COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 15 MAI 2023
N° RG 21/01301 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7D3
Madame [H] [R]
c/
S.A. MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE
S.C.P. [X] – [O]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 février 2021 (R.G. 2018F00009) par le Tribunal de Commerce de BERGERAC suivant déclaration d’appel du 03 mars 2021
APPELANTE :
Madame [H] [R], née le 16 Octobre 1943 à [Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
S.A. MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]
représentée par Maître Emilie CAMBOURNAC, avocat au barreau de BORDEAUX
S.C.P. [X] – [O], prise es qualité de liquidateur de la Société ZELYE EVENT’S, par Maître [P] [O], domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 20 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– réputé contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de location avec option d’achat du 27 mai 2015, la société Mercedes-Benz Financial Services France, en qualité de crédit-bailleur, a donné en location un véhicule Mercedes-Benz classe GLA à la société Zelye Event’s, représentée par Mme [H] [R], en qualité de crédit-preneur, pour un montant mensuel de 887,34 euros TTC durant 37 mois.
Mme [H] [R] figure également à titre personnel dans le contrat en qualité de colocataire.
Par courrier du 03 mars 2016, la société Mercedes-Benz Financial Services France a mis en demeure la société Zelye Event’s et Mme [R] de lui régler un montant de 3 549,36 euros au titre des mensualités impayés. Puis, par courrier du 27 juin 2016, elle a notifié à ses clientes la résiliation du contrat.
La société Zelye Event’s a été placée en liquidation judiciaire par décision du tribunal de commerce de Paris du 11 avril 2017. La société [X]-[O] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire. Par courrier du 22 août 2017, la société Mercedes-Benz Financial Services France a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Zelye Event’s pour un montant de 42 118,02 euros.
Par courrier du 06 octobre 2017, la société Mercedes-Benz Financial Services France a déposé une requête en revendication du véhicule au greffe du tribunal de commerce de Paris. Il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 12 septembre 2018.
Par actes d’huissier des 17 janvier et 22 mars 2018, la société Mercedes-Benz Financial Services France a assigné Mme [R], la société Zelye Event’s puis la société [X]-[O], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Zelye Event’s devant le tribunal de commerce de Bergerac aux fins d’obtenir leur condamnation in solidum au paiement de la somme principale de 43 732 euros.
Par jugement avant-dire droit du 08 février 2019, le tribunal de commerce de Bergerac a notamment débouté Mme [R] , qui arguait d’une procédure pénale en cours, de sa demande de sursis à statuer.
Par jugement réputé contradictoire du 05 février 2021, le tribunal de commerce de Bergerac a :
– constaté l’absence de la société [X]-[O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Zelye Event’s,
– fixé au passif de la société Zelye Event’s la créance de la société Mercedes-Benz Financial Services France à la somme de 42 118,02 euros à titre chirographaire,
– condamné Mme [R] à payer à la société Mercedes-Benz Financial Services France la somme de 20 446,02 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 03 mars 2016,
– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, la première capitalisation intervenant le 09 octobre 2020, et les capitalisations ultérieures le 09 octobre de chaque année,
– débouté la société Mercedes-Benz Financial Services France de ses autres demandes,
– débouté Mme [R] de ses autres demandes,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– condamné Mme [R] aux dépens.
