Clause attributive de compétence : 3 mai 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/06099

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Clause attributive de compétence : 3 mai 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/06099
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3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 272

N° RG 21/06099 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SCEK

M. [U] [I] [V] [Y]

S.A.S. OB LAVAU

C/

S.A.S. OB RESEAUX

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me LE COULS-BOUVET

Me VERRANDO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller, rapporteur

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Mars 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [U] [I] [V] [Y]

né le 09 Mars 1967 à [Localité 1]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Rodolphe PERRIER substituant Me Charlotte BELLET de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. OB LAVAU inscrite au RCS DE TROYES sous le N° 803 725 829

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Rodolphe PERRIER substituant Me Charlotte BELLET de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. OB RESEAUX

inscrite au R.C.S.de RENNES sous le N° 489 920 249

Exerçant sous l’enseigne ‘L’ORANGE BLEUE’

prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Marina DESGREES DU LOU substituant Me Sébastien BEAUGENDRE de la SELARL CABINET HUBERT BENSOUSSAN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Camille SUDRON substituant Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

PARTIE INTERVENANTE :

La SCP CROZAT BARAULT MAIGROT es qualités de mandataire liquidateur de la société OB LAVAU désigné en cette qualité par jugement du TC DE TROYES en date du 05/10/2021

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 1]

intervenant volontaire par conclusions du 11 janvier 2022

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Rodolphe PERRIER substituant Me Charlotte BELLET de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

******

FAITS ET PROCÉDURE

Le 21 août 2012, M. [Y], agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de gérant de la société en formation 2GC Loisirs France aux droits de laquelle vient désormais la société OB Lavau, souscrivait auprès de la société Atlas Forme, désormais la société OB Réseaux’:

– un contrat de licence d’exploitation de la marque ‘L’orange Bleue’ pour l’ouverture, à [Localité 1] (Aube), d’une salle de remise en forme à cette enseigne,

– un contrat de licence l’autorisant à dispenser des cours de fitness selon la méthode dite ‘Yako Integrated School’,

– enfin un contrat de licence d’exploitation d’un logiciel dit ‘crippleware/shareware’.

Par jugement du 29 mai 2018, le tribunal de commerce de Troyes plaçait la société OB Lavau en redressement judiciaire.

Par jugement du 2 juillet 2019, le même tribunal arrêtait un plan de redressement par voie de continuation de la société OB Lavau.

Par acte du 1er décembre 2020, M. [Y] ainsi que la société OB Lavau faisaient assigner la société OB Réseaux devant le tribunal de commerce de Rennes, sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle, aux fins de condamnation de celle-ci à les indemniser des préjudices qu’ils avaient subis du fait de leurs difficultés financières.

Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal, faisant droit à l’exception d’incompétence soulevée par la société OB Réseaux’:

– se déclarait incompétent au profit de la juridiction arbitrale’;

– renvoyait les parties à mieux se pourvoir’;

– déboutait la société OB Réseaux de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamnait M. [Y] et la société OB Lavau aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 29 septembre 2021, M. [Y] et la société OB Lavau interjetaient appel de ce jugement.

Par ordonnance du 4 octobre 2021, le président de la présente chambre autorisait les appelants à faire assigner l’intimée à jour fixe en vue de l’audience du 14 décembre 2021.

L’assignation était délivrée par acte du 14 octobre 2021, et ce, par M. [Y] ainsi que par la société OB Lavau «’agissant poursuites et diligences de son représentant légal’».

Or, il s’avérait que la société OB Lavau venait d’être placée en liquidation judiciaire, et ce par jugement du 5 octobre 2021, la SCP Crozat-Barault-Maigrot ayant alors été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société OB Lavau.

Les appelants en informaient la cour par lettre du 13 décembre 2021 et, à l’audience du 14 décembre 2021, sollicitaient un renvoi de l’examen de l’affaire pour permettre la régularisation de la procédure à l’égard du liquidateur judiciaire.

