Clause pénale : 16 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01158

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Clause pénale : 16 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01158

ARRET N°219

FV/KP

N° RG 22/01158 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GREO

Société LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE ROYAN

C/

S.C.P. [V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 16 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01158 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GREO

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 19 avril 2022 rendue par le Juge commissaire de [Localité 2].

APPELANTE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE ROYAN , agissant aux poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège social.

[Adresse 4]

[Localité 3]

Ayant pour avocat plaidant Me Sylvie FERNANDES de la SCP ROUGIER VIENNOIS FERNANDES, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.

INTIMEE :

S.C.P. LGA représentée par Maître [R] [D], ès qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [M].

[Adresse 1]

[Localité 2]

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe MINIER de la SCP LLM SOCIÉTÉ D’AVOCATS LEFEBVRE LAMOUROUX MINIER MEYRAND REMY ROUX-MICHOT, avocat au barreau de SAINTES.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [Y] [M] est immatriculé en qualité d’entrepreneur individuel auprès du Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro SIREN 399.941.442 pour une activité de poseur de menuiserie/bois.

Par acte authentique du 30 juin 2008, la Caisse de Crédit mutuel de Royan (la banque) a consenti à M. [M] un prêt d’un montant de 120.000 € remboursable sur une durée de 20 ans, en 240 mensualités d’un montant de 838,13 € chacune, au taux de 5,18% l’an hors assurance. En garantie, la banque a recueilli l’inscription d’une hypothèque conventionnelle sur un immeuble situé [Adresse 5].

Par jugement daté du 05 novembre 2020, le tribunal de commerce de Saintes a déclaré M. [M] en état de redressement judiciaire, et la banque a procédé à la déclaration de ses créances entre les mains de la SCP Pimouguet, désignée en qualité de mandataire judiciaire, pour une somme de 70.596,85 €.

Par jugement du 17 décembre 2020, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire et la SCP LGA a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par requête du 12 mai 2021, la SCP LGA a informé le tribunal de commerce de Saintes que la créance de la banque avait été contestée à l’occasion de la vérification des créances, notamment en ce qui concerne les indemnités conventionnelles à hauteur de 5.243,39 € et de 4.565,17 €.

Par ordonnance en date du 19 avril 2022, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Saintes a statué ainsi :

Vu les dispositions des articles L.624-2, R.624-3 et R.624-8 du Code de commerce,

– Rejette la somme de 4.565,17€ déclarée au titre de la clause pénale, cette dernière étant manifestement excessive,

-Rejette les intérêts déclarés échus et les intérêts ‘pour mémoire’, les modalités de calcul n’étant pas [indiquées] lors de la déclaration de créance,

– Ordonne la notification de la présente ordonnance sous simple lettre à :

– SCP LGA représentée par Me [R] [D],

– M. [Y] [M],

et à :

– Caisse Fédérale Crédit mutuel océan,

sous pli recommandé, à la diligence de Monsieur le greffier du tribunal,

-Dit que les dépens seront [employés] en frais privilégiés de procédure.

Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal judiciaire a retenu que :

– L’indemnité conventionnelle de 7% du capital restant peut s’analyser comme une clause pénale, que le juge peut réduire si elle apparaît manifestement excessive, en application de l’article 1231-5 du code civil, ce qui était le cas en l’espèce,

– En ce qui concerne les sommes déclarées au titre de l’ensemble des intérêts, la déclaration de créance comportait seulement la mention des ‘intérêts à compter du 18 décembre 2020 : pour mémoire’ et que dès lors que les modalités de calcul de ces intérêts n’étaient pas précisées dans la déclaration, ni joint un document en annexe, ceux-ci n’avaient pas à être pris en compte.

Par déclaration en date du 05 mai 2022, la banque a fait appel de cette décision en visant ses chefs expressément critiqués.

La caisse de crédit mutuel de Royan, par dernières conclusionsRPVA du 17 janvier 2023, demande à la cour de :

Vu les dispositions de l’article L622-8 et R 622-23 du Code de commerce,

Vu la déclaration de créances régulièrement effectuée par la banque dans le délai légal,

– Infirmer l’ordonnance rendue le 19 avril 2022 par Monsieur le juge commissaire près le tribunal de commerce de Saintes en ce qu’elle a rejeté la somme de 4.565,17 €, déclarée au titre de la clause pénale au motif de son caractère excessif et rejeté les intérêts déclarés échus pour la somme de 678,22 € et les intérêts pour mémoire, pour défaut de mention des modalités de calcul,

Statuant à nouveau, en l’absence de caractère excessif de l’indemnité conventionnelle,

– Admettre, à titre hypothécaire la créance au titre du prêt de 120.000€ n° 3908720422306 pour les sommes suivantes :

1°) Capital restant dû ;

2°) Intérêts échus au taux contractuel de 5,18% l’an, sur la somme de 65.216,66 €, du 5 juillet 2020 au 5 novembre 2020 ;

3°) Intérêts au taux contractuel de 5,18% l’an, sur la somme de 85.216,66 €, à compter du 6 novembre 2020 et jusqu’à parfait règlement ;

4°) Assurance au 5 novembre 2020 ;

5°) Indemnité conventionnelle de 7%.

