Clause attributive de compétence : 12 janvier 2021 Cour d’appel de Paris RG n° 18/26848

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Clause attributive de compétence : 12 janvier 2021 Cour d’appel de Paris RG n° 18/26848
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 5

ARRET DU 12 JANVIER 2021

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/26848 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ZLT

Décision déférée à la Cour : Certificat de reconnaissance transfrontalière du 17 octobre 2018 (RG n° 18/03691), déclaré exécutoire en France la décision du tribunal de Kranj du 9 octobre 2015 n° I pg 583/2012 rendu par le directeur des services de greffe du tribunal de grande instance de Meaux

APPELANTE

SAS ALFYMA INDUSTRIE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Tristan DUPRE de PUGET de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0147

INTIMEE

Société CONTITECH SLOVENIJA SARL

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3],

[Adresse 3] (SLOVENIE)

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0111,

assistée de Me Denise CLEVER, avocat plaidant du barreau de STRASBOURG, toque : 49

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 novembre 2020, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL – SERVICE CIVIL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté à l’audience par Mme BOUCHET-GENTON, subtitut général

ARRÊT :

-contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

La société Veyance Technologies Europe, devenue la société Contitech Slovenija, a livré des marchandises à la société Alfyma Industrie, ce qui a donné lieu à l’établissement de différentes factures, d’un montant de 81 787 euros le 19 février 2010, de 4 680 euros, de 20 546, 90 euros le 23 mars 2010, et de 1 035 euros le 24 mars 2012.

Le 20 décembre 2012, le tribunal de grande instance de Kranj (Slovénie) a délivré, à la demande de la société Veyance Technolgies Europe, une ordonnance d’injonction de payer européenne d’un montant de 108 048, 90 euros à l’encontre de la société Alfyma Industrie.

Cette dernière a formé opposition.

Le tribunal de Kranj s’est prononcé au fond le 9 octobre 2015. Il a jugé que :

– « l’opposition introduite par la Partie défenderesse selon laquelle le présent Tribunal n’est pas compétent pour la résolution du présent litige est rejetée ;

– la Partie défenderesse Alfyma Industrie [‘] est tenue de payer à la partie demanderesse Veyance Technologies Europe [‘], dans un délai de 15 jours, le montant de 108.048,90 EUR ainsi que les intérêts de retard légaux à compter de la date d’échéance de chacune des obligations dues et non payées par la Partie défenderesse, et ce sur le principal :

‘ le montant de 4.680,00 EUR avec les intérêts de retard légaux à compter du 31.3.2010 jusqu’au paiement,

‘ le montant de 81.787,00 EUR avec les intérêts de retard légaux à compter du 21.4.2010 jusqu’au paiement,

‘ le montant de 20.546,90 EUR avec les intérêts de retard légaux à compter du 23.5.2010 jusqu’au paiement, ainsi que

‘ le montant de 1.035,00 EUR avec les intérêts de retard légaux à compter du 24.5.2010 jusqu’au paiement.

– La Partie défenderesse est tenue de rembourser les frais de justice exposés par la Partie demanderesse à hauteur de 4.458,92 EUR dans un délai de 15 jours, et en cas de retard, également les intérêts de retard légaux à compter de l’expiration du délai d’exécution jusqu’au paiement ».

Le tribunal de Kranj a apposé la formule exécutoire le 27 janvier 2016 sur le jugement du 9 octobre 2015.

A la demande de la société Contitech Slovenija, le directeur des services de greffe du tribunal de grande instance de Meaux a, par un certificat de reconnaissance transfrontalière du 17 octobre 2018 (RG n° 18/03691), déclaré exécutoire en France la décision du tribunal de Kranj du 9 octobre 2015 n° I pg 583/2012 .

La société Alfyma Industrie a formé appel le 26 novembre 2018.

PRETENTIONS

Par des conclusions notifiées le 13 novembre 2019, la société Alfyma Industrie demande à la cour de :

A titre principal

– constater l’absence de caractère exécutoire du jugement rendu le 9 octobre 2015 pour défaut de signification ;

En conséquence,

– révoquer le certificat de reconnaissance transfrontalière n° 18/03691 délivré le 17 octobre 2018 par le directeur des services du greffe du Tribunal de grande instance de Meaux ;

– débouter la société Contitech Slovenija de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions de ce chef ;

A titre subsidiaire

– constater l’irrégularité du jugement rendu le 9 octobre 2015 pour violation de l’ordre public international ;