Par mention au dossier, la cour faisait droit à cette demande, ordonnant un renvoi pour plaidoiries à l’audience du 15 mars 2022.

Par conclusions du 11 janvier 2022, la SCP Crozat-Barault-Maigrot ès-qualités intervenait volontairement à l’instance aux côtés de M. [Y].

Par acte du 20 janvier 2022, les appelants, dont la société OB Lavau désormais représentée par par son liquidateur judiciaire, faisaient de nouveau assigner la société OB Réseaux en vue de l’audience du 15 mars 2022.

Par conclusions du 8 mars 2022, la société OB Réseaux saisissait le président de la chambre d’un incident aux fins de constatation de la caducité de l’appel.

Les appelants concluaient sur cet incident par conclusions en date du 11 mars 2022.

Finalement et alors qu’il n’avait pas pu être statué sur cet incident avant l’audience de plaidoirie, les appelants concluaient de nouveau, en date du 14 mars 2022, cette fois devant la cour, tant sur la caducité alléguée que sur le fond.

La société OB Réseaux faisait de même, par d’ultimes conclusions du 8 mars 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SCP Crozat-Barault-Maigrot ès-qualités et M. [Y] demandent à la cour de :

Vu les articles 1101, 1103, 1104, 1165, 1194, 1231-1, 1231-2 du code civil,

Vu l’article 78 du code de procédure civile,

Vu l’article 1448 du code de procédure civile,

Vu les articles 369, 3 73, 920 et 922 du code de procédure civile,

Vu l’article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme,

Sur l’incident de procédure :

– rejeter la demande de la société OB Réseaux tendant à faire déclarer l’appel caduc’;

Sur la compétence :

– infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’exception d’incompétence soulevée par la société OB Réseaux, en ce qu’il a déclaré le tribunal de commerce de Rennes incompétent au profit de la juridiction arbitrale, en ce qu’il a dit que cette dernière était exclusivement compétente, enfin en ce qu’il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir’;

Statuant à nouveau de ces chefs critiqués,

– juger que la clause compromissoire n’est pas opposable à M. [Y], tiers aux contrats’;

– juger que la clause compromissoire n’est pas applicable au présent litige’;

– juger que la clause compromissoire est manifestement nulle’;

– juger que la clause compromissoire est manifestement inapplicable au présent litige’;

En conséquence,

– rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la société OB Réseaux’;

– déclarer le juge étatique compétent pour connaître du litige opposant M. [Y] et la société

OB Lavau, représentée par son liquidateur judiciaire, à la société OB Réseaux’;

– dire et juger que le tribunal de commerce de Rennes est compétent pour connaître du présent litige’;

– renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Rennes pour conclure sur le fond du litige selon le calendrier qu’il fixera’;

– condamner la société OB Réseaux, outre aux entiers dépens, à verser à M. [Y] une somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au contraire, la société OB Réseaux demande à la cour de :

Vu les articles 16, 75 à 82, 83 à 89, 369, 568, 920, 922 et 1448 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103, 1104, 1170 et 2061 du code civil,

Vu les articles L 649-1 et L 721-3.3°du code de commerce,

Sous réserve de l’incident introduit en parallèle devant le président de la chambre,

A titre principal et in limine litis,

– prononcer la caducité de l’appel ;

A titre subsidiaire et si, par impossible, la caducité de l’appel n’était pas prononcée,

– confirmer le jugement en ce que le tribunal de commerce de Rennes s’est déclaré incompétent au profit de la juridiction arbitrale et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

– subsidiairement, renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Rennes par application de l’article 86 alinéa 2 du code de procédure civile afin qu’il statue au fond ;

– plus subsidiairement, si la cour estimait devoir infirmer le jugement attaqué et évoquer l’affaire en application de l’article 88 du code de procédure civile, mettre les parties en mesure de conclure au fond conformément aux articles 16 et 568 du code de procédure civile ;

En toutes hypothèses,

– condamner la SCP Crozat-Barault-Maigrot ès qualités aux entiers dépens et à payer à la société OB Réseaux la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur le moyen tiré de la caducité de l’appel’:

L’article 83 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa’:

«’Lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.’»