Total sauf mémoire,

– Condamner la SCP LGA, prise en la personne de Maître [R] [D], ès qualité de mandataire liquidateur de M. [M], à payer à la caisse de crédit mutuel de Royan la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel

La SCP LGA, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 20 janvier 2023, demande à la cour de :

Vu l’article R622-23 du Code de commerce,

Vu l’ordonnance du juge commissaire du 19 avril 2022,

– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 19 avril 2022 par le juge commissaire près le Tribunal de commerce de Saintes en ce qu’il a :

– Rejeté la somme de 4.565,17 €,

– Déclarée au titre de la clause pénale au motif de son caractère excessif et rejeté les intérêts déclarés échus pour la somme de 678,22 € et les intérêts pour mémoire, pour défaut de modalités de calcul.

En conséquence,

-Débouter la Caisse de crédit mutuel de Royan de toutes ses demandes ;

Y ajoutant,

– Condamner la Caisse de crédit mutuel de Royan à régler à la SCP LGA, ès qualité de mandataire liquidateur de M. [M] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens de première instance et d’appel.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

La clôture de l’instruction de l’affaire est intervenue suivant ordonnance datée du 07 février 2023 en vue d’être plaidée à l’audience du 07 mars 2023, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Aux termes de l’article L. 622-25, alinéa 1er du code de commerce, la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement, avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d’un tiers.

2. L’article 1231-5 du Code civil, anciennement article 1152 de ce code, dispose que :

‘Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.’

3. Il est admis que le juge commissaire dans le cadre des pouvoirs qui sont les siens puisse faire application des dispositions de l’article 1231-5 du Code civil dès lors qu’il existe une disproportion manifeste entre l’importance du préjudice effectivement subi et le montant conventionnellement fixé.

4. La banque fait valoir que l’article 8 du contrat prévoit expressément cette indemnité de 7% et fait valoir que le juge-commissaire, dans son ordonnance déférée à la cour n’a aucunement caractérisé le fait que l’indemnité serait d’un montant excessif, se contentant de l’affirmer, sans vérifier la « proportionnalité » du contrat dans son ensemble.

Selon la banque, ce prêt a été utilisé pour financer l’achat d’un immeuble, lequel sert de garantie hypothécaire et il ne saurait donc être considéré que cette indemnité est de ce fait d’un montant excessif et ajoute que l’affirmation du mandataire selon laquelle elle sera automatiquement réglée dans le cadre de la vente immobilière ne peut constituer un critère d’appréciation du caractère excessif ou non de l’indemnité conventionnelle.

5. La SCP LGA, prise en la personne de Maître [R] [D], ès qualité de mandataire liquidateur de M. [M] réplique que sur douze ans, M. [M] a remboursé 120.672,00 € dont 60.000,00 € d’intérêts environ. Le remboursement du capital et des intérêts étant supérieur au montant emprunté, l’intimée soutient que l’indemnité conventionnelle de 7% des sommes dues prévue par la clause pénale incluse au contrat est donc manifestement excessive.

6. La cour rappelle que si la clause pénale correspond à une indemnisation forfaitaire et anticipée des conséquences de l’inexécution de l’obligation pour le créancier, elle doit s’apprécier au regard de la situation des parties au contrats.

7. La cour observe que la banque ne fait que reprendre devant la cour ses prétentions et ses moyens de première instance, notamment en se bornant à exciper des clauses contractuelles, ceci sans répondre sur la réalité et le préjudice effectivement subi en comparaison d’une bonne exécution du prêt par son contractant durant près de douze années ayant permis de rembourser 120.672 € pour 120.000€ empruntés et de la possibilité d’obtenir le remboursement total par la suite sans venir en concours avec les autres créanciers de la liquidation judiciaire.

8. Conformément aux dispositions de l’article 955 du Code de procédure civile, en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties.

9. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur le rejet des intérêts faute de précisions relatives à leur mode de calcul

10. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 622-25 du Code de commerce, la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l’assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d’un tiers.

L’article R. 622-23 du même code dispose que :

‘Outre les indications prévues à l’article L. 622-25, la déclaration de créance contient :

1° Les éléments de nature à prouver l’existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d’un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n’a pas encore été fixé ;

2° Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté ;

3° L’indication de la juridiction saisie si la créance fait l’objet d’un litige ;

4° La date de la sûreté et les éléments de nature à prouver son existence, sa nature et son assiette, si cette sûreté n’a pas fait l’objet d’une publicité.

A cette déclaration sont joints sous bordereau les documents justificatifs ; ceux-ci peuvent être produits en copie. A tout moment, le mandataire judiciaire peut demander la production de documents qui n’auraient pas été joints.’

11. La cour constate que la déclaration de créance versée aux débats, en ce qui concerne les intérêts à compter du 18/12/2020 sont portés pour ‘Mémoire’ sans aucune indication de modalités des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, ceci, en contradiction avec les textes susmentionnés.

12. L’ordonnance déférée sera également confirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

13. Il apparaît équitable de condamner la banque à payer à la SCP LGA une indemnité de 3.000€ par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande de l’appelante formée au même titre.

14. La Banque qui échoue en ses prétentions suppotera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Saintes n°2021M00371 en date du 19 avril 2022,

Y ajoutant,

Condamne la Caisse de Crédit mutuel de Royan à payer à la SCP LGA, prise en la personne de Maître [R] [D], ès qualité de mandataire liquidateur de M. [M], une indemnité de 3.000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne la Caisse de Crédit mutuel de Royan aux dépens d’appel

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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