N° RG 21/01822 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K2VO
C2
N° Minute :
délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT
SELARL FAYOL ET ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 23 MAI 2023
Appel d’une décision (N° RG 19/01724)
rendue par le Tribunal judiciaire de Valence
en date du 23 mars 2021
suivant déclaration d’appel du 19 avril 2021
APPELANTS :
M. [W] [K]
né le 20 août 1941 à [Localité 11] (Maroc),
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
M. [U] [K]
né le 30 septembre 1946 à [Localité 14]
[Adresse 9]
[Adresse 9] (PORTUGAL)
M. [V] [K]
né le 21 janvier 1940 à [Localité 11] (Maroc)
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Adresse 12]
M. [F] [K]
né le 30 mars 1943 à [Localité 11] (Maroc)
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Adresse 8]
représentés par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Claire DAOUDAL de l’AARPI C-DEUX, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Me Didier RICARD
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
S.A.S. JULLIEN ET MARTIN NOTAIRES ASSOCIES venant aux droits de la SAS FABRICE JULLIEN NOTAIRE ASSOCIE, elle-même venant aux droits de la SCP RICARD et JULLIEN, agissant poursuites et diligences de ses gérants en exercice, domiciliés ès-qualités audit siège,
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentés par Me Catherine GOARANT de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me DORNE avocat au même cabinet
S.A. HABITAT DAUPHINOIS Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Elodie BORONAD de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCEet plaidant parMe Noé BREYSSE, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 27 mars 2023 Mme Blatry, conseiller chargé du rapport en présence de Mme Clerc, président de chambre, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
******
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Suivant acte sous seing privé du 9 décembre 2016 rédigé par Me [H] [O], les consorts [W], [V], [F] et [U] [K] ont consenti un promesse de vente à la société Habitat Dauphinois concernant une maison d’habitation comprenant deux logements avec dépendances et terrain attenant outre des terrains à bâtir, cadastrés sur la commune d'[Localité 10] (26), lieudit [Adresse 13], section [Cadastre 16], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 6].
La convention a été conclue, notamment, sous la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire par l’acquéreur purgé du droit de recours des tiers et du droit de retrait de l’administration au plus tard 11 mois après la signature de l’acte pour la réalisation de l’opération de 14 villas individuelles.
Il était également prévu que l’acquéreur assurera la garde de la maison dont les clefs ont été remises par les consorts [K] jusqu’au jour de la signature de l’acte authentique.
Le 9 mars 2017, la société Habitat Dauphinois a déposé une demande de permis de construire qu’elle a complétée le 16 juin 2017 suite à l’avis défavorable du directeur départemental des territoires de la Drôme.
Par arrêté du 8 septembre 2017, le maire de la commune d'[Localité 10] a refusé le permis de construire sollicité par la société Habitat Dauphinois.
Après diverses négociations infructueuses, la société Habitat Dauphinois a, suivant courrier du 5 septembre 2018, avisé les consorts [K] de ce qu’elle renonçait à l’acquisition de leurs parcelles et a indiqué qu’elle allait restituer les clefs, ce qui a été fait le 11 septembre 2018 en l’étude de la SCP Ricard et Jullien.
Par exploits d’huissier du 12 juin 2019, les consorts [K] ont fait citer la société Habitat Dauphinois, ainsi que Me [O] et la SCP Ricard et Julien en condamnation à leur payer diverses sommes.
Par jugement du 23 mars 2021, le tribunal judiciaire de Valence a :
débouté les consorts [K] de leur demande tendant à voir constater que la condition suspensive d’obtention du permis de construire est réputée accomplie et, en conséquence, de l’intégralité de leurs demandes fondées sur les manquements de la société Habitat Dauphinois à ses obligations contractuelles,
débouté les consorts [K] de leur demande fondée sur une faute de la société Habitat Dauphinois dans la rupture des pourparlers,
débouté les consorts [K] de leurs demandes à l’encontre de Me [O] et de la SCP notariale,
condamné in solidum les consorts [K] à payer, d’une part, à la société Habitat Dauphinois, la somme de 3.000€ et, d’autre part, à Me [O] et à la SCP Ricard et Jullien, unis d’intérêts, la somme de 2.000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné in solidum les consorts [K] à supporter les dépens de l’instance.