L’article 84 ajoute’:

«’Le délai d’appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.’»

S’agissant de la procédure d’assignation à jour fixe, elle est régie par les articles 917 et suivants, qui prévoient notamment’:

– article 920′:

«’L’appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé.

Copies de la requête, de l’ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d’appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d’appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l’article 919, sont joints à l’assignation.

L’assignation informe l’intimé que, faute de constituer avocat avant la date de l’audience, il sera réputé s’en tenir à ses moyens de première instance.

L’assignation indique à l’intimé qu’il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et lui fait sommation de communiquer avant la date de l’audience les nouvelles pièces dont il entend faire état.’»

– article 922′:

«’La cour est saisie par la remise d’une copie de l’assignation au greffe.

Cette remise doit être faite avant la date fixée pour l’audience, faute de quoi la déclaration sera caduque.

La caducité est constatée d’office par ordonnance du président de la chambre à laquelle l’affaire est distribuée.’»

Il résulte de ce qui précède que la caducité de l’appel est encourue si l’assignation à jour fixe n’a pas été délivrée – et si elle ne l’a pas été régulièrement – dans le délai imparti par l’ordonnance d’autorisation.

Or, il est constant, par application de l’article L 641-9 du code de commerce, que «’le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée’», et que «’les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.’»

C’est donc bien au liquidateur judiciaire, et à lui seul à compter de sa désignation, qu’il incombe de représenter en justice la société en liquidation, comme étant seul investi de la défense des intérêts de la liquidation.

Il en résulte que c’était bien à la SCP Crozat-Barault-Maigrot qu’il appartenait de délivrer l’assignation à jour fixe, puisqu’elle a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société OB Lavau par jugement d’ouverture en date du 5 octobre 2021.

L’assignation ainsi délivrée le 14 octobre 2021 par la société Lavau «’agissant poursuites et diligences de son représentant légal’», c’est-à-dire de son président, était donc irrégulière, puisque le dirigeant avait alors perdu tout pouvoir, voire toute qualité, pour agir au nom de la société en liquidation.

Cependant, qu’il s’agisse d’une nullité pour irrégularité de fond ou d’une fin de non-recevoir, la nullité est couverte, ou l’irrecevabilité écartée, si sa cause a disparu au moment où le juge statue, et ce, par application des articles 121 ou 126 du code de procédure civile.

Tel est le cas en l’espèce, dès lors en effet’:

– qu’alors que l’autorisation d’assigner avait été donnée pour une audience qui devait se tenir le 14 décembre 2021, la cour n’a pas retenu l’affaire à cette date, l’ayant en effet renvoyée à l’audience du 15 mars 2022 pour permettre la régularisation de la procédure à l’égard du liquidateur judiciaire nouvellement désigné’;

– que la cour n’a donc pas statué, au sens des articles 121 et 126 précités, à l’audience du 14 décembre 2021, «’statuer’» ne pouvant pas s’entendre d’une simple mesure d’administration judiciaire consistant à différer l’examen de l’affaire’;

– qu’or, depuis cette date et par voie de conclusions en date du 11 janvier 2022, la SCP Crozat-Barault-Maigrot est intervenue volontairement à l’instance’;

– que de même, la SCP Crozat-Barault-Maigrot, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société OB Lavau aux côtés de M. [Y] lui-même, a elle-même fait assigner la société OB Réseaux pour l’audience du 15 mars 2022, et ce, par un acte délivré le 20 janvier 2022 dont la régularité n’est pas contestée.

Ainsi et à la date à laquelle l’affaire a été évoquée sur le fond, la procédure était-elle régularisée.

Dès lors, la caducité de l’appel n’étant plus encourue à cette date, la société OB Réseaux sera déboutée de sa demande tendant à ce qu’elle soit constatée.