Par déclaration du 03 mars 2021, Mme [R] a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Mercedes Benz Financial Services France et la société [X]-[O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Zelye Event’s.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 11 octobre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme [R], demande à la cour de :
– vu l’article 1315 dans sa rédaction applicable à l’époque du litige,
– vu l’article 1152 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction applicable à l’époque du litige,
– la juger recevable et bien fondée en son appel,
– y faisant droit,
– infirmer le jugement dont appel,
– statuant à nouveau,
– à titre principal,
– juger n’y avoir lieu à fixer au passif de la société Zelye Event’s la créance de la société Mercedes Benz Financial Services France à la somme de 42 118,02 euros à titre chirographaire,
– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamné à payer à la société Mercedes Benz Financial Services France la somme de 20 446,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 03 mars 2016,
– la décharger de toute condamnation en principal, intérêts, frais et accessoires,
– juger n’y avoir lieu à ordonner la capitalisation des intérêts le 09 octobre 2020 et les capitalisations ultérieures le 09 octobre de chaque année,
– débouter la société Mercedes Benz Financial Services France de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– à titre subsidiaire,
– juger que les sommes réclamées par la société Mercedes Benz Financial Services France à hauteur de 36 793,98 euros et de 782,58 euros pour la TVA, de 424,80 euros pour les assurances impayées et de 203,76 euros pour l’entretien impayé constitue dans leur ensemble une clause pénale,
– réformer, en conséquence, le jugement entrepris sur ce point,
– juger excessif le total de ces sommes constituant une clause pénale,
– juger qu’elle sera condamnée à régler à la société Mercedes Benz Financial Services France la somme de 1 euros symbolique et ce seulement dans l’hypothèse où la cour devait retenir à sa charge une quelconque condamnation pécuniaire,
– en tout état de cause,
– condamner la société Mercedes Benz Financial Services France au paiement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,
– condamner la société Mercedes Benz Financial Services France au paiement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de cette instance d’appel,
– la condamner, enfin, aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 03 mars 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Mercedes-Benz Financial Services France, demande à la cour de :
– vu les dispositions des articles 1103 et suivants du code civil,
– vu les dispositions de l’article 1231-5 du code civil,
– vu les dispositions de l’article 1353 du code civil,
– vu les demandes amiables demeurées vaines,
– vu les pièces versées aux débats,
– débouter Mme [R] de son appel et l’y dire mal fondée,
– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme [R] uniquement à la somme de 20 442,02 euros et ce faisant,
– condamner Mme [R] à lui payer la somme principale de 42 118,02 euros outre intérêts de retard au taux légal conformément aux dispositions légales en vigueur à compter de la mise en demeure en date du 3 mars 2016 et jusqu’à complet paiement,
– condamner Mme [R] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l’article 1231-1 du code civil,
– fixer au passif de la société Zelye Events, représentée par son liquidateur, la société [X]-[O] représentée par Maître [P] [X] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l’article 1231-1 du code civil,
– confirmer le jugement pour le surplus et,
– fixer au passif de la société Zelye Events, représentée par son liquidateur, la société [X]-[O] représentée par Maître [P] [X], la somme principale de 42 118,02 euros outre intérêts de retard au taux légal conformément aux dispositions légales en vigueur à compter de la mise en demeure en date du 03 mars 2016 et jusqu’à complet paiement,
– condamner solidairement Mme [R] et la société Zelye Event’s, représentée par son liquidateur, la société [X]-[O] représentée par Maître [P] [X], aux entiers dépens de l’instance et de ses suites, en vertu de l’article 699 du code de procédure civile, distraits au profit de Me Cambournac, avocat sur son affirmation de droit, lesquels seront tirés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par acte d’huissier du 20 avril 2021, Mme [R] a signifié sa déclaration d’appel à la société [X]-[O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Zelye Event’s. Elle lui a signifié ses conclusions le 14 octobre 2021.
Par acte d’huissier du 1er octobre 2021, la société Mercedes Benz Financial Services France a signifié ses conclusions à la société [X]-[O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Zelye Event’s.
Par acte d’huissier du 20 avril 2021, Mme [R] a signifié sa déclaration d’appel à la société Mercedes Benz Financial Services France.
Une proposition de recours à la médiation a été proposée.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 06 mars 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du 20 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
1- L’appelante soutient que la société Mercedes Benz ne justifie pas de l’admission de sa créance à la liquidation judiciaire de la société Zelye Event’s. Elle ajoute qu’elle a démissionné de la gérance de la société seulement trois mois après la signature du contrat et qu’étant âgée de 72 ans, elle a pu se méprendre sur l’étendue de son engagement en qualité de colocataire. Elle ajoute que l’intimée s’est abstenue volontairement de reprendre le véhicule et l’a ainsi privée d’un droit, à savoir la possibilité de prétendre à la déduction du montant de la reprise du véhicule. Elle argue enfin du caractère manifestement excessif de l’indemnité de résiliation, qui s’analyse en une clause pénale, et en demande la réduction à la somme de 1 euro.
2- L’intimée fait valoir que Mme [R] a été assignée en qualité de colocataire et ne peut dès lors arguer des règles de la procédure collective, étant tenue solidairement et agissant conjointement et indivisiblement avec la société Zelye Event’s. Elle soutient que l’indemnité de résiliation n’est pas une clause pénale car celle-ci vise à sanctionner la rupture anticipée d’un contrat à exécution successive à durée déterminée. Elle précise qu’elle n’a jamais pu reprendre le véhicule.
