/05105

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Clause pénale : 11 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/05105

N° RG 21/05105 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LER4

C4

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Eric HATTAB

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 11 MAI 2023

Appel d’une décision (N° RG )

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 05 novembre 2021

suivant déclaration d’appel du 09 décembre 2021

APPELANT :

M. [K] [F] [O] [P]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Eric HATTAB, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉES :

S.E.L.A.R.L. [E] [Z] représentée par Maitre [E] [Z], mandataire judiciaire de la SARL TOITVERT OPTIGREEN, es qualité de mandataire judiciaire de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL TOITVERT OPTIGREEN, SARL désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de REIMS en date du 30 novembre 2021, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

S.A.R.L. TOITVERT OPTIGREEN en liquidation judiciaire, au capital de 40 020 € immatriculée sous le numéro 502805252 du registre du commerce et des sociétés de REIMS, prise en la personne de son mandataire judiciaire Maitre [E] [Z], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentées par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Isabelle LOREAUX, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 février 2023, M. Lionel BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

Faits et procédure :

1. La Sarl Toitvert Optigreen est spécialisée dans la fourniture de toitures végétalisées. Le 18 mars 2018, la société Acem (Atelier Couverture Etanchéité Mistral Sas), dont [K] [P] est le président, en relation d’affaires depuis juillet 2017, a passé une commande à la Sarl Toitvert Optigreen pour 1.085 m2 de tapis pré-cultivés pour 17.967,60 euros TTC. Le 19 mars 2019, une lettre de change a été émise avec comme date d’échéance le 30 avril 2019, signée et avalisée par [K] [P], gérant de la société Acem, selon la pratique utilisée par la société Acem comme moyen de règlement de ses factures.

2. Le 17 avril 2019, la commande a été livrée et la Sarl Toitvert Optigreen a émis le 19 avril 2019 la facture correspondante pour un montant conforme au devis et à la commande. Le 19 avril 2019, la Sarl Toitvert Optigreen a présenté la lettre de change à l’escompte soit antérieurement à la date de présentation au paiement au tiré.

3. Le 30 avril 2019, la société Acem a été placée en redressement judiciaire. Présentée le même jour au paiement, la lettre de change est revenue impayée au motif de l’ouverture de la procédure collective. Le 10 mai 2019, la Sarl Toitvert Optigreen a déclaré au mandataire judiciaire plusieurs factures dont celle concernant la fourniture de tapis pré-cultivé, pour un montant total de 24.514,19 euros TTC. A la même date, un courrier de mise en demeure a été adressé à [K] [P] en sa qualité d’avaliste afin qu’il procède au règlement de la somme de 17.967,60 euros.

4. Le 30 juillet 2019, la société Acem a été placée en liquidation judiciaire. Le 9 mars 2020, la société Acem a contesté dans un courrier adressé au liquidateur la totalité de la créance. Ce dernier ne s’est pas associé à la position de la société Acem mais a rappelé que la clause pénale pourrait être modérée par le juge-commissaire. Un accord est intervenu le 10 décembre 2020, par lequel la Sarl Toitvert Optigreen a renoncé au jeu de la clause pénale.

5. [K] [P], donneur de l’aval, n’a pas donné suite à sa mise en demeure de payer, et a été assigné devant le tribunal de commerce de Grenoble le 12 novembre 2019.

6. Par jugement du 5 novembre 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a’:

– rejeté les notes en délibéré parvenues postérieurement à l’audience car non autorisées par le président durant l’audience’;

– prononcé la nullité de la lettre de change pour défaut de signature du tireur’;

– jugé que la lettre de change est requalifiée de billet à ordre, de reconnaissance de dette et que la signature de l’aval par [K] [P] fait de lui une caution simple au titre de la dette de la société Acem’;

– condamné [K] [P] à payer à la Sarl Toitvert Optigreen la somme de 17.967,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2019, date de l’assignation’;

– débouté [K] [P] de sa demande de reconnaissance d’un défaut d’intérêt à agir de la Sarl Toitvert Optigreen’;

– condamné [K] [P] à verser 1.500 euros à la Sarl Toitvert Optigreen au titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– ordonné l’exécution provisoire’;

– condamné [K] [P] aux entiers dépens de l’instance et les a liquidés à la somme indiquée au bas de la 1ère page de la décision.