En conséquence,

– révoquer le certificat de reconnaissance transfrontalière n° 18/03691 délivré le 17 octobre 2018 par le directeur des services du greffe du tribunal de grande instance de Meaux ;

– débouter la société Contitech Slovenija de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions de ce chef ;

En toute hypothèse

– condamner la société Contitech Slovenija à payer la somme de 10.000 €, sauf à parfaire, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens qui seront recouvrés directement par la SCP FTMS Avocats conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par des conclusions notifiées le 20 novembre 2019, la société Contitech Slovenija demande à la cour de :

– déclarer les prétentions de la société Alfyma Industrie irrecevables et mal fondées;

– débouter cette société de toutes ses fins et prétentions ;

– dire que le certificat de reconnaissance délivré par le directeur des services de greffe du tribunal de grande instance de Meaux du 17 octobre 2018 est valable ;

– confirmer l’ordonnance du directeur des services de greffe du tribunal de grande de Meaux du 17 octobre 2018 ;

En conséquence,

– déclarer exécutoire en France le jugement n° I Pg 583 /2012 du 9 octobre 2015 du tribunal de grande instance de Kranj ;

– condamner la société Alfyma Industrie aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l’article 699 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le ministère public a communiqué son avis le 5 août 2019 par lequel il demande à la cour, à titre principal, de conclure à l’absence de caractère exécutoire du jugement du 9 octobre 2015 pour défaut de signification et, à titre subsidiaire, de constater la violation de l’ordre public international pour défaut de notification.

MOTIFS

Sur la signification du jugement du 9 octobre 2015

Moyens des parties

A titre principal, la société Alfyma Industrie soutient que :

– le jugement du 9 octobre 2015 du tribunal de Kranj lui a été remis le 11 janvier 2016, uniquement en langue slovène ;

– par un courrier électronique et un courrier du 11 janvier 2016, elle a refusé de recevoir la signification du jugement en langue slovène, en retournant au tribunal de Kranj le formulaire type de l’annexe II du règlement n°1393/2007 du 13 novembre 2007 ;

– il ne lui appartient pas de prouver la bonne réception par le tribunal de ce courrier électronique et de ce courrier, dès lors qu’elle apporte la preuve de leur envoi ;

– la société Alfyma Industrie n’a pas été avisée de l’obtention, le 27 janvier 2016, d’un titre exécutoire par la société Contitech Slovenija ;

– puisque le tribunal ne lui a pas adressé la traduction du jugement du 9 octobre 2015, elle a donc réitéré sa demande d’une traduction, par un courrier électronique du 25 mai 2016, auquel était joint le courrier électronique du 11 janvier 2016 ;

– aucune traduction du jugement ne lui a pourtant été adressée ;

– dès lors, il y a lieu de considérer que le jugement du 9 octobre 2015 ne lui a pas été signifié conformément aux dispositions du règlement du 22 décembre 2000 et du règlement du 13 novembre 2007, de sorte qu’il n’est pas exécutoire en France ;

– la décision du directeur des services du greffe du 17 octobre 2018 doit donc être révoquée.

La société Contitech Slovenija répond que :

– le jugement du 9 octobre 2015 est exécutoire ;

– le tribunal de Kranj a notifié le jugement par les services postaux par un courrier reçu le 11 janvier 2016 par la société Alfyma Industrie, le jugement étant accompagné du formulaire type de l’annexe II du règlement, en langues slovène et française ;

– la société Alfyma Industrie a accepté la remise du jugement et ne l’a pas retourné dans le délai d’une semaine prévu par l’article 8.1 du règlement du 13 novembre 2007 ;

– le courrier électronique du 11 janvier 2016 que la société Alfyma Industrie évoque n’a pas été reçu par le tribunal de Kranj, cette société ne prouvant d’ailleurs pas son envoi ou son contenu. Le tribunal a demandé le justificatif d’envoi de ce courrier électronique du 11 mai 2016, sans succès.

Le ministère public indique que la société Alfyma Industrie a expressément notifié son refus de recevoir la notification du jugement du 9 octobre 2015 en l’absence de traduction en français, que le tribunal de Kranj n’a jamais fourni cette traduction et qu’il s’en déduit que le jugement n’a pas été notifié régulièrement.

Réponse de la cour

Le tribunal de Kranj a adressé le jugement du 9 octobre 2015 à la société Alfyma Industrie par un courrier, avec accusé de réception, du 7 janvier 2016, en application de l’article 14 du règlement (CE) n° 1397/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale qui énonce que ‘Tout État membre a la faculté de procéder directement par l’intermédiaire des services postaux, par lettre recommandée avec accusé de réception ou envoi équivalent, à la signification ou à la notification des actes judiciaires aux personnes résidant dans un autre État membre’.