3- La société Mercedes Benz Financial Services France peut poursuivre le paiement des sommes dues au titre du contrat litigieux à l’encontre de Mme [R] qui s’est engagée solidairement avec la société Zelye Event’s sans avoir à justifier de l’admission de sa créance au passif de cette dernière.
4-S’agissant de l’absence de reprise du véhicule, elle est en premier lieu imputable au refus de la société Zelye Event’s de restituer spontanément le véhicule et ne saurait donner lieu à une responsabilité du loueur vis à vis de sa locataire.
5- Le seul fait que Mme [R] ait eu 72 ans au moment de la signature de l’acte n’établit pas l’existence d’un vice du consentement qui n’est d’ailleurs pas clairement argué.
6- Aux termes de l’article D 312-18 du code de la consommation, en cas de défaillance dans l’exécution d’un contrat de location assorti d’une promesse de vente ou de location-vente le bailleur est en droit d’exiger, en application de l’article L. 312-40, une indemnité égale à la différence entre, d’une part, la valeur résiduelle hors taxes du bien stipulée au contrat augmentée de la valeur actualisée, à la date de la résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus et, d’autre part, la valeur vénale hors taxes du bien restitué.
La valeur actualisée des loyers non encore échus est calculée selon la méthode des intérêts composés en prenant comme taux annuel de référence le taux moyen de rendement des obligations émises au cours du semestre civil précédant la date de conclusion du contrat majoré de la moitié. La valeur vénale mentionnée ci-dessus est celle obtenue par le bailleur s’il vend le bien restitué ou repris. Toutefois, le locataire a la faculté, dans le délai de trente jours à compter de la résiliation du contrat, de présenter au bailleur un acquéreur faisant une offre écrite d’achat. Si le bailleur n’accepte pas cette offre et s’il vend ultérieurement à un prix inférieur, la valeur à déduire devra être celle de l’offre refusée par lui.
L’indemnité de résiliation stipulée à l’article L 5 du contrat auquel renvoie l’article L 7 est conforme à l’article D 312-18 du code de la consommation. Contrairement ce que soutient le bailleur, elle a cependant bien une double fonction : indemniser le crédit-bailleur du préjudice financier qu’il subit du fait de la résiliation pour inexécution, d’une part, et inciter fortement le crédit-preneur à exécuter le contrat de crédit-bail, d’autre part. Il s’agit donc bien d’une clause pénale susceptible d’être modérée par le juge si celle-ci est manifestement excessive.
7- Le véhicule a été acquis par le bailleur pour la somme de 47 200 euros et a été donné en location le 27 mai 2015. Les locataires ont cessé de régler les échéances dès le mois de janvier 2016 et n’ont pas restitué le véhicule.
8- Dès lors, l’indemnité de résiliation de 36 534,30 euros , soit 14 347,30 euros au titre des loyers non encore échus non actualisés ( la valeur actualisée n’est pas communiquée) et 26 624 euros au titre de la valeur résiduelle du véhicule (page 6 des conclusions de l’intimée) , n’est pas manifestement excessive eu égard au préjudice subi par le bailleur.
9- Mme [R] sera dès lors condamnée à verser à la société Mercedes Benz Financial Services France :
– la somme de 6098,72 euros au titre des loyers impayés TTC, (pièce 8)
– la somme de 36 534,30 euros au titre de l’indemnité de résiliation,
soit 42 633,02 euros.
10- La capitalisation des intérêts est de droit. Ce chef de décision sera confirmé.
11- L’intimée n’établit pas que Mme [R] a abusé de son droit de se défendre en justice. La décision de première instance qui l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts sera confirmée sur ce point. Il en sera de même au titre de la demande de dommages et intérêts ( fixation au passif) qu’elle forme à l’encontre de la société Zelye Event’s.
12- Mme [R] qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel dont distraction au profit de Maître Cambournac.
Elle sera condamnée à verser la somme de 1500 euros à la société Mercedes Benz Financial Services France au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Confirme la décision rendue le 5 février 2021 par le tribunal de commerce de Bergerac en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation mise à la charge de [H] [R],
et statuant à nouveau
Condamne [H] [R] à verser à la société Mercedes Benz Financial Services France la somme de 42 633,02 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2016,
y ajoutant,
Condamne [H] [R] qui succombe aux dépens d’appel dont distraction au profit de Maître Cambournac,
Condamne [H] [R] à verser la somme de 1500 euros à la société Mercedes Benz Financial Services France au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.