7. [K] [P] a interjeté appel de cette décision le 9 décembre 2021, en ce qu’elle a:

– jugé que la lettre de change est requalifiée en billet à ordre, de reconnaissance de dette et que la signature de l’aval par [K] [P] fait de lui une caution simple au titre de la dette de la société Acem’;

– condamné [K] [P] à payer à la Sarl Toitvert Optigreen la somme de 17.967,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2019, date de l’assignation’;

– débouté [K] [P] de sa demande de reconnaissance d’un défaut d’intérêt à agir de la Sarl Toitvert Optigreen’;

– condamné [K] [P] à verser 1.500 euros à la Sarl Toitvert Optigreen au titre de l’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– ordonné l’exécution provisoire’;

– condamné [K] [P] aux entiers dépens de l’instance et les a liquidés à la somme de 108,01 euros.

L’instruction de cette procédure a été clôturée le 9 février 2023.

Prétentions et moyens de [K] [P]’:

8. Selon ses conclusions remises le 9 mars 2022, il demande à la cour, au visa de l’article L. 511-1 du code de commerce, de l’article 31 du code de procédure civile:

– d’annuler la lettre de change versée aux débats par la société Toitvert Optigreen’;

– d’annuler en conséquence son aval’;

– de dire que la lettre de change ne peut être requalifiée en billet à ordre’;

– de débouter la société Toitvert Optigreen et maître [Z] de la Selarl [E] [Z] de l’intégralité de leurs demandes’;

– à titre infiniment subsidiaire, de dire et juger que la société Toitvert Optigreen ne justifie pas d’un intérêt à agir’;

– de dire et juger irrecevables l’intégralité de ses demandes’;

– à titre encore plus infiniment subsidiaire, de condamner la société Toitvert Optigreen et maître [Z] de la Selarl [E] [Z], à payer au concluant une somme de 17.967, 60 euros à titre de dommages-intérêts’;

– d’ordonner la compensation’;

– en tout état de cause, de condamner les intimées à payer au concluant une indemnité de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile’;

– de condamner les intimées aux entiers dépens.

Il soutient’:

9. – concernant la nullité de la lettre de change pour absence de signature du tireur, que la lettre versée initialement aux débats ne comportait pas cette signature, au mépris de l’article L511-1 du code de commerce’; qu’il en résulte que l’aval est également nul’; que l’aval donné par une personne physique au profit d’un créancier professionnel sur une lettre de change nulle pour vice de forme ne peut constituer un cautionnement valable, faute de comporter les mentions manuscrites prévues par le code de la consommation’; qu’en l’espèce, le titre litigieux ne comporte aucune de ces mentions’;

10. – que si la société Toitvert Optigreen a ensuite produit pendant les débats une lettre de change comportant la signature du tireur, il apparaît que cette signature a été apposée ainsi postérieurement, alors que la signature du tireur doit être apposée avant l’acceptation du tiré’;

11. – que si l’intimée tente de faire valoir que le titre irrégulier vaudrait comme billet à ordre, aucun élément n’indique que l’aval donné sur une lettre de change irrégulière serait valable si ce titre est requalifié en billet à ordre, alors que l’aval d’un effet de commerce irrégulier pour vice de forme est nul;

12. – subsidiairement, si la lettre de change doit être requalifiée en billet à ordre, ce dernier est nul car il ne comporte pas les mentions exigées par l’article L512-1 du code de commerce, ne comportant pas la dénomination du titre ni le lieu où le paiement doit s’effectuer’;

13. – en outre, que le paiement par billet à ordre n’est permis au débiteur que s’il a été expressément prévu par les parties et mentionné sur la facture, selon l’article L512-8 du code de commerce, alors que les parties n’ont jamais accepté un paiement par ce biais’;

14. – très subsidiairement, que l’appelante n’a pas qualité pour agir, puisqu’il n’est pas justifié que la société Toivert Optigreen n’a pas été payée, alors que des délégations de créances ont été consenties’; qu’en outre, la facture a été émise par la société Optigreen France, identité reprise dans la lettre de change, de sorte que la société Toitvert Optigreen n’a pas qualité pour agir’;

15. – qu’il est constant que la société Toitvert Optigreen n’a pas déclaré sa créance au passif de la société Acem, de sorte qu’elle a commis une faute empêchant le concluant d’exercer son recours contre cette dernière, ce qui justifie l’octroi de dommages et intérêts à hauteur du montant de la lettre de change et la compensation.