A ce jugement était jointe l’annexe II, en langues française et slovène, du règlement. Cette annexe II indique : ‘Vous pouvez refuser de recevoir l’acte s’il n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction dans une langue que vous comprenez ou dans la langue officielle ou l’une des langues officielles du lieu de signification ou de notification.

Si vous souhaitez exercer ce droit de refus, vous devez soit faire part de votre refus de recevoir l’acte au moment de la signification ou de la notification directement à la personne signifiant ou notifiant l’acte, soit le renvoyer à l’adresse indiquée ci-dessous dans un délai d’une semaine en indiquant si vous refusez de le recevoir’.

Ce courrier du 7 janvier 2016 a été reçu par la société Alfyma Industrie le 11 janvier 2016.

Celle-ci indique s’être prévalue des dispositions de l’article 8 du règlement, applicable en cas de mise en oeuvre de l’article 14 (art. 8 § 4) : ‘ 1. L’entité requise informe le destinataire, au moyen du formulaire type figurant à l’annexe II, qu’il peut refuser de recevoir l’acte à signifier ou à notifier, au moment de la signification ou de la notification ou en retournant l’acte à l’entité requise dans un délai d’une semaine, si celui-ci n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction dans l’une des langues suivantes: a) une langue comprise du destinataire ou b) la langue officielle de l’État membre requis ou, s’il existe plusieurs langues officielles dans cet État membre, la langue officielle ou l’une des langues officielles du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification.

2. Si l’entité requise est informée que le destinataire refuse de recevoir l’acte conformément au paragraphe 1, elle en informe immédiatement l’entité d’origine au moyen de l’attestation prévue à l’article 10 et lui retourne la demande ainsi que les actes dont la traduction est demandée.

3. Si le destinataire a refusé de recevoir l’acte en vertu du paragraphe 1, il est possible de remédier à la situation qui en résulte en signifiant ou en notifiant au destinataire, conformément aux dispositions du présent règlement, l’acte accompagné d’une traduction dans l’une des langues visées au paragraphe 1″.

La société Alfyma Industrie produit ainsi un courrier électronique et un courrier qu’elle dit avoir adressés au tribunal de Kranj le 11 janvier 2016 par lesquels elle indique avoir refusé de recevoir l’acte, en joignant l’annexe II, complétée, du règlement du 13 novembre 2007.

Elle ajoute que par un second courrier électronique du 25 mai 2016, elle a réitéré sa position, faute d’avoir obtenu une réponse du tribunal de Kranj.

Cependant, la cour relève que la société Alfyma Industrie ne produit pas la preuve de l’envoi de ce courrier électronique et de ce courrier et se borne à indiquer qu’ ‘en produisant la copie de ces courriers, Alfyma Industrie a prouvé leur envoi et leur contenu et il ne lui appartient pas de prouver leur bonne réception’ (conclusions p. 12).

Par ailleurs, un courrier du 5 septembre 2016 de Mme [G], juge au tribunal de Kranj, adressé à la société Alfyma Industrie indique, en substance, que la juridiction a uniquement reçu le courrier électronique du 25 mai 2016 et que malgré des recherches effectuées par ses services, il apparaît que le courrier électronique et le courrier du 11 janvier 2016, invoqués par la société, n’ont pas été reçus pa le tribunal.

Enfin, par une décision du 5 décembre 2016, le tribunal de Kranj a retenu que la société Alfyma Industrie n’a pas prouvé avoir refusé l’acte qui lui a été signifié le 11 janvier 2016 dans un délai d’une semaine suivant cette date et que le refus exprimé par le courrier électronique du 26 mai 2016 était tardif.

Dès lors, la cour retient que la société Alfyma Industrie n’établit pas avoir refusé de recevoir le jugement du tribunal de Kranj du 9 octobre 2015 dans les conditions prévues par le règlement du 13 novembre 2007.

La demande formée à titre principal par cette société est donc rejetée.

Sur la compétence du tribunal de Kranj

Moyens des parties

A titre subsidiaire, la société Alfyma Industrie soutient que le tribunal de Kranj n’était pas compétent en application du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, aux motifs qu’il a fondé sa compétence sur la clause attributive prévue par les conditions générales de vente de la société Veyance Technologies Europe, qui n’ont pourtant pas été acceptées et qui sont en outre illisibles et qu’en réalité, les tribunaux français étaient compétents en application des articles 2 et 5 de ce règlement du 22 décembre 2000. La société Alfyma Industrie en déduit qu’il y a eu violation de l’ordre public international en raison de la violation par le tribunal de Kranj des règles de compétence.

