Clause pénale : 15 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/04327

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Clause pénale : 15 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/04327

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 15 MAI 2023

N° RG 20/04327 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LYYF

S.A.S. PIGNOL’S

c/

[T] [O]

S.A.R.L. FOCALE-RH

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 octobre 2020 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 11-19-619) suivant déclaration d’appel du 10 novembre 2020

APPELANTE :

S.A.S. PIGNOL’S agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Maître [L] substituant Maître Fernando SILVA de la SAS DELTA AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

[T] [O]

née le 18 Novembre 1962 à [Localité 3]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

S.A.R.L. FOCALE-RH société à responsabilité limitée à associé unique, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 789 216 124, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Madame [T] [O], domiciliée en cette qualité audit siège sis [Adresse 1]

représentées par Maître Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Emmanuel BREARD, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d’appel de Bordeaux

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Le 5 mars 2015 la SARL Focale RH a conclu avec la SARL Pignol’s une convention de formation en psychologie systémique et intégrative de sa gérante, Mme [T] [O], moyennant un coût total de 17 600 euros payable en 34 mensualités.

La société Focale RH a cessé s’assister aux sessions d’enseignement à compter de février 2017.

Par acte d’huissier du 6 février 2019, la société Pignol’s a assigné la société Focale RH devant le tribunal d’instance de Bordeaux aux fins d’obtenir le paiement d’une indemnité de rupture anticipée du contrat.

Par jugement du 2 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– rejeté la demande de surseoir à statuer,

– déclaré Mme [O] recevable en son intervention volontaire,

– prononcé l’annulation de la convention de formation signée le 5 mars 2015 par la société Focale RH et la société Pignol’s,

– débouté la société Pignol’s de sa demande en paiement au titre de l’indemnité contractuelle invoquée,

– condamné la société Pignol’s à restituer à la société Focale RH la somme de 12 430 euros correspondant à l’intégralité des sommes qu’elle a versées au titre de la formation litigieuse,

– débouté Mme [O] de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

– condamné la société Pignol’s à payer à la société Focale RH la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Pignol’s aux entiers dépens.

La société Pignol’s a relevé appel de ce jugement par déclaration du 10 novembre 2020.

Par conclusions déposées le 27 juillet 2021, la société Pignol’s demande à la cour de :

– déclarer la société Pignol’s recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence

– infirmer le jugement rendu le 2 octobre 2020 en ce qu’il a prononcé la nullité de la convention du 5 mars 2015,

– infirmer le jugement rendu le 2 octobre 2020 en ce qu’il a condamné la société Pignol’s au paiement de la somme de 12 430 euros correspondant aux sommes versées au titre de la formation litigieuse,

– infirmer le jugement rendu le 2 octobre 2020 en ce qu’il a débouté la société Pignol’s de sa demande en paiement,

– confirmer le jugement rendu le 2 octobre 2020 en ce qu’il a débouté Mme [O] de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

– infirmer le jugement rendu le 2 octobre 2020 en ce qu’il a condamné la société Pignol’s au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Statuant de nouveau,

– condamner la société Focale RH au paiement d’une somme de 4 477,18 euros au titre de l’indemnité contractuelle due,

– débouter la société Focale RH de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– débouter Mme [O] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

– condamner solidairement la société Focale RH et Mme [O] au paiement d’une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement la société Focale RH et Mme [O] aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions déposées le 6 mai 2021, la société Focale RH et Mme [O] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris, excepté en ce qu’il a débouté Mme [O] de sa demande en paiement de dommages et intérêts et en conséquence, l’infirmer de ce chef,

Statuant à nouveau :

A titre principal

– prononcer l’annulation de la convention de formation litigieuse signée le 5 mars 2015 entre la société Pignol’s et la société Focale RH,

A titre subsidiaire :

– prononcer la résolution judiciaire de la convention de formation litigieuse aux torts exclusifs de la société Pignol’s,

En conséquence et en toute hypothèse :

– débouter la société Pignol’s de l’intégralité de ses demandes,

– condamner la société Pignol’s à rembourser la société Focale RH, prise en la personne de Mme [O], l’intégralité des sommes qu’elle a exposées au titre de la formation litigieuse, savoir la somme de 12 430 euros,

– condamner la société Pignol’s à payer à Mme [O] la somme de 1 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel au titre du surcoût lié aux séances de thérapie de groupe qu’elle lui a imposées, sauf à parfaire,

A titre infiniment subsidiaire :

– réduire à néant l’indemnité contractuelle sollicitée par la société Pignol’s comme s’assimilant à une clause pénale manifestement excessive,

En toute hypothèse :

– débouter la société Pignol’s de toutes demandes plus amples ou contraires,

– confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens,

Y ajoutant,

– condamner la société Pignol’s aux entiers dépens d’appel, outre à verser à la société Focale RH et Mme [O] une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

L’affaire a été fixée à l’audience du 20 mars 2023.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 6 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

I Sur la qualification de la convention conclue entre les parties.