Suivant déclaration du 19 avril 2021, les consorts [K] ont relevé appel de cette décision.
Au dernier état de leurs écritures du 17 janvier 2022, les consorts [K] demandent à la cour de réformer le jugement déféré et de :
1) s’agissant de la société Habitat Dauphinois, la condamner à leur payer les sommes de :
151.000€ au titre de la clause pénale,
345.834€ au titre de leur préjudice matériel,
80.000€ au titre de leur préjudice moral,
7.480€ au titre de la remise en état des terrains dégradés,
2) s’agissant de Me [O] et de la SCP notariale, les condamner à leur payer la somme de 75.500€ au titre de leurs manquements à leurs obligations d’information et de conseil,
3) en tout état de cause, condamner in solidum la société Habitat Dauphinois avec Me [O] et la SCP notariale à leur payer une indemnité de procédure de 10.000€.
Ils exposent que :
sur la responsabilité de la société Habitat Dauphinois
sur la réalisation de la condition suspensive
le refus du permis de construire est directement lié aux fautes ou, à tout le moins, au comportement empreint de légèreté fautive de la société Habitat Dauphinois,
il n’est pas compréhensible qu’un promoteur immobilier ne se renseigne pas sur les contraintes du PLU avant d’élaborer son projet de construction,
la société Habitat Dauphinois a déposé sa demande de permis de construire le dernier jour du délai octroyé dans le cadre du compromis de vente,
la société Habitat Dauphinois n’a pas justifié auprès d’eux du dit dépôt,
en toutes hypothèse, la demande de permis de construire était vouée à l’échec,
la demande de permis de construire initiale présentait de nombreuses incohérences qui ont entraîné son refus,
l’avis de la DDT liste de manière précise les insuffisances que présente le projet lesquelles ne sont pas liées aux caractéristiques naturelles des terrains en tant que telles mais à l’insuffisance et à l’incohérence des pièces versées qui ne permettaient pas de s’assurer que ces risques étaient bien pris en compte,
les éléments complémentaires communiqués le 16 juin 2017 étaient insuffisants,
la société Habitat Dauphinois, loin de produire les documents listés dans les réserves émises par la DDT, a en réalité communiqué un nouveau projet, tout aussi mal ficelé que le premier,
en outre, il ne porte pas sur le projet initial de construction de 14 villas mais sur la construction d’un immeuble collectif et de 14 villas,
ainsi, la société Habitat Dauphinois n’a nullement pris en compte l’avis défavorable de la DDT,
le refus de délivrance du permis de construire était inévitable puisqu’aucun des éléments visés par la DDT dans son avis du 10 avril 2017 n’a été pris en compte,
il suffisait de reculer les constructions projetées dans l’axe du ruisseau et d’apporter des précisions concernant l’impact du projet sur la topographie du terrain, soit les études géotechniques ou l’attestation de leur réalisation,
il ne suffit pas de considérer que la société Habitat Dauphinois a accompli toutes les diligences nécessaires à l’obtention du permis de construire conforme aux caractéristiques du compromis de vente sans tirer les conséquences sur le fait que les documents produits étaient en tout état de cause insuffisants pour l’examen de la demande,
les pièces nécessaires au dépôt d’un permis de construire sont listées à l’article R 431-8 et suivants du code de l’urbanisme,
les pièces élémentaires nécessaires au dépôt de la demande de permis de construire sont manquantes, ce qui interroge s’agissant d’un dossier établi par un professionnel de l’immobilier,