La société Contitech Slovenija répond que le contrôle de la compétence du tribunal de Kranjk est prohibé en application de l’article 35 du règlement du 22 décembre 2000.

Le ministère public indique qu’un tel contrôle de compétence est prohibé.

Réponse de la cour

L’article 35 du règlement du 22 décembre 2000 dispose que sous réserve d’exceptions qui ne sont pas applicables en l’espèce et qui ne sont pas invoquées par la société Alfyma Industrie, ‘il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l’Etat membre d’origine’ et que ‘le critère de l’ordre public visé à l’article 34, point 1, ne peut être appliqué aux règles de compétence’.

Ainsi, la société Alfyma Industrie ne peut pas utilement contester la compétence du tribunal de Kranj ni invoquer, dans ce cadre, une violation de l’ordre public international.

Sur les moyens de preuve admis par le tribunal de Kranj

Moyens des parties

A titre subsidiaire, la société Alfyma Industrie soutient que le jugement du 9 octobre 2015 porte atteinte aux droits de la défense et est dès lors contraire à l’ordre public international en ce qu’il a écarté les éléments de preuve littérale qu’elle a produit pour établir que la signature apposée sur les conditions générales comportant la clause attributive de compétence, précédemment évoquée, n’est pas celle de son représentant légal, et en ce qu’il s’est fondé sur la seule déclaration de la société Contitech Slovenija pour admettre qu’il y a eu acceptation de ces conditions générales.

La société Contitech Slovenija répond que ce moyen tend en réalité à contester la compétence du tribunal de Kranj ou à procéder à une révision prohibée du jugement.

Le ministère public indique que le moyen soutenu par la société Alfyma Industrie vise le contrôle de la compétence du tribunal de Kranj.

Réponse de la cour

L’article 36 du règlement du 22 décembre 2000 dispose qu’ ‘en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l’objet d’une révision au fond’.

Le moyen développé par la société Alfyma Industrie tend à contester l’appréciation des éléments du dossier effectuée par le tribunal de Kranj quant à l’acceptation des conditions générales du contrat et, ce faisant, à demander à la cour de réviser au fond le jugement qu’il a prononcé.

Le moyen est donc rejeté.

Sur le principe de la contradiction

Moyens des parties

A titre subsidiaire, la société Alfyma Industrie soutient que :

– le tribunal de Kranj a jugé que ‘la partie défenderesse est celle qui est tenue d’assurer une base appropriée d’arguments sur la question de savoir quand a-t-elle découvert les défauts, concrètement quels défauts ont été découverts et quand les a-t-elle reprochés à la partie demanderesse’ ;

– il s’agit d’un moyen nouveau soulevé d’office par le tribunal ;

– les parties n’ont pourtant pas été invitées à en débattre ;

– il y a donc eu violation du principe de la contradiction. Le jugement du 9 octobre 2015 est ainsi contraire à l’ordre public international.

La société Contitech Slovenija répond que ce moyen tend à une révision au fond du jugement.

Le ministère public indique que le principe du contradictoire a été respecté par le tribunal de Kranj.

Réponse de la cour

L’article 34 du règlement du 22 décembre 2000 dispose qu’une décision n’est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis.

La société Alfyma Industrie fait grief, en substance, au tribunal de Kranj d’avoir soulevé d’office un moyen relatif à la preuve des défauts des marchandises.

Il résulte du jugement du 9 octobre 2015, qui compte onze pages, que le tribunal de Kranj a présenté la procédure et les demandes (§ 1 à 3), les moyens de la société Alfyma Industrie (§ 4), les éléments relatives à la preuve ( § 6), à la compétence (§ 7) et au droit applicable (§ 8 et 9), avant d’envisager la résolution du fond du litige (§ 10 à 12).

Le litige portant précisément sur les défauts des marchandises vendues, le jugement envisage les moyens des parties à ce sujet, ceux développés par la société Alfyma Industrie étant présentés de manière détaillée, ainsi que les éléments de preuve produits aux débats.

Or, contrairement à ce que soutient la société Alfyma Industrie, le jugement n’a pas relevé un moyen d’office mais s’est borné, après avoir rappelé les règles de preuve applicables, à examiner les positions des parties et les preuves produites, dans les limites des débats fixées par les parties elles-mêmes.

La société Alfyma Industrie n’établit donc pas la violation du principe de la contradiction qu’elle allègue.

