Clause pénale : 24 mai 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/00947

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Clause pénale : 24 mai 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/00947

N° RG 22/00947 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JA7N

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 24 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/02534

Tribunal de commerce de Rouen du 22 février 2022

APPELANT :

Monsieur [M] [B]

né le 11 janvier 1980 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté et assisté par Me Harouna DIALLO, avocat au barreau de Dieppe

INTIMEE :

Sas LEASECOM

RCS de Paris 331 554 071

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée et assistée par Me Stanislas MOREL de la SCP DPCMK, avocat au barreau du Havre plaidant par Me KACI

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 15 mars 2023 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [V] [X]

DEBATS :

A l’audience publique du 15 mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 20 juin 2019, M. [M] [B], infirmier libéral, a souscrit auprès de la Sarl Nova-Seo un contrat de licence d’exploitation d’un site internet pour un loyer mensuel de 204 euros. La Sasu Leasecom est intervenue en qualité de cessionnaire du contrat de location du site.

Par acte d’huissier du 5 juillet 2021, elle a fait assigner M. [B] en résiliation du contrat et paiement des loyers outre des indemnités.

Par jugement du 22 février 2022, le tribunal judiciaire de Rouen a :

– constaté la résolution du contrat du 20 juin 2019, acquise le 24 octobre 2020, par l’effet de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers,

– condamné M. [M] [B] à payer à la Sasu Leasecom la somme de 2 040 euros au titre des loyers impayés sur la période de janvier à octobre 2020,

– condamné M. [M] [B] à payer à la Sasu Leasecom la somme de 5 610 euros au titre des loyers à échoir à compter du 1er novembre 2020 outre la somme de

561 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal majoré de trois points,

– rejeté toute demande plus ample ou contraire,

– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision,

– condamné M. [M] [B] à payer à la Sasu Leasecom la somme de 700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sasu Leasecom aux dépens.

Par déclaration reçue le 16 mars 2022, M. [M] [B] a formé appel de la décision.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

Par conclusions uniques notifiées le 12 juin 2022, M. [M] [B] demande à la cour, au visa des articles 1219 et 1231-5 du code civil et 700 du code de procédure civile, d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :

à titre principal,

– débouter la Sasu Leasecom de toutes ses demandes,

– dire que l’exception d’inexécution dont il se prévaut est justifiée,

– constater le manquement de la Sas Leasecom à l’exécution de ses obligations,

– ordonner la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la Sas Leasecom avec restitution des loyers perçus,

à titre subsidiaire,

– dire que le montant de la clause de résiliation est manifestement excessif par rapport au préjudice subi par le fournisseur,

– ordonner la réduction du montant de la clause de résiliation manifestement excessif,

en tout état de cause,

– condamner la Sasu Leasecom à lui payer la somme de 2 800 euros pour frais irrépétibles,

– condamner la Sasu Leasecom aux dépens.

Il rappelle qu’il a signé le 20 juin 2019 un contrat prévoyant notamment la création d’un site internet, l’hébergement du site, une base de données, un référencement manuel sur les principaux moteurs de recherche, une modification à la demande du site ; que très vite déçu de la prestation, il a notifié au cocontractant sa volonté de résilier le contrat ; que ses demandes et réclamations n’ont pas été suivies d’effet ; qu’il a perdu beaucoup de patients ; qu’il a ainsi refusé de payer les loyers à compter du 1er janvier 2020.

Il soutient que des témoignages démontrent le dysfonctionnement du site, parfois inaccessible ; que le premier juge a commis une erreur en retenant que la résiliation du contrat a pour origine le défaut de paiement de loyers alors que cette situation était justifiée par les carences de la Sas Leasecom ; que la résiliation du contrat doit être prononcée aux torts exclusifs du prestataire.

A titre subsidiaire, il sollicite la réduction du montant dû en exécution de la clause résolutoire prévue au contrat.