Prétentions et moyens de maître [Z]’, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Toitvert Optigreen’:

16. Selon ses conclusions remises le 9 juin 2022, elle demande à la cour, au visa des articles L 511-21, L 511-38 et L 721-3 du code de commerce, et subsidiairement L512-1 du code de commerce’:

– de la déclarer ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Toitvert Optigreen fondée dans son appel et y faisant droit’;

– de réformer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la nullité de la lettre de change pour défaut de signature du tireur à titre principal’;

– statuant à nouveau à titre principal, de qualifier de lettre de change le document signé entre les parties’;

– à titre subsidiaire, de confirmer ce jugement en ce qu’il a requalifié cette lettre en billet à ordre, reconnaissance de dette et dit que la signature de l’aval par [K] [P] fait de lui une caution simple au titre de la dette de la société Acem et en ce qu’il a condamné monsieur [P] au paiement de la somme de 17.967,60 euros’;

– toutes causes confondues, de condamner [P] [K] à payer à la concluante ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Toitvert Optigreen la somme de 17.967,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2019, date d’échéance de la lettre de change’;

– de condamner monsieur [P] à payer à la concluante en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Toitvert Optigreen la somme de 2.400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– de condamner monsieur [P] aux entiers dépens.

Elle énonce’:

17. – que la société Toivert Optigreen a bien déclaré sa créance au titre de la facture payée par l’émission de la lettre de change’;

18. – que l’appelant a procédé à l’apposition de deux signatures sur cette lettre, en qualité de tiré pour la société Acem, et d’avaliste’; que l’original de cette lettre a été signé par toutes les parties, alors que le tireur l’a remise à l’escompte le 19 avril 2019′; qu’il n’est pas ainsi démontré que la lettre a été signée par le tireur postérieurement à la signature du tiré, qui n’a pas daté sa signature’;

19. – subsidiairement, que cette lettre constitue un billet à ordre par l’effet de l’article L. 512-1 du code de commerce, et qu’elle vaut reconnaissance de dette’;

20. – que la mention Optigreen France est le nom d’enseigne de la société Toitvert Optigreen, ce que n’ignorait pas l’appelant en raison de la relation d’affaires perdurant depuis 2017.

*****

21. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION’:

1) Sur la qualité et l’intérêt à agir de l’intimée’:

22. Selon le jugement déféré, la société Acem a commandé la prestation de tapis pré-cultivé à la société Optigreen et la facture correspondant à cette prestation a été faite à l’entête Optigreen France. Cependant, tant sur la demande d’ouverture de compte, que sur la proposition ou sur la facture, figurent en pied de page la raison sociale : «Toitvert Optigreen Sarl» nonobstant les dénominations commerciales ou logotypes utilisés sur ces différents documents. Il s’agit toujours de documents émanant de la Sarl Toitvert Optigreen. En conséquence, le tribunal a jugé que la Sarl Toitvert Optigreen a bien un intérêt légitime à agir. La cour confirme cette appréciation, les pièces produites par l’intimée justifiant que la dénomination Optigreen France n’est qu’un nom d’enseigne, la dénomination officielle étant Toitvert Optigreen.

23. En outre, l’intimée justifie de la déclaration de créance effectuée par la société Toitvert Optigreen entre les mains du mandataire judiciaire de la société Acem le 30 août 2019, concernant le montant de la facture ayant donné lieu à l’émission de la lettre de change. Si l’appelant soutient que la société Toitvert Optigreen ne justifie pas ne pas avoir été payée en raison de délégations, il résulte cependant de l’article 1353 du code civil que la charge de la preuve du paiement repose sur le débiteur, et non sur le créancier, alors qu’il ne peut être demandé à une partie de rapporter la preuve d’un fait négatif, de sorte que ce moyen est mal fondé. Il en résulte que l’intimée justifie ainsi de sa qualité et de son intérêt à agir.