II – Sur la validité de l’exception d’incompétence au profit de la juridiction arbitrale’:

L’article 27 du contrat de licence d’exploitation de la marque «’L’Orange Bleue’» stipule’:

«’Tous les litiges auxquels la présente convention pourrait donner lieu, ou tout différend né entre les parties de son interprétation concernant notamment sa validité, son interprétation, son exécution ou sa résiliation, seront soumis à une procédure d’arbitrage conformément au Règlement de conciliation et d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale, dans le cas contraire sera, à défaut de solution amiable soumis par la partie la plus diligente, au tribunal de grande instance ou de commerce de Rennes, selon la nature du différend.’»

L’article 16 du contrat de licence d’exploitation du logiciel dit ‘crippleware/shareware’ contient une clause rédigée en des termes strictement identiques.

Enfin, l’article 20 du contrat de licence d’exploitation de la méthode dite ‘Yako Integrated School’ est rédigée comme suit’:

«’Différends – Médiation – Clause attributive de compétence – Contenu du contrat. Droit applicable – Attribution de juridiction’:

20.1 – En cas de différend, préalablement, les parties s’engagent à tenter une procédure de médiation, en ayant recours à une solution de transaction amiable en vertu de l’article 2044 du code civil.

20.2 – Tous les litiges auxquels la présente convention pourrait donner lieu, ou tout différend né entre les parties de son interprétation concernant notamment sa validité, son interprétation, son exécution ou sa résiliation seront soumis à une procédure d’arbitrage conformément au Règlement de conciliation et d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale. Elles s’engagent dans les sept jours de la nomination du médiateur à adresser à celui-ci tous les documents et pièces utiles à son travail en en adressant copie à la partie adverse.

Dans le cas contraire sera, à défaut de solution amiable, soumis par la partie la plus diligente, au tribunal de grande instance ou de commerce de Rennes, selon la nature du différend.’»

A – Sur le moyen tiré d’une absence de clause instaurant un recours obligatoire à l’arbitrage’:

Pour réclamer la compétence de la juridiction étatique, M. [Y] et la SCP Crozat-Barault-Maigrot ès-qualités font d’abord valoir que les trois clauses précitées n’instaurent pas une obligation de recourir à l’arbitrage en cas de litige entre les parties, les appelants constatant en effet que ces clauses mélangent arbitrage, négociation amiable et médiation.

Les clauses litigieuses envisagent certes plusieurs possibilités, notamment’:

– le recours à la négociation amiable pour parvenir, le cas échéant, à une «’transaction’»,

– le recours à la médiation, également susceptible de conduire les parties à transiger,

– le recours à la procédure d’arbitrage et ce, conformément au Règlement de conciliation et d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale,

– enfin, le recours aux juridictions étatiques, les clauses litigieuses se transformant alors en clauses attributives de compétence au profit des tribunaux de grande instance ou de commerce de Rennes, «’selon la nature du différend’».

L’obligation de recourir à l’arbitrage, au sens de la procédure définie par les articles 1442 et suivants du code de procédure civile, n’en est pas moins expressément prévue, dès lors seulement que toute solution négociée a échoué.

En effet, ce n’est que dans l’hypothèse où il serait impossible de recourir à l’arbitrage – «’dans le cas contraire’» – que les parties sont alors renvoyées à saisir les juridictions étatiques.

Tel serait le cas, notamment, si l’une des parties, nonobstant l’ouverture de la procédure collective de l’autre, prétendait se faire régler une créance antérieure, le principe d’ordre public de l’arrêt des poursuites individuelles interdisant alors la saisine du tribunal arbitral.

Ainsi et au-delà de leur rédaction certes peu littéraire, les trois clauses n’en instaurent pas moins un principe de recours obligatoire à l’arbitrage, dès lors seulement’:

– que le différend n’a pas pu être résolu amiablement, soit par la négociation, soit par la médiation,

– et que la nature du litige demeure légalement compatible avec une solution arbitrale.