Par conclusions uniques notifiées le 12 septembre 2022, la Sasu Leasecom demande à la cour, au visa des articles 1103, 1217, 1219, 1224, 1225, 1227, 1229 et 1231-5 du code civil, de :

à titre principal,

– débouter M. [B] de ses demandes,

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il l’a condamné aux dépens,

– et statuant à nouveau de ce chef, condamner M. [B] aux dépens,

à titre subsidiaire, si la cour prononçait la résiliation du contrat de location à ses torts, – débouter M. [B] de sa demande en restitution de loyers, et à défaut condamner M. [B] au paiement d’une somme équivalente aux loyers restitués au titre de l’indemnité de jouissance du site internet mis à sa disposition,

– ordonner la compensation des sommes qui pourraient être dues entre les parties,

en tout état de cause,

– condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles, en cause d’appel,

– condamner M. [B] aux dépens.

Elle indique que le locataire a signé un procès-verbal de livraison du site loué le 1er août 2019 ; qu’à compter du 1er janvier 2020, les loyers sont demeurés impayés de sorte qu’une mise en demeure a été adressée à M. [B] le 15 octobre 2020, en vain ; qu’elle met en ‘uvre les dispositions de l’article 17 du contrat fixant les conditions de résiliation du contrat.

Elle précise qu’elle n’intervient que dans l’optique de financer le coût du site internet pour lequel M. [B] et la Sarl Nova-Seo se sont rapprochés ; qu’elle n’est pas liée à la Sarl Nova-Seo et n’est pas intervenue dans le choix de M. [B] d’avoir recours à ce prestataire ; que le contrat de location est clair alors qu’elle est étrangère à la conception et à la maintenance du site internet ; que M. [B] ne s’est jamais adressé à elle pour se plaindre des fonctionnements du site ; que M. [B] doit être débouté de ses demandes.

Elle conteste toute faculté d’obtenir de la part de M. [B] une réduction des indemnités dues contractuellement, une restitution des loyers avec compensation ne pouvant être envisagée. Dans l’hypothèse où cette voie serait retenue, elle sollicite une indemnité équivalente au montant des loyers. Elle demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 février 2023.

MOTIFS

Sur la résiliation du contrat

Le tribunal a constaté qu’en raison des loyers impayés, la Sasu Leasecom avait mis en demeure le locataire, la résiliation du contrat lui étant imputable en ce qu’il ne démontrait pas, pour sa part, des motifs de se prévaloir de l’exception d’exécution qui aurait été susceptible de justifier le défaut de paiement des échéances.

En application de l’article 1219 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Selon l’article 1353 du même code, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Les conditions d’application de l’article 1 du contrat de licence d’exploitation de site internet signé par M. [B] le 20 juin 2019 auprès de la Sarl Nova-Seo relative à la cession des droits d’exploitation du site à la Sasu Leasecom ne sont pas discutées. La convention prévoyait le paiement d’une mensualité de 204 euros TTC durant 48 mois, soit du 1er août 2019 au 1er juillet 2023.

Comme l’a retenu le premier juge, la Sasu Leasecom a adressé, conformément aux termes de l’article 17 du contrat, une mise en demeure par lettre recommandée du 15 octobre 2020 avec avis de réception signé le 16 octobre 2020. Par cette correspondance comminatoire, elle demandait paiement des échéances échues de janvier à octobre 2020 soit 2 040 euros et rappelait expressément la clause résolutoire du contrat et l’obligation, en cas de résiliation du contrat, de s’acquitter de la somme de 6 171 euros à titre d’indemnité de résiliation.

Pour se prévaloir de l’exception d’inexécution, M. [B] invoque des dysfonctionnements qu’il aurait notifiés à ses interlocuteurs. Il ne verse aucune notification adressée à la Sasu Leasecom. Il ne verse que quelques courriels (4) adressés au support assuré par la Sarl Nova-Seo sans qu’en outre, ces écrits ne soient assortis de copies d’écran illustrant une difficulté. Les difficultés relevées se réfèrent à des questions relatives à la conception du site électronique et non à la licence attachée au site. En toutes hypothèses, la Sasu Leasecom n’a pas été destinataire de la moindre réclamation émise par M. [B].