2) Sur le fond’:

24. Selon le jugement déféré, sur l’assignation figurait une copie de la lettre de change comportant certes les signatures de [K] [P] en qualité de tiré et en qualité de donneur d’aval, mais aucune signature du tireur. Si la société Toitvert Optigreen a joint une copie de la lettre de change où apparaît la signature du tireur et a précisé dans ses conclusions que la lettre de change sera présentée en original à la barre du tribunal, tel n’a pas été le cas lors de l’audience où seule une copie a été communiquée. Ce n’est que postérieurement à l’audience que les parties, sans l’accord préalable du président du tribunal, ont adressé des notes en délibéré fournissant l’original de la lettre de change, notes devant être rejetées car non conformes aux dispositions de l’article 445 du code de procédure civile. Le tribunal en a ainsi déduit que même si cette signature du tireur existe, tout semble indiquer qu’elle a été postérieure à l’apposition des signatures du tiré et du donneur d’aval alors même que la signature du tireur, élément essentiel de l’article L 511-1 du code de commerce, doit être antérieure à la signature du tiré et du donneur d’aval. En conséquence, le tribunal a prononcé l’annulation de la lettre change et celle de l’aval donné par [K] [P].

25. Sur ce point, la cour constate qu’il n’est pas contesté qu’initialement, seule une lettre de change ne comportant pas la signature du tireur a été versée aux débats, ouverts sur l’assignation signifiée le 12 novembre 2019. Il en résulte qu’à cette date, il n’existait pas de lettre de change acceptée par le tireur, lequel n’a pu apposer sa signature sur ce titre que postérieurement à la délivrance de l’assignation, la lettre de change signée par lui n’ayant été produite par la société Toitvert Optigreen qu’en annexe à sa note en délibéré du 15 septembre 2021, justement rejetée par le tribunal qui n’avait pas autorisé les parties à lui adresser de notes pendant son délibéré.

26. Aux termes de l’article L511-1 du code de commerce, la signature du tireur est une composante obligatoire. En l’absence de la signature du tireur avant l’inscription de son acceptation par le tiré, une lettre de change est nulle faute d’un de ses éléments essentiels. En la cause, la société Acem ayant accepté la lettre de change en sa qualité de tiré le 19 mars 2019, alors que le titre produit initialement suite à l’assignation signifiée le 12 novembre 2019 n’a pas comporté la signature du tireur, il en résulte que la lettre de change est nulle, le tireur n’ayant apposé sa signature que postérieurement à l’acceptation du tiré. En conséquence, l’aval donné par l’appelant est également nul, ne pouvant, en raison de son caractère accessoire, garantir un effet nul pour un motif de forme.

27. Concernant la requalification de la lettre de change en billet à ordre, le tribunal de commerce a indiqué que la jurisprudence considère qu’une mention d’acceptation ou d’aval portée sur une lettre de change nulle peut être retenue, selon le droit commun, comme preuve écrite de la promesse du signataire de payer le tireur, voire tout tiers ultérieurement indiqué par lui si le titre est établi à son ordre. Il a précisé que s’il est acquis que la lettre de change est incomplète, elle n’en conserve pas moins une certaine valeur juridique, et que cet engagement, s’il ne peut donc valoir comme aval, constitue valablement un cautionnement simple. En l’espèce, le tribunal a retenu que les mentions et signatures exigées par l’article L512-1 du code de commerce figurent bien dans la lettre de change, que dès lors, elle vaut lettre de change ou, en tout état de cause reconnaissance de dette de la part du donneur d’aval, et qu’il y a ainsi lieu de condamner [K] [P] sur le fondement de la reconnaissance de dette et à titre de caution simple à payer la somme de 17.967,60 euros.

28. La cour relève, concernant la requalification de la lettre de change en billet à ordre, que la société Acem a accepté expressément de payer la somme prévue dans ce titre, et que l’appelant a expressément apposé également sa signature au titre de son aval de la société dont il a été le président. La société Acem a ainsi promis purement et simplement de payer une somme déterminée au sens de l’article L512-1 du code de commerce, et doit ainsi être regardée comme étant le souscripteur d’un titre revêtant la nature d’un billet à ordre, faute de la signature du tireur sur la lettre de change avant son acceptation par le tiré.

29. Contrairement au moyen soulevé par l’appelant sur l’absence de dénomination du titre, l’effet litigieux contient la clause à ordre prévue par l’article L512-1, puisqu’il indique que la société Acem doit payer la somme de 17.967,60 euros à la société Toitvert Optigreen. Concernant le lieu de création de l’effet, dans le cas d’un billet à ordre, l’article L512-1 IV dispose que le billet à ordre n’indiquant pas le lieu de sa création est considéré comme souscrit dans le lieu désigné à côté du nom du souscripteur. En l’espèce, la société Acem prenant la qualité de souscripteur de l’effet, le lieu de création de ce titre requalifié en billet à ordre est celui de l’adresse de cette société mentionnée sur l’effet.

30. Cependant, ainsi qu’indiqué à l’article L512-8 du code de commerce, le règlement par billet à ordre n’est permis au débiteur que s’il a été expressément prévu par les parties et mentionné sur la facture. En l’espèce, il est constant que ce mode de paiement n’a pas été prévu par les parties et la facture émise par la société Toitvert Optigreen n’a pas prévu ce mode de règlement. En conséquence, ainsi que soutenu par l’appelant, la lettre de change ne peut être requalifiée de billet à ordre. Il en résulte que l’appelant ne peut être tenu en sa qualité d’avaliste d’un billet à ordre.

31. Concernant l’existence d’un cautionnement, l’appelant est une personne physique et n’a pas la qualité de commerçant. Tout cautionnement donné par lui devait ainsi remplir les conditions prévues par les anciens articles L331-1 et suivants du code de la consommation applicables à la date de l’émission de l’effet en litige. En l’absence de toute mention manuscrite apposée conformément à ces dispositions, aucun cautionnement ne peut être retenu. Le tribunal n’a pu ainsi retenir que l’appelant doit être tenu en qualité de «’caution simple’».

32. S’agissant enfin d’une reconnaissance de la dette de la société Acem par l’appelant, ce dernier n’a fait qu’apposer sa signature en qualité d’avaliste de la lettre de change, sans autre mention. Aucun élément extrinsèque ne permet de considérer qu’il s’est reconnu débiteur de la dette du débiteur principal personnellement. Le tribunal n’a ainsi pu fonder sa condamnation sur une telle reconnaissance.

33. Il s’ensuit que le jugement déféré ne peut qu’être infirmé en ce qu’il a’:

– jugé que la lettre de change est requalifiée de billet à ordre, de reconnaissance de dette et que la signature de l’aval par [K] [P] fait de lui une caution simple au titre de la dette de la société Acem’;

– condamné [K] [P] à payer à la Sarl Toitvert Optigreen la somme de 17.967,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2019, date de l’assignation’;

– condamné [K] [P] à verser 1.500 euros à la Sarl Toitvert Optigreen au titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamné [K] [P] aux entiers dépens de l’instance et les a liquidés à la somme indiquée au bas de la 1ère page de la décision.

34. Statuant à nouveau, la cour déboutera l’intimée de l’ensemble de ses demandes. En conséquence, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes infiniment subsidiaires de l’appelant.

35. Succombant devant cet appel, l’intimée sera condamnée à payer à l’appelant la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles L511-1 et suivants, L512-1 et suivants du code de commerce, L331-1 et suivants (anciens) du code de la consommation’;

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a’:

– jugé que la lettre de change est requalifiée de billet à ordre, de reconnaissance de dette et que la signature de l’aval par [K] [P] fait de lui une caution simple au titre de la dette de la société Acem’;

– condamné [K] [P] à payer à la Sarl Toitvert Optigreen la somme de 17.967,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2019, date de l’assignation’;

– condamné [K] [P] à verser 1.500 euros à la Sarl Toitvert Optigreen au titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamné [K] [P] aux entiers dépens de l’instance et les a liquidés à la somme indiquée au bas de la 1ère page de la décision’;

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour;

Statuant à nouveau,

Déboute maître [Z]’, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Toitvert Optigreen de l’ensemble de ses demandes’;

Condamne maître [Z]’, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Toitvert Optigreen à payer à [K] [P] la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’;

Condamne maître [Z]’, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Toitvert Optigreen, aux dépens exposés tant en première instance qu’en cause d’appel’;

SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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