L’article 1134 du code civil applicable prévoit que ‘Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi’.

En vertu de l’article 1156 applicable du même code, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.

L’article 1162 applicable du même code ajoute que dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation.

L’appelante déclare ne pas être enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles.

Elle en déduit que le régime issu du code du travail relatif aux certifications professionnelles n’est pas applicable, que les références dans la convention à ces dispositions ne sont qu’indicatives et que seul s’applique le régime général du droit des contrats.

***

La cour constate que le contrat conclu entre les parties le 5 mars 2015 mentionne en son premier paragraphe en page 1 que la convention est conclue en application du livre IX du code du travail portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente et des articles L.950-1 et suivants de ce livre.

Elle précise dans le premier paragraphe de sa page 9 que la formation prépare aux certifications en psychologie systémique et intégrative et de praticien en psychologie systémique et intégrative.

De même, il est stipulé à l’article V de cette même convention que ‘En l’absence de déontologie officielle propre à la profession, la charte PSI’, le code du syndicat national des praticiens en psychothérapie, les règles de fonctionnement de formation professionnelle et la charte de l’EATA servent de référence’.

Il apparaît qu’il s’agit des seules références faites par le contrat au régime s’y appliquant.

Il s’ensuit qu’il revient à la cour d’analyser la commune intention des parties au vu de ces éléments. Or, en faisant référence explicitement à deux reprises aux règles de la formation professionnelle, quand bien même elle a pu viser des textes abrogés, mais remplacés au sein du code du travail, il n’a pu exister qu’une volonté de leur auteur de se placer dans ce cadre. Mieux, il doit être souligné que son inscription en qualité d’organisme de formation auprès de la direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle d’Aquitaine (pièce 20 de l’appelante) va dans le sens d’une formation.

L’ensemble de ces éléments rapporte la preuve que la société Focale RH a non seulement conclu un contrat de formation, mais en outre a pu penser que ce dernier était régi par les dispositions du code du travail sur la formation professionnelle.

II Sur la nullité de la convention.

En application de l’article 1780 alinéa 1er du code civil, on ne peut engager des services qu’à temps, ou pour une entreprise déterminée.

L’article R.6353-1 du code du travail applicable ajoute que ‘Les conventions, les bons de commande ou factures mentionnés à l’article L.6353-2 précisent :

1° L’intitulé, la nature, la durée, les effectifs, les modalités du déroulement et de sanction de la formation ;

2° Le prix et les contributions financières éventuelles de personnes publiques’.

L’article 1116 du code civil applicable énonce que ‘ Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé’.

L’appelante relève en premier lieu que le premier juge n’a pas retenu le caractère perpétuel de la convention et entend que ce point soit confirmé.

Elle reproche en revanche à la décision attaquée d’avoir prononcé la nullité du contrat objet du contrat pour dol, estimant n’avoir commis aucune manoeuvre frauduleuse.

Elle estime en ce sens que l’objet de la formation est l’obtention d’une certification en psychopathologie systémique et intégrative et non en un diplôme de psychologue ou de psychothérapeute, soulignant que le terme de thérapeute n’est pas un titre garanti par l’Etat.

Elle souligne qu’il n’est pas nécessaire de suivre une formation reconnue par l’Etat pour être psychopraticien et qu’il s’agit de développer les capacités thérapeutiques des personnes suivant la formation.

Elle note qu’il est utilisé le terme de certification, pas de diplôme pour définir la qualification obtenue à l’issue du cursus. Elle insiste sur le fait qu’elle n’est pas inscrite au titre de la formation professionnelle et dit ne pas comprendre qu’il lui soit reproché d’avoir passé sous silence cet élément.

Elle dénie avoir contraint la personne en formation auprès de ses services à effectuer des sessions de thérapie et formations annexes ou qu’il soit rapporté un état de faiblesse de la part de la société Focale RH.