sur la rupture brutale des pourparlers contractuels
la liberté dans la rupture des négociations pré-contractuelle est conditionnée à la bonne foi avec laquelle les pourparlers sont menés,
la faute dans la rupture des pourparlers peut résulter d’une simple légèreté soit d’un véritable manquement aux règles de la bonne foi ou de la loyauté pré-contractuelle,
c’est à tort que le tribunal a imputé la rupture des négociations aux difficultés économiques et à leurs exigences,
pendant près d’un an, la société Habitat Dauphinois a exercé une pression sur eux en les maintenant dans l’illusion d’un accord pour acquérir à vil prix non seulement les 4 parcelles initialement envisagées mais également 2 parcelles supplémentaires [Cadastre 15] et [Cadastre 7],
à la suite du refus de la part de la mairie d'[Localité 10], la société Habitat Dauphinois a sollicité un avenant pour proroger le délai de la signature de l’acte de vente,
en octobre 2017, la société Habitat Dauphinois les informera de l’existence d’une servitude de mixité sociale dont elle avait eu pourtant connaissance dès le début de l’année,
en réalité, la société Habitat Dauphinois ne les a jamais tenus informés de l’évolution du dossier,
moins d’une semaine plus tard, la société Habitat Dauphinois se rétractait de toute offre antérieure en alléguant un problème de rentabilité économique bien qu’elle ait manifestement commencé à commercialiser son projet,
le 14 novembre 2017, la société Habitat Dauphinois proposait une renégociation du prix de vente à la baisse, ce qu’ils ne pouvaient accepter, ainsi que l’intégration de deux parcelles supplémentaires,
les négociations se poursuivaient et la société Habitat Dauphinois leur promettait une réponse pour le mois d’avril 2018,
mais ce n’est qu’à la suite de relances de leur part que, brutalement, le 5 septembre 2018 la société Habitat Dauphinois se retirait du projet,
sur leurs préjudices
la propriété a perdu de sa valeur vénale car la maison a subi des actes de vandalisme alors que la société Habitat Dauphinois en avait la garde,
les terrains ont été dévastés par les forages pratiqués par la société Habitat Dauphinois sans que celle-ci ne pratique les plus élémentaires travaux de remise en état,
les terrains sont devenus hétérogènes et fortement fragilisés, de sorte qu’ils ont été privés de la chance de vendre leur propriété à un prix décent,
ils subissent également un important préjudice moral,
sur la responsabilité de Me [O] et de la SCP
le notaire est tenu d’avertir les contractants des conséquences prévisibles de l’acte qu’ils projettent,
le compromis de vente est entaché d’erreurs juridiques,
ainsi, les dispositions juridiques relatives au dépôt et à la garde sont erronées en ce qu’elles ne prennent pas en compte la réforme entrée en vigueur le 1er octobre 2016,
la clause de dépôt et garde est incorrecte puisque le dépôt ne peut avoir lieu que pour des choses mobilières ce qui exclut les immeubles,
la garde d’un immeuble est cependant possible mais Me [O] ne leur a pas expliqué les nuances juridiques de ses divers termes,
leur attention n’a pas été attirée sur l’absence d’indemnité d’immobilisation,
ils ont pâti du défaut d’information du notaire qui a préféré traiter avec les professionnels de l’immobilier à leur détriment.
Par conclusions récapitulatives du 6 février 2023, la société Habitat Dauphinois demande à la cour de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner in solidum les consorts [K] à lui payer une indemnité de procédure de 5.000€.