B – Sur le moyen tiré de l’inopposabilité des clauses compromissoires à M. [Y]’:

Pour réclamer la compétence des juridictions étatiques, M. [Y] fait valoir que lesdites clauses ne lui sont pas opposables, l’intéressé se qualifiant en effet de «’tiers’» par rapport à des clauses auxquelles il n’aurait pas personnellement adhéré.

Ici encore, ce moyen sera écarté, étant en effet observé’:

– que M. [Y] a signé les trois contrats tant en son nom personnel que pour le compte de la société 2GC Loisirs France «’en formation’»’;

– que les contrats de licence lui ont d’ailleurs été consentis «’à titre strictement personnel’» ainsi qu’il en est fait mention expresse dans chacun des trois actes litigieux.

Par ailleurs, si l’article 2061 du code civil dispose en son deuxième alinéa qu’une clause compromissoire ne peut pas être opposée à une partie qui ne l’a pas contractée dans le cadre de son activité professionnelle, pour autant M. [Y] ne peut pas se prévaloir de cette inopposabilité dans la mesure où c’est bien pour ouvrir une salle de remise en forme à l’enseigne «’L’Orange Bleue’», c’est-à-dire dans l’exercice de son activité professionnelle de gérant de la société d’exploitation de cette salle, que M. [Y] a souscrit ces contrats et adhéré aux clauses compromissoires qui y étaient insérées.

C – Sur le moyen tiré du caractère «’manifestement inapplicable’» des clauses compromissoires au litige’:

Aux termes de l’article 1448 du code de procédure civile, «’lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant la juridiction de l’État, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable’».

Se prévalant de ces dispositions, les appelants font valoir qu’en s’abstenant de viser tous les conflits liés à la conclusion, la négociation, la validité, l’exécution ou la cessation des contrats, mais seulement les litiges auxquels les conventions pourraient donner lieu, les clauses compromissoires n’ont pas envisagé les litiges relatifs à la conclusion ou à la validité des contrats (sic).

Au contraire, la cour constate que par la très grande généralité des termes employés («’tous les litiges auxquels la présente convention pourrait donner lieu, ou tout différend né entre les parties de son interprétation concernant notamment sa validité, son interprétation, son exécution ou sa résiliation’»), les parties ont entendu soumettre à la procédure d’arbitrage l’ensemble des litiges en rapport avec les conventions qu’elles ont conclues entre elles, et ce, dans la seule limite de ce que l’ordre public pourrait permettre ou interdire.

En toute hypothèse et par application du principe compétence-compétence, dès lors, comme en l’espèce, que les clauses litigieuses ne sont pas manifestement inapplicables au différend qui oppose les parties, lequel porte en effet sur la responsabilité civile que la société OB Lavau et M. [Y] prétendent imputer à la société OB Réseaux dans l’exécution de ses obligations nées des trois conventions souscrites le 21 août 2012, c’est au tribunal arbitral qu’il incombe de statuer par priorité sur sa propre compétence.

Le moyen sera donc écarté.

D – Sur le moyen tiré de la nullité manifeste des clauses compromissoires litigieuses’:

Pour se prévaloir de la nullité de ces clauses, les appelants font valoir qu’elles portent atteinte au droit d’accéder à un tribunal et de bénéficier d’un procès équitable, ce droit, garanti par l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, devant s’entendre d’un droit effectif et concret, alors que tel ne serait pas le cas en l’espèce eu égard au coût prévisible de la procédure d’arbitrage, que la société OB Lavau comme M. [Y] seraient bien incapables de supporter pour pouvoir seulement accéder au tribunal arbitral.

Les appelants dénoncent encore des clauses qui, selon eux, ont pour effet d’instaurer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en ce qu’elles ont pour effet de les exposer – la société OB Lavau et M. [Y] – au risque de devoir exécuter une partie de leurs propres obligations essentielles, en l’occurrence financières, sans disposer d’un moyen rapide et efficace tendant à contester les prestations dues par l’autre partie.

Ils dénoncent ainsi une rupture d’égalité des armes.

Ils critiquent enfin des clauses qui, au sens de l’article 1170 du code civil, auraient pour effet de vider de leur substance les obligations essentielles mises à la charge de la tête du réseau «’L’Orange Bleue’», celle-ci se trouvant en effet dispensée, du fait de l’impossibilité de mettre en ‘uvre la procédure d’arbitrage eu égard à son coût, d’avoir à en répondre.

En définitive et du fait de la nullité manifeste de ces clauses, ils demandent à la cour de les réputer non écrites.

Aucune de ces critiques n’est pertinente, étant en effet observé’:

– qu’un tribunal arbitral constitue un ‘tribunal’ au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, celui-ci ne s’entendant pas uniquement d’une juridiction étatique;

– qu’en outre, l’obligation de recourir à une procédure arbitrale ne prive pas les parties de la possibilité d’en appeler ensuite aux juridictions de l’Etat, notamment dans le cadre du recours en annulation prévu par les articles 1491 et suivants du code de procédure civile;

– que par ailleurs et par application de l’article 1447 du code de procédure civile, la clause compromissoire présente, par rapport à la convention principale dans laquelle elle s’insère, une autonomie juridique qui exclut, sauf stipulation contraire, qu’elle puisse être affectée par une éventuelle nullité ou inefficacité de cette convention’;

– qu’ainsi, à supposer même que les conventions litigieuses instaurent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ce déséquilibre serait sans effet sur la validité des clauses compromissoires elles-mêmes’;

– qu’au demeurant, les appelants n’expliquent même pas en quoi consisterait ce déséquilibre’;

– que les clauses compromissoires ne renferment en elles-mêmes aucun déséquilibre, puisque le recours à l’arbitrage s’impose autant à la société OB Réseaux qu’à la société OB Lavau ou à M. [Y]’; qu’à cet égard, le principe dit de l’égalité des armes est donc assuré ;

– qu’en outre, ces clauses ne portent aucune atteinte à la substance des obligations essentielles qui incombent à la société OB Réseaux, puisqu’elles se bornent à donner compétence à un tribunal arbitral plutôt qu’à une juridiction étatique pour apprécier si celle-ci les respecte ou non’;

– qu’enfin, la nullité manifeste d’une clause compromissoire, au sens de l’article 1448 du code civil, ne saurait être déduite de l’impossibilité alléguée par les appelants de faire face au coût de la procédure d’arbitrage, étant en effet observé que la validité d’une clause contractuelle, quelle qu’en soit la nature, doit toujours être appréciée au jour où elle est souscrite, et non au regard de circonstances postérieures, en l’occurrence de difficultés financières qui ne sont consécutives qu’à la liquidation judiciaire de la société OB Lavau.

En conséquence, rien ne s’oppose à la saisine du tribunal arbitral aux fins qu’il apprécie lui-même sa compétence pour trancher le litige dont les appelants ont, à tort, saisi d’emblée le tribunal de commerce de Rennes.

11

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a accueilli l’exception d’incompétence et, par application de l’article 81 du code de procédure civile, en ce qu’il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Enfin, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société OB Réseaux de sa demande au titre des frais irrépétibles, de même qu’en ce qu’il a condamné la société OB Lavau et M. [Y] aux dépens de première instance.

Y ajoutant, la cour déboutera la société OB Réseaux de sa demande formée au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

– déboute la société OB Réseaux de sa demande tendant à voir constater la caducité de l’appel’;

– confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

– y ajoutant :

* déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

* déboute la société OB Lavau de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

* condamne la SCP Crozat-Barault-Maigrot, en qualité de liquidateur judiciaire de la société OB Lavau, aux entiers dépens de la procédure d’appel.

Le greffierLe président

 


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