Il ne communique par ailleurs que deux témoignages de patients, rédigés en mai 2021, peu circonstanciés qui ne sont pas reliés à la volonté de M. [B] de résilier son contrat dès un courriel du 24 septembre 2019 exprimée à l’égard de la Sarl Nova-Seo.

Le jugement a à juste titre constaté la résolution, en l’espèce, la résiliation de plein droit du contrat souscrit par M. [B], en application de la clause résolutoire, huit jours après mise en demeure, aux torts de ce dernier et condamner ce dernier à payer les échéances échues de janvier à octobre 2020 soit 2 040 euros.

Sur la clause pénale

L’article 17-3 du contrat dispose que ‘Suite à une résiliation, le client devra restituer le site internet comme indiqué à l’article 17. Outre cette restitution, le client devra verser au cessionnaire

– Une somme égale au montant des échéances impayées au jour de la résiliation majorée d’une clause pénale de 10 % et des intérêts de retard.

– Une somme égale à la totalité des échéances restant à courir jusqu’à la fin du contrat majorée d’une clause pénale de 10 % sans préjudice de tous dommages et intérêts que le client pourrait devoir au concessionnaire du fait de la résiliation.’.

Selon l’article 1353-1 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

Le premier juge a, en exécution du contrat, condamné M. [B] à payer les sommes de 5 610 euros et 561 euros.

La Sasu Leasecom a mis fin au contrat dès octobre 2020 et n’a dès lors plus assuré de service au profit de M. [B]. La clause pénale portant sur une somme équivalente au solde du contrat majoré de 10 % est manifestement excessive au regard du montant des loyers mensuels, de la durée des impayés sans échange avec le client, de la durée du contrat.

Elle insiste sur les dispositions prévues aux articles 2.2, 5.1 et 7.1 du contrat rappelant l’indépendance des contrats entre celui qui concerne la licence d’exploitation d’une part, les prestations d’hébergement, de maintenance et de référencement d’autre part, la nécessité pour le client de prévenir le cessionnaire de toute difficulté. Il n’en reste pas moins que la Sasu Leasecom est une professionnelle en la matière à la différence de M. [B], infirmier libéral.

Elle indique avoir acheté le site au prix de 6 737,94 euros le 5 août 2019 : cependant, la facture vise le site et Novagenda avec les postes relatifs au référencement et son suivi, l’hébergement, la base de données. A l’exception de cette pièce, peu explicite en réalité sur le sort des prestations incombant à la Sarl Nova-Seo, fournisseur de

M. [B], que se défend d’exercer la Sasu Leasecom et les siennes, sur le préjudice réellement subi en ce qu’elle se borne à affirmer que le site est inutilisable, la cocontractante ne justifie pas de la portée financière réelle de la clause.

M. [B] est bien fondé à réclamer une réduction du montant de l’indemnité due, disproportionnée au regard d’un préjudice insuffisamment démontré. Elle sera limitée à une somme correspondant à six mois de location soit 1 224 euros avec intérêts au taux légal du 22 février 2022. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les frais de procédure

Nonobstant appel, M. [B] reste débiteur de l’intimée et supportera les dépens de première instance par infirmation du jugement entrepris et d’appel.

L’équité commande l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de M. [B] à payer à l’intimée la somme de 2 000 euros pour les frais irrépétibles en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– condamné M. [M] [B] à payer à la Sas Leasecom la somme de 5 610 euros au titre des loyers à échoir à compter du 1er novembre 2020 outre la somme de

561 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal majoré de trois points,

– condamné la Sas Leasecom aux dépens,

Et statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

Condamne M. [M] [B] à payer à la Sasu Leasecom la somme de 1 224 euros à titre de clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2022,

Condamne M. [M] [B] à payer à la Sasu Leasecom la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [M] [B] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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