***

Sur la question de la durée de la formation, il ne ressort pas des éléments contenus dans le contrat que celle-ci soit perpétuelle, car il y est mentionné une durée au cursus à effectuer et surtout le fait que les formations prévues doivent être suivies pour pouvoir être sanctionnées. Il s’ensuit qu’il existe une durée prévue, étant précisé que celle-ci peut être aménagée par le stagiaire au vu de ses contraintes personnelles et professionnelles. Dès lors, en l’absence d’obligation complémentaire prévue, il ne saurait s’agir d’une absence de définition de la durée de la formation.

Cet argument sera donc rejeté.

Il convient de relever, comme l’a exactement fait le premier juge, que la référence dans le premier paragraphe du contrat conclu entre les parties au livre IX du code du travail portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente et des articles 950-1 et suivants de ce livre, devenu la sixième partie de ce code relative à la formation professionnelle tout au long de la vie, confirmée par les autres éléments susmentionné au titre de la qualification de la convention, ne peuvent qu’induire qu’il s’agit d’une formation professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles.

Il n’est pas contesté que tel n’est pas le cas et que la certification délivrée n’est pas reconnue au niveau national, élément qui n’est pas souligné par le contrat conclu, qui passe sous silence le fait que la qualification obtenue en fin de cursus n’est reconnue que par elle-même.

Cet élément constitue une information essentielle qui est omise par le contrat signé, d’autant qu’il n’est pas davantage signalé que les qualités de psychopraticien ou de psychothérapeute, dont l’appelante se prévaut en dernier lieu, ne font pas davantage l’objet d’une certification reconnue par l’Etat.

Ces omissions répétées, à la fois dans le contrat écrit, mais également lors des différentes présentations effectuées de son activité par la société Pignol’s, ne peuvent être qu’intentionnelles et destinées en l’occurrence à fausser le consentement de sa cocontractante.

L’annulation du contrat en date du 5 mars 2015 sera donc prononcée et la demande en paiement faite par la société Pignol’s sera de ce fait sans objet.

En outre, il y a lieu d’ordonner que les parties soient remises dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la convention et donc le remboursement par l’appelante à la société Focale RH de la somme de 12.430 € versée au titre de l’engagement objet du litige.

III Sur la demande en dommages et intérêts faite par Mme [O].

Il résulte de l’article 1240 du code civil que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Les intimées soutiennent qu’il résulte tant de l’attestation de Mme [U] [L] que des plaintes produites aux débats que l’appelante a imposé à ses stagiaires des séances de thérapie de groupe, lesquelles ont en outre représenté un coût supplémentaire non prévu à la convention de formation.

Elles indiquent verser la copie des chèques émis en règlement de ces séances, précisant que cinq ont été encaissé par la thérapeute de Mme [O], mais qui assurait aussi pour partie cette thérapie de groupe dans les locaux de la société Pignol’s, les cinq derniers étant encaissés directement par cette dernière.

Elles en tirent comme conséquence que le préjudice de l’intéressée est établi et qu’il convient de ce fait d’infirmer la décision du premier juge et de condamner la société Pignol’s à lui verser la somme de 1.800 €.

***

Néanmoins, il n’est pas établi par les pièces versées que les séances de thérapie de groupe constituent une prestation différente de la formation objet du contrat du 5 mars 2015, celle-ci prévoyant en particulier lors de la troisième année des prestations avec un thérapeute et la tarification de cette activité.

En outre, il n’est pas davantage justifié que les chèques remis à Mme [X] [Y] ne l’aient pas été dans le cadre de la thérapie suivie par Mme [O] auprès de celle-ci et non dans celui de la formation objet du présent litige.

Certains témoignages, en particulier ceux de Mme [L], M. [I] [G], Mme [R] [E], Madame [B] [W], attestent de ce que des paiements en plus de ceux liés à la scolarité étaient nécessaires pour les séances de thérapie collective, mais en différenciant ces prestations de la formation.

Dès lors, il n’est pas rapporté la preuve d’un préjudice du fait de la seule existence d’une telle prestation, dont au surplus il n’est pas établi qu’elle ait été obligatoire lors de la formation ou fautive.

La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.

IV Sur les demandes annexes.

Selon l’article 696 du code de procédure civile la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Dans le cas présent, la société Pignol’s succombant en ses demandes, elle sera condamnée aux entiers dépens de la présente instance.

Selon l’article 700 du code de procédure civile le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

En l’espèce, l’équité commande que la société Pignol’s soit condamnée à verser à la société Focale RH et à Mme [O], ensemble, la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant de l’instance d’appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement rendu le 2 octobre 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux ;

Y ajoutant,

Condamne la société Pignol’s à verser à la société Focale RH et à Mme [O], ensemble, la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel ;

Condamne la société Pignol’s aux entiers dépens de la présente instance.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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