Elle fait valoir valoir que :
sur la réalisation de la condition suspensive
le permis de construire initial portait sur un projet de construction de 14 villas conformément au compromis de vente comme cela ressort des pièces écrites et des pièces graphiques,
en cours d’instruction, il est apparu que le terrain était concerné par une servitude de mixité sociale exigeant la création de 30% de logements sociaux,
le compromis de vente a été signé en décembre 2016 avant qu’elle n’ait eu connaissance de cette servitude,
l’objet d’un compromis est précisément de déterminer la faisabilité d’une opération immobilière,
la DDT a émis un avis défavorable et le caractère insuffisant de la demande de permis de construire n’est absolument pas mis en évidence dans le dit avis,
la DDT a exigé le recul des constructions pour se prémunir des risques d’inondations au regard de la proximité du ruisseau,
elle a ensuite modifié sa demande de permis de construire pour tenter de l’obtenir,
l’insuffisance des documents produits concerne uniquement le projet modifié,
les consorts [K] commettent une confusion entre le projet initial qui était complet et le projet modifié,
le service instructeur ne peut exiger du pétitionnaire la production de pièces ne figurant pas dans le code de l’urbanisme et les études de sol de type G1 et G2 ne sont pas visées par ce dispositif,
elle n’a reçu aucune notification de pièces manquantes,
le compromis de vente ne comportait pas une seule condition suspensive mais plusieurs autres,
non seulement elle n’a pas empêché la réalisation de la condition suspensive mais elle a multiplié les démarches pour tenter d’obtenir un permis de construire,
sur la rupture des pourparlers
les consorts [K] n’établissent pas la mauvaise foi qu’ils allèguent à son encontre ni même d’une légèreté blâmable,
elle a toujours tenu les consorts [K] informés de l’évolution du dossier,
elle a déposé la demande de permis de construire dans le délai,
l’avis défavorable tient à l’existence d’un risque naturel lié à l’instabilité du terrain résultant de sa déclivité et du ruissellement,
la DDT met également en avant la nature argileuse des sols à risque de retrait et de gonflement,
la DDT a indiqué que le projet ne pourrait être autorisé que sous production d’une étude géotechnique de type G1 et G2 ce qui ne figure pas dans le code de l’urbanisme,
elle a néanmoins déposé des pièces complémentaires le 16 juin 2017 pour tenter de satisfaire le service instructeur, ce qui n’a malheureusement pas suffit,
elle ne pouvait anticiper la problématique liée à la nature du sol,
elle a informé les consorts [K] des diverses démarches entreprises,
au regard de l’évolution du dossier, les délais du compromis de vente étaient intenables et des négociations ont été entreprises pour proroger les délais,
diverses contre-propositions ont été échangées et au regard des diverses contraintes, elle a proposé de modifier son projet et demandé, soit une diminution du prix, soit une minoration moins importante mais un ajout de deux parcelles supplémentaires,
après la caducité du compromis survenue le 9 décembre 2017 suite au refus du permis de construire, les négociations se sont poursuivies sur 3 points soit le prix de vente, le périmètre du terrain vendu et les délais et modalités de la vente,
aucun accord n’est intervenu ce qui l’a amenée à renoncer à acquérir le bien.
Par dernières conclusions du 13 octobre 2021, Me [O] et la SCP Ricard et Jullien demandent à la cour de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner in solidum les consorts [K] à leur payer une indemnité de procédure de 3.000€.
Ils expliquent que :
les parties se sont engagées en toute connaissance de cause en n’exigeant pas de l’acquéreur le versement d’un dépôt de garantie,
l’absence de dépôt de garantie n’est pas préjudiciable aux les consorts [K] au regard de la solvabilité de la société Habitat Dauphinois,
le contenu de la clause «’conditions particulières’» est régulier et efficace concernant les obligations mises à la charge de l’acquéreur au titre de la garde juridique du bien immobilier,
la situation préjudiciable évoquée par les consorts [K] ne présente aucun lien de causalité avec les conditions de régularisation du compromis de vente,
ce sont les événements postérieurs à la régularisation du compromis de vente, notamment l’absence de délivrance de permis de construire, qui expliquent l’absence de réitération de la vente,
le notaire n’a pas à supporter les conséquences financières découlant de l’omission d’une clause dans le compromis de vente dès lors que cette clause n’a pour objet que de mettre à la charge de l’acquéreur une obligation financière,
les prétentions financières des les consorts [K] ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur quantum.