Son moyen, qui tend en réalité à une révision au fond du jugement, est donc rejeté.

Sur la motivation

Moyens des parties

La société Alfyma Industrie soutient que :

– le tribunal de Kranj ne s’est pas référé à son moyen selon lequel elle n’a pas signé les conditions générales stipulant une clause attributive de compétence aux juridictions slovènes, ce qui constitue une violation de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ;

– ce tribunal a délibérément ignoré les preuves qu’elle a produites pour établir les défauts des marchandises, à savoir un rapport du 31 mars 2010, des photographies montrant la mauvaise qualité des courroies et un rapport de non-conformité dans lequel la société Veyance Technologies Europe reconnait elle-même ces défauts. Le tribunal de Kranj ne s’est pas prononcé sur le moyen tiré de la défectuosité des marchandises et sur le préjudice afférent mais uniquement sur la question de la dénonciation des défauts en temps utile. Il a ainsi failli à son obligation de motiver sa décision, ce qui constitue une violation de l’ordre public international ;

– le tribunal de Kranj s’est focalisé sur les seuls arguments de la société Veyance Technologies Europe, qui n’étaient pourtant pas étayés, en évinçant les preuves de la société Alfyma Industrie et en ne respectant pas le principe de la contradiction, comme cela a été indiqué précédemment.

La société Contitech Slovenija répond que la société Alfyma Industrie cherche en réalité à obtenir une révision au fond du jugement.

Le ministère public indique que le jugement contient l’exposé des prétentions de chaque partie et l’explication du rejet de certains moyens et que le fait d’écarter les arguments d’une partie ne constitue pas une atteinte à l’ordre public international.

Réponse de la cour

Il a été précédemment relevé que le jugement du 9 octobre 2015 comporte, notamment, des motifs relatifs aux moyens de la société Alfyma Industrie (§ 4), à la question de la preuve ( § 6), à la compétence (§ 7) et au fond du litige (§ 10 à 12).

Contrairement à ce que soutient la société Alfyma Industrie, les motifs du jugement présentent ses moyens relatifs à la clause attributive de juridiction (jugement, § 4 et 7) et à la preuve en se référant notamment au rapport du 31 mars 2010 et aux photographies produites (jugement, § 3, 4 et 12) ainsi qu’au caractère défectueux des marchandises (jugement, § 4, 10 et 12).

En réalité, les moyens développés par la société Alfyma Industrie tendant à la révision du jugement du 9 octobre 2015, qui est pourtant prohibée par l’article 36, précité, du règlement du 22 décembre 2000.

Sur la signification du jugement du 9 octobre 2015

Moyens des parties

A titre subsidiaire, la société Alfyma Industrie soutient que le jugement du 9 octobre 2015 ne lui a pas été valablement signifié en l’absence de traduction en langue française fournie par le tribunal de Kranj, en se référant, à ce sujet, expressément à son moyen développé à titre principal relatif à la signification de ce même jugement (conclusions p. 27). Elle en déduit que les droits de la défense n’ont donc pas été respectés et qu’il y a eu en conséquence violation de l’ordre public international.

La société Contitech Slovenija répond que ce moyen n’est pas fondé.

Le ministère public indique qu’il y a eu violation des droits de la défense.

Réponse de la cour

Le moyen de la société Alfyma Industrie est rejeté, dès lors que la cour a précédemment retenu que la société Alfyma Industrie n’établit pas avoir réfusé le jugement du tribunal de Kranj du 9 octobre 2015 dans les conditions prévues par le règlement du 13 novembre 2007.

* *

Au regard de ce qui précède, la cour confirme la décision du directeur des services de greffe du tribunal de grande instance de Meaux qui a, le 17 octobre 2018, déclaré exécutoire en France la décision du tribunal de Kranj du 9 octobre 2015 n° I pg 583/2012.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

La société Alfyma Industrie, qui succombe, est condamnée à payer à la société Contitech Slovenija la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. La demande qu’elle forme au titre de ce même article est quant à elle rejetée.

Sur les dépens

La société Alfyma Industrie, qui succombe, est condamnée aux dépens, dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision RG n° 18/03691 du directeur des services de greffe du tribunal de grande instance de Meaux du 17 octobre 2018 déclarant exécutoire en France la décision du tribunal de Kranj du 9 octobre 2015 n° I pg 583/2012 ;

Condamne la société Alfyma Industrie à payer à la société Contitech Slovenija, nouvelle dénomination de Veyance technologies, la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes formées par les parties ;

Condamne la société Alfyma Industrie aux dépens, dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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