5ème Chambre
ARRÊT N°-170
N° RG 22/05443 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TDDH
Mme [S] [C]
C/
S.C.I. SCI D’AGLOA
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 17 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 08 Mars 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [S] [C]
née le 25 Janvier 1985 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane LALLEMENT de la SELARL OCTAAV, Postulant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Valentine COUDERT de la SELARL OCTAAV, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.C.I. SCI D’AGLOA Société Civile Immobilière au capital de 152,45 €, immatriculée au RCS de NANTES, prise en la personne de son représentant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Guillaume GUILLEVIC de la SARL MENSOLE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Par acte sous seing privé du 27 juillet 2010, la société d’Agloa a donné à bail à Mme [K] [I] un local commercial situé [Adresse 3] moyennant un loyer mensuel de 758 euros pour une durée de neuf années et pour une activité de bar brasserie.
Par acte notarié du 2 mai 2012, Mme [K] [I] a cédé son fonds de commerce à Mme [S] [C].
Constatant des impayés de loyers, la société d’Agloa a fait délivrer par huissier de justice un commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 21 janvier 2022 pour un montant en principal de 9 164,24 euros, hors clause pénale et coût de l’acte.
Par assignation du 26 avril 2022, la société d’Agloa a fait citer Mme [S] [C] exerçant sous l’enseigne « Le Pattaya » devant le président du tribunal judiciaire de Nantes statuant en référé afin, notamment, de voir constater la résiliation de plein droit du bail commercial du 27 juillet 2010 à la date du 21 février 2022.
Par ordonnance en date du 4 août 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes a :
– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire prévues au contrat de bail du 27 juillet 2010 entre la société d’Agloa et Mme [K] [I], à laquelle s’est substituée Mme [S] [C], sont réunies à la date du 22 février 2022 et que le bail est résilié à cette date,
– ordonné à Mme [S] [C] de libérer spontanément les lieux et de restituer les clés,
– dit qu’à défaut pour Mme [S] [C] d’avoir libéré les lieux dans un délai de deux mois après la signification de la présente ordonnance, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de leur chef avec au besoin, l’assistance de la force publique,
– condamné Mme [S] [C] à verser à la société d’Agloa la somme provisionnelle de 7 290, 07 euros au titre des loyers et charges impayés au 22 février 2022,
– condamné Mme [S] [C] à payer à la société d’Agloa une indemnité provisionnelle d’occupation égale au montant mensuel du loyer, soit la somme mensuelle de 975,83 euros, et par provision la somme de 1 658,75 euros arrêtée au 14 avril 2022, les sommes versées depuis la résiliation de bail venant en déduction des sommes dues,
– condamné Mme [S] [C] à payer à la société d’Agloa une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [S] [C] aux entiers dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 21 janvier 2022,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– rappelé que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire.
Le 8 septembre 2022, Mme [S] [C] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 26 décembre 2022, elle demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes le 4 août 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– suspendre les effets de la clause résolutoire insérée au bail du 27 juillet 2010,
– dire qu’elle pourra s’acquitter de sa dette en 24 mensualités d’égal montant,
– dire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt au taux légal sans majoration,
– condamner la société d’Agloa à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société d’Agloa aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 2 janvier 2023, la société d’Agloa demande à la cour de :
– réformer l’ordonnance rendue le 4 août 2022 par le président du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu’elle a limité le montant de la condamnation provisionnelle, au titre des loyers et charges impayés, à la somme de 7 290,07 euros,
Et statuant à nouveau sur ce point,
– condamner Mme [S] [C] à lui payer la somme provisionnelle de 9 094,41 euros au titre des loyers et charges impayées au 22 février 2022,
– confirmer l’ordonnance rendue pour le surplus,
– condamner Mme [S] [C] au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [S] [C] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Mme [C] sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire et l’octroi d’un délai de 24 mois pour s’acquitter de sa dette locative en faisant valoir qu’elle souhaite restructurer son activité et a d’ailleurs sollicité une demande de prêt qui est en cours d’examen. Elle ajoute que son expert-comptable lui a communiqué les documents sollicités postérieurement à l’audience de référé.
Sur le quantum de la dette, elle soutient que le juge des référés n’est pas compétent pour fixer le montant de l’indemnité résultant de l’application d’une clause pénale.
La société d’Agloa rétorque que les éléments produits en cause d’appel étaient annoncés de longue date et surtout que la restructuration et le prêt bancaire ne sont pas justifiés. Elle s’interroge sur la situation financière de l’appelante et rappelle qu’elle n’a pas versé la moindre somme depuis l’ordonnance dont appel. Elle demande la confirmation de la décision entreprise sauf en ses dispositions relatives à la somme allouée à titre de provision de la dette locative. A cet égard, elle sollicite que Mme [C] soit condamnée à lui verser la somme de 9 094,91 euros à titre de provision sur les loyers et charges impayés. Elle englobe dans cette somme le montant de la clause pénale contractuelle de 1 782,48 euros en arguant que Mme [C] n’en a contesté ni le principe ni le quantum.
Aux termes des dispositions de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Aux termes des dispositions de l’article 835 alinéa 2 du même code, dans tous les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Aux termes des dispositions de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte-tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement au visa de l’article L. 145-41 du code de commerce.
Le bail du 27 juillet 2010 contient une clause résolutoire en page 7 qui stipule ‘il est expressément convenu, qu’à défaut de paiement d’un seul terme de loyer ou à défaut de remboursement à leur échéance exacte de toutes sommes accessoires audit loyer, notamment provision, frais, taxes, impositions, charges ou en cas d’inexécution de l’une quelconque des clauses et conditions du présent bail, celui-ci sera résilié de plein droit un mois après un commandement de payer ou d’exécuter demeuré infructueux, sans qu’il soit besoin de former une demande en justice.
Ainsi toutes les infractions du locataire aux dispositions du présent bail, et ainsi toutes infractions liées au paiement des loyers, charges, impôts, dépôts de garantie, à la destination du bail, à l’entretien et aux conditions générales de jouissance des lieux loués, aux aménagements réalisés, à l’exercice du droit de visite du bailleur, aux conditions d’installation de publicités en extérieur, aux obligations du locataire en matière d’assurance, aux dispositions relatives à la cession et à la sous-location du présent bail, seront sanctionnés par le jeu de la présente clause résolutoire.’
Il est constant qu’un commandement de payer visant cette clause résolutoire a été délivré à la personne de Mme [C] le 21 janvier 2022 pour la somme de 9 164,24 euros et que Mme [C] n’a pas respecté les termes du commandement. C’est à bon droit que le premier juge a relevé que le commandement est demeuré infructueux pendant plus d’un mois et a constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail étaient réunies le 22 février 2022.
Mme [C], qui demande la suspension des effets de la clause résolutoire et à bénéficier de délais de paiement, n’a effectué aucun règlement auprès de son bailleur depuis avril 2022. La cour en déduit qu’elle n’a pas mis tous les moyens dont elle dispose pour remplir son obligation de paiement.
S’agissant de sa situation financière actuelle, elle produit les bilans 2019, 2020 et 2021 avec un chiffre d’affaires stable mais avec une dette fournisseur représentant plus de la moitié du chiffre d’affaires. Elle ne verse aux débats aucun élément sur l’exercice 2022 et ce, alors qu’elle invoque une restructuration de son activité. S’agissant du prêt bancaire qu’elle affirme avoir sollicité, elle se contente de produire des copies d’écran de sa boîte mail avec une association Initiatives [Localité 2] datant du mois d’octobre 2022 qui attestent uniquement de prises de contact entre elle et l’association. Ces seules pièces sont insuffisantes, à elles seules, à établir la réalité du prêt bancaire invoqué. Mme [C] n’apporte aucune autre pièce de nature à démontrer la réalité du projet qu’elle invoque de sorte qu’il ne sera pas fait droit à sa demande de délais de paiement visant à suspendre l’acquisition de la clause résolutoire.
L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a, après avoir constaté la résiliation du bail par effet de la clause résolutoire à la date du 22 février 2022, ordonné à Mme [C] de quitter les lieux et de restituer les clés et à défaut, a ordonné son expulsion ainsi que sur le montant de l’indemnité d’occupation et la somme allouée à titre de provision à ce titre qui ne sont pas contestés.
S’agissant de la demande en provision, le montant de la dette locative de 7 290,07 euros n’est pas contesté par les parties.
S’agissant de la demande de provision au titre de la clause pénale, le juge des référés peut retenir l’existence d’une contestation sérieuse empêchant l’application d’une clause pénale, lorsque celle-ci apparaît sérieusement susceptible d’être modérée par le juge du fond, compte tenu de son montant et de l’avantage manifestement excessif pour le créancier qui résulterait de son application.
En l’espèce, le contrat de bail stipule en page 7 : « À défaut de paiement de toutes sommes à son échéance, notamment du loyer et de ses accessoires, et dès mise en demeure délivrée par le bailleur, ou son mandataire au locataire, ou dès délivrance d’un commandement de payer, ou encore après tout début d’engagement d’instance, les sommes dues par le locataire seront automatiquement majorées de 20% à titre d’indemnité forfaitaire et ce, sans préjudice de tous frais, quelle qu’en soit la nature, engagés pour le recouvrement des sommes ou de toutes indemnités qui pourraient être mises à la charge du locataire’.
Il apparaît que le montant en cause confère un avantage excessif au créancier en ce que la somme de 1 782,48 euros réclamée à ce titre représente près de deux mois de loyer, celui-ci étant de 975,83 euros par mois et relève, dès lors, de la compétence du juge du fond. La décision sera confirmée.
Succombant en son appel, Mme [C] sera condamnée à verser la somme de 3 000 euros à la société D’Agloa au titre des frais irrépétibles en cause d’appel et aux dépens d’appel. Les dispositions de l’ordonnance entreprise relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [S] [C] à verser à la société D’Agloa une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;
Condamne Mme [S] [C] aux dépens d’appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.
Le greffier, La présidente,