La clôture de la procédure est intervenue le 28 février 2023.
MOTIFS
1/ sur les demandes des consorts [K] à l’encontre de la société Habitat Dauphinois
Les consorts [K] prétendent, d’une part, qu’au regard des défaillances de la société Habitat Dauphinois la condition suspensive d’obtention du permis de construire est réputée accomplie et, d’autre part, que la société Habitat Dauphinois a commis une rupture abusive des pourparlers.
Ils demandent à ce double titre sa condamnation à leur payer diverses sommes.
sur la réalisation de la condition suspensive
Par application de l’article 1304-3 du code civil, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement.
Les consorts [K] soutiennent que la demande de permis de construire déposée par la société Habitat Dauphinois était incomplète et vouée à l’échec.
Le 9 mars 2017, soit dans les délais prévus par la promesse de vente, la société Habitat Dauphinois a déposé une demande de permis de construire conforme aux caractéristiques prévues à cette convention, à savoir, 14 villas pour une surface de 1.298,55m2 avec garages et places de parking pour une surface totale du stationnement de 500m2 environ, dont 272,04m2 de surface bâtie.
Le 17 avril 2017, le directeur départemental des territoires de la Drôme a émis un avis défavorable fondé, non sur un défaut de production de pièces, mais au regard des risques naturels d’inondation et d’érosion des berges du canal des moulins ainsi que de l’instabilité des terrains à raison de leur pente.
Pour parvenir à l’obtention d’un permis de construire suite à cet avis défavorable et pour tenir compte d’une servitude de mixité sociale lui imposant d’intégrer 30% de logements sociaux à son projet, la société Habitat Dauphinois a déposé une nouvelle demande de permis de construire le 16 juin 2017 en ajoutant aux villas un immeuble collectif.
Par arrêté du 8 septembre 2017, le maire de la commune d'[Localité 10] a refusé le permis de construire sollicité par la société Habitat Dauphinois au motif principal du risque à l’atteinte de la salubrité ou à la sécurité publique et, secondairement, à l’insuffisance de documents transmis.
Ainsi, l’insuffisance des documents produits concerne uniquement le projet modifié et les consorts [K] commettent une confusion entre le projet initial qui était complet et le projet modifié.
Dès lors, c’est à bon droit que le tribunal a pu retenir que la société Habitat Dauphinois a effectué les diligences requises par la promesse de vente et n’a pas empêché l’accomplissement de la condition suspensive, étant observé qu’elle ne pouvait anticiper les risques naturels du terrain et la condition de mixité sociale survenue après la signature de la convention.
Par ailleurs, le service instructeur ne peut exiger du pétitionnaire la production de pièces ne figurant pas dans le code de l’urbanisme et les études de sol de type G1 et G2 ne sont pas visées par ce dispositif.
Par voie de conséquence, le jugement déféré, qui déboute les consorts [K] de leur demande en condamnation de la société Habitat Dauphinois pour manquement à ses obligations contractuelles, sera confirmé sur ce point.
sur la rupture des pourparlers
Le délai de réitération ne pouvant être tenu au regard des difficultés d’obtention du permis de construire et compte tenu de la caducité de la promesse de vente à compter du 9 décembre 2017, des pourparlers se sont engagés entre les parties.
Dès le 11 octobre 2017, la société Habitat Dauphinois a avisé les consorts [K] de l’impossibilité de respecter les délais et leur a proposé, dans un premier temps, la signature d’un avenant prorogeant les délais aux mêmes conditions, puis le 24 octobre 2017, a demandé à renégocier les conditions de vente, soit par une diminution du prix, soit par une minoration moins importante mais avec un ajout de deux parcelles supplémentaires.
Les consorts [K] reprochent à la société Habitat Dauphinois une rupture brutale des pourparlers par courrier du 5 septembre 2018 après avoir présenté, suite à diverses man’uvres, la situation sur le point d’aboutir favorablement.
L’article 1112 du code civil dispose que l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de fautes commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu ni la perte de chance d’obtenir ces avantages.
Il ressort de l’analyse des divers courriers échangés entre les parties que les difficultés résultant de la nature du terrain, les impératifs économiques de l’acquéreur et les exigences financières des vendeurs ont rendu les postions des parties inconciliables et rendaient la rupture des pourparlers inéluctable sans qu’une faute soit imputable à la société Habitat Dauphinois qui a finalement acté la fin des discussions par courrier du 5 septembre 2018.
Par voie de conséquence, c’est à bon droit que le tribunal a également débouté les consorts [K] de leur demande en condamnation de la société Habitat Dauphinois à ce titre.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
2/ sur les demandes des consorts [K] à l’encontre des notaires
Le notaire doit, avant de dresser les actes, procéder aux vérifications des faits et conditions de nature à assurer l’efficacité de ses actes et il lui appartient, également, de proposer aux parties le cadre juridique approprié.
Le notaire est, professionnellement, tenu d’éclairer les parties sur la portée des actes par eux dressés et d’attirer leur attention sur leurs conséquences et risques potentiels.
A défaut, le notaire engage sa responsabilité délictuelle, ce qui suppose la démonstration d’une faute en lien de causalité direct et certain avec un préjudice.
Les consorts [K] reprochent à Me [O] et à la SCP [O]-Jullien un manquement à leur devoir d’information et de conseil au titre de la garde de la maison, de l’absence d’un dépôt de garantie et du défaut d’une indemnité d’immobilisation
sur la validité et l’efficacité de la clause relative à la «’garde de la maison’»
La clause insérée en page 11 selon laquelle «’l’acquéreur assurera la garde de la maison, objet des présentes, dont les consorts [K] ont fait dépôt entre ses mains, à compter de ce jour et jusqu’au jour de la signature de l’acte authentique’», conforme à la volonté des parties, traduit l’équilibre que celles-ci ont recherché au regard des intérêts tant des vendeurs que de l’acquéreur, nonobstant le fait que le dépôt ne peut concerner que des biens meubles et non des immeubles ou que la disposition reprise est mal numérotée.
En tout état de cause, la teneur de cette cause, applicable jusqu’au 9 décembre 2017, date de la caducité de la promesse de vente à raison de sa non réitération, est sans lien de causalité avec le préjudice subi par les consorts [K] au titre du vandalisme de la dite maison postérieurement à cette date.
sur le défaut de clause de garantie ou de clause d’immobilisation
La clause de dépôt de garantie a pour objectif de garantir la solvabilité de l’acquéreur.
En l’espèce, la société Habitat Dauphinois ne présentant aucun problème de garantie, le défaut de cette clause sur demande de la société Habitat Dauphinois ne préjudiciait en rien les intérêts des consorts [K].
La clause d’immobilisation a pour objet de compenser l’immobilisation du bien jusqu’à la date limite de réitération de la vente et ne peut être mise en ‘uvre qu’au regard des défaillances de l’acquéreur.
En l’espèce, aucune faute ne pouvant être reprochée à la société Habitat Dauphinois, les consorts [K] n’auraient pu prétendre au bénéfice d’une quelconque somme à ce titre.
Par voie de conséquence, c’est à bon droit que le tribunal a débouté les consorts [K] de leur demandes à l’encontre des notaires.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
3/ sur les mesures accessoires
L’équité justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice des intimés.
Enfin, les dépens de la procédure d’appel seront supportés in solidum par les consorts [K].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum MM. [W], [V], [F] et [U] [K] à payer, de première part, à la société Habitat Dauphinois et, de seconde part, à Me [O] et à la SCP Ricard-Jullien unis d’intérêts, la somme de 1.500€, soit 3.000€ au total, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes formées à ce titre,
Condamne in solidum MM. [W], [V], [F] et [U] [K] aux dépens de la procédure d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT